Chapitre 17

Quelques fois, cette lumière au bout du tunnel c'est juste un train.


— Bon sang, tu pourrais au moins faire semblant de me laisser gagner, geignit Viskaya.

Nous sommes dans le gymnase et je viens de l'envoyer au tapis pour la troisième fois. Et mon manque d'oxygène n'est pas lié au tee-shirt moulant que porte Knox qui se bat non loin de nous, mais plutôt aux capacités physiques épatantes de mon amie.

Soit mon niveau a baissé, soit le sien s'est nettement amélioré. Certes, je retiens mes coups, mais elle s'est tout de même révélée être une redoutable combattante. Peut-être que mon relâchement est lié au fait que je n'ai pas dormi de la nuit.

Je ne cesse de ressasser les paroles d'Osh. Jusqu'à aujourd'hui, je n'ai jamais senti l'utilité d'avoir une âme sœur, je ne savais même pas qu'elles existaient. Et maintenant, j'étais face à deux hommes, qui pourraient potentiellement être ma moitié. Osh ou Knox ? J'ai décidé de prendre mes distances avec l'un, comme avec l'autre. J'ai peur de succomber au charme sauvage de Knox, et à la douceur sécurisante d'Osh. De toute façon, je n'ai pas la tête à ça. Je sais que les bêtes de l'Enfer vont revenir, et je ne veux pas être affaiblie par une stupide histoire de cœur.

Quand je tends la main à Viskaya pour l'aider à se relever, le collier offert par Barinthus rebondi contre ma poitrine, sous mon sweat. Le talisman de mes parents est chaud contre ma peau, et le porter me réconforte.

Surtout qu'un événement étrange s'est produit. J'ai remarqué qu'à certains moments, il brille d'une lueur étrange, projetant la lumière de son rubis rouge comme un signal d'alerte tandis qu'il chauffe doucement. Et plus j'avance dans la directement proscrite, plus la chaleur s'intensifie. Je pense que l'amulette détecte les dangers et m'en protège.

Comment est-ce possible, et de quoi est-ce qu'elle me protège ? Pour la deuxième question, j'ai ma petite idée, mais pour la première partie, je reste dans l'ignorance.

Je m'entraîne souvent avec Knox, m'échappant des murs de l'académie pour le rejoindre dans les bois afin qu'il m'initie au combat. Et j'ai compris que le temple en ruine où il me donne des cours, lui sert également de chambre à coucher. J'avais réussi à y jeter un coup d'œil avant qu'il ne me jette dehors, trop furtif pour que je puisse repérer quoi que ce soit de croustillant.

Au début, j'ai eu peur que le Conseil voit mes cours d'auto-défense comme une menace et me punisse. Mais comme ils n'avaient toujours pas réagi après deux semaines d'entraînement, j'en ai conclu qu'ils avaient mieux à faire.

Barinthus lui, m'avait convoquée dans son bureau pour me faire la moral à ce sujet, et j'avais deviné que c'est Osh qui avait vendu la mèche. À mon plus grand soulagement, mon cher Barinthus ne m'a pas interdit de continuer mes entraînements.

Je continue en partie mes cours avec Knox, non pas pour devenir une guerrière, mais parce qu'il m'a redonné espoir. Il m'a dire connaître la solution pour me libérer. Alors chaque jour, je cours le rejoindre pour connaître la délivrance. Mais il n'a toujours pas agi. Il n'a même pas remis le sujet sur le tapis, et quand j'essaye de le faire, il me répond d'une manière évasive. J'espère qu'il ne s'est pas foutu de moi, car je ne lui pardonnerai pas cette humiliation. Et je lui arracherai les yeux pour les lui faire bouffer par les trous de nez.

Avec le Conseil qui rôde, c'est dangereux, et même un peu stupide, je le sais. Mais quand une opportunité que je n'aurais jamais imaginée s'offre à moi, j'ai tendance à oublier la rationalité et à me jeter la tête la première dans le guêpier.

Viskaya s'est relevée en souriant.

— Cette mine confuse, c'est parce que tu penses à ton Appolon ?

Je la fusille du regard.

— Ce n'est pas mon Appolon.

— Mais tu aimerais bien. Moi en tout cas, j'adorerai goûter à ses tablettes de chocolat, dit-elle en suivant mon regard vers la silhouette virile et musclée de Knox.

Elle se tourne vers moi, et m'envoie un regard soudainement sérieux. Je la dévisage, tandis qu'elle se rapproche de moi en se baissant pour que moi seule puisse l'entendre.

— À ton avis, il est corsé comme du chocolat noir ou sucré comme du chocolat blanc ?

Elle me fait saliver. Non pas parce qu'elle parle de Knox, mais de chocolat.

En voyant la bande de peau dévoilée par son tee-shirt, tandis qu'il se penche pour attraper une bouteille d'eau, ma bouche devient soudainement sèche, mon cœur bat plus vite, et j'éprouve un drôle de sentiment en voyant Viskaya le regarder comme s'il était un dessert. Ce sentiment me serre la poitrine.

Pourquoi est-ce que ça me dérange tant que Viskaya le regarde ainsi ? J'enfonce mes ongles dans la paume de mes mains en essayant de calmer les battements de mon coeur.

« À moi ! », crie une partie primitive de ma personne tandis que je regarde Knox.

Je sens des picotements dans mes doigts, tandis qu'une brume m'effleure l'esprit. La chose qui s'est réveillée lorsque Knox m'a touchée quand nous étions sur la terre des mortels, voulait sortir de l'ombre et faire surface.

Non, il ne m'appartient pas, essayais-je de lui faire comprendre.

Le regard de Knox croise le mien, et je continue de le regarder avec la même intensité. Une lueur flambe dans ses yeux et mon ventre se met à bourdonner. La chose sort doucement de l'ombre de mon esprit, curieuse et impatiente de se montrer, mais je la repousse brusquement en fermant les yeux.

« À moi ! » crie-t-elle en se débattant, mais je continue de l'éloigner, la remettant dans sa cage au fond où je l'enferme contre son gré.

Il n'est pas à toi ! conclus-je.

À côté de moi, je sens Viskaya se crisper. Je me tourne vers elle, et elle me regarde avec stupeur.
Mon cœur rate un battement. Est-ce que le combat que j'ai mené contre la chose tapie dans mon esprit ne lui a pas échappé ?

Je n'aurais jamais cru qu'entendre la voix de Madame Vandy pourrait un jour me soulager. Néanmoins, quand elle a crié : « Très bien ! C'est fini pour aujourd'hui ! », j'aurais pu l'embrasser. Non, peut-être pas. Disons lui serrer la main.

J'attrape mes affaires, et quitte le gymnase en sentant le regard de Viskaya et de Knox me brûler le dos.

Je sors en première et décide de me balader dans le couloir pour réfléchir un peu. Qu'est-ce qui m'a pris de réagir comme ça ? Knox n'est en rien ma propriété, il n'y a rien entre nous, nous ne nous sommes même pas embrassés et depuis l'épisode du monde des mortels, il n'a pas essayé une seule fois de me séduire, ou de me faire des avances.

Mais surtout, qu'est cette chose tapie au fond de mon esprit ? Est-ce que je suis en train de devenir folle ?

Tournant dans un couloir d'habitude désertique, je tombe sur Kallista, Keenan et le reste de leur meute.

— Créature, ça fais longtemps qu'on s'est pas vu. Toujours aussi minable ? me lance Kallista en me barrant la route.

Je croise mes bras sur ma poitrine.

— Et toi, toujours aussi pathétique ? crachai-je.

Je la sens se crisper tandis qu'elle avance vers moi.

— Ta grossièreté ne m'avait pas manqué, misérable criminelle.

— Ta face de rat non plus, grognasse.

Ils sont cinq contre moi, mes chances de m'en sortir s'ils me passent à tabac sont minimes, surtout qu'ils ont réussi à m'isoler dans un coin, m'entourant comme des prédateurs autour de leurs proie.

— On t'avait dis de ne pas t'approcher du nouveau, lance Keenan en me fusillant du regard.

— Quel nouveau ? Feignais-je.

— Ne joue pas à la plus maligne.

— Ce n'est pas ma faute si tu n'es qu'un sombre crétin.

Je sais, le provoquer est suicidaire mais j'adore le danger.

Keenan fulmine et s'avance pour me porter un coup, mais Kallista pose une main sur son torse pour l'en empêcher. Dans les moments comme celui-ci, je me demande si le Conseil est témoin de ce qui se passe. Parce que si c'est le cas, je crois que ce qui va suivre, va faire chuter leurs points pour être Confirmés.

— On n'a pas oublié ce qui s'est passé pour Eddine, m'informe Kallista. Sa mort nous hante tous, et il est sans aucun doute mort à cause de tes nouvelles fréquentations. Ton but est de tuer tous les anges ici pour t'assurer d'avoir moins de concurrents en liste pour la Confirmation ?

Je la dévisage, bouche-bée. Puis éclate d'un rire sonore.

— Seigneur, Kallista, dis-je (j'essuie une larme de mon fou-rire avant de continuer), je ne savais pas que c'était possible d'être aussi stupide. Tu as réussi à sortir une connerie plus grosse que celles de Keenan, ce qui est aussi épatant que pitoyable (leurs yeux lancent des éclairs.) Tu crois vraiment que je vous tuerai tous pour aller au Paradis ? Sérieusement ? Tu crois que je serais acceptée avec des meurtres à mon actif ? Bon sang, c'est pas possible d'avoir toute sa tête et de sortir des âneries pareilles.

Soudain, Keenan me plaque contre le mur. Le rouquin, le blond et le brun qui les accompagnent me tiennent respectivement le bras gauche, la jambe droite et la jambe gauche pour m'immobiliser. Tandis que les garçons me plaquent mon corps contre la roche dure, Kallista m'offre un sourire ravit.

— Répète un peu pour voir. Ose m'insulter encore une fois, petite merde.

Elle plante ses longs ongles dans mes joues pour me forcer à la regarder.

— Tu es une conne. L'idiote du village, la débile du coin, l'abrutie de la bande, la bouffonne de service, l'arriérée de l'académie, dis-je en articulant chaque mots.

Sa main s'abat sur ma joue avec violence. Le bruit de la claque résonne dans le couloir silencieux. J'essaye de me débattre pour lui sauter dessus, mais les garçons me tiennent trop fortement. Ils me poussent contre le mur, mon crâne cogne contre le béton. Je grimace de douleur, la colére monte en moi,  je l'assasine du regard.

— Tu devrais soigner ton langage si tu ne veux pas en recevoir une nouvelle. Fais gaffe, ça me démange.

Ma joue me brûle, mon crâne me fait mal. Je dois avoir la marque de sa main sur ma joue, mais peu m'importe, je continue :

— Laisse-moi t'expliquer à quel point je m'en fous, sur une échelle de un à "va te faire foutre".

Nouvelle gifle. Celle-ci est si forte qu'elle fend ma lèvre. Je serre les dents et ravale la douleur.

— Pourquoi est-ce que tu traînes avec l'ange noir ?

— Il n'y a pas qu'un seul ange noir dans cette académie, Kallista, dis-je en la fusillant du regard.

Je sais très bien qui est la personne dont elle parle.

— Ne fais pas l'ignorante. Je parle de Knox. Je vois les regards que vous vous échangez, et je sais que vous vous voyez en dehors de l'Académie.

Je lui lance un regard empli d'arrogance.

— Dis-moi Kallista, serais-tu jalouse ? Tu es triste parce que Knox ne t'accorde pas son temps ?

Ses yeux prennent une teinte rose. bingo ! J'arrive pas à y croire. Kallista, jalouse de ma proximité avec Knox ? Et elle qui menait une campagne haineuse contre tout les anges noirs, la voilà tombée sous le charme du pire d'entre eux.

— Kallista, ne me dit pas que tu en pinces pour lui ? Et moi qui pensais que les anges noirs étaient une abomination à tes yeux...

Ses yeux lancent des éclairs.

— L'abomination ici, c'est toi espèce d'orpheline !

Ouch, elle a réussi à toucher à ma corde sensible. Ma famille. Du moins, mon manque de famille. La rage monte en moi tandis qu'elle m'offre un sourire satisfait, heureuse de m'avoir blessée.

— Ma pauvre et misérable petite orpheline, dit-elle faussement désolée.

S'il y a bien une chose que je ne supporte pas, c'est bien la pitié. Et cette salope le sait très bien.
Je ne peux pas la supporter, je ne supporte pas d'être prisonnière alors je fais la seule chose qui m'est possible de faire : je lui crache en pleine face.

Kallista hurle en reculant, jurant et m'insultant de tout les noms. Je jubile en la regardant s'essuyer le visage.
Elle revient vers moi et m'attrape violemment les cheveux à travers ma capuche.

— Tu as osé souiller ma personne sacrée ?

Sacrée ? Sérieusement ?

Elle donne un signal aux quatre garçons qui me relâchent. Quand Keenan essaye de me frapper, je lui donne un violent coup dans l'aine et il s'écroule en jurant. Le rouquin s'approche moi, la main levée et j'esquive son coup avant d'abattre mon poing sur son nez qui craque sous les jointures de mes doigts. Il hurle en pissant le sang de son nez cassé, mais je n'ai pas le temps de faire un geste de plus les autres me plaquent contre le sol, un bruit sourd se fait entendre une douleur lancinante me foudroie l'épaule droite. Ils me l'ont sans aucun doute déboîtée.

Je m'effondre au sol, en position fœtus, sur mon épaule meurtrie. Je ne peux pas m'empêcher de hurler de douleur, ni empêcher les larmes de cascader sur mes joues lorsqu'ils s'acharnent sur mon épaule déboîtée. La chose tapie en moi griffe les murs de sa cage, prend son élan et cogne contre les parois pour m'obliger à la libérer, à laisser sa folie meurtrière émerger, mais je la retiens.

Pas maintenant, la suppliais-je. S'il-te-plait attends encore un peu.

Kallista et son troupeau se lassent de me tabasser, et la chose accepte de se calmer. Je reste encore quelques minutes sur le sol, incapable de faire le moindre geste avant de me relever en titubant, appuyant mon bras valide contre le mur pour m'aider à avancer.

Ma tête tourne, j'ai peur d'être sur le point de perdre connaissance. Chaque respiration me fait mal, j'ai l'impression d'inspirer du papier de verre. Je sens le regard des élèves sur moi, mais je continue d'avancer en boitant comme une éclopée.

Arrivée devant le bureau de Barinthus, j'ouvre sans toquer et m'écroule sur les genoux.

— J'ai besoin... d'aide.

Barinthus saute de son bureau pour m'aider à me relever. Lorsqu'il me porte dans ses bras avant de me poser sur le fauteuil, je gémis de douleur. Ce n'est pas la première fois que je suis victime d'une agression, mais c'était de loin la plus violente d'entre toutes.

— Je pense que... que je me suis pété l'épaule, grinçais-je.

L'inquiétude se lit sur son visage tandis qu'il attrape des ciseaux avant de découper mon sweat pour me laisser en brassière. J'ose lâcher un regard vers mon épaule meurtri, l'os est visiblement déplacé sous ma peau et je manque de tourner de l'œil.

— Je vais devoir le replacer, m'informa Barinthus.

Soudain, la porte s'ouvre brusquement. Osh entre, la main sur son arme, et quand ses yeux se posent sur moi, je reste abasourdie par la fureur et l'inquiétude qui s'agitent dans ses pupilles.

— Qui t'a fait ça ? Il me demande d'une voix sourde.

Barinthus le foudroie du regard.

— Ce n'est pas le moment. Ferme la porte.

Osh obéit et ferme la porte d'un mouvement brusque. C'est la première fois que je le vois dans un état pareil. Il s'agenouille à mon chevet et aide Barinthus à me redresser. Je gémis de douleur, en les suppliant de faire doucement.

Barinthus s'assoit derrière moi avant de m'entourer de ses bras. Je pose la tête contre son torse, me préparant à la douleur qui allait suivre.

— Ça va faire mal, serre les dents ma puce, me chuchote-t-il.

J'hoche la tête, les larmes aux yeux tandis qu'Osh m'offre sa main que je serre. Barinthus attrape mon autre main, et les larmes commencent à couler sur mes joues tandis qu'il tire lentement mon bras vers l'extérieur. Je pleure, hurle, jure et broie la main d'Osh face à l'intensité de la douleur.  Et même quand un bruit sourd se fait entendre, signe que Barinthus a remit mon épaule en place, je continue à sangloter dans les bras de mes deux hommes qui me réconfortent avant de sombrer dans l'inconscient.

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