WW2

Deuxième guerre mondiale. Conscription.

Ils avaient envoyé mes frères à l'armée, arrachés de force à leur famille. Et leur famille, c'était moi, nos parents morts depuis presque trois ans. Et ils s'attendaient à ce que je les regarde partir les bras croisés? La bonne blague. Mes deux frères aînés, Jason et Riel, faisaient parti de ces jeunes à l'enfance volée. Ils avaient reçu une lettre les forçant à s'embarquer dans l'armée. Deux nuits plus tard, les valises étaient finies, ils étaient partis. Et moi je les avais suivis.

Dès que je l'avais pu, j'avais fugué. Sans faire de bruit, j'avais saisi quelques armes que j'avais auparavant volées puis cachées dans un trou introuvable et je mettais mis à leur suite. Ils étaient quelques kilomètres en avant de moi et je m'appliquais à marcher silencieusement pour ne pas me faire remarquer par l'un d'entre eux. Ils marchaient en ligne droite, véritables soldats se dirigeant vers leur base militaire.

Tout allait comme sur des roulettes jusqu'à ce que, sans m'en rendre compte, je fro dans quelqu'un. À cause de la nuit noire, je n'avais pas vu qu'un des soldats s'étaient stoppé. Et mince, j'allais être grillé.

— Delpha, tu fous quoi ici? Retourne tout de suite chez toi.

Tout de suite, je reconnu à qui appartenait le chuchotement. Gale. Nous étions bons amis par l'intermédiaire de mes deux autres frères, Mais en ce moment je n'étais pas particulièrement heureux de le voir. Lui non plus d'ailleurs.

— Hors de question que je les laisse mourir, maugréai-je en continuant de marcher tout droit.

—Et hors de question que je te laisse mourir, répliqua-t-il fermement mais gentiment.

Sa phrase me paralysa instantanément. Est-ce qu'il était sincère? Ne voulant pas qu'il s'imagine quoique ce soit, je pris un visage neutre, impassible et me retournai lentement jusqu'à me retrouver face à lui. Il en profita pour rapprocher son visage du mien, et je pouvais sentir son souffle légèrement saccadé. Il avait peur. Pour moi.

Une lueur de détermination brillait dans ses yeux et je savais qu'il ne me laisserait aller nul part, peut importe ce que s'il devait me ramener chez moi de force. Il prit mes mains dans les siennes, et malgré le vent froid, elles paraissaient étrangement moites dans les miennes glacées. Je le défiais quelques instants du regard et comme il ne détournait pas les yeux, je soupirai. Mordant mes lèvres en tentant de retenir les larmes qui menaçaient de couler, je lui tendis mes armes aussi à contrecœurs que si je lui donnai mon seul espoir. Je ne pourrai plus protéger mes frères maintenant, alors qu'eux avaient toujours été là pour moi. Quelle soeur inutile je faisais!

—T'inquiètes, je m'occuperais d'eux, me rassura Gale en ébouriffant ma tignasse avant de s'en aller.

Je pris une grande respiration et avant qu'il ne disparaisse complètement dans la sombre forêt, je lui fis promettre quelque chose.

— T'as intérêt à rentrer en chair et en os, ce serait dommage que je me venge sur un corps déjà mort.

Il éclata de rire en avançant vers moi. Heureusement, les autres avaient déjà une longueur d'avance et ne pouvaient l'entendre.

Quand il fut assez près, il saisit mon menton, à ma stupéfaction, et m'embrassa. Puis, mettant fin au baiser, il me prit dans ses bras.

—Promis, chuchota-t-il dans mon oreille.

Et avec ça, il repartit pour de bon. Tout comme mes frères. Des larmes que je ne cherchai pas à essuyer se mirent à couler. Je n'étais même pas sure de les revoir un jour.

Chaque jour se ressemblaient. J'écrivais des lettres mais n'obtenais jamais de réponse. J'étais trop entêtée pour abandonner, ou plutôt je ne voulais pas croire ni même penser à la possibilité qu'ils étaient déjà morts. Alors j'écrivais, encore et encore, et attendais, en vain.

***

TOC TOC TOC!!

— J'arrive!! Grognai-je en me dirigeant vers la portés, où des impatients toquaient sans cesse.

Plus possible de se reposer de nos jours. De mauvaise humeur, j'ouvris la porte d'un coup sec.

— Elle s'est levée du mauvais pieds on dirait, rigola un jeune homme que j'aurai reconnu même sourde et aveugle.

— Jason!!

Tout de suite, mon humeur changea et je me précipitais dans les bras de mon frère.

— Eh moi, tu m'oublies?

— Riel! m'exclamais-je en le prenant aussi dans mes bras. Vous en avez mis du temps, j'ai cru que vous ne rentreriez jamais!

Ils rigolèrent, et c'est là que je remarquai qu'il manquait quelqu'un. Je fronçais les sourcils et balaya la place du regard. Non, impossible, il avait promis de revenir vivant...

— C'est moi que tu cherches?

Une voix sortant de nulle part retentit et un troisième garçon apparut en sautant du haut d'un arbre, me faisant sursauter. Un brun aux yeux bleus. Gale!

— Bordel mais fais plus jamais ça! Hurlai-je.

— Moi aussi je suis content de te voir, rigola-t-il en tentant de me prendre dans ses bras mais je le repoussais.

Me rappelant toutes les lettres auxquelles ils n'avaient pas répondus, je croisais les bras, en colère.

— Ma petite sœur est en colère? Se moqua Jason en me pinçant les joues avant de rentrer dans la maison pour déposer ses affaires, Riel à sa suite.

— Les lettres.

— Tu veux parler de celles où tu menaçais de tuer nos cadavres si on ne revenait pas vivant?

Une flamme de malice brillait dans ses yeux et si je n'avais pas aussi contente qu'il soit envie, je l'aurai giflé sur le champ.

— Donc vous les avez lues! Et pourtant j'ai jamais eu de réponse, crachai-je.

— Crois-moi, si j'avais pu répondre, je l'aurai fait, répondit Gale en se rapprochant de moi. Mais correspondre avec l'extérieur était interdit.

Voyant que mon visage commençait à s'adoucir, il poursuivit d'un ton plus bas.

— Mais tes lettres étaient comme une lumière dans la noirceur, sans elle je serais peut-être pas ici.

Il me fixai droit dans les yeux et j'avais tellement envie de le gifler pour toutes les nuits blanches que j'avais passé à me ronger le sang, incertaine si ils étaient encore vivants, Mais en même temps, je...

— Je te déteste, marmonnais-je en enfouissant ma tête contre son torse pour qu'il ne voit pas que je pleurais.

— Hey, comme promis, je suis revenu vivant non? Chuchota-t-il en me forçant à le regardant dans les yeux.

J'hochai la tête et il essuya mes larmes avant de poser doucement ses lèvres sur les miennes. Je fermai les yeux en laissant la sensation du baiser me submerger.

La guerre était finie et ils étaient en vie, pensais-je en souriant.

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