8 - Une ancienne connaissance

Au lever de l'astre, les premiers rayons filtrent à travers des nuages, baignant de lumière le refuge silencieux de vie. Sophia et Draguir se sont levées aux aurores, après un repos bien mérité, avant de partir le ventre vide à la recherche de leurs amis. Point d'eau dans les tuyaux pour se débarbouiller. Point de nourriture pour les sustenter. Seulement une nuit où leurs esprits tourmentés par cette situation les ont bercés.

Ils marchent depuis trois bonnes heures, privilégiant la voie de la marche plutôt que leurs ailes pour éviter de s'épuiser inutilement. Habituée au mode de transport des loups, d'un destrier ou de ses ailes, Sophia peine à suivre le rythme de Draguir à travers les plaines.

— Je ne pensais pas que c'était aussi loin le village, proteste-t-elle essoufflée.

— C'est sûr qu'avec mon destrier, nous y serons en moins de temps qu'il nous faut, mais malheureusement il ne répond pas à mon appel, réplique Draguir en s'arrêtant.

Il la regarde reprendre son souffle, courbé en deux. Selon lui, les plaines sont hors de danger. En revanche, il ne sait pas ce qu'il les attend quand ils auront atteint le village de Cerulazu. Les bâtisses, dépassant des parois, semblent encore en bon état. Cependant, qui sait ce qui se trouve entre ces murs. De plus, là où Draguir a décidé de se rendre, est praticable par les montagnes, ne connaissant pas le chemin connu des villageois.

— Allez, dépêche-toi, nous y sommes presque, presse-t-il encourageant.

Sophia s'étire le dos en posant ses mains derrière les hanches, puis ajuste l'arme dans son dos. Malgré sa taille assez imposante, la claymore reste légère, comme si la demoiselle transporte un bébé. Evy, ne s'est pas réveillé depuis la veille. Récupérant son énergie qu'il a grandement dépensée ses derniers jours. Ils se remettent en route, se dirigeant vers le village où ils pourront peut-être trouver des habitants, voire des vivres.

Ce n'est qu'en fin de matinée qu'ils arrivent aux portes de la contrée, entourés d'arbres ayant perdu leurs feuillages, mourant en faisant craquer dans un bruit sinistre leurs troncs. Des frissons parcourent Sophia, qui, malgré la tension régnant dans le village, pose sa main sur l'un des arbres. Elle tente de le faire revivre, mais sans la source à proximité, elle ne peut réussir l'exploit qu'elle avait fait dans le bosquet du désert de Pharekht.

Or, elle remarque également d'étranges piques brunâtres, pointant vers le ciel à l'horizon entre les falaises de Cerulazu et de Blasqueen. La demoiselle à un mauvais pressentiment quand elle les regarde. Sentant que le chaos régnant sur cette terre n'est pas dû au simple fait d'avoir été absent. Elle se rapproche de Draguir, qui, lui, observe les vitres cassées et les bâtiments délabrés.

D'extérieur, le village paraissait épargné, mais le contraire les a frappés de plein fouet. Sophia ne se sent pas du tout à l'aise dans cet endroit, où à l'époque, elle était accueillante à sa manière, rustre.

— Tu es sûr que nous devons nous arrêter ici ? demande-t-elle les muscles crispés.

— Si nous voulons atteindre Destria, nous devons trouver de quoi nous nourrir, répond Draguir méfiant. Si nous repartons maintenant, nous n'aurons peut-être pas la chance de trouver des aliments en cours de route.

— Hum, ça me file la chair de poule, rechigne-t-elle.

Le fauconnier glisse ses doigts dans les siens, puis lui émet une pression pour l'inciter à avancer. Ils se dirigent dans l'allée désertique, ne repérant pas âme qui vive. Seule la poussière se soulève avec la brise. Les portes des bâtiments abandonnés claquent. Le sifflement du vent ajoute une ambiance glaciale qui résonne à travers les ruelles. Sophia sent un frisson lui parcourir l'échine, se demandant ce qui a pu inciter les habitants à quitter cet endroit si brusquement. Elle regarde les fenêtres sombres, où des volets grinçants oscillent comme des fantômes.

Le sol crisse sous leurs pas, les bruits se répercutant dans le silence pesant qui les entoure. Chaque coin sombre semble contenir des ombres mouvantes, comme si les murs eux-mêmes respiraient avec une vie malsaine. Draguir serre un peu plus fort la main de Sophia, ses sens en alerte.

— C'est trop calme, murmure-t-il, ses yeux balayent l'allée à la recherche de signes de danger.

Sophia acquiesce sans dire mot, son cœur battant plus fort à chaque coup de vent. Ils avancent prudemment, attentifs au moindre mouvement, au moindre son. Les portes des bâtiments, battues par la brise, émettent des bruits sourds qui résonnent comme des avertissements.

Plus loin, une enseigne pendante grince sinistrement, oscillant au-dessus de l'auberge qui les avait autrefois accueillies. La peinture s'est écaillée, révélant du bois usé par le temps. Draguir s'arrête un instant, le visage tendu, comme s'il entendait quelque chose au-delà du sifflement du vent.

— Tu as entendu ça ? demande-t-il, le regard fixé sur l'obscurité devant eux.

Sophia hoche la tête, incapable de déterminer si c'était juste le vent ou quelque chose de plus sinistre. Un murmure peut-être. Ou un gémissement étouffé. Elle serre sa claymore contre elle, prête à réagir au moindre signe de danger.

Le fauconnier fait un signe de la main, indiquant à sa sauvageonne de rester derrière lui. Ils avancent lentement, leurs pas prudents sur le sol poussiéreux. La tension monte, le silence devient oppressant. Chaque ombre semble contenir des yeux qui les observent, chaque porte qui claque paraît cacher une menace.

Sophia sent son pouls s'accélérer alors qu'ils approchent de l'auberge. Un faible grincement, comme une charnière mal huilée, les fait s'arrêter net. Draguir tend l'oreille, essayant de déterminer d'où provient le son. Sophia, le souffle court, lève les yeux vers le ciel où les nuages sombres commencent à s'accumuler de nouveau.

Le village parait les observer, silencieux et menaçant. Le vent redouble d'intensité, soulevant des tourbillons de poussière autour d'eux. Draguir lève la main pour indiquer à Sophia de se préparer à tout. Il pousse la porte de l'auberge, suivie de la demoiselle, qui furète tout autour d'elle.

L'espace du réfectoire est plongé dans l'obscurité. Le parquet grince sous leurs pieds au fur et à mesure qu'ils avancent. D'un coup, Draguir se fige. Contractant sa mâchoire face à la vision qu'il perçoit. Une volée d'images se percute dans son cerveau, montrant les tortures que sa sauvageonne a subi à Blackvoïd. Ses hurlements résonnent dans sa tête, le forçant à s'agripper les cheveux, tombant à genoux sous le regard effrayé de Sophia. Elle se précipite sur lui, en l'attrapant par les épaules et le secouant, la voix empreinte d'anxiété :

— Draguir, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Il ne répond pas. Cependant, ses veines se noircissent, à mesure qu'il combat l'intrusion qu'il subit dans sa tête. Sophia soulève sa manche, découvrant Evy qui remue sur son poignet, les sens en alerte.

Sophia, je sens une présence, indique-t-il.

— C'est ce qui me semblait. Nous ne sommes pas seuls, répond-elle crispée.

Au moment où elle dit cette phrase, le bruit de main frappant l'une contre l'autre se répercute dans l'auberge. Sophia glisse son bras autour des épaules de Draguir pour le rapprocher d'elle, furetant tout autour pour repérer la personne qui s'en prend à sa moitié.

— Même des années à dormir, tu es toujours immunisé contre mon pouvoir, susurre une voix dans l'ombre.

Son timbre est légèrement plus grave qu'à son souvenir. Son rire, reconnaissable entre tous, accompagne ses pas qui s'approche du couple à terre. Sa silhouette se dessine à la lueur du jour, montrant une différence notable entre le jeune homme qu'elle a aperçu la dernière fois dans la montagne. Plus âgé, plus sale, portant sur son visage les stigmates du temps qui s'est écoulé.

Alex, le rabatteur manipulant la vision, leur fait face. Les dominant par sa hauteur, un sourire malsain s'étirant au coin de ses lèvres. Sophia le fusille du regard, sentant seulement de la haine contre son égard, tandis que Draguir peine à se défaire de sa prise mentale.

Le rabatteur lève sa main, et d'un claquement de doigt, il efface les images dans la tête du fauconnier. Celui-ci s'écroule sur le sol, le souffle court, serrant les poings en jurant :

— Tu vas me le payer connard.

— Oh, tes menaces me glissent sur la peau, mon cher ami, ricane Alex.

Sophia aide Draguir à se lever, et attrape sa claymore. Le rabatteur ne bouge pas d'un pouce en les observant. Il est stupéfié de les revoir, comme si le temps n'avait pas eu d'emprise sur eux, tandis que lui a dû affronter les affres de l'onde de choc qui a suivi leur disparition. Il souffle, bien que satisfait d'avoir fait subir son petit tour de passe-passe au fauconnier. Puis, il se tourne vers la fenêtre pour observer le soleil apparaissant et disparaissant derrière les nuages.

Son comportement changeant du tout au tout, stupéfait Sophia et Draguir. Restant sur ses gardes, et gardant les souvenirs ancrés dans sa chair, elle serre sa prise sur la poignée, tandis que le fauconnier fronce les sourcils. Alex, glisse un œil sur eux, repérant leurs gestes minutieux, sur le qui vive. Il lève sa main pour la passer dans ses cheveux gras, avant de gratter sa barbe de quelques jours au niveau de la mâchoire, l'air de réfléchir.

Sophia observe Alex, méfiante. Les mains de Draguir tremblent légèrement, signe du traumatisme qu'il vient de subir. Elle pose une main sur son bras, comme pour le rassurer, mais garde son regard fixé sur Alex, qui continue de sourire d'un air condescendant.

Un silence pesant s'installe entre eux. Evy, observe attentivement l'ancien rabatteur. Son comportement, autrefois relevant le défi, perdant son contrôle dès qu'une remarque ou qu'une moquerie lui était fait, n'est plus aujourd'hui. Il est sur ses gardes, mais bien trop calme au goût du dragon.

Sophia, essaye de le questionner sur ce qu'il s'est passé, averti-t-il par la pensée.

J'aimerais éviter d'engager la conversation avec celui-là, je n'ai pas confiance, rétorque-t-elle le poing à présent serré autour du manche de la claymore.

Sentant les muscles de sa sauvageonne se crisper, Draguir pose une main sur son épaule et s'avance d'un pas. D'une voix tendue, il demande :

— Qu'est-ce que tu veux, Alex ?

Le rabatteur ne répond pas tout de suite. Il se retourne en se contentant de balayer la pièce du regard, comme s'il cherchait quelque chose ou quelqu'un. Il fait quelques pas vers le comptoir, se parlant à lui-même avant de se décider à répliquer :

— Pas grand-chose.

Sophia serre les poings.

— Qu'est-il arrivé à Imaginarium ? demande-t-elle coup sur coup.

Alex passe derrière le bar et se penche pour fouiller dans les placards poussiéreux, ignorant la question de la demoiselle. Il trouve ce qu'il cherchait, puis se redresse triomphant, tenant entre ses mains un morceau de cuisse de cyan séché.

Automatiquement, à la vision du morceau de viande, les estomacs de Draguir et de Sophia se mettent à grogner. Leur donnant des crampes. La demoiselle pose sa main sur son ventre en grimaçant, tandis que le fauconnier reste de marbre, observant minutieusement les gestes d'Alex. Celui-ci pose une planche et un couteau sur le comptoir. Sans craindre les deux autres, il se retourne pour disparaître dans le cellier, revenant quelques minutes plus tard les bras chargés de boisson et de condiment, sous le regard interloqué de Sophia.

— Approchez-vous, je ne vais pas vous empoisonner.

— Qu'est-ce que...

Alex lève la main pour couper la parole à Draguir. Il fait tourner le couteau entre ses doigts tout en réfléchissant à ce qu'il va dire. Le couple se regarde, méfiant. Le rabatteur semble toujours jouer avec eux, mais il y a quelque chose de différent dans son attitude. Il prépare la nourriture sans hâte, comme si la présence de la claymore ne le dérangeait pas. Pourtant, ses yeux bleus s'assombrissent lorsqu'il les observe.

— Pourquoi nous offrir de la nourriture tout à coup ? Lâche Draguir, croisant les bras. Tu as quelque chose à nous dire ?

Alex tranche la viande avec précision, le couteau glissant sans effort.

— Je fais juste un geste de bonne volonté, répond-il, souriant d'un air faussement aimable. Vous paraissez affamé depuis que vous êtes partie du refuge.

— Comment...

— Comment je savais que vous étiez là-bas ? interroge-t-il en arquant les sourcils. À ton avis, comment as-tu pu apercevoir l'illusion d'une fumée derrière ses maudites montagnes.

Draguir serre les poings. Ce qu'il avait vu hier, n'était autre que le fruit des dons du rabatteur. Cependant, grâce à lui, ils ont pu, lui et Sophia, trouver une âme vivante parmi cette désolation. Pas la meilleure qui soit certes, mais une personne qui pourra les informer de ce qu'il s'est passé durant leurs absences.

Il se tourne vers Sophia, restée en retrait en les observant, et lui fait un signe de hochement de tête pour la rassurer. Les intentions d'Alex ne sont pas contre eux, de ce que semble percevoir le fauconnier, malgré ses réticences à le croire. Ils se rapprochent tous deux du comptoir et s'installent sur les hauts tabourets.

Sophia cale la claymore contre le bois du bar, prenant soin de la positionner à sa portée. Au cas où. Alex sourit en plissant les yeux. Il leur sert les assiettes, de la liqueur, puis plante le couteau dans le bois et pose ses coudes en tenant sa tête entre ses mains. Un sourire placardé sur son visage, il observe Draguir et Sophia qui n'ont pas vieilli d'un iota, et rétorque :

— Bon, je vous dis tout ce que vous désirez savoir, mais vous me promettez de m'emmener avec vous.

Il attrape un morceau de cyan qu'il coince entre ses dents devant l'air choqué de Sophia. Draguir pose sa main sur la sienne, la rassurant que pour l'instant, ils ne possèdent pas d'autres choix pour connaître la vérité.

— C'est d'accord, confirme-t-il en soufflant. Maintenant, dis-nous tout.

Satisfait de la réponse du fauconnier, Alex se redresse en les fixant tour à tour. Sophia n'apprécie pas l'insistance qu'il porte à son égard, lui donnant des frissons. Or, elle attend qu'une chose, c'est qu'il délie sa langue. En revanche, elle tombe dénue quand enfin, le rabatteur lâche l'information tant attendue :

— Vous avez disparu depuis dix ans.


// Hello mes p'tits loups,

Cela faisait longtemps que l'on avait pas approché le petit Alex... Petit, petit, mais qui a bien grandit. 

Vous en saurez plus au prochain chapitre qui sortira dimanche, maintenant que j'ai rattrapé mon p'tit retard. 

Je vous dis à bientôt, et prenez soin de vous. // 

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