7. La rencontre
« Parfois, la souffrance est un moyen d'atteindre un moment de plénitude qui balaiera tout. »
Alice Quinn
Les jours défilaient à une allure à peine supportable pour Alexandre. Les heures duraient des années, les minutes paraissaient être des jours longs et douloureux. Deux jours s'étaient écoulés sans qu'il ne sorte, ne voit la lumière du jour, ne mange quoi que ce soit. Son souvenir l'avait replongé plusieurs mois plus tôt, l'entraînant dans un cauchemar profond dont il ne parvenait à se sortir. Il avait tout ressenti, jusqu'à la moindre douleur et la plus profonde émotion. Allongé dans son lit, il ne bougeait pas, fixant le plafond. Depuis combien de temps se trouvait-il là, étendu dans son lit défait encore humide de ses pleurs et de sa sueur ? Jusqu'à quand resterait-il comme ça, totalement inerte, attendant que la mort vienne le chercher ? Il jeta un coup d'œil à son téléphone, cherchant désespérément l'heure et la date du jour.
Jeudi 23 mars, 11h47.
Il soupira, reposant l'appareil sur son fauteuil. Ne pas arriver à contrôler ses émotions le frustrait intensément. En tant que caporal, Alexandre avait appris à ne rien laisser transparaître ; il se devait de toujours se montrer confiant, protecteur et sauveur. Pourtant, le voilà entièrement étalé sur le matelas, se laissant pour mort. Il avait perdu là tout l'héroïsme auquel il prétendait depuis des années. La simple vision de son macabre reflet dans le miroir en face du lit lui fit monter les larmes aux yeux. Sa gorge se nouait, tandis que son cœur se tordit tel un chiffon que l'on essorait. Il grogna légèrement, tentant de contenir toute la haine qu'il éprouvait envers lui.
Reprends-toi...
Il se redressa difficilement, les yeux gonflés par les pleurs. Ses joues étaient d'un rouge vif, ses lèvres gercées menaçaient de craquer au moindre mouvement. Il les mordillait nerveusement, froissant le drap de sa main droite. Ses points se contractèrent, faisant ressortir les veines de ses avant-bras. Il affronta son reflet, se jetant un regard noir. Des cernes profonds s'étaient creusés sur son visage pâle entouré d'une longue chevelure noire mal coiffée. Son cou fin était presque translucide ; depuis le lit, Alexandre parvint à deviner sa carotide tant sa peau n'était plus qu'un voile transparent, qu'une enveloppe fébrile. Son torse, nu, était maigre. Les muscles d'autrefois avaient disparu, le laissant sans défense. Quelques cicatrices de son accident recouvraient son torse, parcourant ses pectoraux et finissant au nombril. Ses jambes, où des pansements avaient été soigneusement placés par l'infirmière passée la veille, étaient ornées de plaies cicatrisées. Il ferma les yeux un instant, prenant une grande inspiration ; il les sentait. Il pouvait bouger ses orteils, ressentait la douleur dans ses tibias et le sang parcourir ses mollets. Quand il ouvrit les yeux, les sensations ne disparurent pas, simplement, ses membres n'existaient plus. Il bougeait des orteils qu'il n'avait plus, souffrait des tibias qu'il n'avait plus, sentait son sang dans des mollets qu'il n'avait plus. Là était le plus difficile. Alexandre souffrait, atrocement, de membres qu'il avait perdu. Il avait mal à s'en arracher les cheveux, mais cette douleur n'était pourtant pas réelle.
Reprends-toi... répéta-t-il intérieurement.
Soudainement, son téléphone émit un vibrement long et continu. Sur l'écran s'affichait le nom de Romain. Alexandre poussa un léger soupir, attrapant l'appareil.
— Allô ?
— Salut, Alex ! Comment tu vas ?
Alex ? s'étonna le brun.
— Je vais bien, mentit-il. Et toi ?
Un brouhaha horrible bourdonnait de l'autre côté de l'appareil, à travers lequel Romain semblait chercher son chemin.
— Tranquille ! s'exclama-t-il. Tu m'entends bien ? Je suis dans la queue du self et y a beaucoup de monde...
— Il y a mieux, mais je te devine.
Une nouvelle pause. Alexandre parvint à entendre les soupirs du jeune.
— Je me demandais, tu viens toujours cet après-midi, hein ? Je n'ai pas eu de nouvelles de toi, alors je commençais à me demander si c'était toujours d'actu, tu captes ?
Décidemment, Romain avait une façon bien à lui de s'exprimer. Était-ce comme ça que les adolescents d'aujourd'hui parlaient ? Ou Alexandre avait-il prit un train de retard tellement important avec la France qu'il ne comprenait plus rien ?
— Je suis très fatigué...
— J'en étais sûr, tu allais nous poser un lapin ! Mec, allez viens. Ça va être cool !
L'ancien caporal ne répondit pas, perdu dans ses pensées. Il observait une dernière fois son reflet dans le miroir, grimaçant de dégoût.
— Ça te fera du bien, rajouta le jeune à l'autre bout du fil. Tu verras.
« Ça te fera du bien ».
Était-il donc si évident qu'Alexandre allait mal ?
— Alex, tout va bien ? Tu n'es pas très bavard.
— Comme je te l'ai dit, je suis fatigué, répondit-il sèchement.
À l'instant où il prononçait ces mots, Alexandre su qu'il venait de parler trop froidement. Romain ne répondit pas, laissant pour seule réponse le brouhaha insupportable de la cantine.
— Excuse-moi, dit le brun.
— T'inquiète. Fais comme tu le sens, mais ça me ferait plaisir de te rencontrer. Si tu te sens, viens.
La voix de Romain était calme, presque reposante et réconfortante. Son hystérie constante s'était aussitôt calmée, laissant place à une conversation sérieuse et cordiale. Au fond de lui, Alexandre s'en voulu profondément d'avoir bridé la joie de l'adolescent. Il avait le droit de gâcher sa vie, mais pas de pourrir celle des autres.
— Peut-être à tout à l'heure, reprit le garçon.
— Salut, le salua simplement Alexandre.
Puis le garçon raccrocha. Le brun laissa un moment le téléphone à son oreille, écoutant le silence. Romain avait raccroché, et il ignorait s'il allait un jour lui reparler. Le comportement d'Alexandre l'écœurait au plus profond de lui, si bien qui reposa violemment son téléphone sur le matelas.
— Fais chier... chuchota-t-il.
Il s'approcha de son fauteuil, et après plusieurs minutes à s'installer dessus, il prit enfin le chemin de la cuisine. Sur son passage, il retourna le miroir situé en face du lit. S'il n'acceptait pas son reflet, il n'avait plus besoin de le voir. Il attrapa un bout de pain rassis, le recouvrit d'une couverture rouge, et engouffra rapidement la collation qu'il venait de se préparer. Le sucre éveilla ses papilles, réveillant toutes les saveurs qu'il avait oubliées. Après cet appel, la journée sembla passer bien plus rapidement. Alexandre, sorti pour se changer les idées, roulait sur le trottoir en quête d'une petite boulangerie où acheter de quoi goûter. Le soleil lui avait visiblement redonné l'appétit. Il prit une grande inspiration, fermant les yeux en redressant sa tête en direction du soleil cuisant. Pour un mois de mars, il faisait étonnamment chaud aujourd'hui. Arrivé sur la colline de Fourvière, le brun se dirigea vers le lycée où étudiait Romain, sachant pertinemment qu'une boulangerie s'y trouverait. Il ne s'était pas trompé ; à quelques mètres de celui-ci se trouvait un petit café à la décoration chaleureuse, toute en bois sombre et en cuir marron. Après avoir acheté un pain au chocolat, Alexandre jeta un bref coup d'œil à son téléphone.
15h36.
Il était définitivement trop en avance. Il jeta un coup d'œil à la basilique immense qui trônait fièrement en haut de la colline. Il reprit le funiculaire, descendant à Vieux Lyon pour prendre celui qui montait directement à la basilique. Puisqu'il avait le temps, pourquoi n'irait-il pas adresser une prière ?
— Avez-vous besoin d'aide, Monsieur ? demanda gentiment un homme.
Alors qu'il s'apprêtait à monter dans le nouveau funiculaire, Alexandre secoua la tête poliment. Difficilement, il s'installa au fond du véhicule, attendant impatiemment le moment où il pourrait sortir. Il n'avait jamais été vraiment à l'aise dans ces moyens de transports. En quelques minutes, le brun se trouvait devant l'immense basilique. Majestueuse, d'une blancheur éclatante, la Basilique Notre Dame de Fourvière trônait fièrement en haut de sa colline, dominant la ville de Lyon. À son sommet, une statue dorée de la vierge Marie veillait sur la population. Alexandre s'avança vers les lieux, dessina les plaies du Christ, adressant respectivement un signe de croix à une entité invisible.
Marie, qui êtes aux cieux, entendez mes prières, débuta-t-il maladroitement. Pardonnez-moi, j'ai perdu foi. J'ai vu la cruauté de l'Homme, alors j'ai arrêté de croire.
Pendant de longues minutes, Alexandre resta planté là, observant la statue de la Vierge, la suppliant de prendre soin de la petite fille.
Je n'ai su la sauver...
Des larmes se mirent à perler le long des joues du brun, qui continuait de fixer la représentation de la Vierge.
J'ai pêché, je n'ai pas aidé mon prochain...
Puis il marqua une pause, prenant le temps d'essuyer les larmes qui floutait sa vue.
Si quelqu'un m'entend, sauvez-moi, je vous en supplie... Sauvez-moi de ce cauchemar...
Il éclata. Alexandre fondit en larme, enfouissant son visage dans ses mains. Tout son corps était comme vide, tandis que son âme bouillonnait de douleur. Des milliers de pensées défilaient dans son esprit, lui provocant des maux de crânes insupportables. Il se sentait prisonnier, terriblement prisonnier, de ce cauchemar horrible dans lequel il s'était réveillé il y a quelques mois.
— Tout va bien, mon enfant ? chuchota une voix douce.
Une bonne sœur s'était approchée de lui, le regard inquiet.
— Oui... parvint-il à peine à dire.
Il contracta sa mâchoire, retenant le reste des émotions qui lui entaillaient le cœur. Elle posa une main sur son épaule, tandis que celui-ci redressait la tête pour affronter son regard. Les traits de son visage pâle étaient d'une douceur infinie.
— Je ressens votre peine, ainsi que votre désespoir. Souhaitez-vous m'en faire part ?
— Vous êtes aimable, ma sœur, mais je doute fort que personne ne puisse faire quoi que ce soit pour moi.
— Croyez en lui, dit-elle en levant le doigt vers le ciel. Il vous chérira.
Pour me chérir... Je suis gâté, ironisa-t-il intérieurement.
— Merci, chuchota-t-il.
Elle lui sourit tendrement.
— Je perçois la présence d'un ange. Quelqu'un va vous guérir, j'en suis certaine.
Il fronça les sourcils, tandis que la mystérieuse religieuse s'éloignait. Un ange ? Et puis quoi encore ? C'est de deux jambes, des cinq doigts et d'un uniforme dont Alexandre avait besoin, pas d'un ange. Il marmonna, s'approchant de la basilique. Ses moignons parcoururent les détails finement creusés de la bâtisse sous son regard admiratif. Il n'avait jamais fait attention, mais Alexandre adorait Fourvière ; sa colline, sa basilique, sa vue. C'était comme être perché sur un nuage où le temps ne lui était plus compté. Comme s'il mettait sa vie en pause, regardant le monde faire la sienne. Il contourna le monument par la droite, s'approchant d'un muret. En face de lui, le spectacle fut impressionnant. La ville de Lyon s'offrait à lui, dans un plan panoramique magique. Les toits lyonnais formaient un paysage homogène, agréable à regarder, et la grandeur de la ville était impressionnante. Non loin de là, il reconnut aisément la place Bellecour, où la statue fière de Louis XIV trônait. Les personnes, vues depuis Fourvière, n'étaient que fourmis dans ce paysage immense. Alexandre observa le paysage là durant de longues minutes, laissant le vent décoiffer sa chevelure et faire frissonner sa peau. Quand enfin il reprit ses esprits, il jeta un coup d'œil à son téléphone.
16h56.
Pourtant bien en avance, Alexandre allait finalement arriver en retard au rendez-vous. Chemin plus rapide mais aussi plus dangereux, il décida de se rendre au lycée en fauteuil, évitant ainsi les transports en commun. Sur la route, le brun hésita à appeler le garçon, mais finit par se dire qu'ils l'attendraient.
S'ils ne m'attendent pas, au moins, ils croiront que je ne voulais plus venir...
Au fond de lui, il espérait malgré tout que le groupe attendrait son arrivée. Ce qui ne manqua pas. Une quinzaine de minutes plus tard, Alexandre arrivait devant Saint Just. Les lycéens avaient disparu, laissant derrière eux un petit groupe de trois personnes, seules, devant le portail. Alexandre prit une grande inspiration, s'avançant vers ceux-ci. Le garçon, non loin de lui, lui fit de grands signes de main.
— Alex ! Je savais que t'allais venir, mec ! Trop content de te rencontrer enfin.
Ne prêtant pas attention à sa situation physique, Romain lui fit un check amical, tapotant ensuite son dos en l'étreignant. Alexandre, pas très à l'aise, posa simplement sa main sur l'épaule de l'adolescent. Plus loin, une jeune femme blonde arriva en boitant, accompagnée d'une femme à la peau mate aux longs cheveux noirs.
— Je te présente Justine, dit Romain en montrant la blonde, et Imany.
La plus jeune, qui boitait, lui adressa un large sourire.
— Les filles, c'est Alexandre.
Il posa son regard sur la brune, plus en retrait, qui l'espionnait d'un œil jugeur.
— Enchanté, finit-il par prendre la parole.
— De même, dirent Romain et Justine en chœur.
Romain fit un petit check amical à la blonde, qui se mit à rire. Il était comme il se l'était imaginé. Grand, environ le mètre quatre-vingts, les cheveux châtains assez long pour visiblement faire une petite couette. L'adolescent portait un jean large, une paire de vans blanches usées par le temps, et une grosse doudoune. Son visage gracieux était fait de traits fins, jeunes. Quelques imperfections s'étaient créé un chemin sur sa peau de pêche, affichant quelques boutons d'acnés sur son front et son menton. Ses lèvres, fines, laissaient apparaître des dents parfaitement alignées. Romain était un beau garçon, plein de bonnes ondes.
— Bon, on y va ? Je sais pas vous, mais moi je commence à me les cailler.
Il mima le froid en frottant ses bras vivement, comme pour se réchauffer. Alexandre dessina un sourire amusé.
— Tu veux que je te pousse, mec ? proposa-t-il gentiment. Je sais que ça peut être chiant, surtout avec les mains congelées par le froid.
— Je devrais y arriver, c'est gentil, refusa-t-il poliment.
Le jeune fit mine de bouder, lui adressant une grimace comique, ce qui amusa le brun. Alexandre passa la main dans ses cheveux, tentant les dompter comme il pouvait. La marche jusqu'à l'appartement de Romain fut silencieuse. Durant les quelques minutes qui les amenaient sur les lieux de la première réunion, le brun eut le temps de détailler brièvement les deux autres amputées. Justine, qui boitait, semblait avoir subi un sort difficile à la jambe gauche. Elle portait un pantalon large, semblable à celui de l'adolescent, le reste de son corps camouflé par une épaisse parka blanche. Son regard noisette se posa sur Alexandre, accompagné d'un large sourire qui dévoila un sourire plein de douceur. Justine avait une certaine grâce dans sa démarche, dans ses gestes, dans sa façon de vivre.
— Tu es sûre que tu n'as pas besoin d'aide, Alexandre ? demanda-t-elle tout bas. Je comprends que ça puisse te gêner, je suis passée par là.
— C'est très aimable, merci, mais ça va aller.
— Comme tu voudras, dit-elle.
Sa voix résonnait comme une mélodie. Il l'observa encore un instant, tentant de percer le moindre de ses mystères. Comment pouvait-elle être si douce ? Ses yeux d'un bleu glacial se posèrent enfin sur elle. Imany. Grande, fine, la jeune femme à la peau sombre paraissait muette. Pas un sourire, pas une parole ne l'avait accueilli. Alexandre s'était retrouvé face à un mur glacial et dur, impuissant. Tout semblait normal chez elle ; sa longue chevelure d'un brun éclatant flottait dans son dos, tandis que sa démarche, assez peu sûre d'elle, ne montrait aucun signe d'amputation des membres inférieurs. Ni elle, ni Romain ne montraient d'ailleurs de signes d'amputation. Seul Justine qui boitait et lui en fauteuil laissaient deviner leurs amputations.
— Bienvenue chez moi ! s'exclama le jeune homme en ouvrant une porte épaisse.
— Veux-tu que l'on enlève nos chaussures ? demanda poliment Justine.
— Oui, s'il vous plaît. Sinon ma mère va encore dire que j'ai mis de la terre de partout, alors que c'est Dark Vador.
Dark Vador ? sourit Alexandre, amusé.
Il n'eut pas besoin d'attendre plus longtemps pour comprendre de qui parlait Romain. Un petit chiot noir s'approcha en courant, prit d'une hystérie soudaine de voir son maître. Un bébé labrador, d'un noir intense, les accueillait tout heureux. Tandis qu'il remuait sa queue dans tous les sens, complètement affolé, le chiot se mit à sentir tous les inconnus un à un.
— Dark Vador, donc ? demanda le brun.
Romain se retourna, un large sourire aux lèvres.
— Ouais. Il a 9 mois.
— Salut, toi, chuchota Justine en lui caressant la tête.
Celui se mit à sautiller dans tout le salon, se frottant hystériquement le dos sur le tapis blanc.
— Dark Vador, non ! Maman va encore m'engueuler !
— Wouf !
Puis il se mit à courir dans tout le salon, tournant parfois autour du fauteuil d'Alexandre, intrigué.
— Désolé, il est complètement malade ce chien.
— Je trouve ça mignon, répondit Justine en rigolant.
— Entrez, entrez ! Faites comme chez vous hein. Quelqu'un veut un Coca ?
Tout le monde secoua la tête. Romain haussa les épaules, disparaissant quelques secondes dans le frigo immense pour en sortir une canette rouge. Il l'ouvrit dans un petit bruit gazeux, leur faisant signe de le suivre.
— Venez, on va se mettre dans ma chambre.
Ils traversèrent un long couloir où de nombreuses portes étaient fermées. Atteignant enfin la dite-chambre, ils s'enfoncèrent un à un, découvrant l'univers de Romain. Un garçon sûrement très créatif, visiblement mordu de films et aussi fan de jeux-vidéos. En trois univers, voilà ce qui retint l'attention d'Alexandre qui venait de pénétrer les lieux. Les murs blancs étaient recouverts de nombreuses affiches de films, parmi lesquels il reconnut Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux, le Hobbit, Star Wars et d'autres univers qui semblaient s'en rapprocher. Sur son bureau, une grosse tour d'ordinateur trônait fièrement. Alexandre en était sûre ; elle était assez grosse et équipée pour éclairer tout l'appartement. Sous sa fenêtre, qui donnait sur une petite cour intérieure, Romain avait rangé de nombreuses guitares sèches.
— Tu joues ? demanda alors l'ancien caporal.
— Ouais, j'ai commencé l'année dernière.
— Chouette, répondit Justine.
La blonde, toujours scotchée au chiot désormais calmé, caressait le crâne de celui-ci. À côté d'elle, Imany attendait dans l'encadrement de la porte, les bras croisés, toujours muette. Alexandre fronça les sourcils.
— Mettez-vous bien, leur dit Romain en se laissant tomber sur son lit.
Tandis qu'Alexandre retirait sa veste, Justine et Imany s'installèrent dans de petits fauteuils au fond de la pièce. La chambre de Romain était grande. La hauteur sous plafond et les grandes fenêtres faisaient de cet pièce un lieu chaleureux et lumineux.
— Je suis cher content que vous soyez venus, dit le garçon.
Il prit une gorgée de la boisson.
— On pourrait peut-être se présenter ?
— Bonne idée, répondit Justine, amusée.
— Bon, je suis l'hôte, je vais me présenter en premier alors.
Il se redressa, s'asseyant en tailleur au bord de son lit.
— Moi c'est Romain Moreau, j'ai dix-sept ans, et je suis en première scientifique. Je suis lyonnais, j'aime beaucoup le poulet, et j'aime bien faire des blagues des fois.
Il s'arrêta, regardant tour à tour les personnes qui l'entouraient. Alexandre, qui l'observait, prit alors la parole :
— Je suis Alexandre Duval, j'ai vingt-quatre ans, et je suis lyonnais également.
Il n'en dit pas plus. Que pouvait-il bien dire ?
— Je m'appelle Justine Martin, j'ai dix-huit ans et j'étais danseuse.
Tous les regards se tournèrent vers Imany, qui baissa vaguement les yeux.
— Imany Moyo, vingt-deux ans, marmonna-t-elle.
Alexandre haussa les sourcils. Pourquoi cette jeune femme assistait-elle à cette réunion si elle ne voulait pas échanger avec eux ?
— J'ai eu l'idée de créer un « club des jeunes amputés » parce que je me sentais assez seul. J'ai des potes, mais ils ne comprennent pas qu'une amputation est difficile à vivre et que l'on se sent à jamais étranger dans ce monde où la perfection est reine.
Romain parlait de ses émotions avec tant d'aisance qu'il était à peine croyable pour Alexandre que ce garçon ait subi une amputation.
— À l'âge de quinze ans, on m'a détecté un cancer des testicules. Rien de grave, seulement, en juillet 2015, j'ai subi une orchidectomie. Même si ce n'est visible que par les personnes les plus intimes, c'est un complexe que j'ai énormément de mal à surmonter.
Le brun se figea. L'adolescent en face de lui venait-il vraiment d'annoncer avoir été atteint d'un cancer à l'âge de quinze ans ? Il scruta la réaction des autres blessés, son attention particulièrement attirée par le regard luisant d'Imany Moyo. Des larmes semblaient prêtes à couler. Elle agitait nerveusement ses lèvres, semblant les mordiller intérieurement.
— Tu en fais une tête, mon pote, ça va ?
— Tu n'as donc plus de...
— Non, plus de couilles ! s'exclama le garçon.
La façon dont il l'avait annoncé provoqua un fou-rire du petit groupe. Il leur fallu quelques secondes pour reprendre leurs esprits et continuer la conversation. Justine continua :
— À dix-huit ans, j'ai eu un grave accident de voiture. Nous fêtions la fin des épreuves du bac avec quelques amis. Ma meilleure amie, qui avait le permis, a tenu à prendre la route malgré les quelques verres bus. Ils n'ont pas pu sauver ma jambe gauche.
Les histoires, toutes aussi profondes les unes que les autres, donnaient la chair de poule à Alexandre.
— Je... continua-t-il difficilement.
Il marqua une pause. Le regard d'Imany, plein d'émotions, provoqua en lui une vague de courage.
— Je suis ancien caporal de l'armée de terre française. J'ai été envoyé au Mali, pour l'opération Barkhane, à vingt-et-un ans. J'ai eu un accident là-bas, ils ont dû m'amputer les deux jambes et les doigts de la main gauche.
Il n'entra pas dans les détails. Le souvenir encore trop frais de ce jour lui provoquèrent des hauts le cœur insupportables, qu'il tenta d'ignorer. Personne ne semblait surréagir à la situation, ce qui fit un bien profond au caporal qui se détendit doucement.
— J'ai...
La voix d'Imany tremblait. Elle croisa le regard d'Alexandre, qui lui sourit sincèrement. Elle lui retourna une légère grimace, douloureuse.
— Si tu n'es pas prête, nous avons tout le temps d'en apprendre plus sur toi, la rassura-t-il.
— Merci... chuchota-t-elle.
Alexandre était sûr d'une chose : à ce moment précis, des larmes avaient perlé sur les joues de la jeune femme.
-ˋˏ Merci d'avoir lu ce chapitre ! ˎˊ-
Hello ! ☀️
Ça y est, le grand moment du club est arrivé.
Alors, que pensez-vous de nos nouveaux personnages ? Lequel préférez-vous pour l'instant ? Et selon vous, que cache Imany ? 🥰
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