6. Les papiers
Le monde avait tout de même bien changé, depuis 2030. Les murs décolorés avaient fait place à un jaune doux, reposant. D'ordinaire, la couleur l'apaisait. C'était une teinte chaude, emplie d'une gentillesse béate. Cela lui rappelait les rares couchers de soleil sur le smog, de ceux qui offraient espoir et réconfort.
Sa perception des choses avait bien changé, depuis le Simulacre.
L'année 2030 n'était peut-être pas rutilante, mais elle avait eut le mérite d'être honnête. Les temps étaient sombres, mais les humains avaient encore de l'espoir. Les gens pouvaient manifester dans les rues. La crasse ne se recouvrait pas de peinture dorée.
Ses poings se serrèrent afin de mieux contrôler les tremblements de sa main. Elle ne pouvait pas se laisser submerger par les souvenirs, pas maintenant, pas quinze minutes avant la conférence. Elle avait eu suffisamment de difficultés à persuader la médecin de la laisser partir un peu avant. Elle n'avait pas le droit de tout gâcher.
La chambre d'Isaak était juste devant elle, elle n'avait qu'à toquer. C'était tout ce qu'elle souhaitait : fuir ces couleurs qui l'agressaient, se réfugier dans une atmosphère déjà connue d'avance pour souffler un peu.
Mais face à la porte, elle hésitait.
Isaak était son dernier espoir. Que ferait-elle, si lui aussi avait changé ? Où plutôt, s'il n'avait pas changé ? Isaak était sa dernière certitude. Ne pas toquer, rester avec ses démons, cela signifiait qu'il restait encore une chance de retour à la normale. Tandis que s'ils ne s'entendaient plus... plus rien ne la raccrocherait à la réalité.
Son souffle s'accéléra, ses yeux papillonnèrent.
Inspiration, expiration.
Si elle n'y allait pas maintenant, elle risquait de faire un malaise.
— Isaak, ouvre.
— Je descends dans cinq minutes !
— C'est Solveig.
Un bruit de chute retentit, suivi d'un juron, puis la porte s'ouvrit d'un coup sec.
— Solveig ! Tu fais quoi ici ?
— Il faut qu'on parle.
— C'est vachement ambigu comme déclaration, ça.
Solveig fronça les sourcils. Isaak resta sérieux une demie seconde, puis un sourire amusé remplaça ses paroles.
Tout n'avait pas entièrement changé, finalement. Isaak continuait à la faire tourner en bourrique, et elle, à foncer en plein dans ses blagues.
— Haha, très drôle.
— T'es au courant que la conférence est dans dix minutes, quand même ?
— Justement... c'est à propos de ça que je voulais te parler.
Isaak dû capter la détresse dans son regard, puisqu'il ne répliqua rien et se décala, afin de la laisser entrer.
La première chose qu'elle vit, ce furent les papiers.
Ils étaient là par dizaines. Il y avait de tout. Des petits, des grands, des rouges, des bleus, des petites notes et des grandes feuilles perdues. Ils formaient des arabesques virevoltantes, des pensées éparpillées, comme perdues dans le vent. C'étaient des prénoms, des encouragements, des dialogues, des gribouillis de visages et des points d'interrogations qui envahissaient l'espace, se l'appropriaient. Ces gens semblaient appartenir à une autre dimension, oubliée depuis longtemps.
Solveig entra timidement dans cette chambre totalement nouvelle. C'était certain, maintenant : Isaak avait changé, lui aussi. Mais à quel prix ? Les visages qui ornaient ses papiers semblaient emprunts d'une réalité différente, distordue, comme plongée dans le chaos et la mort.
Elle soupira et s'assit sur la chaise de bureau, face à la grande baie vitrée.
— Tout va bien ? demanda doucement Isaak.
Il n'avait jamais paru aussi doux, comme s'il avait peur de la brusquer. Solveig ne put se résoudre à affronter son regard et fixa ses ongles, les mains fébriles.
Elle se détestait, pour cette image de faiblesse qu'elle renvoyait. Elle avait l'impression d'être un petit animal chétif, un objet à protéger coûte que coûte, quelque chose que l'on aide en échange d'un peu d'amour et d'attention. Elle avait toujours haït cette sensation.
Elle inspira.
— Je ne suis pas encore morte, c'est déjà ça.
— C'est pas une réponse, ça.
Solveig soupira. La chambre d'Isaak était belle, bien mieux située que la sienne. D'ici, les habitations de la ville étaient réduites au simple rang de lumières dérisoires. Le coucher de soleil se reflétait sur tous les bâtiments gris, rendant la scène surréaliste. On aurait presque dit un film.
Un film... ou un Simulacre.
Un frisson parcourut son échine.
— Pour tout dire, je ne suis pas sûre d'être prête à entrer dans un jeu. Je pensais vraiment que je pouvais réussir, mais après le Simulacre, je ne pense plus en être capable. Ou du moins, pas sans devenir folle.
Elle lâcha un soupir et releva la tête, plantant son regard dans celui d'Isaak.
— Tu sais, j'y croyais vraiment, au Simulacre. Je n'ai sûrement pas besoin de te décrire l'effet que ça fait, mais j'en ai souffert. Ce n'était pas le fait d'y être, qui était dur, mais le retour. Et le fait d'avoir laissé tout le monde là-bas.
Lys, Aricie, Jude... Samalta. Se souvenaient-ils d'elle ? Avaient-ils seulement été réels ? Leurs présences étaient encore bien trop vives dans son esprit, et y repenser lui donnait l'impression qu'on lui broyait le cœur.
Face à elle, Isaak ne répondait rien. Ses yeux couleurs d'eau avaient prit la teinte de l'orage, et ses doigts tremblaient, eux aussi. Solveig prit tout à coup conscience qu'elle n'avait aucune idée de ce qu'il avait vécu dans sa propre projection.
Elle s'apprêtait à lui demander, mais Isaak devait s'être dit la même chose puisqu'il prit la parole une demie-seconde plus tôt.
— Ton Simulacre, c'était dans un endroit particulier ?
— En 2030. Entre le réchauffement climatique, les catastrophes qui s'enchaînaient et la montée des extrêmes dans le monde entier, j'étais servie. C'était quelques semaines avant que le gouvernement ne s'impose. Toi ?
Solveig s'aperçut tout à coup que, depuis qu'ils étaient entrés, Isaak n'avait pas jeté un seul coup d'œil aux notes ornant ses murs. Il semblait les éviter sciemment, comme terrifié par ce qu'il pourrait y découvrir. N'était-ce pas lui qui les avait dessinés, pourtant ? Que craignait-il autant ?
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coucou, j'espère que vous allez bien ! bonne chance à ceux qui ont repris les cours et à ceux qui travaillent, on est absolument pas ensemble mdr
désolée du retard, j'ai encore pas d'excuse mais j'espère que vous avez aimé quand même haha
sinon si ça vous intéresse je sors une nouvelle histoire à 20h nommée LUCIOLE (je vais sûrement l'abandonner dans 3 jours mais pas grave), dont le résumé est :
Luciole. Un nom, un groupe, une résistance.
Une manière de vivre.
Une fille.
Des regrets.
Une histoire.
sinon je vous mets "Heureux qui comme Ulysse" de Ridan parce que cette chanson est cool
(j'ai l'impression de faire comme les auteurs de manga qui racontent des anecdotes souvent pas ouf sur la troisième de couverture hahah)
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