86 - Trésor

5X01 - No Sanctuary

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*pov Y/n*

La voie ferrée est libre de rôdeurs. Seules les herbes hautes prennent possession du terrain. Certaines tiges m'arrivent à la taille, leur circonférences sont dignes de petits troncs d'arbustes, leurs racines délogent les traverses pourries d'humidité. Ca me soule de devoir viser chaque latte et de les louper, manquant de perdre l'équilibre quand mon talon descend d'un niveau. J'en ai marre. Ras la casquette. J'ai faim. Je suis nase... 

"Arrête de râler..."

Ma gorge me fait presque mal d'avoir marmonné. J'ai soif, je meurs de soif. Mais personne n'a de quoi boire. Inutile de demander. On est tous dans le même état. Avancer. Je n'ai que ça à faire. Avancer et viser juste.  Mer... ! Mon genou plie d'un coup sous le gros gravier qui roule sous mon pied plutôt que la planche de bois immobile. Je me crispe pour ne pas tomber, mais je me fais mal d'avoir contracté si fort. 

J'ai envie de pleurer. Je regarde le trou de ciel blanc au dessus de ma tête. Tu fais chier Bon Dieu d'mes deux. Le pire, c'est que tu le sais. Le pire du pire c'est que tu sais que je le sais. Et t'en as rien à foutre. Enfoiré.

 Encore quelques mètres et on atteint un des nombreux panneaux que nous avons croisés sur notre route. Carol bifurque et quitte le rail pour s'enfoncer de nouveau dans la forêt dès qu'elle l'a dépassé. Tous la suive, nous restons silencieux, k.o. de ce que nous venons tous de faire ou de subir. Silencieux,  je sais pas les autres mais ça tourne sec dans ma caboche éreintée. Un vrai vacarme.

Je suis la dernière. Rick est juste devant moi. Je regarde la grande affiche protégée d'un plastique bricolé qui tient malgré la pluie et l'humidité qu'il a visiblement essuyées. Il le dépasse et revient soudain sur ses pas. Je le rejoins sans un mot. Je m'arrête parce que je suis curieuse de voir ce qu'il veut faire. Tous les autres sont sur les pas de Carol. Sans se retourner, ils disparaissent déjà à travers bois, , s'enfoncent sans broncher dans le corps de la forêt.

Mais je n'ai pas peur de me sentir perdue.

Mon shérif est là. Point de repère ambulant.

Il s'accroupit une seconde pour je ne sais quoi puis se redresse et avec des gestes rapides, presque en colère, barbouille le panneau de bois qui crôle et grince un peu sous son assaut de terre rouge, sèche mais tachante.

NO SANCTUARY

Par seul réflexe, je me retourne pour m'assurer qu'aucun randonneur mort ne nous a repérés. Seule la colonne de fumée monte toujours d'entre les arbres. Toujours noire, ou peut être gris anthracite maintenant. Faut dire que mes yeux me piquent, mes oreilles ont repris leur bourdonnement lancinant, moins fort mais toujours là. Abrutie. Abrutie et écarquillée. J'ai mal au cou de lever le nez aux corneilles, à observer la fin de notre dernier fait d'armes. Sinistre.

Il observe son oeuvre encore une seconde puis sans un mot, m'attrape le poignet sans même se retourner, sachant pertinemment que je suis toujours là, à portée de main.

Sa montre luit faiblement quand je baisse un peu le nez alors que j'avance, emboîte son pas mécaniquement, mes yeux rivés sur sa main refermée sur mon poignet tout entier, sans trop serrer, juste ce qu'il faut pour me sentir en sécurité, importante. Liée. A lui.

*pov Daryl*

J'ai encore du mal à croire qu'on est toujours vivants, qu'on a récupéré les gens de notre groupe ,voire plus, et que Carol nous a elle, retrouvés.

Elle a fait bien plus que ça.

Elle nous a sortis de l'Enfer.

Faudra que je prenne sur moi pour oser lui demander... tout... tout depuis le début. Depuis son départ inexpliqué. Sa disparition pure et simple, sans un mot, ni une explication. Un frisson me secoue malgré moi, malgré la température moite de la journée. Je viens de m'avouer que j'avais fait une croix sur elle. Une croix blanche... Beth... Em... Beth... où est Beth à cet instant ? Est  ce qu'elle est dans le même chaos que le nôtre ? Pourquoi j'pense à la p'tite blonde ? A quoi bon, je l'ai abandonnée. Je lève le nez et l'aperçoit. Avant de replonger sur mes godasses. La brune. Elle est là, entre les arbres. J'suis sûr qu'elle continue à me fixer. Je les ai laissées tomber.

Je m'oblige à redresser la tête, pour accrocher mes yeux et mes neurones à la réalité. La seule qui pour l'instant est là, devant, à nous guider dans cette forêt de son pas décidé.

Je me retourne pour trouver Carl et Michonne, puis Maggie qui marche en silence près de Glenn. Tant de têtes nouvelles. Bob et la femme au débardeur lâche. Sasha, ouai. Elle est pâle et triste, encore plus à la lumière du jour. 

Le grand roux marche derrière, sans grande discrétion ma foi mais pour l'instant, c'est pas ma priorité. Une autre gamine l'accompagne. Casquette militaire. Assortie au treillis du balèze. C'est drôle comme les couples sont visibles  dès lors qu'on les laisse aller. Une petite brune oscille, de temps en temps visible derrière la carrure du roux. Elle a toujours la tête baissée, les yeux un peu trop écarquillés, je trouve. Elle jette des regards à Glenn, à la dérobée. A moins que ce ne soit à Maggie, j'sais pas. J'ai pas encore entendu le son de sa voix, toujours.

Rick et Y/n sont plus loin là-bas.

Ouai... les couples...

Je regarde devant moi, la veste sale avance d'un bon pas, sûr. Carol sait toujours où elle va, c'est pas croyable.

*pov Y/n*

Nous fermons la marche.

Il avance à mon rythme. Je réalise que je ne suis plus la dernière. Il semble moins pressé, maintenant qu'il nous a tous sauvés.

Je lève les yeux vers lui qui regarde droit devant, toujours.

Il ne semble pas me percevoir. Ses bouclettes mouillées reposent plus paisiblement sur le col de son blouson. Les poils de sa barbe... Arrête.

Encore quelques pas et cette fois, c'est ses doigts qui trouvent et s'enlacent aux miens. Alors qu'il n'a pas changé d'attitude et moi non plus.

Notre groupe s'étire devant nous, en silence, docilement à la suite de Carol que j'aperçois par alternance parmi les arbres.

Puis la végétation nous dévoile, à peine plus loin, une cabane abandonnée. Je distingue une voiture bleue stationnée sur le côté. On dirait que le monde d'avant vient à nous.

L'inspiration de Rick est soudain plus forte que les craquements de tous nos pas des uns et des autres depuis plusieurs minutes.

Il me lâche la main pour s'élancer, remonter tout le groupe et rejoindre Carol en quelques enjambées.

J'accélère aussi mais beaucoup plus prudemment.

La porte de la cabane s'ouvre quand je rejoins Carl et Daryl. Un grand black se détache de la pénombre noire de la porte ouverte avant de la refermer lentement derrière lui. Il nous fait face dans un silence de plomb. Même les bestioles alentour retiennent leur souffle. Rick avance encore vers lui. A côté de moi, Carl se soulève de la même inspiration que son père avant de courir lui aussi vers Tyreese que je dévisage en avalant enfin une bouffée d'air plus pur.

Je regarde Daryl qui tourne la tête vers moi, on est tous les deux dans le même état. Tombés dans une 4e dimension, incompréhensible, mais bien plus accueillante que notre réalité de l'instant d'avant.

Un petit paquet blanc contraste dans les bras massifs et sombres de l'homme. Un babillement, à peine une chouinerie, avant de comprendre, avant de voir la toute petite tête blonde.

Avec mille précautions, le gardien offre son trésor au shérif.

On est tous là, à observer les retrouvailles familiales en silence, plus ou moins émus. Daryl tire encore mon regard du spectacle en portant son pouce contre ses lèvres fermées. Il les machouille ? Il nounoute ?!

C'est le bras du Shérif qui me fait signe d'avancer. J'obéis et m'approche lentement de la famille Grimes réunie.

J'attrape doucement Carl par les épaules et Rick m'enlace lui aussi, embrassant ma tête comme il vient de le faire pour son enfant. Un sourire s'accroche à mes lèvres desséchées.

- Bébé Judith...

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13.04.20 
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