« I'm in love with your body »
Ed Sheeran

          Alexandre attendait devant la porte, frappant une nouvelle fois. Il attendit quelques minutes de plus avant que quelqu'un tourne les verrous de l'autre côté. Romain, vêtu d'un sweat blanc trop large et d'un jean encore déchiré, l'accueillît chaleureusement. L'adolescent était toujours très tactile, étreignant le caporal amicalement.

— Salut, mon pote.

— Romain, le salua Alexandre.

Derrière le garçon, Justine lui adressa un signe de main, assise sur le canapé aux côtés de la brune. Attrapant ses roues, le brun pénétra dans les lieux, répondant d'un signe de tête aux salutations des deux jeunes femmes.

— J'ai apporté des choses dans mon sac à dos, reprit-il, s'adressant à Romain.

L'adolescent attrapa celui-ci, l'ouvrant près du plan de travail de l'immense cuisine. Alexandre, lui, continua son chemin jusqu'au salon.

— Tu veux t'asseoir sur le fauteuil ? demanda poliment Justine. Nous pouvons t'aider si tu veux.

— Je devrais pouvoir y arriver seul, répondit Alexandre. Mais merci.

Il hésita un instant. Tandis que son esprit criait qu'il devait rester dans son fauteuil roulant, son cœur lui, n'en faisait qu'à sa tête, lui chuchotant malicieusement d'écouter Justine et de se mettre dans le fauteuil moelleux. Après quelques secondes d'hésitation, Alexandre se pencha en avant, s'appuyant sur les accoudoirs du fauteuil pour se soulever. Fébrile sur ses appuis, il sentit ses coudes trembler sous son poids.

— Tu fais ça tout seul, tout le temps ? s'étonna Imany.

Il fut surpris de l'entendre parler.

— Oui, répondit-il, gêné.

— Oh... Ça doit vraiment être difficile au quotidien.

Il ne répondit pas. Avait-elle pitié pour lui ? Ce sentiment d'infériorité, Alexandre le détestait plus que tout au monde. Il frissonna.

— Excuse-moi, je ne voulais pas te...

— Ne t'en fais pas, la coupa-t-il.

Les minutes qui suivirent ce court échange, Imany ne lui adressa plus la parole, le regard rivé sur ses mains. Le ciel dehors était d'un bleu éclatant. Le soleil, qui pointait enfin le bout de son nez, réconfortait chaleureusement Alexandre. À travers les grandes fenêtres, des rayons chauds venaient caresser sa peau pâle, la réchauffant légèrement. Il jeta un coup d'œil à sa droite, admirant quelques secondes la vue. Lyon était magnifique. Toutes ces couleurs, Alexandre les avait presque oubliées. Au Mali, tout n'était que sable et poussière. Même la verdure semblait triste. Il secoua la tête, chassant le souvenir des déserts sans fin.

Quand la nuit fut tombée dehors, et Star Wars fini, le petit groupe s'activa dans la maison. Justine aida Imany à découper les ingrédients de sa recette, tandis que Romain rapatriait certains objets de sa chambre au salon. Alexandre, lui, se sentit profondément inutile le temps de quelques minutes, toujours dans le fauteuil moelleux.

— Vous êtes sûrs que vous n'avez pas besoin d'aide ? demanda-t-il poliment.

Ils lui répondirent que non. Il tourna la tête. Les couleurs de Lyon, remplacées par la pénombre nocturne, scintillait sous le reflet de la lune. Les foyers lyonnais étaient allumés, tandis que quelques passants aussi petits que des fourmis traversaient les rues pavées en bas de la colline de Fourvière. Cette vue, Alexandre ne s'en lasserait jamais.

— Et si tu nous jouais un morceau ? proposa Justine à Romain.

L'adolescent n'eut pas besoin de répondre ; son regard étincela tandis qu'un large sourire dévoilait ses dents parfaitement alignées. Il attrapa la guitare qu'il venait de poser sur le canapé, et joua quelques mélodies. Alexandre resta silencieux, observant Romain caresser les cordes de l'instrument. La mélodie était douce, accompagnant les battements de son cœur, apaisé.

— C'est magnifique, dit Imany.

Le brun jeta un coup d'œil en sa direction, et fut surpris de remarquer qu'elle le regardait déjà. Il lui adressa un sourire, qu'elle lui rendit aussitôt. La vie semblait tellement l'avoir brisée qu'Imany dégageait une douce fragilité. Elle avait beau cacher son corps de ses bras fins, son visage et ses expressions trahissaient sa sensibilité profonde. Elle était de ceux que l'on a peur de briser d'un geste maladroit, d'un mot douloureux.

— Et si tu chantais ? chuchota-t-elle à Justine.

La blonde lui sourit. Elles ne semblaient pas proches, mais leur complicité était flagrante. Imany et Justine partageait des liens forts, et se comprenaient mieux que personne ne le pourrait. La blonde s'approcha du canapé, se positionnant en face de Romain. Ils échangèrent quelques murmures, puis le garçon se mit à jouer une nouvelle mélodie. Ce n'est que quand Justine prononça les premiers mots de la musique qu'Alexandre reconnut Shape of you, de Ed Sheeran.

— Take my hand, stop... continua de chanter Justine.

Alexandre ne put s'empêcher de plonger son regard dans celui de la brune, toujours derrière le plan de travail. Quand elle releva enfin les yeux de la planche à découper, elle esquissa un sourire gêné sur son doux visage.

— Girl, you know I want your love...

Le cœur du caporal se mit à battre rapidement, au rythme de la musique. Imany, en face de lui, se mordilla la lèvre inférieure, nerveusement.

— I'm in love with the shape of you...

Ils ne se lâchaient pas du regard. Le corps tout entier d'Alexandre fut traversé par une vague de chaleur étrangère, tandis que son cœur continuait de s'affoler étrangement, à lui en transpercer la poitrine.

— I'm in love with your body... murmura Justine.

La peau mate de Imany virait à l'écarlate, tandis que les joues d'Alexandre se mettaient à le bruler étrangement. Il inspira, puis expira, tentant de se calmer. Mais il ne parvenait à la quitter des yeux.

— We push and pull like a magnet do...

Son cœur battait si fort qu'il semblait prêt à transpercer sa poitrine d'un moment à l'autre. Elle détourna le regard timidement, cherchant de nouveau le sien quelques secondes plus tard. Le moment qu'ils partageaient était intense, électrique, comme s'ils s'appelaient tels deux aimants. Ils ne remarquèrent pas la fin de la chanson, trop occupés à se fixer.

— Tu chantes super bien ! s'exclama Romain, les ramenant à la réalité.

Imany sourit, tandis que le caporal se mit à applaudir instinctivement.

— Sacré duo, complimenta Alexandre.

Il jeta un coup d'œil vers elle, elle tourna la tête. Justine retourna auprès d'Imany, tandis que Romain s'installait à côté du caporal, lui adressant un sourire amical.

— Tu joues très bien de la guitare, reprit-il.

— Merci, répondit l'adolescent. J'ai appris sur YouTube. Je te montrerai, si tu veux.

Alexandre acquiesça d'un signe de tête poli. Avec sa main gauche inutilisable, jouer de la guitare lui paraissait difficile. Il resta silencieux un instant, avant de reprendre la parole :

— C'est vraiment gentil de nous avoir invités ce week-end, merci.

— Ça me fait plaisir, et du bien.

— À moi aussi, affirma Alexandre.

Une fois le repas servi, les amis s'installèrent autour de la table basse du salon. Installées par terre, Imany et Justine servaient le poulet et le riz dans les assiettes, tandis que Romain bataillait avec Dark Vador pour qu'il ne mette pas la tête dans les plats. Alexandre, lui, observait la scène avec beaucoup d'amusement. Il était reconnaissant pour ces moments qu'il vivait, et ne regrettait en rien sa décision de sortir de l'hôpital. Finalement, c'était comme s'il l'avait senti. Comme s'il devait sortir à ce moment précis et recommencer à vivre avec ces personnes.

— Bon appétit ! s'exclamèrent ses trois amis.

— Bon appétit, répondit-il en souriant tendrement.

Oui, il était reconnaissant.

-ˋˏ Merci d'avoir lu ce chapitre ! ˎˊ-

Hello ! ☀️
Un chapitre court, mais intense ! J'espère qu'il vous a plu...

Alors, pensez-vous qu'Imany ressent la même chose qu'Alexandre ? Que va-t-il se passer ensuite selon vous ?  😘