Chapitre 16
L'espoir est toujours synonyme de souffrance.
Knox a décidé que je devais apprendre à me battre. Si une des sept bêtes m'attaque de nouveau, je ne pourrais rien faire pour la combattre. Le fait que Knox soit arrivé avant que je ne finisse en chair à saucisse était un coup de chance, alors maintenant que le danger rôde, mieux vaut que je fasse de mon corps une arme.
Nous étions dans les bois, après les cours de langue. Nous devons apprendre tous les dialectes des humains, ou du moins, les plus courants. En tant qu'ange, nous devons être capable de comprendre les discussions des mortels, mais surtout pour ceux qui souhaitent devenir des Gardiens. À défaut de pouvoir voler, j'étais plutôt bonne en langue, j'avais même des facilités !
Knox escalade, puis longe une arête rocheuse menant sur les hauteurs de la forêt encore voilée de brume. Je prend à peine le temps de regarder en contrebas les collines et les plaines verdoyantes. Il garde le silence jusqu'à ce que nous ayons rejoint ce qui ressemble aux ruines d'un temple.
Ce n'est plus que des dalles de pierre et des colonnes aux sculptures érodées par le vent et la pluie. À ma gauche s'étend l'Academie, paisible au milieu de ses collines et de ses plaines.
C'est la première fois que je viens ici, je ne savais pas que ce genre d'endroit existait.
Knox s'avance au milieu des pierres fissurées dans le vent humide et chaud qui fait voleter ses cheveux sombres. Il a enfilé une chemise ample blanche et un pantalon en toile de la même couleur. Son visage est un masque de brutalité.
J'affiche un sourire empreint d'un zèle studieux.
— Commence par des pompes, dit-il en désignant le sol. Vas-y.
Je m'installe par terre, bras et jambes tendus et commence à soulever mon corps. Ce mouvement ne me demande quasiment aucun effort ; même si je n'aurais pas été capable de faire des pompes indéfiniment, mon torse semble plutôt fort. Je sens mes muscles se tendre et plier et je savoure la sensation du sang qui coure plus vite dans mes veines. Je vois des pieds se rapprocher puis me tourner autour.
— Retire-moi ce sweat, il n'y a personne dans les environs et ça ralentit tes mouvements.
J'obéis, me retrouvant en débardeur et pantalon en toile. Knox me fait face, accroupi.
— La première étape, c'est l'évaluation, expliqua Knox au-dessus de moi. Les pouvoirs des anges s'appuient sur le physique : force, vitesse, agilité. Un odorat, une vue et une ouïe améliorés, également, mais ces derniers ont parfois besoin de mûrir avant d'être actifs. Et le plus important, la capacité de guérir de tes blessures, ce qui t'assure que ton corps reste au sommet de sa forme.
Alors que je me soulève et m'abaisse en cadence, Knox, devant moi, m'immobilise au beau milieu d'une pompe en posant un doigt au-dessous de mon menton. Son regard plongé dans le mien.
— Ça fait 121 pompes. Tu t'entraînes souvent ?
Je lui envoie un regard emplit d'arrogance.
— Osh m'a donné quelques cours l'année dernière.
Quand la cérémonie de Confirmation était proche, je n'avais aucun espoir de réussir l'examen. J'avais demandé à Osh de me donner des cours de combat pour m'aider à survivre dans le monde des humains lorsque j'aurais été déchue. Mes yeux se voilent à l'idée d'avoir échappé à un tel châtiment.
— Tu es plus forte que la moyenne. (Les mains sur les genoux, il se relève.) Et maintenant, des abdos. Allez.
Je pivote pour me mettre en position et commence une série.
Qui fût suivie de fentes, de génuflexions, puis de quelques positions de yoga destinées, d'après Knox, à tester ma souplesse et mon agilité. Tous ces mouvements sont relativement faciles, mon corps s'adaptant à des positions qui auraient dû m'être impossibles, et je n'ai aucun problème à les réaliser. J'apprends les postures du danseur, du guerrier, de la roue et du shirshasana en fournissant autant d'efforts que si je m'étais simplement tenue debout. Mes muscles se contractent pour me maintenir en équilibre, mais la sensation est merveilleuse, comme un étirement langoureux après une longue sieste.
— Je crois qu'on peut d'ores et déjà affirmer que tu as une physique très forte, commente-t-il.
Je suis alors en équilibre sur la tête et je repose les pieds au sol pour me relever. Le vent caresse ma peau nue, je frisonne.
—Ce qui signifie ? demandai-je en resserrant ma queue-de-cheval.
—Ce qui signifie que, si l'on tient uniquement compte de ton évidente force physique, tu te places déjà sur l'échelon le plus élevé. Les anges sont classés selon trois domaines.
Force, Sagesse et Stratégie, expliqua-t-il. Et au sein de ces catégories, il existe des niveaux.
Je fronce les sourcils.
— Donne-moi un point de comparaison. Où se placent les autres humains ?
— En matière de Sagesse et Stratégie, ils sont très faibles, selon les critères des anges. En matière de force physique, cela peut varier de faible à très faible. Beaucoup d'anges sont à peine plus forts que les humains, mais il compense avec le Sagesse. Certains vont acquérir des pouvoirs, mais cela arrive plus tard.
Alors que je me demande comment il peut en savoir autant, et moi aussi peu, il poursuit :
— Tu as déjà le Physique. Tu auras la Sagesse, peut-être. Ces pouvoirs ne sont pas encore connectés, et ne le seront certainement pas avant ta Confirmation. (Knox s'approche et plonge son regard dans le mien, sourcils froncés, comme s'il regardait à travers mes pupilles.) Tu auras quelque chose, dit-il calmement avant que ses yeux se focalisent de nouveau et qu'il recule. Et ces pouvoirs te permettront de monter dans la hiérarchie. Tu seras très forte, Rhyne. Un jour, tu siégeras au Conseil.
— Tu es sérieux ?
Il hausse les épaules d'un air désinvolte, comme si la possibilité que je sois un jour un des anges les plus puissants au monde n'était pas grand chose.
—Ça dépend de toi, bien sûr. Tu pourrais rester un sbire du Haut Conseil.
— Toi, tu sais comment motiver une fille.
Il m'offre un sourire en coin.
—Pause de cinq minutes. Puis nous commencerons à travailler les attaques. Tu peux boire à la fontaine.
Les cinq minutes passent trop vite. Après avoir bu et m'être étirée, je rejoins de nouveaux mon maître de combat.
On travaille encore deux heures. Knox me positionne à côté de lui et commence à m'apprendre comment me déplacer, me protéger. On passe – enfin, je passe– la première heure à apprendre à tomber.
Je ne plaisante pas.
Prévoyant que je risquais de me blesser, soit en me faisant jeter à terre par un adversaire, soit en effectuant un saut maladroit, Knox m'enseigne comment ne pas me blesser en touchant le sol : comment rouler, équilibrer mon poids, me servir de l'élan de la chute pour enchaîner un nouveau déplacement. Au cours de la deuxième heure, on travaille les bases : coups de pied, coups de poing, blocages, attaques à mains nues. Ces mouvements sont comme des briques qui, enchaînées, finissent par construire des katas, ces combinaisons qui sont la base de la technique du corps-à-corps angéliques. Les figures trouvent leurs origines dans différents arts martiaux asiatiques m'informe-t-il – judo, iaido, kendo et kenjutsu –.
Knox m'explique que les attaques ont évoluées vers une forme particulière de combat parce que, comme il le disait, les anges ont une relation particulière avec la gravité. Ils peuvent sauter et rester en l'air plus longtemps. Aussi les mouvements sont plus compliqués que les katas pratiqués par les humains. Le côté tape-à-l'œil est vivement encouragé.
J'étais en sueur et haletante lorsque les mots magiques sortirent enfin de sa jolie bouche :
— Tu peux aller boire.
Sans attendre, je me rue à la fontaine avec l'impression soudaine de mourir de soif. Une fois revigorée, je passe de l'eau sur mon visage et sur ma nuque pour refroidir mon corps en ébullition. Soudain, je sens un doigt se balader le long de ma cicatrice. Celle où devait être mon aile gauche avant qu'elle ne soit arrachée.
Je reste figée, laissant Knox parcourir mes omoplates en tapotant à certains endroits comme s'il était à la recherche de quelque chose. J'étais contente de ne pas avoir succombé à son charme pendant l'entraînement, je respire donc calmement afin de ralentir les battements de mon cœur.
— Pourquoi ? Il murmure tout près de mon oreille.
Je déglutis. Je sais très bien à quoi il fait référence.
— Parce que je suis une hybride, je te l'ai déjà dis.
Je me tourne vers lui, en croisant les bras sur ma poitrine et plonge mes yeux dans les siens. Il me fouille de regard, comme si la réponse à sa question se trouve entre mes pupilles.
— Ça n'explique pas pourquoi. Tu étais une gosse quand ils t'ont arraché tes ailes. Il auraient pu te mettre sous leur protection et t'éduquer de façon à ce que tu sois une ange digne de ce nom.
J'hausse les épaules. Je me suis souvent posée cette question, mais ça ne m'amène à rien. Ça ne fais que mettre du sel sur la plaie.
— Ils t'ont fait autre chose ?
— Ils m'ont mis des pu...
Une douleur fulgurante me foudroie le crâne. Je me plie sur le sol en gémissant de douleur. C'est comme si des milliers de pierres en ébullition se bousculaient dans mon crâne. J'hurle.
Knox pose sa main sur moi, mais je le repousse. Je ne veux pas qu'il me voit ainsi, je ne veux pas qu'il soit témoin de ma faiblesse.
Je me suis demandée quand est-ce que j'allais de nouveau être victime de leurs tortures. Après toutes les règles que j'avais enfreint ces derniers jours, c'est pour avoir voulu informer Knox que j'ai des puces que j'ai été punie ?
La douleur disparaît assis vite qu'elle était venue, me laissant haletante, à bout de souffle. J'essuie mes larmes d'un revers de la main et me relève. Knox plonge son regard dans le mien avant de poser sa main sur mon avant bras qu'il retourne. Il pose ses doigts sur ma puces, la tâte, la juge. Ses yeux flamboie d'une lueur déterminée, si ferme que je recule jusqu'à ce que mes fesses butent contre la fontaine.
— Je sais comment faire. Je sais comment te libérer.
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