Aemond Targaryen - House of the Dragon
Coucou tout le monde ! Ce one shot est plutôt long car il est construit légèrement différemment de mes commandes habituelles. En fait, il se rapproche plus de ce qui semble être des extraits de ce qu'aurait dû être une fanfic complète plutôt que d'un véritable one shot. Dans tous les cas, j'espère que vous aimerez !
Dracarys mes amours ❤️🔥
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Me frottant les yeux d'un revers de la main, je tente difficilement de rester éveillée malgré l'heure tardive afin de terminer ma corvée. La nuit est tombée depuis déjà un bon moment au-dessus de Port-Réal et la majorité des domestiques se sont déjà endormis, tous épuisés par les longues journées que nous subissons depuis le décès du roi. Sa perte a été un choc pour tout le royaume, mais en dehors de la famille royale, c'est les autres servants et moi-même qui en avons payé le prix le plus élevé. Au milieu de notre perpétuelle inquiétude sur notre avenir au sein du Donjon Rouge, nous avons tous dû nous surmener pour assurer les préparations pour les funérailles ainsi que celles pour le couronnement du roi Aegon II, en plus de nos corvées habituelles. Malgré l'heure avancée de la nuit, je me retrouve donc à terminer de recoudre un des habits de la jeune princesse héritière, la fille d'Helaena et du roi.
Après m'être maladroitement piquée quelques fois, étant trop fatiguée pour me concentrer comme il se doit à ma tâche, je coupe finalement le dernier fil et lève le morceau de vêtement devant mes yeux d'un air satisfait. Après l'avoir plié soigneusement, je le passe sous mon bras et quitte la pièce où je m'affaire chaque jour à recoudre divers vêtements et autres objets en tissu afin de rejoindre les quartiers des domestiques. À cette heure, les couloirs du château sont presque déserts, à l'exception de quelques gardes ici et là.
Perdue dans mes pensées, je descends un escalier puis tourne un coin avant de m'arrêter brusquement à quelques pouces d'une silhouette sur laquelle je me suis presque écrasée. Je lève aussitôt la tête pour m'excuser, mais les mots se noient dans ma bouche lorsque j'aperçois les reflets argentés de la chevelure du roi Aegon.
- M-Mon roi, pardonnez-moi je vous prie, je ne vous avais pas vu, je réussis à marmonner maladroitement en me pliant en deux pour m'incliner devant lui, mon cœur battant à tout rompre dans ma poitrine.
Un silence qui me semble durer une éternité s'installe avant que j'aperçoive finalement du coin de l'œil le roi me faire signe de me relever d'un mouvement lassé de la main. Le regard toujours planté sur mes pieds, j'hésite un instant puis me redresse, toujours la tête basse.
- Fais attention où tu mets les pieds la prochaine fois, me lance le roi d'une voix qui, je le comprends par la forte odeur de vin qui me frappe au moment où il prononce ses mots, est enrouée par l'ébriété.
- Oui, mon roi, je réponds en relevant timidement les yeux vers lui.
C'est à ce moment que son regard fiévreux, embrouillé par l'ivresse, se plonge dans le mien. Son air agacé se change soudainement en quelque chose que je ne pourrais décrire, mais qui me glace le sang. Tout en perdant un peu l'équilibre, il lève maladroitement une main pour venir agripper mon menton. Je baisse de nouveau le regard alors que je le sens me scruter, me forçant à tourner la tête à droite puis à gauche.
- Hmm... il laisse tomber en avançant d'un pas instable vers moi, ses doigts glacés toujours sur mon visage.
Par réflexe, je recule, mais il fait aussitôt un autre pas vers moi. Je lance un rapide coup d'œil pour finalement reconnaître dans son expression un désir qu'il a, comme toutes les servantes du château le savent tristement si bien, assouvi sur de nombreuses filles de chambre au cours des dernières années.
Un nœud de crainte et de dégoût se forme dans ma gorge alors que je tente de faire un autre pas vers l'arrière, mais mon dos se heurte au mur de pierre du couloir. Le roi continue de s'avancer jusqu'à ce que son corps se presse contre le mien, m'écrasant alors que je le porte désormais plus que ses jambes. Son nez vient alors frôler la ligne de ma mâchoire, son haleine empestant l'alcool remplissant l'air. Je tourne systématiquement ma tête sur le côté, tentant d'enterrer mon visage dans mon cou.
Un frisson désagréable me parcourt l'échine lorsque je sens ses lèvres se poser sur ma peau et mon corps se crispe d'un seul coup.
- Mon roi, je commence en murmurant dans l'espoir de tenter de le résonner sans le brusquer, mais il me coupe aussitôt en grognant dans mon cou de me taire.
Les larmes me montent aux yeux alors que je tente par de craintifs mouvements de me défaire de son emprise, mais sans succès. Alors que je sens ses doigts se poser sur ma taille pour remonter vers ma poitrine, je me risque de nouveau à parler :
- Mon roi, je vous en prie, je dois aller-
Un éclair jaillit soudainement devant mes yeux juste avant qu'une sourde douleur me frappe la joue de plein fouet. Je porte les doigts d'une main tremblante à mon visage en comprenant que le roi vient de me gifler, puis je tourne lentement la tête vers lui, effrayée.
- Je t'avais dit de te taire, petite idiote ! Il aboie en attrapant fermement mon visage entre ses doigts. À travers les larmes qui embrouille mon regard, je ne peux que déceler les traits de son visage déformé par sa soudaine colère.
Alors qu'il approche de nouveau son visage de moi, une voix résonnant en écho dans le couloir l'arrête dans son mouvement :
- Est-ce qu'il y a un problème, mon roi ?
Aegon me lâche finalement pour se tourner vers la silhouette à quelques mètres de nous qui se tient droite comme un pic dans le couloir. En clignant des yeux pour chasser les larmes, je réussis à distinguer la longue chevelure argentée et le visage en partie recouvert par un cache-œil de la personne qui vient de parler : Aemond, le prince.
- Non, tout va bien, répond rapidement le roi à l'intention de son frère qui, après un bref « hmm », amorce un premier pas pour se diriger vers nous. Lorsqu'il arrive à notre hauteur, la faible lumière des torches du couloir révèle son visage sérieux et, contrairement à celui de son frère, sobre.
Il observe un instant de son œil violet le roi, puis son regard se pose brièvement sur moi avant de retourner sur son frère.
- N'y a-t-il pas assez de prostituées au bordel que tu dois forcer dans ton lit une pauvre servante, mon frère ? finit par dire le prince sur un ton presque lassé.
- Je baise qui je veux, je suis le roi.
- Un roi qui n'aura bientôt plus de servantes pour repasser ses sous-vêtements si il continue à leur arracher leur dignité.
Le roi parait vouloir répliquer, mais son état d'ivresse déjà bien avancé semble lui embrouiller l'esprit. Il se masse le crâne du bout des doigts en grommelant quelque chose d'incompréhensible.
- Je crois que vos hommes vous attendent pour un autre verre dans le grand hall, mon roi, lance finalement Aemond d'un langage qui respecte les convenances même si son ton laisse subtilement entendre l'inverse.
Le roi me lance un dernier regard contrarié puis s'éloigne dans le couloir d'un pas rapide en bousculant son frère au passage. Je le regarde se distancer de moi jusqu'à ce qu'il disparaisse, puis je retourne la tête vers le prince qui, je le réalise seulement à ce moment, se tient toujours devant moi, me fixant d'un air impassible.
- Tu vas bien ? Il finit par me demander d'un ton toujours aussi calme, mais d'une voix plus douce qu'il y a un instant.
D'un mouvement rapide, j'essuie les larmes qui ont coulées sur mes joues puis m'incline devant lui :
- Oui, mon prince.
- Redresse-toi, il m'ordonne doucement, ce à quoi j'obéis, relevant lentement le visage vers lui.
De son œil brûlant de son éclat violet à la lumière des torches, il m'observe intensivement. Je ne peux m'empêcher d'avoir l'impression qu'il semble scruter mon âme, comme pour déceler un mensonge dans mes dernières paroles. Il s'arrête finalement sur ma joue qui, je le devine, doit être marquée de pourpre par la violence de son frère.
Délicatement, il pose son pouce à l'endroit rougi de mon visage, l'observant avec un soupir. Ma respiration se coupe à son contact, son aura complètement différente de celle de son frère me perturbant légèrement. Il n'est peut-être pas roi, mais le sentiment d'omnipotence qu'il dégage est désarmant.
- Mittys... il murmure alors pour lui-même sans que je n'en comprenne la signification, le retroussement de ses lèvres à sa prononciation me permettant toutefois d'interpréter une forme de dégoût et d'irritation.
Le geste du prince, presque comme une caresse, me déconcerte un moment puis, reprenant mes esprits, je baisse la tête. Sa main s'éloigne aussitôt en même temps que lui qui fait un pas en arrière. Sans oser le regarder, je m'accroupis pour ramasser le vêtement que j'ai recousu, puis le serre sur ma poitrine.
- Si vous le permettez, je vais rejoindre mes quartiers, mon prince, je demande en gardant mes yeux fixés au sol, soudainement embarrassée par la scène qui s'est produite.
- Bien entendu.
Je m'incline rapidement puis m'empresse à traverser le corridor, prenant au bout l'escalier opposé à celui qu'a pris le roi un instant plus tôt.
C'est seulement une fois seule que je réalise que mon cœur se débat encore dans ma poitrine. Je m'arrête alors un instant pour prendre de grandes inspirations, lançant un furtif regard par-dessus mon épaule pour m'assurer que le roi ne s'y trouve pas, même si je sais rationnellement qu'il n'aurait aucune raison de se trouver dans le couloir où je suis actuellement.
Je préfère ne même pas penser aux détails de ce qui serait advenu si le prince Aemond n'était pas intervenu, qui plus est assez adroitement pour ne pas mettre le roi en colère. Son action m'a bien sauvée d'un sort que trop de jeunes filles innocentes ont déjà subi entre les murs de ce château, et je réalise seulement maintenant m'être enfuie sans même le remercier.
Je ferme les yeux et pousse un long soupir avant de reprendre ma route vers les quartiers des domestiques, me promettant d'un jour le remercier proprement. Rien ne l'obligeait à s'interposer pour moi, même qu'en toutes convenances, il aurait dû prétendre ne rien avoir vu.
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Le jour suivant l'incident, les visages compatissants des autres domestiques à la vue de la marque sur mon visage et les nombreuses questions indiscrètes n'ont cessé de déferler sur moi. Je me suis contentée de répondre brièvement aux interrogations en expliquant avoir accidentellement engendré une collision avec le roi qui se trouvait, à mon malheur, dans un état d'ébriété et d'énervement. J'ai préféré expliquer qu'il s'agissait de mon erreur, d'un mouvement maladroit qui m'a valu une punition méritée plutôt que d'expliquer toute l'histoire. Les rumeurs circulent rapidement entre les couloirs du Donjon Rouge et je ne souhaite en aucun cas que cette histoire remonte aux oreilles de personnes influentes telles que les membres du conseil de la couronne. Cet emploi me permet d'envoyer de l'argent à ma famille qui, comme le reste de la plèbe, doit actuellement survivre malgré la pauvreté et le manque de ressources vitales disponibles à Port-Réal. Porter des accusations envers le roi, pourtant aussi véridiques soient-elles, ne pourrait que m'attirer des ennuis.
Le surmenage des derniers jours a entraîné de nombreux épuisements au sein des domestiques et plusieurs sont inévitablement tombés malades, ce qui n'a fait qu'augmenter la charge pour ceux qui, comme moi, sont encore en santé. C'est une véritable course folle au château alors que nous tentons tous de nous aider comme possible.
Alors que je termine de plier soigneusement une tunique, j'entends la voix d'un jeune serviteur m'appeler. Je me retourne et vois celui-ci s'approcher de moi au pas de course, une grosse douillette somptueusement brodée d'or dans les bras.
- Crois-tu pouvoir monter ça à la chambre du prince Aemond ? me demande-t-il en me tendant le lourd morceau de tissu. Je dois absolument aller aider Jacques à l'armurerie, c'est la pagaille là-bas.
- Oui, bien entendu, je lui réponds sans hésiter, comprenant bien son état de panique.
- Merci énormément ! À cette heure, le prince doit probablement encore être en train d'étudier, alors tu devrais être tranquille.
Je hoche de la tête et m'empresse de me diriger à l'étage des chambres de la famille royale. Normalement, il est plutôt délicat pour une simple servante comme moi d'y être vue puisque, d'ordinaire, aucune tâche ne nous entraîne à nous y rendre. Toutefois, avec le tumulte des derniers jours, plusieurs habitudes ont été bouleversées au sein du château. Je m'inquiète donc pas d'y être repérée, ma seule crainte étant plutôt de tomber sur une présence peu désirable.
Un frisson désagréable me traverse le corps à l'idée de croiser le roi, mais je balais rapidement la pensée de ma tête et me concentre à rapidement me rendre à la chambre du prince Aemond. L'absence de garde devant la porte fermée me confirme qu'il n'est pas là. Je frappe tout de même quelques coups pour m'assurer que je suis bien seule et, lorsqu'après quelques secondes je n'ai toujours pas de réponse, je pousse la grande porte en bois massif.
L'immensité et la somptuosité de la pièce me coupent aussitôt le souffle. Luxueusement décorée, la chambre présente un mobilier sombre mais raffiné, avec d'élégants fauteuils de cuir noir, des tables basses encombrées par des livres et d'autres possessions du prince, puis, au fond, un énorme lit qui pourrait bien accueillir quatre ou cinq personnes. L'atmosphère de la pièce reflète étrangement bien l'énergie que son propriétaire est reconnu pour dégager; à la fois dominante mais pourtant si calme.
D'un pas mal assuré, comme si je pénétrais un endroit interdit, j'avance dans la large pièce jusqu'à atteindre le lit. J'y étends à son pied la lourde douillette en m'assurant qu'il n'y ait pas le moindre pli. Sur le point de repartir, je m'arrête subitement lorsque le reflet d'un objet sur une table basse attire mon attention. Curieuse, je jette un rapide coup d'œil par-dessus mon épaule pour m'assurer que je suis toujours seule avant de m'en approcher. Taillé dans une pierre noire comme la nuit se dessine une statuette de dragon dont les ailes semblent fines comme une feuille. Le morceau est à la foi délicat et majestueux; une véritable œuvre d'art. Obnubilée par la beauté de la figurine, je tends une main dans l'intention irréfléchie de la toucher lorsqu'une voix me coupe net dans mon mouvement :
- À ta place, j'éviterais. Les ailes sont acérées comme une lame, tu risquerais de te couper.
Sentant mon âme quitter mon corps, je me retourne brusquement pour rencontrer le prince Aemond. Depuis l'autre bout de la pièce, il me fixe simplement, ses mains dans le dos et son regard toujours à la fois aussi tranchant qu'impénétrable.
- Mon prince, je commence d'une voix paniquée en m'inclinant devant lui, je ne voulais pas...
- Que fais-tu ici ? me coupe-t-il d'un ton glacial qui me fait frissonner de peur.
- J'étais simplement venue porter votre douillette, mon prince. La statuette sur votre table a attiré mon attention, je ne voulais... je...
Je me mords la lèvre en enfouissant mon menton dans mon cou, voulant disparaître à travers l'impeccable moquette.
- P-Pardon, mon prince, je termine toujours en bégayant, craignant inévitablement la suite.
- Hmm.
D'un pas lent, le prince Aemond se dirige vers moi alors que je me redresse avec hésitation, le regard toujours braqué au sol. Du coin de l'œil, je l'aperçois passer près du lit, laissant glisser le bout de ses doigts sur la douillette que je viens de rapporter avant de s'arrêter devant moi. Je sens mon cœur battre jusque dans mes tempes, redoutant déjà le châtiment qu'il me réserve pour avoir failli à ma tâche et laissé ma stupide curiosité prendre le dessus. Je ne peux qu'espérer qu'il soit clément.
- Cette statuette représente Caraxes, le dragon que mon oncle monte actuellement. Elle est en obsidienne, un travail d'une minutie impeccable, réalisée par un artiste avec une finesse incroyable. Un morceau parfait.
Déconcertée, je relève le visage pour découvrir l'attention du prince, à peine à quelques pouces de moi, portée sur la statuette dont il caresse la tête délicatement du bout d'un doigt. Son regard se tourne finalement sur moi, capturant le mien, suscitant en moi un profond sentiment de vulnérabilité.
- Je ne peux pas t'en vouloir d'apprécier les belles choses, mais avec des hommes comme mon frère dans ce château, je te conseille de baisser le regard si tu tiens à tes yeux.
Perdue dans son iris aux reflets presque violets, je murmure un faible « oui, mon prince » et déglutis difficilement. Après un court instant, son œil quitte mon regard pour se poser brièvement sur ma joue abîmée. J'ai à peine le temps de discerner un muscle de sa mâchoire tressauter qu'il s'éloigne brusquement pour déambuler dans la grande pièce, s'adressant à moi sans plus me regarder :
- Comment t'appelles-tu ?
Je lui réponds en mentionnant également mon nom de famille, même s'il ne signifie absolument rien à ses yeux, excepté que je ne suis pas une bâtarde. Il se contente d'un simple « hmm » avant de continuer, toujours son attention portée sur la pièce plutôt que sur moi :
- Tu travailles ici depuis longtemps ?
- Quelques mois.
- Pourquoi as-tu décidé de devenir servante ?
J'hésite un instant avant de répondre, craignant presque qu'il s'agisse d'un piège. Il semble le remarquer puisqu'il tourne brièvement le regard vers moi, m'incitant d'un haussement de sourcil à continuer avant de reprendre son pas nonchalant :
- La fille d'une connaissance à mon père m'a recommandée. Je désirais pouvoir servir la couronne tout en gagnant assez d'or pour aider ma famille, mon prince.
- Et que fais-tu exactement ?
- Tout dépend des jours, mon prince. Généralement, je fais de la couture, mais il m'arrive de m'occuper du nettoyage des vêtements et de la réparation de certains morceaux.
Le prince Aemond s'arrête un instant à côté d'une table basse, y prend un livre qu'il examine brièvement, puis le remet en place. Je le regarde faire sans bouger, perturbée par les questions pointilleuses qu'il me pose avec son air pourtant si désintéressé. S'il tente de savoir mon rôle ici afin de me remplacer vu mon faux pas d'aujourd'hui, sans oublier l'incident avec le roi, je me retrouverais complètement démunie. La simple idée d'être renvoyée, ou encore pire, me noue l'estomac.
Étranglée par cette idée, à l'affût de tout signe de sa part qui pourrait me donner un indice sur mon sort, je l'observe se diriger vers une grande armoire de bois sombre. Il ouvre la porte, cherche un instant, puis en ressors une longue chemise noire qui, je le remarque aussitôt, a visiblement vécu de mauvais moments. Il repose finalement son attention sur moi en avançant le pas dans ma direction, le morceau de vêtement à la main.
- Bien. Puisque tu es habile pour coudre, j'ai besoin que tu me répares ça, il me dit en me tendant la chemise.
Après une courte hésitation, mon instinct craignant encore une sorte de piège, j'attrape le vêtement que je passe sur mon bras. Je reste figée un moment, attendant qu'il se passe quelque chose, mais il n'en est rien.
Je comprends alors qu'il est sérieux et baisse la tête, m'inclinant légèrement, n'osant pas me baisser trop bas de peur que mes jambes me lâchent.
- Bien sûr, mon prince, nous allons nous en occuper dès aujourd'hui, je réponds d'une voix plus vacillante que je l'aurais souhaité.
- Non, réplique-t-il aussitôt, ce qui me fait relever la tête, avant de poursuivre : Pas de « nous ». J'ai dit que je voulais que tu t'en occupes, pas un autre. Tu me la rapporteras demain soir et elle sera intacte.
Je cherche à comprendre le but derrière son intention, mais les émotions m'empêchent de réfléchir normalement. Peu importe la raison pour laquelle il souhaite que je m'occupe personnellement de son vêtement, la tâche semble beaucoup moins pénible que n'importe quelle punition. Je retrouve légèrement mes moyens à la perspective de ne pas châtiée et lui répond d'une voix presque normale :
- Bien entendu, mon prince. Si vous n'avez plus besoin de moi, j'irais me mettre immédiatement à la tâche.
Il hoche brièvement de la tête puis fait un pas de côté pour me libérer le chemin. Je m'incline rapidement devant lui, puis traverse la pièce en direction de la porte.
- Mes excuses pour le comportement de mon frère l'autre jour, je suis navré de ce que vous avez subi, me lance-il soudainement dans mon dos.
Je m'arrête avant d'atteindre la porte, me retournant vers le prince qui n'a pas bougé de l'endroit où il était un instant plus tôt. Je crois déceler une sincère once de sympathie avant qu'il ne redevienne de marbre. Je pourrais simplement le remercier pour son attention et quitter, je devrais le faire même, mais la mention des actions de son frère allume une flamme de révolte en moi qui me pousse à exprimer le fond de ma pensée :
- Ne soyez pas désolé pour moi, je vais bien. Soyez-le plutôt pour toutes celles qui tomberont sur son chemin au mauvais moment et pour lesquelles vous ne serez pas là pour vous interposer.
Je m'incline une dernière fois avant de m'empresser de tirer la porte pour sortir de la chambre. Une fois dehors, je prends réellement conscience du manque d'adresse de mes dernières paroles et me frappe mentalement pour ça. Assurément, je vais être obligée de réaliser un travail impeccable sur cette chemise si je désire avoir une chance garder ma place parmi les domestiques du château.
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Raccommoder le vêtement du prince Aemond a été une véritable épreuve mais, après avoir recousu la fente sur la manche au moins trois fois pour m'assurer que le travail était irréprochable, j'ai finalement terminé. Je pousse un long soupir de soulagement puis souris à pleines dents en examinant mon œuvre. Le résultat est impeccable, presque digne des plus grands couturiers de Westeros. Le prince n'aura rien à y reprocher, alors si c'était une mise à l'épreuve, je suis convaincue de l'avoir passée haut la main.
Je plie soigneusement la chemise, puis m'empresse de rejoindre l'étage des quartiers de la famille royale. Arrivée devant la chambre du prince Aemond, je remarque qu'un chevalier de la garde se tient à côté de la porte.
- Je viens porter la chemise du prince qu'il m'a demandé de recoudre, j'explique au garde en lui montrant le vêtement.
Celui-ci hoche de la tête puis entrouvre la porte, se plaçant devant moi pour m'empêcher d'entrer.
- Une domestique est ici, mon prince. Elle dit être venue vous rapporter une chemise, lance le chevalier par l'entrebâillement.
- Laisse-la entrer et referme la porte, j'entends provenir de la chambre, reconnaissant la voix du prince.
Le chevalier me fait signe de passer la porte. Je le remercie rapidement puis pénètre dans la grande chambre. Avec la nuit qui a commencé à tomber, les domestiques ont déjà allumé les chandeliers, donnant à la pièce un caractère encore plus intimidant et envoûtant que la veille. Le prince Aemond, assis sur un des fauteuils en cuir, un livre à la main, ferme ce dernier en me voyant entrer puis se lève pour me rejoindre.
- Alors, est-elle de nouveau en état d'être portée ? Il me demande en désignant la chemise d'un mouvement de la main.
- Oui, mon prince. J'espère que mon travail vous conviendra, je lui réponds en m'inclinant avant de lui tendre le morceau de vêtement.
Même si je sais que je dois me contenir, je ne peux empêcher le coin de mes lèvres de se retroussées en un petit sourire de fierté. Le prince Aemond, de son côté, est de marbre, comme à l'habitude. Il attrape la chemise, y jette un bref regard, puis repose son attention sur moi avant de finalement me répondre :
- À toi de me dire s'il est convenable.
Le prince dépose la chemise sur le dossier d'un des fauteuils, puis s'attelle à défaire les boucles retenant son par-dessus en cuir. Il retire ce dernier et le dépose soigneusement avant de s'atteler aux cordons de sa chemise.
Mon cœur saute un battement lorsque je comprends qu'il compte la retirer sous mes yeux, sans la moindre gêne. Par réflexe, je baisse le regard alors que le haut de sa poitrine commence à se révéler. Toutefois, lorsque je l'aperçois du coin de l'œil attraper le bas de sa chemise pour la tirer par-dessus ses épaules, mon regard tressaille une fraction de seconde, juste assez longtemps pour entrevoir son torse, finement musclé par les années d'entraînement. Le bas de mon ventre se noue à la vision du haut de ce corps dévêtu, du haut de son corps dévêtu, mais je me force à y faire abstraction, me concentrant sur mon rôle et ma tâche.
Au mouvement que je distingue dans mon champ de vision, je comprends que le prince à enfilé le vêtement que je lui ai rapporté, donc je me permets finalement de relever la tête. Je retiens mon souffle, craignant soudainement de remarquer le moindre défaut dans mon travail. Tout en attachant les cordons au col, il se dirige vers une des fenêtres de sa chambre pour jeter un œil à son reflet.
- À partir d'aujourd'hui, tu seras responsable de mes habits, toi et personne d'autre, commence-t-il en observant sa manche gauche sur laquelle les dieux savent que j'ai tant travaillé. Je veux que tu t'assures qu'ils soient toujours impeccables.
- Bien sûr, mon prince. Je suis flattée de savoir que mon travail vous plaît, je réponds sans pouvoir empêcher un petit sourire.
Moi qui, hier soir encore, craignais le pire, je peine à croire à ses paroles. Non seulement je conserve ma place au château, mais, qui plus est, le prince Aemond désire que je m'occupe personnellement de maintenir sa garde-robe en bon état. Impatiente de confirmer l'irréprochabilité de mes coutures, je m'approche du prince, tendant une main vers la manche qu'il observait un instant plus tôt :
- Vous permettez ?
En réponse, le prince hoche simplement de la tête. Délicatement, j'attrape donc la manche entre mes doigts, observant de près mon travail. Je passe la couture entre mon pouce et mon index, m'assurant une énième fois qu'il n'y ait aucun défaut avant de passer à une autre réparation sur le bas de la chemise.
Je tente professionnellement de me concentrer sur ma tâche, mais ma proximité avec le prince vient troubler mon attention. La chaleur de son corps tout près du mien, son parfum enivrant mes narines, sa respiration rapide brisant le silence; chacun de mes sens semble soudainement répondre à tout son être. Essayant désespérément de focaliser mon attention sur le tissu entre mes mains subitement devenues moites, je ferme les yeux un court instant avant de me concentrer sur la dernière couture, celle au niveau de sa poitrine. Je l'inspecte en osant à peine toucher au tissu, craignant d'accidentellement frôler son corps.
- Tout me semble convenable, je murmure avant de relever la tête vers le prince.
Aussitôt, mon regard se retrouve accroché par le sien qui, je m'en doute bien, me fixe depuis le début de mes manipulations. Ma poitrine se resserre tandis que je réalise me trouver encore plus près de lui que je ne le pensais, nos visages séparés presque uniquement par la distance qu'impose notre différence de grandeur. À la recherche d'air, mes lèvres s'entrouvrent alors que son œil, habituellement violet mais désormais rendu presque noir par sa pupille dilatée, tressaille un instant sur celles-ci avant de revenir vers mon regard.
- Bien, il me répond finalement d'une voix basse qui semble perdue, comme celle de quelqu'un égaré dans ses pensées.
Nos souffles s'entremêlent, le peu de distance entre nous diminuant peu à peu sans que j'aie conscience d'un quelconque mouvement de l'un d'entre nous. C'est comme si l'espace entre nos visages disparaissait simplement sans que j'en aie le moindre contrôle. Comme hypnotisée par le moment, je ne pense plus, ne réfléchis plus. Mon regard quitte le sien pour se poser sur ses lèvres, légèrement écartées et soudainement si près des miennes. Bercée par une vague envoûtante, je ferme les yeux, puis sens son nez frôler le mien.
Puis, soudainement, le vide.
Comme si je venais d'être brusquement sortie d'un rêve, j'ouvre brusquement les yeux pour réaliser que le prince s'est brusquement reculé à bonne distance de moi, son regard perdu sur le côté. Ébranlée par la vague d'émotions et de sensations qui vient de me traverser, je me retrouve désemparée, peinant à tenir sur mes jambes qui semblent s'être liquéfiées. Je me force à me redresser, contractant tous mes muscles sous l'impression soudaine que je pourrais m'écrouler sur place. Balbutiant, je prononce les premiers mots qui me viennent instinctivement en tête pour me sauver de la situation :
- S-Si vous n'avez plus besoin de moi, je me retirerais p-pour continuer mes tâches... mon prince.
Après un court instant, le prince Aemond retourne finalement son regard sur moi, son œil subitement redevenu de son violet presque glacial, impassible.
- Bien entendu, tu peux disposer, il prononce d'un ton neutre, ne m'accordant pas une seconde de plus d'attention avant de faire volte-face pour se diriger vers le fauteuil où il était assis à mon arrivée.
Même s'il me fait dos, je m'incline par réflexe avant de m'empresser de me diriger vers la porte pour sortir de la pièce. Je n'accorde pas la moindre attention au chevalier gardant la porte, m'élançant rapidement dans le couloir en direction de l'endroit du château le plus éloigné de la chambre du prince. La vague indescriptible de sensations que j'ai ressentie refait surface alors que mon esprit est assailli par les événements qui viennent de se produire, mais je repousse toute pensée. Peu importe ce qu'il vient de se passer, je dois l'oublier le plus rapidement possible avant de perdre la tête.
~
Depuis que le prince a exigé que seule moi m'occupe de sa garde-robe, ma routine au sein du château a largement changée. J'ai pu m'éclipser des tâches pénibles pour me concentrer à nettoyer, repasser et réparer les vêtements du prince, m'assurant toujours qu'il puisse se présenter dans des habits impeccables. Puisqu'il a insisté pour que je vienne les porter personnellement à sa chambre, j'ai commencé à le croiser de temps à autre. J'ai été surprise qu'il s'adresse à moi presque à chaque fois, me posant quelques questions banales sur mon travail ou même récemment sur ma vie et mes origines. Jamais les événements du soir où je lui ai rapporté ma première réparation n'ont été mentionnés, et j'ai presque fini par croire que je les avais imaginées.
Au début, j'ai trouvé étrange qu'il s'intéresse à moi, avant de finalement me dire que discuter librement avec une servante n'est probablement qu'une manière pour lui de se changer les idées. Avec la guerre qui vient d'éclater, son esprit doit être constamment absorbé par des questions politiques et des décisions délicates. Mes paroles sans intérêt lui servent donc sans doute de distraction. En fait, il est même fort probable qu'il oublie à la seconde même ce que je viens de lui dire, profitant du bourdonnement de mes paroles dans son esprit un instant avant de replonger dans la réalité.
Égarée dans mes pensées à m'imaginer les diverses possibilités de ce que pourrait bien être notre courte discussion de ce soir lorsque j'irai lui porter son manteau que je suis en train de réparer, je perds sans le réaliser ma concentration. La pierre que j'utilise pour polir une des boucles glisse alors sur cette dernière pour arrêter son chemin sur le cuir qu'elle écorche au passage. Mon cœur s'arrête de battre alors que je suis brusquement ramenée à la réalité.
Je reste figée, comme si le fait de ne pas bouger allait changer quoi que ce soit à la terrible erreur que je viens de commettre. Malheureusement, je suis bien consciente qu'il m'est impossible d'arrêter le temps ou de revenir en arrière. Tremblante, je relève alors ma main tenant toujours la pierre, découvrant le désastre. Une longue fente d'environ deux pouces est apparue en plein milieu du manteau, déchirant le cuir impeccable d'une manière irréparable.
Le choc passé, mon cerveau se met à rouler à toute allure à la recherche d'une solution pour éviter la punition qui m'attend fatalement. Il m'est de toute évidence impossible de camoufler ou de réparer la déchirure, alors ma seule solution serait que le prince n'apprenne jamais la vérité. Peut-être pourrais-je prétendre que c'est l'œuvre d'un rat ? Ou encore faire disparaître le manteau et prétendre à un vol ?
Je pousse un long soupir saccadé et passe une main tremblante dans mes cheveux en regardant le vêtement ruiné. Non, mentir ne pourrait que me nuire davantage, le prince réaliserait aussitôt ma supercherie. Je ne peux que lui avouer la vérité et prier pour sa clémence.
Décidée à en finir le plus tôt possible, j'attrape le vêtement et me dirige vers les quartiers royaux. En arrivant devant la chambre du prince Aemond, le garde me reconnaît aussitôt et pousse la porte pour m'annoncer. Lorsque le jeune prince répond de me laisser entrer, il se décale et je pénètre dans la pièce à petits pas, me forçant mentalement pour ne pas faire demi-tour.
- As-tu eu le temps de repasser ma chemise que je t'ai fait livrer il y a quelques heures ? J'en aurai besoin demain, lance sans me regarder le prince Aemond depuis le fauteuil où il est assis, la tête perdue dans des documents éparpillés sur la table basse.
- N-Non, votre majesté, pas encore, j'en suis navrée.
Il lève brièvement le regard sur moi avant de replonger dans ses parchemins.
- Tu peux déposer mon manteau sur un meuble. Reviens me porter la chemise plus tard.
Je reste figée sur place, cherchant la force de parler, mais les mots restent bloqués dans ma gorge. Lorsqu'il réalise au bout d'un moment que je suis toujours plantée sur place, il arrête ce qu'il fait, puis redresse la tête vers moi, arquant un sourcil.
- Oui ? Il dit pour m'inciter à faire quelque chose.
Je prends alors une grande inspiration et retient mon souffle, mes doigts serrés autour du morceau de vêtement.
- Mon prince, j-je... il est arrivé un incident, je finis par laisser tomber.
Il fronce les sourcils puis se lève subitement, son incompréhension laissant place à de la colère sur son visage. Apeurée, je recule instinctivement d'un pas, avant de comprendre à ses paroles que son irrita n'est pas dirigée vers moi :
- Ne me dis pas que mon frère a encore...
- Non ! je m'empresse de le couper. Pas du tout votre majesté, il n'est pas question de ça. En fait, il s'agit plutôt... de ça, je finis en murmurant, baissant la tête en tendant le manteau dans sa direction.
Comme seule réponse, il fronce les sourcils, me regardant d'un air qui semble m'inciter à m'expliquer, ce que je fais, la voix tremblante :
- Alors que je polissais les boucles, la pierre m'a glissé des mains et... le cuir s'est déchiré. Je suis tellement navrée votre majesté ! P-Pardonnez-moi, je vous en prie, je bafouille sur le point de sangloter, les larmes aux yeux et le souffle saccadé.
La tête baissée, j'aperçois du coin de l'œil le prince se diriger vers moi. Il attrape le manteau entre mes doigts tremblants et je commence à respirer difficilement, pantelant à la recherche d'oxygène alors que ma vision se brouille de larmes.
- Oh, regarde-moi. Respire, dit alors le prince en balançant le manteau sur le fauteuil.
Je remonte lentement le regard vers lui avec l'impression que mon torse se déchire de l'intérieur à chaque petite inspiration que je tente de prendre. Son regard braqué sur moi, il me répète de respirer, mais je suis incapable de me calmer. Je pose une main sur ma poitrine alors que la douleur commence à s'intensifier. Je sens que mes jambes sont sur le point de me lâcher lorsqu'il pose contre toute attente sa main sur la mienne, appuyant légèrement pour faire pression sur ma poitrine. Sa main libre agrippe mon bras pour m'empêcher de m'effondrer au sol alors que la pièce commence à tourner.
- Respire, il me répète d'une voix basse et calme, pressant ma main puis la relâchant pour m'inciter à inspirer et expirer selon un rythme plus régulier.
Cherchant à mieux sentir le rythme qu'il tente de m'imposer pour me sortir de ma panique, je pose ma deuxième main par-dessus la sienne, la serrant, m'y agrippant pour ne pas tomber. Son œil agrippe profondément mon regard, et doucement, suivant ses propres respirations, je commence à me calmer.
Je reprends finalement mes esprits, mon cœur arrêtant de se débattre. Je prends une grande inspiration, sentant l'air remplir mes poumons. Avec ma poitrine qui se soulève, je sens ses doigts se resserrer de nouveau contre ma main, réalisant seulement maintenant notre proximité et le contact de sa peau contre la mienne. Je fais aussitôt un bon en arrière, les yeux braqués sur le sol.
- Pardonnez-moi, mon prince, je murmure en baissant la tête, soudainement embarrassée.
Je m'apprête à demander au prince de m'excuser dans le but de m'enfuir le plus rapidement possible lorsqu'il fait soudainement un pas en avant, revenant assez proche de moi pour que je sente sa respiration s'échouer sur mon crâne. Deux de ses doigts se posent alors sous mon menton, me forçant à relever la tête. Mes yeux encore embués rencontrent son regard qui se plonge dans le mien avec une gravité désarmante. Il m'observe un instant, me scrutant comme s'il tentait de déceler je ne sais quoi dans mes iris.
- Je t'effraie, il murmure sans que je n'arrive à savoir s'il s'agit d'une question ou d'une affirmation.
Je reste donc muette, quoi que, même s'il avait s'agit d'une question, je doute que j'aurais pu y répondre. La vérité est que même si chaque centimètre de son être m'intimide, il m'attire également tout entier. Puisse-t-il m'effrayer alors qu'au fond de moi, mon âme sait que je le désire indéniablement ?
Le prince semble prendre mon silence pour une confirmation de ses paroles puisque, d'un ton tout ce qu'il y a de plus sérieux, il reprend :
- Je ne te ferai pas de mal, jamais. Et quiconque oserait lever la main sur toi n'en aurait plus la seconde suivante.
La profondeur et la sincérité de ses paroles me bouleversent. Je ne comprends pas pourquoi il me fait une telle confession, pourquoi il m'accorde une telle attention. Une attention qu'une simple servante comme moi ne devrais pas recevoir de sa part, mais pour laquelle je réalise brûler de désir. Je veux son attention, son âme, son corps. Je veux sentir son aura si intimidante mais si attirante, son regard si froid mais si profond. Je le veux, lui.
Ses doigts, toujours sous mon menton depuis qu'il a relevé mon visage vers le sien, glissent soudainement le long de ma mâchoire dont il trace la ligne jusqu'à atteindre le dessous de mon oreille. Sa main se pose alors sur ma joue, et avant que je n'aie le temps de réaliser ce qu'il se passe, ses lèvres se posent sur les miennes. Il y dépose un baiser léger, si court que je doute un instant qu'il est réel. Un baiser si bref que, lorsqu'il se recule, je ne peux faire autrement que de me pencher instinctivement vers l'avant, inexplicablement avide de plus.
Mais mes lèvres ne rencontrent pas les siennes de nouveau. Il se redresse, éloignant ainsi son visage du mien. Je lève vers le prince des yeux remplis ayant d'incompréhension que de mon désir que je ne peux cacher. Et c'est à ce moment que je comprends que je viens de me trahir, lui avouer d'un regard l'avidité de mon âme pour la sienne. Ma respiration s'accélère, mes joues rougissent de gêne alors que mon regard brûle de soif d'avoir plus qu'un simple baiser effleuré. Un petit sourire satisfait, presque imperceptible, se dessine un instant au coin de ses lèvres, comme si je venais de lui donner exactement ce qu'il voulait; cette preuve irréfutable que je le veux sincèrement.
Ayant ainsi le feu vert, le prince n'hésite pas une seconde avant de poser sa main sur ma hanche et de me tirer brusquement vers lui. Je laisse échapper un petit cri de surprise tandis qu'il me regarde un court instant, juste avant que ses lèvres s'écrasent sur les miennes dans un baiser cette fois beaucoup plus profond et passionné. Mon bas ventre se tord aussitôt alors que je réponds après une légère hésitation au baiser, goûtant à ses lèvres que seule une dame devrait pouvoir savourer.
Sa main libre agrippe mon poignet pour diriger mes doigts vers son torse, me donnant ainsi la permission de le toucher, sachant sans nul doute que je n'oserais probablement pas prendre l'initiative. La simple idée de ce qui se trouve sous ces couches de tissu et de cuir me fait frissonner du désir pour un plaisir que je n'ai pas vécu depuis si longtemps. Une part de culpabilité s'empare de moi, une honte de cette tentation, mais elle est bien vite chassée de mon esprit lorsque les lèvres du prince quittent les miennes pour se poser dans mon cou. Je pousse un soupir et ferme les yeux, laissant glisser ma main jusque dans sa nuque où mes doigts se mêlent à ses cheveux d'un blond unique.
Une de ses mains qui se trouvait sur ma hanche remonte lentement dans mon dos, effleurant ma colonne vertébrale avant de venir tirer doucement sur les lacets qui referment ma robe. Son visage quitte alors mon cou pour venir surplomber le mien.
- Je ne te forcerai pas, murmure le prince en scrutant attentivement ma réaction.
Je me pince les lèvres et déglutis difficilement en pensant qu'il n'y aura pas de retour en arrière possible.
- Je sais, je laisse tomber avant de poser délicatement une main sur sa joue.
Cette fois, je prends l'initiative d'approcher mon visage du sien avant qu'il ne vienne combler l'espace entre nos lèvres. Alors que nos langues se rencontrent, ses doigts terminent de délasser ma robe qui ne tarde à rejoindre le sol. L'instant suivant, mon dos rencontre les fourrures de l'immense lit régnant dans la pièce, tandis que mon honneur s'envole avec mon esprit.
*
Le reflet des flammes des bougies dansant sur le plafond est la première chose dont je prends conscience lorsque la brume qui obturait mon regard se dissipe, la première chose qui me ramène à la réalité. Le matelas se creuse à mes côtés sous le poids du corps qui vient de se séparer du mien alors que j'entrouvre les lèvres pour aspirer une grande bouffée de l'air chaud de la pièce, réalisant soudainement que j'avais arrêté de respirer l'espace d'un instant.
Je ferme les yeux pour échapper à la réalité qui me rattrape, cette réalité dans laquelle mon corps dénudé n'est qu'à quelques centimètres de celui tout aussi dévêtu de l'homme qui vient de bouleverser ma vie. Cette réalité où il m'est impossible de retourner en arrière, cette réalité où mon cœur sera probablement déchiré.
Sans un regard à mes côtés, je me redresse dans le lit et glisse mes jambes hors des couvertures pour poser un pied à terre. Je me lève puis me courbe pour attraper ma chemise au sol afin de me revêtir.
- Où crois-tu aller ? prononce le prince dans mon dos.
Je déglutis et me retourne vers lui, ma chemise plaquée contre ma poitrine, comme s'il y avait encore quelque chose à cacher.
- Je pensais que je devrais rejoindre les autres domestiques avant que des propos sur mon absence commencent à circuler, mon prince, je réponds d'une petite voix.
- Et t'ai-je commandé de partir ?
Je sens toute couleur disparaître de mon visage, la crainte d'avoir offensé le prince s'emparant de moi.
- N-Non... mon prince.
- Dans ce cas, est-ce ce que prendre congé de moi est ton désir ?
Je comprends à ce moment que j'ai le choix. Celui de faire comme si rien ne s'était passé, retourner à ma vie de servante et tout oublier, comme si la dernière heure n'était qu'un rêve fiévreux à effacer de ma mémoire. Ou encore rester, embrasser la réalité que nos âmes se sont rencontrées pour une raison. Même si le dilemme s'offre à moi, je sais que tout mon être connaît la réponse.
- Non, ce n'est pas ce que je désire, je laisse finalement tomber.
- Alors... reste, répond le prince Aemond en tendant une main vers moi.
Mes doigts relâchent ma chemise qui retourne au sol tandis que j'attrape la main du prince, le laissant me tirer contre lui. Je pose ma tête sur sa poitrine tandis que ses doigts glissent le long de mon dos. Son nez s'enfouit dans mes cheveux et je ferme finalement les yeux, ma respiration se synchronisant avec la sienne, priant les dieux pour ne pas me brûler au dragon.
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