91 - Apnée

5X02 - Strangers

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*pov Carl*

L'odeur. Cette même odeur me saute au nez en rentrant dans l'église. Va falloir que j'arrête d'y penser si on doit rester un peu ici.

-Où est Y/n ?

J'ai l'impression de passer mon temps à poser cette question.

-Dans la pièce à gauche, avec Judith.

Je dépasse Tyreese qui est debout, face à un des vitraux latéraux. Il est figé, le fixe, immobile depuis que je suis entré. La porte a un peu claqué, faisant résonner tout l'édifice. Ca l'a même pas fait sursauter.

J'ai pas peur de lui. Il a trouvé ma soeur et s'en est occupé jusqu'ici sans que personne ne lui ait rien demandé. Comment je pourrais avoir peur de lui ? Mais il est... bizarre par moments. Simplet, on dirait.

J'avance jusqu'au fond. Je ne connais pas toutes les parties d'une église, on en a déjà parlé à l'école, je sais, mais je ne sais plus. Je m'en fous. Qu'est ce que je risque ?

On est déjà en Enfer.

Porte de gauche.

La lumière du dehors tombe sur le canapé juste sous la fenêtre. Plus de rouge et de bleu primaire. L'odeur est un peu différente. Poussière. Plus de poussière. 

Judith se redresse comme un culbuto pour s'asseoir, au bruit de la porte. Elle me tend les bras, direct, avec un sourire.

Si l'une est réveillée et de bonne humeur, je trouve l'autre étendue sur le canapé, encore endormie, la tête contre le dossier du canapé où elle a les jambes tendues, les godasses qui poussent contre l'accoudoir.

-Y/n...

Je le dis doucement. Je n'aime pas qu'on me réveille en gueulant mon prénom ou en faisant du bruit, exprès. Elle gigote sans se retourner, sans bouger vraiment, comme si elle était prise de spasmes, la tête contre le coussin.

-Y/n !

Rien n'y fait.

Je m'asseois lentement sur le bord du siège et je pose ma main sur son épaule. Elle est en nage sous son tee-shirt. Elle se redresse d'un bond, se retourne et son flingue est droit sur moi, le canon sur mon ventre.

Elle me fixe de ses yeux clairs et incroyablement luisants. Elle est pâle et tendue pour quelqu'un qui dort depuis un bon moment. A quoi on rêve quand on fait à moitié de l'apnée dans un dossier de canapé ?

-Pardon...

Sa voix n'est qu'un souffle, méconnaissable. Le beretta disparaît, la sensation du bout du canon qui s'enfonce contre mon appendice reste encore une minute. Mais je reste impassible.

-Cauchemar ?

-'Sais pas.

Je la laisse se remettre, se redresser. Elle s'ébroue un peu, passe sa main sur sa nuque et se gratte, de plus en plus vite, de plus en plus fort, en se mettant assise, ses pieds sur le sol.

J'attrape Judith qui commence de toutes manières à chouiner d'impatience.

-Tu peux venir ? Je voudrais te montrer un truc...

-Ton père est revenu ?

-Pas encore. Viens voir un truc s'te plaît...

Sur l'autel, j'attrape un biberon plein d'eau que je présente à ma soeur. Elle l'attrape bien toute seule maintenant et boit en me fixant. Je pourrais la regarder faire toute la journée.

Papa a dit que je devais rester vigilant.

Y/n nous rejoint. Elle se frotte encore le visage de ses mains et ses yeux de ses paumes. Elle aussi, je crois que je pourrais la regarder toute la journée. Je souris presque malgré moi. Elle est une grande personne en vrai, mais pour moi c'est juste ma soeur, un peu ma mère aussi, quand j'ai faim ou que j'ai besoin d'un câlin. Quand j'ai envie de parler, surtout.

Je refais le parcours inverse, l'allée, le tapis central laminé, Tyreese en bleu et rouge... Y/n me regarde après l'avoir observé comme moi tout à l'heure. Elle agrandit ses yeux mais ne dit rien. Elle m'ouvre la porte et je passe plus près d'elle. Judith tend sa petite main vers son maillot au passage sans rien attraper entre ses doigts potelés.

-T'es sûr qu'on peut prendre Bébé Judith ?

-Oui... j'ai fait le tour plusieurs fois. Y a personne.

-Pas de rôdeur non plus ?

-Personne, je te dis. Ca lui fera du bien après sa sieste. On n'en a pas pour longtemps, toutes manières.

Je sors sur le perron et elle referme la porte derrière nous.

-Je peux la prendre, si tu préfères...

-Non... C'est bon Y/n ! J'te dis que ça risque rien !

-Ok P'tit Mec, j'dis ça, j'dis rien...

Je passe devant mais je la vois qui sort de nouveau son beretta et regarde sur la gauche alors que je l'emmène sur le côté droit de l'église en bois. La peinture est plus écaillée que blanche, un peu partout, à bien y regarder. Et j'y ai bien regardé.

J'avance une nouvelle fois sur toute la longueur du bâtiment. Je veux lui montrer le plus visible, même s'il y en a partout. Les volets sont poussés et pas tous verrouillés, ça aussi c'est bizarre, mais j'en parlerai à Papa.

Je ne vais rien dire, juste lui montrer, pour voir.

Je désigne le premier truc du doigt, sans m'arrêter. Mais elle s'approche de ce que je lui montre sur le mur et elle le regarde, de très près. Elle y pose ses doigts comme si elle voulait comprendre les griffures sous un des volets bien fermé celui-là, pour capter quelque chose de plus... profond.

-Des marques de quoi ? d'ongles ?

Elle grimace de dégoût ou d'horreur en me regardant et en les observant encore une seconde supplémentaire en silence.

-Viens voir...

Judith tète et fait un gros bruit de succion sur le caoutchouc de la tétine plus grosse que sa bouche pourtant goulue.

On a encore tourné à l'angle et on est maintenant derrière l'église. Les premiers arbres ne sont qu'à deux ou trois mètres. Leur ombre porte au dessus de nos têtes, leur odeur, leur fraîcheur tout autant. Si un rôdeur déboule... Sur la planche sous l'une des autres fenêtres, je montre une nouvelle fois ma trouvaille à Y/n qui me regarde interloquée avant de s'approcher et de faire le même manège. Cette fois, pas besoin de se tenir à moins de deux centimètres de l'inscription.

Tu brûleras pour ça

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19.04.20 
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