48- Contradiction chronologique
Tout est blanc. Le lieu, le vide, l'horizon, tel un nuage duveteux englobant son corps qui flotte. Une douce chaleur la berce, alors que Sophia est allongée en apesanteur dans ce nouvel endroit, l'âme en paix. Elle ne ressent, ni n'entend, ni ne voit ce qu'il se passe en dehors de ce lieu d'une pureté sans pareil.
La jeune femme est pourtant bien consciente, mais ne peut se résoudre à se lever, laissant ses cheveux onduler dans le vide. Ses doigts caressent une couverture la recouvrant, profitant de la douceur du tissu. Elle se sent bien, même allégée du poids qui lui pesait sur les épaules, profitant du souvenir de son ange qui lui a fait vivre de telles émotions.
Sophia se sent rougir et porte ses mains à son visage, effleurant ses lèvres en repensant à celle de Draguir. Elle n'éprouve pas de colère envers ce qu'il a fait, comprenant son attitude de s'être soustraite de sa mémoire pour mieux la protéger, mais à quel prix ! La demoiselle a bien failli anéantir la plaine, s'est fait humilier par Hellakiel, et a senti la présence de Gan la manipulant.
La haine devrait prendre possession d'elle pour tout ce qu'elle a vécu. Or, dans ce lieu, elle n'arrive pas à éprouver cette émotion. Elle se souvient qu'une chose incroyable s'était produite en elle, dans son corps, dans son esprit. Sophia se rappelle qu'elle luttait pour échapper au combat qui se jouait dans sa tête, elle était là, mais sans l'être pour autant.
La jeune femme à ressentit une puissante chaleur effleurer son âme, caressant les abords de sa coquille avant de pénétrer dans la lumière éternelle de son éther. Elle a été submergée par tous les souvenirs que Gabriel avait eu tant de mal à dissimuler dans sa mémoire, relatant tout ce qu'elle a traversé, éprouvé. L'amour, la haine, l'acharnement, la peur, la mort...
Aussi sombre que soit le voile de la faucheuse, elle s'est sentie libérée. Libre de se reposer là où la blancheur l'enveloppe, oubliant le lien qui l'unissait à son ami, oubliant ses ailes argentées et ses surnoms pittoresques, oubliant sa présence. Elle le sait pourtant qu'il a existé, mais son être n'est plus relié à elle, alors qu'elle se laisse porter les yeux fermés en paix.
Au travers de ses paupières, une ombre papillonne faisant de plus en plus disparaître la lumière. Sophia ouvre les yeux et remarque un point noir au-dessus d'elle. D'abord très lointain, l'ombre se rapproche lentement, dévoilant le battement des ailes noires qui mène un ange vers elle, mais pas n'importe lequel. Il l'a rejoint en tendant la main le regard plissé, faisant danser le doré dans ses prunelles noires. Il se rapproche encore plus, tandis que Sophia lui sourit en levant les bras vers lui, voulant le prendre dans ses bras et de profiter de cet endroit avec son âme sœur.
Draguir l'a rejoint, affichant son rictus infaillible. Il se penche au-dessus d'elle, abaissant ses ailes pour la recouvrir. Il la regarde avec émotion, lui apportant tout l'amour qu'il ressent pour elle. De sa main, il la pose sur sa joue, dont Sophia accueille la chaleur de sa peau en fermant les yeux. Il fait glisser ses doigts sur l'arête de sa mâchoire en descendant dans le cou, envoyant un millier de frissons à la jeune femme.
Sophia ouvre les yeux pour les plonger dans ceux de son fauconnier. Elle gémit quand il atteint sa poitrine s'attardant dessus, mais fronce les sourcils quand les ténèbres prennent possession du regard de son âme sœur. Les veines de Draguir noircissent sur ses bras, déployant ses dons autour de lui. Il s'imprègne de la beauté de la jeune femme, détaillant tous ses traits, son regard qui malgré sa posture d'attaque, elle l'admire comme euphorique.
Sa sauvageonne devrait avoir peur à ce moment précis, mais seul le désir transperce ses pores. Draguir a le cœur serré de devoir agir ainsi, mais ce fut là l'ordre que lui a transmis Evy. Il lève son bras se trouvant au-dessus de la poitrine de Sophia, avant de l'enfoncer brutalement dans sa cage thoracique et d'empoigner son cœur en traversant le dos de la jeune femme.
Le liquide foncé s'écoule dans le vide, contrastant parfaitement sa belle couleur rouge avec le blanc immaculé du lieu. Sophia sourit à Draguir, laissant un filet de sang glisser au coin de sa bouche. Elle porte ses mains sur ses épaules, s'aidant de son appui pour se redresser en approchant son visage plus près du sien.
L'air se charge d'électricité autour du jeune couple. Draguir se laisse envahir par la beauté macabre que lui offrent sa sauvageonne et lui saisie la nuque pour la soutenir. Leurs lèvres ne sont plus qu'à quelques millimètres, laissant leurs souffles se répercuter sur le visage de l'autre. Elle effleure ses lèvres avec les siennes, tandis qu'il émet une pression sur sa nuque pour s'emparer de sa bouche. Leurs baisés d'abord tendre, se moue de désir de l'un envers l'autre. Sophia glisse ses mains dans les cheveux de son ange, alors qu'il resserre sa prise autour du cœur de la jeune femme.
Mis à part la première nuit qu'ils ont eue ensemble, Draguir n'a jamais ressentit une telle connexion s'établir entre eux. Il l'aime, la désir, la dévore. Il profite de ce moment avec elle, loin de tout, loin des tourments que vit Imaginarium, loin du désespoir des déesses et de ses compagnons. Ce moment n'est rien qu'à eux, deux êtres dont tout oppose et dont leurs âmes sont liées. Les ailes de la jeune femme se déploient, arborant l'or et l'argent sur leurs membranes, chatouillant les plumes ébène de Draguir.
Une larme roule sur la joue du jeune homme, ne voulant pas mettre fin à cet échange, mais pour que le plan d'Evy fonctionne il doit agir. Draguir se décale, laissant le temps que chacun reprenne son souffle. Il effleure la joue de Sophia avec tendresse, tandis qu'elle le regarde avec amour. Il sait, que la connexion est enfin établie, ressentant l'implant sous sa peau grésiller. Il ferme les yeux avec force, ne voulant pas procéder à l'extraction. Il les rouvre et remarque que Sophia porte ses mains au-dessus de son thorax en hochant la tête et fermant les yeux à son tour, l'âme en paix. Dans un murmure, elle lui souffle :
— Ce n'est pas un adieu.
Draguir secoue la tête, les larmes se déversant sur son visage. Il a tant de mal à faire face à la sérénité de la jeune femme qui à ses yeux a pris en assurance. Ce n'est plus sa douce sauvageonne, mais une déesse généreuse et impitoyable.
— Je t'aime ma douce, lui susurre-t-il.
Evy, j'espère que ce que tu as en tête va fonctionner, pense-t-il en serrant les dents.
D'un geste, il retire sa main de la poitrine de Sophia en tenant son cœur dégoulinant entre ses doigts. Une vive lumière bleutée se propage dans le vide, inondant tout l'espace. Draguir porte son bras devant ses yeux, se protégeant de la lumière aveuglante. Il ne remarque pas que le dragon à son poignet se détache, puis glisse sur l'organe qu'il tient dans sa main.
Les paupières de la bête s'ouvrent laissant apparaître ses yeux émeraude avec une lueur dorée. Ses griffes s'accrochent à la membrane recouvrant le cœur, profitant du temps qui se fige sur les deux êtres. Il déploient ses ailes argentées avant de se dresser sur ses pattes arrière. En ouvrant sa gueule, une rangée de dents pointues apparaissent, avant qu'il ne les plante dans le coeur de la jeune femme. Une étincelle d'électricité se produit entre la bête, l'organe et le couple.
La vive lumière bleutée s'intensifie, tandis que le cœur de Sophia se recouvre d'une fine couche de poussière dorée. Les particules se réunissent de plus en plus, se propageant et recouvrant les trois êtres. Un battement commence à s'entendre, d'abord imperceptible, mais de plus en plus résonnant. Draguir tente un regard autour vers sa main, et remarque que le cœur de Sophia se met à battre entre ses doigts, plus fort.
Comme un bruit de tambour avant une guerre, l'organe entonne sa mélodie pour l'appeler. Il résonne en chœur avec celui qui la sollicite depuis tant de jours. Des recherches incessantes fournies dans tous les camps, et pourtant à la vue de tous, se balançant au gré du vent. Emprisonner dans cet espace sans vie, sans lendemain, sans espoir. Or, il l'a enfin trouvé son réceptacle, sa puissance, mais il est d'autant plus ravi que sa nouvelle maîtresse a pu avoir de l'aide pour avoir déjoué les barrières l'emprisonnant. Tout comme il est ému de revoir ce petit dragon qui a bien grandi, sa force n'est que plus grande.
Des vibrations se propagent dans le lieu, tamisant l'intensité de la lumière. Draguir baisse son bras en clignant plusieurs fois des yeux en se réhabituant à la zone blanche. Sophia n'est plus en dessous de lui, mais debout les mains en coupe devant elle, son cœur flotte à quelques centimètres au dessus de ses paumes. Evy a repris possession autour du poignet de la jeune femme, reconnectant l'implant là où il doit se trouver, le mettant à nouveau sous sa protection. Il est dressé sur ses pattes arrière rugissant au rythme des vibrations.
Le fauconnier se redresse devant ce spectacle. Il entend la mélodie souffler autour d'eux, les entourant comme une brise légère ébouriffant leurs cheveux. Sophia lève la tête vers un plafond inexistant, invitant son ange à faire de même. Il se rapproche d'elle, mais une fissure apparaît entre le couple. Un bruit sourd comme un objet lourd qui se plante l'empêche de s'avancer plus. Il plisse les yeux devant lui pour observer ce qui a pu briser un sol invisible, dénué de couleur.
Sophia l'avait vue descendre en piqué avant de se planter devant elle. La jeune femme est toujours en état de sérénité, tandis qu'elle s'avance vers l'arme sous ses yeux, son cœur battant au rythme des vibrations. Elle se poste à quelques centimètres de la poignée, et tend l'une des mains vers Draguir :
— N'ait pas peur mon ange, l'incite-t-elle à lui prendre la main.
Le fauconnier se renfrogne par automatisme à ce surnom, mais lève sa main ensanglantée pour la poser sur la paume de sa bien aimée. À son tour, il ressent la plénitude que sa sauvageonne éprouve depuis son réveil en ce lieu. Elle glisse ses doigts dans les siens, souriant avec tendresse. Légèrement, elle guide leurs mains au-dessus de la garde, approchant son autre main où le cœur flotte sous la couche de particule et le positionne au-dessus du pommeau.
La fine couche de particule glisse le long de l'organe et tombe en filament sur le pommeau de l'épée, avant se s'enrouler autour de la fusée. Evy rampe sur le bras de Sophia en suivant le chemin tracé par les particules. La claymore se révèle aux yeux de Draguir, ondulant sous sa couche translucide.
Loin de la couleur monotone des racines qui l'a composait quand la déesse des vies l'avait fait apparaître, la claymore reflète les visages de Sophia et Draguir sur ses lames, malgré qu'elle soit bien implantée dans le sol. Sa première lame bien droite rejoint son opposé qui est plus incurvé et édenté vers l'intérieur comme les crocs d'un dragon. Elles se joignent, ensemble, vers la garde où au centre l'emplacement arrondi prend la forme parfaite pour Evy qui se glisse à l'intérieur en faisant ressortir la lueur de ses écailles. Sur le manche, plusieurs filaments se croisent où des filigranes apparaissent se cousant sur le cuir, dessinant des feuilles de chêne et des ailes de corbeau. Au cœur du pommeau, les particules dorées dansent entre elles, rebondissant au rythme de l'organe de la jeune femme.
Sophia plante un ongle dans la paume de Draguir qui le regarde surpris par son geste. Une goutte de son sang tombe sur le pommeau et emprisonne les particules sous une fine couche qui se cristallise en gardant sa teinte rougeoyante, brillant sous les battements de l'arme. Sophia lève la tête sur le fauconnier et lui sourit, ne ressentant nullement le manque de son organe dans son corps.
Ils échangent un regard d'un premier temps de contemplation devant la beauté de la claymore, puis d'un second temps, le portant sur le cœur qui flotte. Toujours souriante et sereine, Sophia lève sa main et lui demande :
— Peux-tu m'aider à le remettre à sa place ?
— Avec plaisir ma douce, sourit-il également sous l'effet de l'euphorie.
Il porte sa main vers celle de sa sauvageonne, puis ensemble il pousse leurs paumes contre la poitrine de la jeune femme. Son corps avait cicatrisé, mais comme un appel à revenir au chaud, une fente s'ouvre accueillant l'organe battant dans son emplacement. Lentement, les vaisseaux et les nerfs se reconnectent au cœur de la demoiselle, propageant sa chaleur et pulsant le sang qui le nourrit enfin.
Sophia ferme les yeux en reprenant possession de son être dans son entièreté. Draguir lui effleure la joue avant de se décaler, ressentant la puissance se propager dans les pores de sa sauvageonne, mais également dans son propre sang. Comme une nouvelle sensation qui s'établit entre eux, partageant la même force, les mettant sur un pied d'égalité. Il avait déjà ses propres pouvoirs le rendant menaçant, mais là il se sent invincible prêt à mater tous ceux qui lui barreront la route. La jeune femme décale sa main de sa poitrine et la pose sur le torse de son ange, entendant les paroles entêtantes de Lyvia qui se percute dans son esprit. Elle-même répète ses mots en y mettant une mise en garde avec le sourire :
— Nous ne faisons plus qu'un, susurre-t-elle.
Draguir comprend le sens en portant son regard sur le pommeau où son sang protège les particules. De son côté, les paroles de Gan se faufilent en lui rappelant que l'un ne va pas sans l'autre. Il pensait que cela concernait sûrement Evy et la claymore, mais le doute s'installe aux paroles de sa sauvageonne. Il doute certes, mais le cœur léger et guilleret. Draguir aimerait tant ressentir de l'agacement face à ce sentiment, mais il en est incapable. Aucune trace d'émotions négatives n'arrive à les envahir tant la plénitude leur donne envie de sautiller de joie. Il fait tout de même remarquer avec un rictus :
— Nous devrions partir d'ici, ma tendre Sophia, en plus Evy t'a fait une surprise.
— J'ai hâte de la découvrir, répond-elle guillerette. Je dois d'ailleurs aller botter certains culs, ajoute-t-elle en frappant des mains excitées et souriant malicieusement.
— Tant de poésie entre tes douces lèvres, je t'accompagnerai partout susurre-t-il avec désir.
Ils échangent un regard de sous-entendu tout en restant euphoriques.
— Comment fait-on pour sortir, se demande Draguir les yeux pétillants.
— Comment as-tu fait pour entrer ? interroge Sophia en battant des cils.
— J'avais l'implant sur moi, puis je t'ai broyé le cœur sous les ordres d'Evy qui te possédait.
Draguir lui explique cela tout simplement avec le sourire. Elle se met à pouffer et fait semblant de gronder le dragon en prenant un air exagéré, ne pouvant s'empêcher de rire tout comme le fauconnier :
— Ce n'est pas bien Evy !
Ne ressentant pas l'atmosphère se dégageant du lieu, le dragon roule des yeux en les entendant. Il se rassure sur le fait que sa manipulation très risquée ait pu parfaitement fonctionner. Evy est exaspéré, et se demande quand Sophia va se décider à réagir correctement, car seule elle peut trouver la voix pour les sortir d'ici. Le couple continue de s'esclaffer de bon cœur, sans s'inquiéter que le dragon ne réagisse pas à leurs moqueries. Il ne peut malheureusement communiquer avec elle tant qu'ils sont ici, et la force qu'il a utilisée l'a beaucoup affaibli. Evy se mouve dans son emplacement avant de fermer les paupières et de patienter sagement.
Sophia essuie les larmes de joies au coin de ses yeux. Elle se demande pourquoi Evy ne réagit pas en ne ressentant pas l'inquiétude qui devrait l'étreindre. Draguir, lui, s'est allongé sur le sol en prenant de grande inspiration, profitant de la sérénité qui règne en maître pour se reposer.
— Je n'ai pas essayé de la prendre en main, intervient-elle en s'installant à côté de Draguir.
— Il y a bien autre chose que tu peux prendre en main, pouffe-t-il en levant un œil sur elle.
Sophia lui fait une tape gentillet sur l'épaule en rougissant et ajoute en souriant :
— Je te parle de l'épée.
— Moi aussi, hausse-t-il des épaules tout sourire et les yeux plissés.
La jeune femme se met à rire, puis se redresse sur ses pieds avant de s'avancer vers la claymore. Elle la détaille, admirant la splendeur de l'arme, puis elle tend la main et fait glisser ses doigts autour de son manche. De léger picotement lui parcourt la peau au fur et à mesure qu'elle resserre sa prise. Draguir, ressent enfin un sentiment contradictoire et reprend son sérieux en repérant sa sauvageonne se figer sur la pognée.
Sophia oublie la sérénité qui l'entoure dans ce lieu immaculé, ressentant l'urgence de se sortir de ce piège trop idéaliste. Elle éprouve le besoin de s'envoler et tend rapidement sa main vers le fauconnier qu'il saisit sans hésitation.
Partageant leurs forces, Sophia tire sur le manche de la claymore en ayant le pressentiment de son poids, mais l'arme s'extrait du sol avec légèreté. Elle crisse dans la fissure avant que la demoiselle ne pose la pointe sur le sol en découvrant que l'arme la dépasse d'une tête. Draguir se positionne dans son dos, combattant avec force les émotions positives qui tentent encore de l'envahir. Il pose ses bras autour du ventre de sa sauvageonne et lui susurre à l'oreille :
— D'une beauté sans pareil, déploient tes ailes pour nous libérer de cette douce torture qui nous enivre.
— Merci pour le compliment, sourit-elle en calant sa tête sur son épaule.
— Je parlais de l'épée, rétorque-t-il avec un rictus.
Sophia plisse les yeux face à sa malice et sert de plus en plus sa prise sur le manche de la claymore, contrarié par sa blague. Draguir sourit que sa tentative pour l'agacer à fonctionner.
Elle ne marche pas, elle court, pense-t-il sournoisement.
La jeune femme déploie se ailes et tente de se retourner pour frapper Draguir, mais il maintient sa prise en déployant également ses ailes. Il continue ses attaques verbales en la poussant dans ses retranchements, la taquinant au moment où il sent qu'elle se laisse envahir par la plénitude.
— Imagine ce que je te ferais une fois sortie d'ici, souffle-t-il.
Elle gémit de désir, mais il rajoute :
— J'irais voir Lyvia pour tester ta jalousie.
— Je vais te tuer ! cingle-t-elle enragé.
Elle bat des ailes en s'envolant toujours plus et tenant la claymore, elle la balance au-dessus de sa tête en essayant d'atteindre Draguir. Lui, il sourit de revoir enfin la détermination de sa sauvageonne. Il se glisse devant elle, croisant son regard meurtrier, battant des ailes à l'unisson. Il caresse sa joue, bravant la colère qui anime les iris verdoyants de la jeune femme, puis lui dépose un baisé à la commissure de ses lèvres avant de lui rappeler :
— Nous ne faisons qu'un, toi, moi, ensemble ma douce sauvageonne.
Sophia le scrute en analysant la pique qu'il pourrait rajouter, mais ne voyant rien arriver, ses traits se détendent. Elle sent la chaleur familière se répandre dans son corps, douce, exquise, sans l'ombre d'un nuage obscurcissant son regard sur lui. Ses prunelles dorées dansent d'affection pour sa tendre sauvageonne, alors qu'elle ne remarque pas encore qu'il la dépose sur le sol rocailleux arborant l'ancienne falaise de Blackvoïd.
Draguir se décale, et d'un geste du bras, invite Sophia à regarder autour d'elle. La jeune femme s'exécute, et découvre avec de grands yeux le changement de paysage. Elle porte une main à sa bouche, stupéfaite de voir les nombreuses îles flottant dans les airs. La plupart arborent la couleur brique du sol aride, tandis que d'autre son aussi noire que les montagnes de Voltamur. Des cristaux ébène ressortent des bases des îles, tandis que le sol en contrebas se mouve d'une chaleur intense sur le mouvement du magma qui se faufile entre les fissures.
Ils se trouvent tous deux au plus haut point, laissant porter leurs regards vers les plaines de Cerulazu en contrebas. Sophia aperçoit la tour de givre qui s'élève vers le ciel en ne comprenant pas sa signification. Ressentant cela, Draguir se rapproche d'elle et la prend dans ses bras tout en lui confiant :
— Bastos a donné sa vie pour protéger nos amis lors de notre affrontement, indique-t-il mélancolique.
Les yeux de la jeune femme se plissent en se rappelant l'ombre qu'elle a affrontée et la vive lueur bleue glace ayant contré son attaque démesurée. Elle était loin de se douter que son nounours de givre, un homme respecté et craint est offert son âme pour venir en aide à ses compagnons. Une larme roule sur sa joue, alors qu'elle ressent à nouveau le poids de ses responsabilités lui peser sur ses épaules.
Sophia se décale de son ange et s'essuie la joue du revers de la manche. Tenant toujours la poignée de la claymore, elle scrute les environs en tentant de repérer une personne précise. Draguir quant à lui regarde l'arbre meurtri se balancer dans le vide, il remarque qu'un bourgeon a fait son apparition sur l'une des branches et s'approche de plus en plus du tronc. Il lève la main pour la poser sur l'écorce, devinant sans mal que lui et sa sauvageonne se trouvaient au cœur de celui-ci, perdu dans un axe parallèle, brisant toute l'intensité du temps.
Il tique sur un point qui le chiffonne plus que ce bourgeon, puis se retourne et découvre Sophia pétrifiée face à la vision qui s'offre à elle. Loin des îles et de la plaine restées intacte, la ville de Cascalaris est sortie de son lac détruit de part en part. La statue qui ornait la place est brisée, laissant reposer la tête représentant la déesse des océans sur les pavés où la végétation marine à prit possession.
Les montagnes enneigées sont dénuées de leurs couvertures blanches devant le lac qui s'est asséché et où la forêt a dépéri, perdant leurs feuillages qui tapissent le sol et les racines. Des piques cristallisées d'une couleur brunâtre se distinguent hors de la mer Azura qui a perdu sa teinte bleutée pour laisser place à un rouge cramoisi.
La jeune femme porte sa main à la cicatrice qui s'étale au coin de son œil, mais ne constate pas son étendue. Pour elle, les déesses sont toujours en vie. Elle tourne la tête vers le bois sacré et considère avec effroi que celui-ci a été remplacé par un cratère géant où plus aucune âme ne vit. Observant également la désolation qui règne à Imaginarium, Draguir se positionne à ses côtés et lui prend la main. Lui-même ne comprend pas ce qu'il s'est passé, alors que l'instant d'avant ce monde vivait encore avec ses beaux paysages malgré les batailles.
Le constat est sans appel dans le monde d'Imaginarium qui en l'absence de nos deux têtes brûlées a été dévasté. Oubliant leurs détresses du haut de la falaise, les nuages défilent à une vitesse fulgurante, laissant l'âme et le cœur de cet univers en souffrance. Pensant qu'ils auraient rétabli la paix en récupérant cette épée, le contraire s'est bien évidemment manifesté. La terre se désole par delà les océans où chaque recoin n'a point été épargné, laissant la souffrance des habitants à l'agonie.
Imaginarium se meurt, s'effrite, laissant sa magie s'évaporer dans les ténèbres qui s'abattent sur ses terres. Loin d'avoir fini avec ce cauchemar qui étend sa toile telle une araignée emprisonnant sa proie pour mieux les dévorer. La suite ne présage rien de bon pour notre jeune couple, qui profitant d'un lieu en paix a laissé se monde dériver.
Fin tome 2
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