Épilogue
5 ans plus tard...
Alexandre s'avançait dans la pièce. En face de lui, les grandes baies-vitrées baignaient les lieux dans une lumière réconfortante. Il prit une grande inspiration, dessinant un large sourire sur son visage reposé. À sa gauche, de nombreuses chaises vides étaient tournées en face de lui. Il posa son sac sur la table vide contre le mur, sortant le journal de celui-ci. Il lui restait quelques minutes avant sa réunion, lui laissant le temps de découvrir quelques pages d'actualité. Il n'avait pas l'habitude d'acheter le journal, mais aujourd'hui, l'édition était différente. Il passa quelques pages, se rendant directement aux dernières où une photo interpela son attention. Il dessina un large sourire. Imany apparaissait plus heureuse que jamais, entourée de nombreux enfants pétillants.
« Une jeune lyonnaise crée sa classe au Zimbabwe et vient en aide à des dizaines d'enfants » annonçait le grand titre en gras.
Romain avait vu passer l'information sur internet, annonçant au groupe le passage d'Imany dans le journal. Avant sa réunion, le brun était donc passé au bureau de tabac pour acheter un exemplaire papier. Et il ne regrettait pas. Le sourire contagieux d'Imany lui réchauffa le cœur, et ce qu'il put lire de son témoignage était touchant. Elle s'était fait une place dans son pays, fondant une école et dirigeant divers niveaux de classes en donnant à des enfants dans le besoin des cours d'Histoire et de français. Au fur et à mesure qu'il parcourait l'article, Alexandre apprenait beaucoup des cinq années passées. Depuis leur dernier rendez-vous au Gentle Cat, ils ne s'étaient plus parlé. Pas un message, pas une lettre, pas une visite. Leurs chemins avaient tout simplement continué. Le début avait été difficile, mais aujourd'hui, il se considérait comme un homme en paix, et par-dessus tout, comme un homme heureux. Et visiblement, Imany s'épanouissait tout autant que lui.
« Âgée de seulement 27 ans, Imany Moyo fonde l'école Duval à 23 ans, un an après son arrivée au Zimbabwe. Elle y assure de nombreux cours d'Histoire et de français. » lu Alexandre.
Son cœur se mit à battre rapidement, tandis qu'il relisait le nom donné à l'école. Un très bel hommage à ce qu'ils s'étaient mutuellement apportés. Terminant de lire l'article, il referma le journal, le cœur léger. Quelqu'un toqua à la porte. Paul apparut dans l'encadrement de la porte, poussant difficilement son fauteuil.
— Paul ! s'exclama Alexandre joyeusement. Entre.
— Je suis VIP, j'arrive en avance.
Le brun rit, amusé par la blague de son ami. Même à soixante-et-onze ans, Paul gardait la forme et le loupait pas un moment pour faire une blague.
— Tu lis le journal ? s'étonna le vieil homme.
— Il y a un article sur Imany, répondit Alexandre. Ils parlent de l'école qu'elle a fondée au Zimbabwe. Elle l'a appelé l'école Duval.
Paul arqua les sourcils, l'air surpris.
— Oh ! Quelle belle dédicace, dit Paul avec un clin d'œil. Tout comme le club Imany, finalement.
Il s'avançait dans la pièce, s'installant au premier rang. Alexandre attendait patiemment l'arrivée des membres du club Imany pour la première réunion. Après le départ de sa bien-aimée, il avait décidé de monter son propre club. Cinq ans plus tard, il animait sa première réunion dans l'hôpital où il avait vécu les premiers mois de son retour en France. Le club Imany était un moment de paix pour les personnes amputées, où elles se réunissaient et échangeaient sur des thématiques importantes pour l'acceptation de soi, pour la reconstruction après un événement aussi traumatique qu'une amputation.
— Entrez ! dit Alexandre aux quelques personnes qui se penchaient pour regarder dans la pièce.
La salle commençait à se remplir. Au loin, Romain entra aux côtés de sa petite-amie, Emma. Alexandre leur adressa un signe de main. L'adolescent, lors de son année de terminale, avait fini par avouer ses sentiments et son attirance à la jeune fille, et depuis, ils ne s'étaient jamais quittés.
— Bonjour à tous, commença-t-il. Bienvenue au club Imany.
La dizaine de personnes en face de lui afficha des sourires sur leurs visages, hochant la tête.
— Le club Imany, en quelques mots, c'est un lieu d'entraide, un moment de paix, et un atelier de reconstruction. Il y a six ans, j'étais caporal de l'armée de terre française, en mission pour l'opération Barkhane, au Mali. J'ai été victime d'une bombe artisanale, accident lors duquel j'ai perdu mes deux jambes et quelques doigts de ma main gauche.
Il marqua une pause tandis que son pouls s'accélérait sous l'adrénaline de sa prise de parole.
— Je sais que la blessure la plus douloureuse, celle qui est la plus difficile à soigner, est la blessure à l'âme. Quoi que vous ayez vécu, vous êtes brisés intérieurement. Mais j'ai fondé ce club pour vous montrer que vous pouvez le faire, et pour vous y aider.
Paul entreprit des applaudissements énergiques, rapidement suivi par tout le club. Alexandre dessina un large sourire.
— Il y a cinq ans, je me trouvais à votre place. Je n'arrivais pas à accepter mon nouveau corps, et les pensées noires me broyaient de l'intérieur.
Il tendit la main en direction de Romain.
— Si je suis en face de vous pour vous en parler et pour vous accompagner dans vos reconstructions, c'est grâce à cet homme, Romain Moreau. Il est à l'origine de l'idée de ce club. Il y a cinq ans, j'ai intégré le club des jeunes amputés, et ma vie a changé à tout jamais.
Cette fois-ci, Alexandre lança la vague d'applaudissements. Emma rayonnait, fixant son petit-ami de son habituel regard amoureux.
— La prise de parole sera au cœur de chacune de nos réunions. Elle permet de nous libérer d'un poids, et je sais à quel point celui que vous portez dans vos cœurs est lourd. Pour cette première séance, j'ai voulu inviter une amie de longue date, pour vous montrer que vous pouvez y arriver.
Une blonde gracieusement vêtue d'une longue robe rose pâle entra dans la salle, s'approchant souriante d'Alexandre. Elle s'installa sur la chaise vide à ses côtés.
— Je vous présente Justine Martin, danseuse étoile de l'Opéra de Lyon.
De nouveaux applaudissements retentirent.
— Bonjour à tous, dit-elle de sa voix douce. Je suis très heureuse d'intervenir pour cette première réunion du club Imany. Comme l'a dit Alexandre, je m'appelle Justine, et je suis danseuse étoile de l'Opéra de Lyon.
Elle redressa sa robe, dévoilant au public attentif sa prothèse.
— Il y a six ans, j'ai été victime d'un accident de voiture dans lequel j'ai perdu ma jambe. Pendant des mois, j'ai alors cru que mon rêve de devenir un jour une grande danseuse s'était évanoui. Mais grâce au club, j'ai pu retrouver l'espoir, et ai quitté Lyon un an pour rejoindre une école de danse parisienne grâce à laquelle j'ai pu intégrer l'Opéra de Lyon.
— Dans chacune des réunions, j'essayerai de faire intervenir une personne qui a vaincu son traumatisme, vaincu ses démons, pour vous donner de l'inspiration et de la force, précisa Alexandre.
Les membres parurent ravis de l'entendre.Pendant une dizaine de minutes, Alexandre et Justine revinrent sur leur expérience avec le club des jeunes amputés, expliquant les raisons de la création de ce club-ci au sein de l'hôpital, et la mission de chacun. Un enfant, assis au premier rang, regardait Alexandre avec un regard si pétillant que le caporal en eut un pincement au cœur. Durant quelques secondes, le regard inerte de la petite malienne se dessina dans son esprit, mais il le chassa bien rapidement ; si il avait été incapable de la sauver elle, il le sauverait lui. Il sourit, écoutant Justine parler de son expérience avec l'amputation, tout en pensant à Imany. Si elle avait été de passage dans sa vie, son tour était venu de panser les blessures, d'embaumer les cœurs puis de repartir.Alexandre serait de passage dans bien des vies, mais cette idée lui allait. Il serait le remède à bien des maux, la réponse à bien des pensées ; là était son chemin à lui.
FIN
-ˋˏ Merci d'avoir lu cet épilogue ! ˎˊ-
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