78 - brindilles

4x16 - A

Castles - Freya Ridings

---

*pov Daryl*

"... me choper par la peau du cou comme un chaton coincé dans une bouche d'égout.

-C'est sûr morveuse, j'attends que ça...

Je le dis plus pour moi mais ça sort plus fort dans ma bouche. Au moins, elle m'adresse la parole. Son coup d'oeil de cette nuit ne fait que revenir, insistant, alors qu'elle remontait son pantalon sur son cul blanc, avant de disparaître pendant des heures sous ce tas de tôle.

Je me tourne vers les bois et pousse un sifflement en m'aidant de mes doigts contre mes dents. Pourvu qu'ils m'entendent et qu'on n'ait pas à gueuler leurs noms. Je ne sais pas trop si des rôdeurs sont plus ou moins à proximité et je me vois mal en gérer plusieurs, tout seul que je suis, juste avec le gamin et la fille la plus imprévisible que je connaisse depuis ces derniers mois, sans compter qu'elle a certainement pas les yeux en face du trou.

J'observe attentivement les alentours, sans bouger de mon poste pour autant. Les crissements de graviers se reproduisent, de plus en plus soutenus.

La lisière ne crache ni Michonne à droite, ni Rick à gauche.

Seul, Carl est le premier à se redresser et à effleurer mon champ de vision. Ne tardent pas à suivre quelques brindilles dorées et une ou deux feuilles mortes, juste en dessous.

Ca me fait tourner la tête sur la droite, quittant mon observation malgré moi.

Carl reprend son chapeau qui n'a pas bougé du capot et passe son bras au delà d'elle qui se tient maintenant entre nous deux, face à moi. Elle me fixe autant que je la dévisage, sans me rendre compte, obnubilé par les brindilles qui piquent vers le ciel, plantées fermement parmi son amas de boucles indisciplinées au possible. Même en déboulant de dessous le lit superposé de la prison elle n'avait pas été aussi hirsute.

Mais j'ai pas envie de rire. Ses yeux luisants posés obstinément sur moi m'en empêchent sans difficulté. La tristesse de cette nuit est toujours là, dans ces prunelles qui ne me fuient même pas. Elle lève sa main droite, entreouvre la bouche, elle va me sortir une vanne...

Elle se contente de se gratter la nuque en hochant la tête avant de la baisser. Ce sera son bonjour, je suppose.

J'inspire et me tourne de nouveau vers les bois pour pousser un nouveau sifflement bien plus strident que le premier.

Je reviens à elle. Elle ne s'arrête plus de se gratter, frénétiquement, mais ne s'éloigne pas de là, à moins de vingt centimètres de moi. Je n'ai qu'une envie, attraper ces brindilles qui me narguent.

Je n'ose les approcher, je n'ose la toucher.

Alors c'est moi qui m'éloigne le premier.

Je ramasse mon sac déjà trop lourd.

-Prenez vos affaires, on va avancer... Ca va les faire venir...

Carl va chercher son sac resté au pied de la porte passager et nous rejoint en quelques pas. Y/n avance sans commentaire mais marche à un mètre en arrière.

Je la regarde, comme un réflexe. J'ai cru une seconde que ce n'est pas elle que j'allais trouver là, pas vraiment du moins. L'autre brune me travaille les méninges. Faut que je me fasse à l'idée que j'ai rien pu faire : la clairière est son tombeau à ciel ouvert.

Va surtout falloir qu'on se résigne à appeler Rick et Michonne à haute voix.

Mais je n'ai rien à dire que Carl se dirige déjà vers la droite de la route pour s'approcher de la lisière de la forêt. Alors je prends la gauche, et nous appelons, doucement, nos amis.

On avance lentement, restant sur le bas côté, chacun le nôtre, les appelant par intermittence régulière.

J'alterne entre le prénom du shérif et mes sifflements. Ils sont partis trop longtemps, ils se sont trop enfoncés dans les bois.

-C'est pas vrai, put... !

Un coup de feu éclate et me fait sursauter alors que je me retourne vers la route. Puis un deuxième.

Y/n tient son beretta au bout de son bras, étiré tout droit au dessus de sa tête.

-T'es pas tarée, putain d'débile ?!

J'accours près d'elle pour lui baisser le bras et économiser une troisième balle.

-Ca va les faire revenir... ils vont flipper pour tes miches...

-P'tite conne ! Ca va rameuter les rôdeurs alentour sur eux et sur nous, abrutie !

-Et quoi ? T'as les foies ?

-S'il leur arrive une couille, à eux ou à nous, j'te promets que j'te fais la peau.

-Fais toi plais', j'te prends quand tu veux...

Les pas sur le bitume nous interrompent dans notre déclaration d'amour.

-T'étais où putain ?!

*pov Y/n*

Le shérif déboule du bois en courant. Il s'intercale sans gêne entre le chasseur et moi. Son ami compte visiblement pour du beurre ce matin. Je sais qu'il me cherchait. Mais je n'étais pas disposée, vraiment pas. Vais je devoir encore tout reprendre et expliquer, exposer ce que je n'ai pas envie d'aborder ?

-Papa... Elle est là et elle va bien. Elle est désolée que vous vous soyez inquiétés... On peut y aller maintenant ?

Rick regarde son fils un peu interloqué, un peu comme nous tous en fait. Ce môme me scotchera toujours. Son paternel pousse un soupir alors qu'il allait pour me dire quelque chose, j'en suis persuadée. Mais finalement, il ravale sa pensée et pivote pour avancer droit devant.

-Y a la voie de chemin de fer après ces arbres, on va la suivre à distance pour trouver ce Terminus... Restez groupés, j'ai croisé deux ou trois rôdeurs éparpillés mais plutôt camouflés à cause de la végétation. Ouvrez les yeux et les oreilles.

Daryl repositionne la lanière de son arbalète en me toisant un dernier coup. Comme un grand frère fâché de s'être fait houspillé par son cadet. Désolée Chasseur, mais tu m'as cherchée mon pote. Et tu me trouveras. A chaque fois. C'est plus le moment de m'emmerder, pas d'humeur.

Michonne se met aussi en marche en me fixant plus gentiment. J'ai pas davantage envie de parler mais je la rassure d'un mouvement de tête, d'une moue qui se veut rassurante. Elle est moins froide et indifférente que je pensais au début. Elle s'inquiète de Carl tout autant que moi, et peut être même de nous tous . Mais c'est pas mon amie pour autant. Pas encore.

Carl enfin m'invite à reprendre la route, sans plus un mot nécessaire entre nous. On a fait notre point, notre débrief et c'est parfait ainsi. Il sait qu'il peut venir à moi s'il a besoin. Je serai toujours là pour lui.

Il passe devant sur les traces de son père et de ses amis.

Je ferme la marche, volontairement. On est repartis dans notre silence mutuel, ils n'oseront pas me faire de réflexion. Nous pénétrons de nouveau dans les bois, les arbres sont fins mais denses, proches les uns des autres, comme se protégeant inconsciemment de ce fléau que nous sommes devenus pour eux, pour nous mêmes.

Nous avançons lentement, trop lentement à mon goût mais je ne dis rien. Devant moi, Daryl se retourne plusieurs fois sur moi. Pourquoi s'assure-t-il tant que je sois bien là ? Je dois faire un boucan d'enfer à son sens, ne faisant même pas attention là où je pose mes pieds, les bois et feuilles mortes craquent à chacun de mes pas. Et ça m'est égal.

Mais il se retourne encore et encore, plusieurs fois par demi-heures, par quart d'heures.

Je le fixe à chaque fois, je fronce certainement les sourcils dès que je vois sa face sombre devant moi, barrée de ses mèches de cheveux sales et sèches à la fois, son regard fendu, noir et à peine luisant de vie.

Puis la fois suivante, je réalise enfin qu'il ne me regarde pas moi, pas vraiment.

Alors c'est à mon tour de me retourner sur mes pas.

*pov Daryl*

Les rôdeurs peuvent nous tomber dessus à tout instant. Certains ont la couleur des mousses environnantes. C'est incroyable et terrifiant à la fois. Je me méfie de toutes les branches qui arrivent sous mes semelles : ça pourrait bien être une main pourrie mais vivante, agressive qui m'attrape la cheville, à moi ou à Y/n qui est juste derrière.

A chaque fois que je me retourne, elle n'a pas les yeux sur ses pas, pas concentrée sur son parcours, mais le nez en l'air, le regard porté sur les branches, à chercher les piafs ou les écureuils, à tous les coups... ou les yeux posés sur moi. Ils sont assombris, comme à chaque fois depuis que je les ai retrouvés. Le jour n'a pas éclairci les iris qu'elle pose encore sur moi.

Je m'assure qu'elle est là, debout, ça la gonfle visiblement mais j'en n'ai rien à foutre. C'est comme ça et si elle n'est pas joice, elle a qu'à l'dire. Je la recevrai.

Je regarde aussi au-delà de sa tête toujours ébouriffée comme un diable.

La brune reste dans nos pas, dans l'ombre que Y/n traîne et qui s'allonge de moment en moment.

Ses iris à elle me toisent un coup sur deux, au moins. Les siens sont des plus flamboyants, des plus saisissants. Alors je reprends ma marche, à l'endroit, concentré de nouveau sur mes pas.

Jusqu'à l'instant suivant où je vais devoir me retourner, où ce sera bien plus fort que moi.

Entendant mon prénom dans un dernier cri déchiré.

---

05.04.20

🖤

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top