65 - Cedric Diggory
4x09 - After
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*pov Y/n*
"Carl ! CARL !!"
-.... Quoi ?!
-... Attends nous...
Le p'tit mec lève encore les yeux au ciel avant de refaire volte face et continuer, forçant sa foulée un poil plus. Exprès.
Rick claudique de plus en plus fort depuis un moment déjà, à côté de moi, soupirant.
"Laisse le... dis-je assez bas, juste pour lui.
- Il est trop loin...
- Y a cinquante mètres ! On le voit, là ! La ligne est toute droite. T'as la vision floue ?! m'inquiétant illico.
- C'est qu'un môme... ne relevant pas, fixant son rejeton obstinément.
- Il a quinze ans, Papa Grimes... lui souriant.
Rick tourne enfin la tête vers moi qui marche à son allure réduite, volontairement. Je ne le soutiens plus depuis plusieurs heures, ayant refusé mon aide de plus en plus sèchement, de plus en plus agacé. J'ai même rejoint Carl, à un moment, toute vexée. Mais je me suis vite ravisée, sans doute à cause de l'indifférence de Carl aussi, faut dire. Le p'tit mec est renfrogné depuis qu'on s'est sauvés de la prison. Mais comment le blâmer...
Alors me voilà le cul entre les deux chaises... toute l'histoire de ma vie d'AZ !
Maintenant, je marche au pas du père qui donne l'impression de se déboiter le genou gauche à chaque pas. je suis donc là s'il vacille, pour de bon. Je suis là s'il s'arrête, définitivement.
Je suis heureuse qu'il me regarde. Il ne m'en faut plus des masses depuis ces dernières vingt quatre heures.
"Les rôdeurs peuvent débouler des deux côtés du sentier... serrant les dents.
Sous ses mots, je tourne la tête vers le chapeau de shérif là-bas, devant... et l'espace s'étire subitement entre moi et l'enfant.
*pov Carl*
IL ME SOUUUULE !!!
Je sais que je ne suis pas sympa, que ça ne se fait pas de parler comme ça à son père. Mais qui a un père comme ça aujourd'hui ?! Il croit que la vie n'a pas bougé ! Il croit qu'il lui suffit de me faire trimer dans un potager, en plein soleil ou sous une pluie battante pour que notre vie redevienne normale ?! Notre vie ne sera plus jamais normale, putain ! Qu'est ce que ça veut dire, normal, 'toutes manières ?!
Comment il fait pour ne pas comprendre ça ?!
Comment il fait pour continuer à être un looser, alors qu'il avait réussi à construire une famille, une vraie, même après Maman...
Il a pas été foutu de la garder... parce que j'suis pas débile, je sais bien qu'il ne l'aimait plus à la fin.
Mais il aurait pu au moins la garder en vie.
Il a préféré tout laisser au vestiaire, baisser les bras et planter des choux !
Sauf qu'avec ses conneries, on a perdu Judith.
Il a laissé sa fille...
Faut que je m'éloigne de lui parce que je sens que je lui ressemble. A ne pas avoir fait attention juste une minute, c'est moi qui ai tué ma toute petite sœur.
*pov Y/n*
"T'es sûr qu'elle était pas ouverte ?!"
Il me fusille en se retournant sèchement, tout en passant la porte. Une longue écharde se détache aux trois quarts du chambranle, à hauteur de la serrure.
"Un coup de vent et bonjour... ! La gâche est même plus en face du trou !
Pliée à hauteur de la serrure arrachée, je me redresse et entends Carl qui glousse, plus avant dans le salon qui s'ouvre à nous. Mais ça ne fait visiblement pas rire son paternel.
"Carl... Laisse moi avancer devant, c'est peut être encore occupé...
"ALLER SORS DE LA, CONNARD, ENCULE, SALE FILS DE PUTE DE MERDE ! T'ES LA, P'TITE RACLURE DE BIDET, ENFOIRE DE POURRI !!!
Le p'tit mec se met à gueuler des grossièretés plus grosses que lui, en tapant sur le mur de l'escalier qui mène à l'étage. Je reste admirativement pantoise alors que je sens son vieux se raidir encore davantage.
"CARL ! Ton langage !!! fulmine son père, n'y tenant plus, de sa voix cassée par sa mâchoire endolorie.
- QUOI ?! Peut y avoir des rôdeurs !? Ils auraient débarqué avec ça... Mais y a personne, tu vois bien !
Rick me laisse entrer à sa suite puis pousse la porte de sa seule épaule qui doit être l'unique partie de son corps à ne pas être douloureuse. En s'écartant à peine, le battant baille illico. Je soulève les sourcils, la mine impressionnée. Je ne baisse sûrement pas les yeux des siens, furibards. La sclère de son œil gauche est noire de sang, son iris si bleu, si clair, lui confère un coup d'œil digne d'un méchant aliéné. Mais Grimes Senior ne m'a jamais effrayée. Ce n'est pas aujourd'hui la veille. Ni demain.
C'est finalement lui qui cède le premier, s'écartant en se dirigeant vers la cuisine dans les pas de son fils avant lui.
"On prend tout ce qu'on peut...
- On reste pas là pour la nuit ?
Je le suis : où trouver à bouffer dans une maison, ailleurs que dans la cuisine ?! Pfff...
"J'ai gagné... prétend Carl en montrant son butin alors que j'explore mon premier placard sur la pointe des pieds.
- Bah évidemment... claquant la porte de bois du petit meuble haut.
Je reviens vers le plus jeune et observe les sachets de chips, les cinq petites bouteilles d'eau intactes, et le sac de film transparent contenant un genre de grands pétales pâles.
"C'est quoi ?
- Avoine... Ta mère t'en donnait pas au p'tit dej ? haussant les épaules.
- J'ai toujours cru que c'était pour les lapins... ou les hamsters... éludant sa question.
- Non, c'est bien pour les enfants... précise Rick en fixant son fils.
- Je me demandais aussi pourquoi mettre de la bouffe pour animaux de compagnie au rayon des chocapic... souriant au shérif qui semble capter enfin mon humour.
- Ah ah ah... très drôle... râle notre garçon.
Oui, je suis contente d'avoir atteint mon but. Carl ronchonne en grimpant les escaliers. Finalement la vie n'est pas si loin de la normalité.
"Monte avec lui... me dit Rick plus bas.
- Pourquoi ?! Je voulais voir les courses, moi... J'ai pas envie de bouffer des trucs pour les mômes...
- Monte, j'te dis, fixant l'escalier.
- Ok... lâchant un sachet de chips, mais prenant une des bouteilles. Hey ! me retournant encore vers lui qui me regarde aussi, t'es pas obligé d'être relou avec tout l'monde, là...
- Va t'faire foutre... sur le même ton que le mien. Peut y avoir des rôdeurs là-haut et...
-...Tu peux pas monter... hochant la tête en approchant des marches. Moi aussi je te merde, Papa Ours...
Je mets volontairement mes mots à la hauteur des siens mais mon ton est bien celui des contes de fées.
*pov Carl*
Les portes à l'étage sont, comme en bas, toutes grandes ouvertes. Je les ferme chacune leur tour, avant d'arriver sur la chambre du fond.
"Coool..."
Celle-ci est méga géniale... des posters de groupes sombres, des bouquins, un écran plat plus grand que notre télé du salon, et au fond, comme dans une autre pièce, juste en face, un lit gigantesque au bord de tout un mur de grandes fenêtres donnant sur le jardin.
"J'pourrais vivre ici..."
Les marches de l'escalier craquent dans le couloir mais mes yeux et mes doigts ne voient que la boîte de jeu vidéo posée à côté de l'écran. La console est toujours sur l'étagère, juste dessous. Papa voulait pas m'acheter ce super jeu de bagnoles, "trop violent, tu n'as que onze ans, Carl". Des gangsters dans des bagnoles volées qui fuient les flics... Logique à ses yeux, tu me diras. Mais notre vie n'est pas bien plus violente et dangereuse aujourd'hui ?!
"Tu parles...
- Intéressant le champ lexical de tout à l'heure... Woah ! Elle est sympa cette piaule !
Y/n passe la porte, regardant le lit derrière moi.
"J'étais là le premier, pour info... posant la boîte à sa place et attrapant un livre.
- Vas y ! On peut partager, là ? La chambre des vieux sent le rance, tu trouves pas ?!... Et puis t'as vu la couleur de la housse de couette ?! Elle plaît à ton père, j'suis sûre... s'il pouvait monter jusque là...
Elle me fait un clin d'œil et je rigole encore en me laissant tomber sur le lit, surtout pour marquer mon territoire. Elle m'a déjà fait marrer tout à l'heure avec la porte. Je sais pas comment elle fait pour rester calme avec lui. Je ne peux plus le blairer là.
"Je peux venir un peu, aussi ? "
Elle est plantée devant moi, alors je lève les yeux de la première page de mon bouquin.
"T'as le droit de me dire non... Je peux te laisser tout seul et descendre vers ton père...
Je regarde encore la télé qui reste noire et muette.
"Nan, c'est bon... J'reviens... Tu peux rester...
Je m'approche encore de l'écran, avant de descendre jusqu'à la porte d'entrée.
Papa est là, à tourner sur lui-même, tout seul au milieu du salon. Je continue d'abord sur mon idée, sans faire attention à lui. Je lui adresserai peut être la parole quand j'aurai fini.
J'attache bien le câble de la télé autour de ce qui reste de la poignée de la porte d'entrée en faisant plusieurs tours avec la patère du rideau.
"Aide moi à pousser ça... dit il dans mon dos.
- J'ai bien serré... Ca va tenir la porte fermée.
- Aide moi.
- J'ai fait le nœud de huit de Shane !! excédé. Tu t'souviens un peu d'lui au moins ?! Comme de Maman ??!!
Il reste immobile, à me fixer toujours si froidement. Puis il pousse le canapé de sa seule épaule, se pliant en deux avec une difficulté visible. Je l'entends souffler trop fort, trop laborieusement, alors je finis par céder.
"J'me souviens de lui chaque jour... Je pense à elle tout l'temps, Carl...
On se redresse tout les deux en même temps quand le lourd sofa condamne la porte en plus de mon câble noir. Je sens son regard sur moi, espérant sans doute que ses mots me fassent un effet quelconque. Il peut toujours rêver.
"J'suis là-haut... Y/n fait baby sitting...
- Carl...
J'en peux plus... Je sais qu'il ne me suivra pas à l'étage. Quand je reviens dans la chambre, Y/n occupe à peine la moitié du matelas, dans le sens de la largeur. Elle me tourne le dos, recroquevillée comme les mômes de primaire. Elle va certainement se redresser quand elle va m'avoir entendu, mais en m'approchant, elle ne réagit pas. Je reprends mon livre et m'asseois à côté d'elle, le dos contre le mur de fenêtres, face à la télé.
Je la regarde et réalise qu'elle dort, tenant une des bouteilles d'eau, la tête posée sur son magasine, la bouche ouverte, sa joue sur l'image glacée de Cédric Diggory.
Elle me fait marrer.
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