56 - Factuel
4x03 - Isolation
Ecrit en avril pour le #camponano mais publié juste après avoir découvert le trailer du #sdcc2019... on est bien dans deux mondes différents... et je préfère encore celui-ci...
Enjoy comme ils disent !
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*pov Y/n*
Je pose la casserole pleine d'eau sur le petit réchaud de la cuisine aérienne. Montée sur des palettes, abritées de toiles tendues, les plans de travail, les gazinières récupérées, les éviers condamnés et les quelques tables et chaises de jardin dépareillées font de ce carré le centre vivant de toute la prison. Je patiente en fixant l'eau remuant doucement dans le récipient sous l'effet de la chaleur, plongée dans mes pensées. Je reviendrai pour une nouvelle tournée quand Hershel aura infusé cette eau des pousses de sureau qu'il a ramenées tout à l'heure.
Les pas de Carol me font me tourner vers elle, la regardant approcher des grands barils bleus posés au pied d'un des coins de la cuisine. Je viens la rejoindre alors qu'elle me tourne le dos, certaine qu'elle a perçu ma présence sur les planches de palettes qui grincent un peu sous mon poids.
"Je dois faire du thé pour tout le bâtiment A... volontairement légère.
La femme se retourne à mes mots, comme surprise de ma présence que je pensais justement assez peu discrète.
"Ca va ? fronçant les sourcils à mon tour.
Son expression est particulièrement préoccupée. Je sais qu'elle s'inquiète plus que la moyenne mais elle ne montre justement rien de ses tracas. Ce n'est pas son genre, et encore moins maintenant que les habitants de Woodbury nous ont rejoints.
"Que faisais tu dans la cour ? scande soudain la voix masculine.
Je me crispe d'un coup, voyant Carol qui regarde au-delà de moi avant de me tourner le dos ostensiblement, tandis que je pivote sur moi-même aussi vite pour voir celui qui nous interpelle sans sommation. Je comprends alors que le shérif s'adresse à moi, même si je suis bien surprise du ton inhabituel qu'il emploie pour la première fois à mon égard.
Je le découvre en haut des marches métalliques, à plusieurs mètres de nous - ce qui l'oblige sans doute à forcer la voix pour se faire entendre - juste dans l'alignement, nous surplombant quand même toutes les deux, avec Carol qui reste derrière, dans mon dos, muette.
"Pourquoi étais tu dans cette cour... ? Plutôt que sur leurs tombes... ? Qu'y faisais tu réellement... ? continue-t-il imperturbable.
Il descend lentement les marches, ne me lâchant pas de son regard pourtant toujours aussi clair, mais bien plus glaçant.
"Parce que je... d'une petite voix.
-Pourquoi eux ? avançant toujours vers moi, implacable.
-Parce qu'ils étaient con... le volume mourant encore dans ma gorge.
-Est-ce toi qui as immolé Karen et David ?
Sa voix n'émet aucune vibration qui pourrait dévoiler une once d'empathie ou même d'hésitation, alors que je me rends compte que ses yeux sont humides et rougis, comme d'avoir longuement pleuré. Sa posture, droite, solide, rigide, est celle du mauvais flic. Son visage pâle, ses mèches en nage sous ses oreilles, son regard fiévreux est celui du gentil. Mais je ne fais qu'être impressionnée par l'homme de loi froid et professionnel qui se tient, droit et imposant, à quelques mètres seulement.
-Quoi ?! ne puis je que glapir minablement, incrédule.
-Oui.
Au mot qui explose à mes oreilles, je sursaute violemment en me tournant à demi vers Carol qui s'éloigne de moi sans un regard. Rick s'approche en silence alors que je pivote à nouveau face à lui, muette de stupeur alors qu'il la fixe maintenant elle. Immobile, il la laisse prendre la fuite, alors qu'elle s'éloigne sans se presser.
Totalement estomaquée, je le dévisage lui, alors qu'il tend une main affectueuse vers mon visage sans me regarder encore. Je claque ses doigts en les repoussant vivement.
"A quoi tu joues ?!! crie je presque cette fois.
-Quoi ?! surpris à son tour, posant enfin ses yeux rougis sur moi, le ton plus adouci.
-Tu m'interroges à la cantonade, bien fier de ton état, tellement sûr de toi, m'accusant d'un truc absolument odieux... Pour finir par venir me câliner ?!
Il reste interloqué, comme redevenu le Rick que j'aime, les bras ballants, me détaillant comme s'il n'a rien compris à ce que je viens de crier. Ses yeux sont luisants de larmes retenues qui reviennent inonder son regard épuisé, bouleversé.
Mais je refuse de me laisser encore attendrir. Moi aussi, il m'a perturbée avec ses conneries, moi aussi il me fait mal au cœur, là. Alors je vais lui dire ma façon de penser.
"J'étais dans la cour parce que c'est là que Karen et David étaient vraiment... Là d'où ils sont partis... Il ne sont pas dans les trous creusés par Daryl... ils n'y seront jamais... J'ai pas besoin de ça pour penser à eux...
-Y/n..
-Fous moi la paix... J'ai du thé à faire...
Je sais ma justification dérisoire, mais c'est la seule qui me vient au milieu de mon chambardement émotionnel. Je dois surtout me taire, parce que ma voix chevrote déjà sous la vague de larmes qui menace. Je préfère m'éloigner de lui. Ma casserole est bouillante de la moitié de l'eau qu'il reste encore. Je l'évite, sans le regarder alors que je le sens qui m'observe sans un mot, je le contourne et l'ignore volontairement pour retourner aussi vite que je peux vers le bâtiment A, sans m'ébouillanter avec l'eau brulante qui tangue et gicle par dessus les rebords de son contenant. On dirait la tempête qui me remue les entrailles et les neurones, aussi houleuse et bouillonnante de révolte.
Le thé va aider les malades, mais il ne sera d'aucun effet sur mon cœur que je sens se briser. Physiquement.
*pov Rick*
Qu'est ce qu'il vient de se passer au juste ?
Encore une fois, je me suis laissé submerger par le puzzle qui s'est mis en place dans ma tête à la vue du sang laissé sur la porte de la cour.
Les marches que j'ai lentement descendues m'ont mené bien plus profond que je ne pensais au départ. J'ai voulu rester factuel, malgré les yeux qui me piquaient, malgré la sueur qui battait mes tempes, malgré ma pulsation cardiaque frénétique quand j'ai compris que je ne pouvais pas me tromper, que ça ne pouvait être autrement, que ça ne pouvait pas être quelqu'un d'autre. Les traces, sa présence dans la cour il y a quelques heures de cela, son comportement depuis ces derniers jours. Tout m'a guidé vers elle.
Sauf que rien ne s'est encore passé comme je pensais, comme il devait, comme je voulais.
Je n'ai pourtant fait qu'énumérer les faits, pour ne pas la prendre au dépourvu, pour qu'elle comprenne que je l'avais cernée. Pour lui laisser une chance de se défendre aussi. Mais elle s'est contentée d'avouer, de reconnaître froidement, son crime odieux, me mettant face à sa conviction d'avoir fait ce qu'il fallait, sans remord ni regret aucun.
Mais n'ai-je moi-même jamais eu à faire ce qu'il fallait ? Au dépend de toute morale ?
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