10 - Solitude

Plusieurs taches de sang colorent la neige immaculée de la montagne. Timéa était sur le point de déployer son sort, quand il est apparu devant elle. Silencieux de sa présence depuis une semaine, faisant le mort pour mieux les épier, à défaut de réussir à contrer la magie de son frère, Gan est arrivé au moment opportun.

— T'ai-je manqué, belle-sœur, glousse-t-il de sa voix gutturale, sa main se contractant sur le cœur de la déesse.

Une quinte de toux franchit les lèvres de Timéa. Un filet de sang s'écoule au coin de ses lèvres. Elle le fixe avec mépris, gardant ses bras en position. Elle doit le déployer, pour les sauver. Or, le fauconnier n'est pas de cet avis.

— Ils ont par, je ne sais quel moyen, réussi à contourner la prophétie, susurre-t-il en s'approchant de son visage. Cependant, ils n'arriveront pas à sauver Imaginarium et leurs amis, et n'arriveront pas à le sauver lui, je t'en fais la promesse.

Timéa sent son cœur se serrer devant ses paroles et ses doigts qui entourent son organe. Elle reste muette devant Gan qui affiche son plus beau sourire malveillant. Il sait qu'en lui arrachant le cœur, il récupère les dons de ses sœurs. Un seul coup, fatal, qu'il porterait sur ce monde qu'il méprise tant. Un combat durement mené à manipuler la rage de son petit frère pour atteindre le plus grand. L'éternel l'ayant abandonné pour la femme qu'il tient entre ses griffes.

La déesse, quant à elle, ferme les yeux avant de les rouvrir, déterminés. Elle manipule légèrement ses doigts pour laisser son pouvoir glisser vers sa destination, gardant son regard ancré dans celui de l'éternel, l'emprisonnant. Une nouvelle quinte la saisit, sentant la fin approcher.

— Tu... ne gagnera... jamais, crache-t-elle entre deux toux.

Il se met à rire et compresse un peu plus le cœur de la déesse.

— Cette fois-ci, tu ne reviendras pas. Adieu, Timéa.

Une nouvelle lumière dorée se dégage du corps de la déesse, envahissant de nouveau Imaginarium, et le restant des habitants de cet univers. Observant le phénomène se propager simultanément, Alex indique aux autres de se coucher. Une onde de choc, suivie d'un tremblement de terre, les secoue. Les objets se fracassent sur le sol, tandis que les meubles tombent à la renverse.

Plus violente, plus puissante que les vibrations ressenties à leur sortie de Blackvoïd. Les rabatteurs tentent d'échapper aux projectiles qui fusent au travers des pièces, mais n'échappent pas pour la plupart à un destin funeste. La secousse se stabilise, laissant un silence pesant planer dans les plaines. Alex se redresse, sortant des décombres l'ayant enseveli, puis tente un regard vers l'extérieur, sursautant, perplexe parce qu'il s'offre sous ses yeux.

La chaîne de montagne a perdu sa couverture blanche, comme balayer. Il se retourne pour courir dans le hall, constatant les dégâts de son nouveau lieu de vie. Sens dessus dessous, des marre de sang révélant la présence de ses compagnons et d'esclaves ayant eu la malchance de trouver au refuge des rabatteurs au vice inassouvis. Alex s'avance lentement, prêtant son oreille à la recherche de bruit lui indiquant des survivants. Le soulagement le gagne quand il entend son ami Félix hurler de rage dans la chambre de la louve. Il se précipite pour le rejoindre.

— C'est quoi ce bordel !

Alex rentre en trombe dans la pièce, découvrant que le jouet de son ami n'a pas survécu.

— Bon, avec celui-là en plus, il ne reste plus grand monde dans le refuge, constate sarcastiquement le blond.

Félix se tourne vers lui, ne comprenant pas. Ses yeux de chat se plissent de colère.

— Tu m'expliques, rage-t-il en balançant un morceau de bois.

— Lumière, onde de choc et tremblement de terre, résume Alex en énumérant sur ses doigts. De plus, je n'ai pas encore été voir à l'extérieur, mais de ce que j'ai aperçu de ma position. Il y a eu une fonte des neiges sur les montagnes.

Son collègue souffle d'exaspération. Puis, il sort de la chambre en constatant à son tour les ravages que le phénomène a provoqués. Il grogne de plus belle, et se tourne vers Alex :

— Reste ici et désencombre, je vais faire un tour sous ma forme, ce sera plus rapide.

Le rabatteur n'apprécie pas de devoir se coltiner le rôle de bonne, mais des deux restants en vie dans le refuge, il n'a pas la rapidité du félin qui gambade déjà dans les plaines. Il souffle, regardant partout, puis relève les manches en se mettant à la tâche.

Dans le milieu de la nuit, Alex creuse des trous à l'arrière du refuge, à la place des parterres fleuris, pour enterrer chaque corps qu'il recouvre de terre en sifflant. Félix n'est toujours pas revenu, et de ce qu'il a remarqué pour l'instant, seule la neige dénote du paysage par sa disparition. Il finit sa basse besogne aux aurores, en sueur, le souffle court. Dans un souci des détails, il a recouvert chaque parcelle retournée des fleurs qu'il avait déplacées en amont.

Alex se dirige dans la cuisine en déposant la pelle dans le cellier au passage. Il se sert un grand verre de liqueur, avant d'attraper un fruit, puis se dirige à l'entrée. À ce moment-là, Félix revient en ouvrant la porte à la volée, les yeux affolés, faisant sursauter son ami.

— Tu devrais voir ça, Alex, c'est... Je ne saurai pas te l'expliquer, vient.

Fronçant les sourcils, il le suit à l'extérieur, puis grimpe sur son dos avant que Félix ne se mette en direction de Cascalaris. Sur le chemin, il remarque que les rivières sont asséchées. Plus aucune once d'eau ne s'écoule. Portant son regard sur le bois, ses yeux s'écarquillent d'effroi quand il ne voit plus les arbres, mais un cratère géant à la place.

— Qu'est-ce que... commence-t-il à dire.

Cependant, Félix ne ralentit pas la cadence. Ils arrivent tous deux en haut des falaises où le bruit si connaissable des cascades ne s'entend plus. Alex descend du dos de son ami, observant choqué la ville fendue en deux. La statue de la déesse est brisée. Le haut représentant la tête et les bras tenant la coupole sont écrasés au centre de la place. Aucun son de cri, de hurlement ne parvient pas à leurs oreilles. Le calme, pesant, terrifiant, enserre le cœur du rabatteur.

Félix se rapproche de lui et pointe la mer Azura du doigt. Alex lève la tête dans la direction donnée et repère une pique cristallisée pointé vers le ciel de couleur brunâtre.

— Il y en a cinq au total qui se répartit du bois jusqu'au nord de Blasqueen, explique Félix, essoufflé. Je n'ai pas pu me rendre sur l'autre rivage, mais les dégâts doivent être similaires.

— Y a-t-il des survivants ? demande Alex sans quitter du regard la pique.

— Du côté de Voltamur, les hommes de feu ont disparu, comme envolés, rapporte le félin. La zone est totalement vide, comme s'ils étaient morts en même temps que la déesse.

Alex fronce les sourcils et rétorque :

— Impossible, ils étaient encore là hier.

— Je ne te mens pas, je n'en vois pas l'intérêt, réplique Félix outré. Va voir par toi même si tu ne me crois pas.

Son ami secoue la tête, et lui fait un signe de la main pour qu'il continue ses explications sur la suite de ce qu'il a vu. Or, il se décompose en apprenant que Cascalaris est dénué de toute âmes. Les abords de Cerulazu semble encore épargné, mais il ne sait encore pour combien de temps, et Blackvoïd n'a pas changé depuis sa transformation.

— Je n'ai pas encore été vérifié au village, cela me semble encore animé. En revanche, je t'avoue que tout seul, après avoir constaté autant de vide, je ne me sentais pas d'y aller, finit d'expliquer Félix.

Alex comprend parfaitement son point de vue. Lui-même n'aime pas se retrouver seul, sa plus grande peur. Il avait pu combler cela en gérant les mines sous les ordres de H, et par la suite en gérant le refuge pendant la semaine qui a suivi la disparition. Cependant, tout un monde, du moins une partie sans animation, ne le rassure pas.

— Allons voir au village, indique-t-il.

— Vous trouverez seulement cendre et désolation, informe une voix derrière eux.

Les deux se retournent d'un bloc, faisant face à Gan dans un piteux état. Il s'essuie le sang s'écoulant de sa lèvre d'un revers de la manche. Et, s'avance vers les deux rescapés. Une lueur dangereuse dansant dans le regard.

— Je pensais que tu étais mort, rétorque Félix sur la défensive.

Gan se met à rire de façon impulsif, collant des frissons sur la chair des deux amis. Alex et Félix serrent automatiquement leurs poings, blanchissant leurs jointures.

— Sache, chaton, que me tuer relève d'un être particulier, et ceux possédant cette capacité ne sont plus de ce monde, continut-il de rire.

— Comment ça, siffle Alex.

Gan ne lui répond pas, constatant à son tour les dégâts provoqués par la déesse des océans. Figeant par la suite ses yeux sur les piques. Il ferme les yeux un instant, soupirant face à la sentence que Timéa lui fait subir. Félix, énervé de ne pas voir d'explication leur parvenir se met à lui hurler dessus :

— Mais tu vas nous expliquer ce qu'il se passe bordel ? Tu dois être au courant vu ton état !

Le geste est trop rapide pour qu'Alex réagisse. Gan disparaît sous leurs yeux et réapparaît derrière le félin en plongeant son poing dans les côtes de Félix, faisant ressortir son cœur de l'autre côté. Le rabatteur écarquille les yeux d'horreur face à la mort de son ami qui s'écroule sur le sol après que le fauconnier ait extrait son bras aussi sec.

— Tu miaules trop.

Alex recule d'un pas, face à Gan. Celui-ci lève son regard vert perçant sur lui, et affiche un rictus. Il s'avance, la main en sang, lâchant le cœur de Félix qui roule sur le sol et attrape le visage du rabatteur. Il plonge ses yeux dans l'océan déchaîné du regard du blond, pétrifié par son aura. Un sourire sournois s'étire sur les lèvres du fauconnier devant son état.

— Mon cher Alex, susurre-t-il pour le faire trembler. Je ne serais pas tout seul enchaîné à cette maudite terre. Tu vas rester bien sagement, en vie, à prendre soin de ce qu'il reste d'Imaginarium jusqu'au retour de nos héros préférés.

— Je... je...

— Tu préfères mourir ? N'oublie pas que je lis en toi comme dans un livre ouvert Alex, les seuls ayant la faculté de contrer ce pouvoir sont pour l'instant hors d'atteinte et ce compte sur les doigts d'une main.

La peur s'immisce dans les veines du rabatteur. Il refuse d'être seul dans ce monde. Seul ou encore en compagnie de ce monstre. Il regrette le temps de l'âge d'or de H, et la venue de cette fourbe qui a osé le faire sortir de ses gonds. Ses regrets sont d'autant renforcés, quand il a refusé la main tendue de Gabriel, qui le sommait de les suivre, préférant se satisfaire de ses désirs, plutôt que de la sécurité.

— Tant de regret avec lequel tu vas devoir vivre pendant une durée indéterminée, souffle Gan à son visage. Tente une seule fois de mettre fin à tes jours, et crois-moi que tu vas amèrement le regretter. Je garde un œil sur toi.

Il le lâche avec force, renversant le rabatteur sur le sol dans un bruit sourd de craquement. Son poignet s'est retourné, lui arrachant un hurlement de douleur. Le fauconnier hausse les épaules avec un sourire malsain.

— Occupe-toi comme tu veux, tu ne manqueras pas de vivre, achève-t-il avant de disparaître.

Les larmes coulent sur les joues d'Alex, qui, dès à présent, se retrouve à vivre la plus grande de ses frayeurs. Dans un silence pesant, le vent lui ébouriffe les cheveux, annonçant une longue vie de solitude.

* * * * *

Six mois se sont écoulés depuis qu'Imaginarium se meurt dans la désolation. Six mois où les feuillages recouvrant la forêt de Cerulazu ont tapi le sol avant d'être balayés par le vent. Tant de jours et de semaines où le rabatteur parcours les terres de long en large et en travers. Il a constaté les changements flagrants dont son ami lui avait fait état, et bien plus encore.

Les volcans de Voltamur déversent plus lentement leur rivière de lave sur le flanc menant à Blackvoïd. Cette région est à présent devenue inaccessible par la voie des plaines, obligeant le rabatteur à escalader, s'écorchant, s'ouvrant tant la fatigue l'étreint. Il est resté un jour sur place, fixant l'arbre se balançant au-dessus de la plus haute île flottante, avant de repartir. Il n'a jamais pu traverser le pont cassé menant à Blasqueen, ignorant dans quel état se trouvent les deux régions de l'autre côté de la mer Azura.

Le bois sacré étant rasé, il ne vit aucune source ou déesse sur place pour lui apporter les réponses aux nombreuses questions qui envahit son esprit de jour en jour. Le pont menant à Cascalaris était détruit, mais il a pu trouver le chemin secret, abandonné il y a des centaines d'années par les marchands. Alex à bien tenter de mettre fin à ses jours au bout de deux semaines, mais comme lui avait fait remarquer Gan, il l'a amèrement regretté. Pendant la semaine qui a suivi, il le torturait en le montrant lui, enfant, subissant les affres de son géniteur qui l'enfermait dans la cave. Provoquant ainsi sa phobie due au traumatisme.

Le fauconnier en avait profité en l'enfermant dans son cerveau, à le nourrir de force et à l'hydrater, pendant que celui-ci hurlait qu'il le laisse tranquille, qu'il ne recommencerait pas. Cependant, la tentation de renouveler son acte en six mois, était trop forte, et chaque jour Gan apparaissait pour renouveler encore et encore sa torture.

Putain Alex, rage le fauconnier, en cinq mois, il ne t'est pas venu à l'esprit d'utiliser tes dons pour te créer de la compagnie ?

Le rabatteur se tient recroquevillé dans un coin de sa chambre au refuge, tremblant de l'énième assaut du fauconnier. Caché derrière ses bras, il redresse imperceptiblement la tête, les yeux écarquillés devant la remarque de Gan. Effectivement, depuis la perte de son ami, et après avoir sillonné les parties accessibles d'Imaginarium, il n'avait jamais utilisé son don. L'angoisse le possédait, embrouillait son esprit. Gan lui balance un objet sur lui, cognant sa tête en le faisant saigner.

— Que de souvenirs, n'est-ce pas Félix ?

Il tourne la tête vers son ami qui lui sourit. Alex soulève un drap et couvre les derniers meubles du refuge. Il a profité de ce dernier mois pour tout réparer, remettant en ordre l'endroit tel qu'il l'avait trouvé lors de la libération de Blackvoïd.

— Allez, il est temps d'en finir, se murmure-t-il à lui-même avant d'élever la voix, et non, je ne vais pas me jeter au-dessus des falaises, Gan !

Il se tourne vers son ami qui ondule avant de disparaître. La fatigue est présente, comme la folie. Cependant, il sait qu'après un peu de repos, il pourra de nouveau se créer des compagnons pour quelques heures. Alex sort du refuge, puis ferme la porte derrière lui. Il tourne la tête vers Blackvoïd, se sentant mal à l'aise proche de cette région et se dirige au nord d'Imaginarium, découvrir ce qu'il se trouve derrière les montagnes de Cerulazu.

* * * * *

Sept ans s'écoulent. Les ténèbres baignent les terres. Quasiment rien n'a changé dans les zones, hormis au village, près des montagnes qui battent leur plein. L'alcool coule à flots, tandis que le rabatteur se vautre dans les plaisirs de la luxure et des plaisirs charnels. Il lève son verre, festoyant et chantant sous les éclats de rire de ses convives. Des femmes autour de lui, mais une seule attirant son attention, dansant sur une table avec ses yeux vert doré, portant les cicatrices de son fouet.

Alex ne remarque pas, dans sa joie, l'entrée d'un homme encapuchonné. Celui-ci plisse ses yeux, découvrant l'auberge vide à une exception près. Il souffle d'exaspération en secouant la tête de gauche à droite, observant le rabatteur se dandiner sur sa chaise. Le fauconnier, dépité, repart en laissant Alex derrière lui. S'éclipsant là où il a rencontré pour la dernière fois la déesse du temps. Fixant assis sur un rocher, le vide représentant Destria.

Alex, avait également grimpé ces montagnes, remarquant avec effroi que rien ne continuait derrière. Il s'était retranché par la suite au village, ne tentant plus jamais de mettre fin à ses jours. Retrouvant un semblant de vie via ses illusions qui l'accompagnèrent durant ces dernières années. Or, pour le fauconnier, il n'a pas l'esprit tranquille. Timéa l'a enchaînée à ce monde avant de disparaître. Ne lui permettant pas de continuer sa vengeance. De plus, avec la disparition de la région de Destria, il ne fait que tourner en rond en attendant que le jeune couple se réveille de leurs sommeils.

Il a bien été voir du côté de Blasqueen et Pharekht, mais là aussi, la désolation bat son plein. La déesse de la mort s'est retranchée dans sa grotte, ne la rendant point accessible aux indésirables. Les tempêtes de neige se sont accentuées, brisant la frontière avec le désert de sable, envahissant les dunes dorées par le froid et la glace. Le mélange de tornades sablées et enneigées a empêché le fauconnier de s'avancer plus loin dans le désert. Tous les moyens étaient bons pour le repousser.

Il souffle longuement en tournant sa tête vers le village. L'épuisement l'étreint. Il s'est peu reposé en tentant de trouver une solution pour extraire les âmes de Sophia et Draguir de l'arbre des sages. Jamais il n'aurait pensé que son aîné les aurait piégés ainsi. Depuis son départ des terres de Voïd, de la destruction de leurs mondes qu'il a provoqués, il engendre une haine envers Reirtsedi. Usant de bassesse et de sournoiserie en le convainquant du contraire, mais dans l'ensemble, il soutenait Hellakiel, son jeune frère à présent perdu.

Gan se redresse, puis rabat son capuchon sur sa tête. Le temps n'est plus avec lui. Son énergie se vide. La patience n'est pas son fort, il ne lui reste plus qu'une chose à faire en attendant leur retour. Dormir, mais par son état, il ignore quand il se réveillera.

Il lève son bras, créant une illusion de lui-même pour hanter les nuits du rabatteur. Sa folie devra être entretenue durant son absence. Sa forme astrale se déploie dans le ciel, tandis que le fauconnier part en direction de la caverne où il s'est établi. Sur le chemin entre Cerulazu et Destria. Loin de ce monde sans âme à une exception. Où la magie d'Imaginarium s'évapore progressivement en filament de poussière doré s'élevant dans le ciel.

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