7- Désolation

De retour dans le présent, Sophia sent la main de Draguir serrer la sienne, mais même ce geste rassurant ne suffit pas à dissiper le sentiment d'incrédulité qui s'empare d'elle. La dévastation s'étend dans toutes les directions, chaque élément du paysage témoigne d'un chaos imprévu. Comment tout cela avait-il pu se produire en si peu de temps ?

Draguir est tout aussi perplexe. Il a rejoint sa sauvageonne dans l'urgence, occultant la dispersion des îles flottantes qui se dissémine tout autour de lui. En revanche, le changement soudain de cet univers, dépasse tout ce qu'il a vécu jusqu'à présent. Des montagnes brisées, des plaines dévastées, le bois sacré rasé, et ce ciel pesant, empreint de nuages noirs qui avance comme un torrent inéluctable.

Sophia tire doucement sur la main du fauconnier, l'arrachant à ce spectacle désolant :

— Nous devons trouver des survivants. Quelqu'un doit savoir ce qui s'est passé ici.

Il acquiesce, soufflant le cœur serré. Il déploie ses ailes malgré la fatigue et prend Sophia par la taille. Elle passe ses bras autour de son cou après avoir solidement attaché la claymore dans son dos.

— Commençons par le refuge. S'il est détruit, peut-être y a-t-il encore des indices ou des survivants.

Sophia sent son organe vital se contracter à l'idée de ne pas savoir si son père a pu survivre ou non. Ils s'envolent de la falaise où l'arbre agite ses branchages sous le vent, survolant la dévastation qui s'étend sous eux. Les îles flottantes dérivent lentement, comme des débris dans un océan agité. À mesure qu'ils s'approchent du refuge, ils constatent que la destruction n'est pas uniforme. Certaines parties semblent calcinées, d'autres gelées, et des fissures profondes zébraient le sol. C'était comme si le monde lui-même avait éclaté.

Lorsqu'ils dépassent l'arbre en mémoire de Bastos, Draguir s'approche du sol, peinant à maintenir la cadence. Les derniers évènements l'ont fortement épuisé. Ses ailes se rétractent quand ils sont à deux mètres du sol, les surprenant en les faisant tomber en piqué. Ils roulent un temps sur le sol, se protégeant la tête, tandis que la claymore cogne contre le dos de Sophia.

— Ça va ? demande Draguir en se redressant et se frottant ses bras écorchés.

Sophia reste un moment allongée, grimaçant de douleur, les bras écartés sur l'herbe. Draguir s'approche d'elle, la mine grave et constate son état. Elle glisse son regard sur lui, tandis qu'un faible sourire se dessine sur ses lèvres.

— J'ai fait pire comme chute.

— Allez, nous ne sommes plus très loin, indique-t-il en plissant les yeux et lui tendant la main pour l'aider à se relever.

Une fois debout, elle s'époussette le pantalon et se redresse d'un coup en repensant à une chose.

— Je me demande, commence-t-elle perplexe. Ton destrier ne t'a pas rejoint comme à son habitude ?

Draguir y avait déjà songé. En temps normal, ressentant la présence de son maître, n'importe quel lieu où il se trouve, son fidèle ami l'aurait rejoint. Or, là, la créature ne daigne pas se montrer, ce qui l'inquiète énormément. Il ne répond pas à la question de sa sauvageonne, dont lui-même n'a pas la réponse. Ils se remettent en marche, des questionnements plein la tête. La nuit commence à s'installer quand, dans la fatigue de leur traversée, ils montent au sommet d'une colline pour découvrir le refuge. Son état reste inchangé. Pointant son toit biscornu vers le ciel. Reflétant les paysages désolants à travers des fenêtres. Le jeune couple échange un regard méfiant, doutant qu'un piège leur soit tendu. Sur leurs gardes, les sens aux aguets, ils gravirent les marches menant au perron.

Sophia remarque le balancement du rockingchair de Jojo se balançant au gré de la brise de vent. Un profond sentiment de malaise l'étreint. Elle, comme Draguir, ignorent où il se trouve. Tout comme son père qui avait accompagné le groupe resté sur terre. La jeune femme sent une pression dans sa main, ne remarquant pas qu'elle fixe la chaise dans le vide. Draguir se positionne devant elle, puis lève sa main pour lui essuyer une larme roulant sur la joue de sa sauvageonne. Il la prend dans ses bras, tentant de la rassurer :

— On va les retrouver.

Elle cale sa tête sur son épaule, espérant revoir son père, Jojo et tous leurs amis. Sophia se laisse traîner par Draguir à l'intérieur de la bâtisse. Ils constatent qu'il n'y a aucune trace de vie. La poussière recouvre les meubles et le sol, formant une fine pellicule grise sur chaque surface. Dans le coin des murs, des toiles d'araignées tissées à la va vite ondulent sous le léger souffle de la brise qui entre par la porte entrouverte. Un frisson glacé leur parcours l'échine, leur rappelant que malgré la familiarité des lieux, ils ne se sentent pas vraiment chez eux.

— Bon, que fait-on ? demande Sophia, l'esprit embrouillé.

— Essayons d'abord de nous reposer et de reprendre des forces, répond Draguir. Après, nous fouillerons l'endroit en quête d'indice.

Il glisse un regard sur elle, se rappelant lui avoir arraché le cœur dans ce lieu étrange au cœur de l'arbre, mais s'aperçoit qu'elle est aussi vivante, se rassurant sur la respiration, lui levant la poitrine. Elle tourne sa tête vers lui, sentant le poids de son regard, et fait face à ses prunelles d'or dansant avec les ombres. Ils restèrent un instant à se fixer ainsi, comme deux parfaits imbéciles plantés au milieu de l'entrée. Sophia lève à son tour sa main, puis la pose sur la joue de Draguir. Il ressent la chaleur de sa paume, puis ferme les yeux.

— Je vais bien, rassure-t-elle. Je suis là, en vie et je ne disparaîtrai pas.

— En es-tu sûr ? demande-t-il en posant sa main sur la sienne.

— Pour la énième fois que tu me poses la question depuis que l'on a quitté BlackvoÏd, oui, j'en suis sûr. Si ça n'aurait pas été le cas, tu serais revenu tout seul avec Evy.

Draguir grimace face à sa dernière phrase. Il ouvre ses yeux, en la regardant avec intensité. Il glisse sa main sur la hanche de Sophia, puis l'attire contre son torse. Sa tête se baisse vers elle, frôlant ses lèvres contre les siennes. Son cœur bat la chamade, tandis que celui de Sophia rate plusieurs battements quand enfin il appose ses lèvres, ressentant la puissance de son baiser. Avide et pressé. Elle glisse sa main dans ses cheveux, les agrippant, ne voulant plus se détacher l'un de l'autre. Le fauconnier effleure sa peau, en passant sous son t-shirt, éprouvant le besoin de la sentir sur toute les surfaces.

Hem, hem.

Les deux se séparent, le souffle court, essayant de repérer la voix qui a résonné dans leurs têtes. Sophia tourne la tête dans son dos, pour regarder la claymore attachée et remarque qu'Evy n'est plus dans son emplacement. Elle fronce les sourcils et reporte son attention sur Draguir qui la fixe tout autant étonné. Elle glisse sa main, puis fait face au dragon qui a pris position sur son poignet.

— Evy ?

Vous n'avez pas forcément le temps pour des papouilles, grimace le dragon en levant la tête, ses yeux scrutant le visage de Sophia.

La demoiselle se fige, gênée de la remarque acerbe de son ami. Evy émet un faible grognement, comme un soupir, puis pose sa tête sur son poignet. Sophia ressent un léger picotement, comme une onde de chaleur traversant son bras. Elle échange un regard avec Draguir, qui hausse les épaules, clairement aussi confus qu'elle.

— Il semble fatigué, dit-elle, essayant de comprendre son comportement. Il est resté à l'intérieur de la claymore tout ce temps. Peut-être que cela l'a affaibli.

Draguir acquiesce, mais quelque chose d'autre parait le préoccuper. Il regarde autour de lui, observant le refuge déserté, puis revient vers Sophia.

— Quelque chose ne va pas ici. C'est comme si tout le monde avait disparu. Il y a de la poussière partout, des toiles d'araignée... Comment ç'a pu arriver en si peu de temps ?

Sophia hoche la tête, ressentant le malaise grandissant.

— Nous devons chercher des indices. Quelque chose qui nous dit ce qui s'est passé ici.

Ils commencent à fouiller le refuge, ouvrant des portes et déplaçant des objets pour trouver des traces de vie. Chaque pièce parait plus vide que la précédente. Les meubles sont couverts de poussière, les fenêtres opaques par la saleté. Mais ce qui les trouble le plus, c'est le silence. Pas un bruit, pas un souffle de vie.

Une larme roule sur la joue de Sophia quand elle pousse la dernière porte menant au grenier. Cet endroit empli de souvenirs. Elle entre et aperçoit un vieux carnet sur la table. Les pages sont blanches, comme si le temps avait effacé tout ce qu'il y était écrit. Draguir la rejoint, s'appuyant l'épaule contre le bâti de la porte tout en l'observant.

— Si nous ne serions pas dans une telle situation, je me rappellerais ce moment où tu étais caché sous cette table, indique-t-il passablement.

Sophia sursaute en ne l'ayant pas entendu arriver. Même si l'un et l'autre se souvient de leurs passés communs, il fut une époque où, pour Sophia et Draguir, ils se croisaient pour la première fois en ce lieu. Elle ferme le carnet, qu'elle dépose par la suite sur la table avant de se retourner. Elle se sent désemparée, mais se rappelle les paroles de son fauconnier, lui confirmant qu'ils retrouveront leurs amis. Elle doit croire en cela, même si le monde autour d'elle semble s'effondrer.

Ils descendent ensemble dans le hall où le poids pesant du silence les étreint. Dans la cuisine, ils ne trouvent rien pour se nourrir. Tout a pourri sous la moisissure, et les céréales qui auraient pu leur apporter un semblant de nourriture n'est plus viable. Ils décident de s'installer dans la chambre à l'effigie de la déesse des vies.

Draguir allume une bougie, créant une petite lueur chaleureuse. Ils s'assoient côte à côté, la fatigue les gagnant. Sophia pose sa tête sur l'épaule du fauconnier, cherchant un peu de réconfort dans ce moment de chaos.

— Demain, nous chercherons d'autres lieux, dit Draguir en plaçant son bras autour de son corps. Nous trouverons des réponses, je te le promets.

Elle hoche doucement la tête, sentant le poids de la fatigue. Evy, semble s'être endormi. Dans leurs états, ils ignorent s'ils pourront utiliser la projection astrale pour tenter d'en découvrir plus. Sophia s'endort dans les bras de Draguir qui la berce. Il l'allonge délicatement sur le lit, puis la recouvre d'une couverture.

Tant d'épreuves traversées pour se retrouver, mais à quel prix. Il se dirige vers la fenêtre, et avec un pan de son t-shirt il essuie la saleté sur la partie basse de la vitre. Il approche l'un des fauteuils, s'asseyant dedans pour se mettre à hauteur, puis observe les montagnes de Cerulazu autrefois enneigées.

Draguir se demande où Firelesse, son destrier, peut bien se trouver. Pendant la fouille du refuge, il était sorti un instant, sifflant sa mélodie pour l'appeler, mais aucun son de trot ou de hennissement ne l'avait atteint. Or, il sait au plus profond de lui que son fidèle ami est toujours de ce monde. Ce lien si particulier qui les unis ne s'est pas dissous.

Un mouvement dans son dos lui fait tourner la tête vers Sophia qui s'agite dans son sommeil. Il ne peut pas se résoudre à fermer l'œil, tant l'image de lui transperçant son cœur le hante. Le fauconnier soupir, et reporte son regard sur le paysage désolant de la forêt. Demain, ils devront prendre la décision de savoir dans quelles directions ils continueront leurs recherches.

Un long périple les attend. Ils ne savent pas quel danger rôde dans ce chaos. Si Gan à péri ainsi que leurs amis. Draguir pose ses coudes sur ses genoux et enfoui sa tête dans ses mains, soufflant face à la multitude de questions sans réponse qui affluent dans son esprit. Laissant la flamme de la bougie éclairer faiblement ce lieu si chaleureux à l'époque. Laissant le doute et la peur de l'inconnu s'immiscer dans le cœur du jeune couple.

Draguir reste assis dans les fauteuils, les yeux fermés, restant aux aguets du moindre bruit, mouvement, signe. La lueur de la bougie vacille doucement, projetant des ombres dans la pièce. À chaque mouvement de la flamme, son cœur ressent un léger frisson, comme pour lui rappeler l'incertitude de les entourent. Quelque part, dans cet univers désormais chaotique, des amis pourraient être en danger, ou pire encore, morts.

Il sent une main douce sur son épaule. Sophia s'est réveillée et s'approche de lui, ses yeux encore lourds de sommeil. Elle ne dit rien, mais décale ses bras pour s'installer sur ses genoux et le prendre dans ses bras pour lui offrir un peu de réconfort. La tête posée sur sa poitrine, il est rassuré d'entendre son cœur battre à mille, recueillant la chaleur de sa bien-aimée.

— Je n'ai pas pu m'évader et trouver nos amis, murmure Sophia, brisant le silence pesant. J'ai l'impression qu'un mur invisible entrave mon pouvoir.

Draguir lui caresse le dos, réfléchissant à ce que cela peut signifier. Ils ont besoin de plus d'informations, de pistes solides, mais le refuge n'a donné aucune indication.

— Nous devons quitter cet endroit demain, dit-il avec détermination. Il faut chercher ailleurs, voir si quelqu'un a survécu ou si des indices nous attendent dans d'autres lieux. Nous ne pouvons pas rester ici à attendre que le passé revienne.

Sophia acquiesce, puis tourne son regard vers la forêt morte de Cerulazu, perdant ses yeux sur ses arbres autrefois verdoyants dénués de feuillage.

— Je me demande ce qui est arrivé à mon père. S'il a eu le temps de fuir avant que tout ne s'effondre.

Draguir comprend sa préoccupation. Perdre son père serait un fardeau insupportable pour elle. Ils restent ainsi une bonne partie de la nuit, observant le ciel empli d'épais nuages. Laissant peu de visibilité aux étoiles.

Le fauconnier sent le poids de sa sauvageonne s'alourdir, comprenant qu'elle s'est de nouveau endormie. Il recule dans le fauteuil, en la serrant contre lui, lui offrant toute sa chaleur. Draguir suit les lignes de son visage paisible, et la craquelure au coin de ses yeux en l'effleurant avec son doigt. Il reporte son regard vers le paysage, remarquant de la fumée s'échapper derrière les montagnes.

Bien qu'il se dit que cela est sûrement dû aux volcans, ce phénomène lui indique une piste à suivre. Or, il doit également reprendre des forces. Draguir se redresse, puis se dirige vers le lit où il allonge Sophia, avant de se coucher à ses côtés en la reprenant dans ses bras. Laissant la flamme de la bougie comme simple veilleuse dans cette nuit d'incertitude.


// Bonjour à tous, 

Je m'excuse de ce contre temps du syndrôme de la page blanche qui m'a fortement ralentit. 

Nous retrouvons Sophia et Draguir qui se retrouvent seul à Imaginarium. Seul ou pas, qui sait... 

N'hésitez pas à me dire ce que vous avez pensé de ce chapitre assez court. 

En vous disant à bientôt. et prenez soin de vous mes petits loups // 

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