2. Aricie
Samalta soupira, mais un sourire démentais son air blasé.
— Est-ce que ça m'étonne ? Attends, je vais l'appeler.
Solveig acquiesça tandis que Samalta sortait son téléphone. Un portable, c'était si vieux ! Pourquoi n'avait-elle pas des cassettes, tant qu'elle y était ? Plus que la technologie, c'était celle qui l'utilisait qui impressionnait Solveig. Quand elle était petite, elle avait reçu de sa grand-mère un ancien téléphone, qui avait sûrement appartenu à sa grand-mère avant elle. Rien n'était intuitif, dedans. Elle n'avait jamais réussi à l'utiliser correctement, et l'avait rendu après quelques jours de frustration.
Il faut dire, les holopads étaient mille fois plus pratiques ! Les téléphones, quand ils retransmettaient l'image, ne parvenaient même pas à lui donner ne serait-ce que des contours pour la faire sortir de l'écran. On était bien loin des hologrammes taille réelle avec qui Solveig avait l'habitude de converser.
— Ouais allo ? On est en bas, avec Solveig (silence). Non, je ne suis pas dans ma chambre, bien vu (rire et silence). Je terminais quelque chose à la fac (silence). Tu vas m'interroger sur tout mon emploi du temps ? (rire et silence). D'acc, à toute !
Samalta rangea son téléphone et ajouta inutilement :
— Elle arrive.
— D'acc.
Il y eut un petit silence. Solveig sentit son corps se tendre. Elle détestait le silence. D'où elle venait, il y avait en permanence le bruit des machines, auquel s'ajoutait souvent des conversations étouffées ou des engueulades franches. Le seul silence qu'elle avait connu c'était celui du Simulacre.
Oui, elle détestait le silence
A ses côtés, Samalta se tordait nerveusement les doigts, comme si elle voulait demander quelque chose mais n'osait pas. Après quelques secondes supplémentaires, elle finit par se lancer.
— Ça va te sembler bête comme question, mais... comment est-ce que tu fais tes tresses ? Elles sont super belles.
Solveig sentit son cœur fondre dans sa poitrine.
— Si tu veux, je te montrerais quand on rentre.
Le visage de Samalta s'illumina.
— Merci, ce serait super sympa.
— Tant qu'on est dans les questions bêtes... te moques pas, hein !
— Ça dépendra de la question.
Solveig soupira face à l'air amusé de Samalta.
— Super rassurant. Tu sais pourquoi il fait nuit aussi tôt ?
— Oui, on est bientôt au solstice d'hiver. Tu sais, le jour le plus court de l'année.
— Ah d'accord, je vois.
Le solquoi ? Solveig n'en avait jamais entendu parler, et encore moins d'un jour qui pouvait être plus court que les autres. Tant pis, elle resterait ignorante. Dans tous les cas, il ne restait que onze jours.
— Salut la street ! On y go ?
Solveig haussa un sourcil, d'abord pour l'entrée fracassante de Jude, ensuite pour les expressions qu'elle employait. Samalta échangea un regard avec Solveig.
— On n'a qu'à dire qu'on ne la connaît pas.
— Dans tous les cas, c'est moi qu'on a invité, donc vous ne pourrez pas rentrer sans moi.
— J'avoue.
Jude lâcha un sourire vainqueur.
— En tout cas, Solveig, je suis super contente que tu viennes !
C'était vrai qu'elle rayonnait, encore plus que d'habitude. Un véritable ange. Pour la deuxième fois en dix minutes, Solveig sentit son cœur fondre à nouveau dans sa poitrine.
— Après que vous m'accueillez chez toi, c'est le minimum.
— Dis pas ça, on est en coloc maintenant ! Et puis, comme t'étais amie avec Aricie, on ne pouvait que bien s'entendre.
La fameuse Aricie... Solveig n'avait aucune idée de qui elle était, mais tout le monde semblait persuadé qu'elle avait été envoyée ici par cette dernière. Elle avait arrêté de démentir cette version après avoir compris qu'elle n'avait nulle part d'autre où aller.
Jude lui sourit.
— Les amies d'Aricie sont mes amies.
— Sauf Elyas, souffla Samalta.
— Ouais, sauf ce gros bâtard.
Solveig fronça les sourcils face à cette vulgarité inattendue. Jude explosa de rire en voyant sa tête.
— C'est le seul mec que je déteste.Je suis sortie avec lui pendant plus d'un an, au lycée. Il a été dans ma classe pendant trois ans, avec Sam et Aricie.
Aricie... encore elle. Qu'importe le sujet de conversation, son prénom parvenait toujours à se frayer un chemin pour embrouiller son esprit.
— Justement, en parlant d'Aricie, vous auriez une idée d'où elle est est ?
Samalta et Jude échangèrent un regard qui en disait long.
— Elle n'a pas déménagé depuis sa naissance, pourquoi ?
— Oh ! Est-ce que vous connaissez son adr...
Samalta s'arrêta brusquement et planta son regard dans le sien.
— Solveig, on est arrivées, et Aricie n'est pas à la soirée.
Elle lui saisit soudainement la main, comme pour la préparer à l'importance de ses futures paroles. Solveig sentit la température de son corps augmenter brusquement. Pourquoi Samalta était-elle si particulièrement tactile ?
— Franchement, je te plains. Déjà qu'arriver dans une nouvelle ville pas facile, tu risques vraiment d'être choquée en voyant les gens qui l'occupent. Cet univers, c'est le royaume du mensonge, des trahisons et des déceptions. Il faut que tu fasses attention, d'accord ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top