44 - La libération de Blackvoïd
Au même instant, à l'orée du bois sacré, tous se réunissent pour entamer la procédure à suivre sur la suite des évènements. L'appel de Jojo avait retenti jusque dans les tréfonds de la terre, dévoilant les hommes se préparant à combattre hors de leurs villages. Gonflant d'espoir les plus indécis, mais surtout alimentant la rage de ses compagnons qui ne souhaite qu'une chose, récupérer leurs amis et libérer les prisonniers.
Les fauconniers se rassemblent sur leurs destriers, accompagnés du loup géant des jumeaux qui transporte Tidus. Gabriel a derrière lui Patrick et Jackiel a Astos. Leurs étalons frappent le sol de leurs sabots, attendant impatiemment la prise du bastion.
Le mur de flamme leur fait toujours barrage alors que les armées se rassemblent sur la plaine. Provoquant la colère des hommes de feu qui se positionne prêt à attaquer. Thomas hurle de sa monture de ne bouger sous aucun prétexte, attendant le signal de leurs sages. Celui-ci se concentre pour projeter son esprit à Blackvoïd pour voir ce qu'il en retourne, mais ses tentatives se font bloquer par la montagne noire.
Tous s'impatientent, de même des déesses qui seront quasiment toutes de la partie. Seule Loa restera au bois sacré avec Lyvia en attendant leurs retours. Elles interviendront seulement si la situation devient désespéré, mais pour le groupe ça les déjà, alors qu'ils fixent le mur en attendant sa chute.
Devant le corps d'Hellakiel, la puissance de Draguir se propage telle une menace non dissimulée dans la grande salle. Son avant-bras est recouvert du liquide brun de son ennemi, et de ses veines noircies par le meurtre, retombe lâchement le long de son corps. Ses ailes imposent leurs prestances par leurs immensités effroyables.
De tous les enfants des déesses, il est le plus dangereux. Draguir fait un pas pour se rapprocher de la jeune femme, fusillant du regard quiconque tenterait de s'approcher. Il garde sa proie aussi férocement qu'une mère couvant son petit blessé, grognant face aux prédateurs.
Gan n'ayant pu lever, ne serait-ce qu'un membre regarde son frère d'une manière de dire :
Tu as voulu jouer, tu as perdu.
Il se longe le fond de la salle en gardant un maximum de distance avec le jeune fauconnier, puis il secoue la tête et portant la main sur son front, alors que ses épaules commencent à se secouer d'un rire frénétique qui le prend soudainement. Il déploie ses bras, puis fixe son regard perçant sur Draguir en le déstabilisant.
— Tu ne sais pas à quel point tu me fais plaisir Draguir, finit-il de glousser la voix rauque.
Le jeune fauconnier reste sur ses gardes, sentant la présence de Méric qui est accouru dans son dos pour intervenir au plus vite sur les blessures de Sophia.
— Je ne pouvais tuer mon propre frère, même si cela me démangeait depuis tellement de siècles, continue-t-il en le fixant droit dans les yeux. Ses caprices d'enfant gâté l'ont conduit ici suite à ce que lui avait fait notre aîné. Et pour se venger, il voulait détruire tous les univers. Mais bien sûr, nous avons rencontré quelques petites résistances.
Gan commence à tracer son chemin de droite à gauche, restant toujours aussi loin de Draguir. La porte s'ouvre à la volée sur Flamma qui déboule dans la salle en découvrant avec horreur l'état de l'être qu'elle chérissait.
— Qui a osé faire ça ! hurle-t-elle à l'attention de Gan.
— Du calme magma, il l'avait cherché. répond-il nonchalant, se moquant ouvertement d'elle.
— C'est Flamma imbécile.
La déesse lève son bras valide pour gifler Gan, mais celui-ci l'attrape par le cou et se rapproche de son oreille pour lui murmurer un avertissement. Flamma laisse retomber son bras avec lourdeur avant de devenir livide. Sa chevelure flamboyante s'éteint à mesure que son ennemi lui caresse le poignet. Il lui entrave les poignets avec les menottes réservées aux déesses, ne laissant plus celle-ci la possibilité d'intervenir dans les plans de Gan.
— Félix, emmène cette vieille dulcinée dans son cachot, crache-t-il au visage de Flamma.
Il ne se fait pas prier, puis sort en trombe de la salle en traînant la déesse derrière lui. Draguir a froid dans le dos en observant son ancien collègue, mais il arrive à garder son air menaçant et sa colère à son encontre. Gan frappe dans ses mains et tente un pas en avant, mais il n'essaie pas un pas de plus quand il aperçoit l'ombre du jeune fauconnier se faufiler entre ses doigts.
— Impressionnant, tu m'étonneras de jour en jour, souffle-t-il a lui-même.
— Il faut lui retirer la bague, murmure Méric à Keith qui l'a rejoint.
Or celui-ci hésite à faire le moindre geste. Keith oscille entre désobéir aux ordres de feu Hellakiel, ou de se ranger du côté de Gan.
— Tu ne devrais pas écouter ces traîtres, siffle Gan qui ressent le désarroi du jeune métis.
Keith se tourne vers Draguir, cherchant une approbation, mais il rentre la tête entre ses épaules quand il découvre son regard meurtrier.
— Ne tente rien que tu pourrais regretter, grince-t-il entre ses dents.
Keith se recule du corps de Sophia, laissant Méric surpris par sa réaction. Il se lève et enguirlande son ami comme ce n'est pas permis :
— Tu es complètement fou, elle va mourir si elle ne peut pas se soigner, hurle-t-il.
Draguir le regarde par-dessus son épaule, alors que Méric ne se démonte pas face à son regard.
— Emmène là dans mes appartements. Keith aide le ! ordonne-t-il sans appel.
Le jeune homme hésite encore et se rapproche de Méric qui crache par terre pour montrer son désaccord face aux réactions de son ami. Draguir ne veut surtout pas lui montrer que l'état de sa sauvageonne l'inquiète d'autant plus que par la réaction qu'il vient d'avoir. Gan ne cherche pas non plus à s'interposer à son ordre, au contraire.
Il plisse les yeux en voulant découvrir ce que le jeune fauconnier cache au plus profond de lui. Les deux rabatteurs soulèvent le corps de Sophia avec précaution, puis ils sortent de la salle qui claque à leurs passages, laissant le silence planer entre le fauconnier de la peur et celui de l'ombre.
— L'un ne va pas sans l'autre, te rappelles-tu de cette phrase Draguir ? se languis Gan la voix faussement enjôleuse.
Draguir hoche la tête. Gan le lui avait dit dans le bosquet lors de la soirée de la demoiselle, puis grâce à Jojo il a compris récemment que cela concerne Evy et Sophia, mais il a l'impression qu'il lui manque un élément, involontaire il part dans sa réflexion :
Lyvia n'arrêtait pas de dire à son fourbe de père que ma sauvageonne et moi formions une clé. Et d'après les informations reçues de Jojo, Sophia devra me détruire et briser son cœur pour obtenir l'épée, d'où l'idée de lui avoir effacé toute trace de moi dans sa mémoire...
— Ah c'est donc ça. Quand tu réfléchis, je peux entrer en toi, ricane Gan en frappant des mains.
— La ferme, murmure Draguir.
— Vous lui avez effacé la mémoire ? Je comprends mieux ses réactions, à moins qu'elle joue très bien la comédie, mais elle n'aurait pu contrer mes attaques.
— Tais-toi !
Le jeune fauconnier balance un flot d'ombre sur Gan, mais il se déplace trop vite et esquive son attaque. Gan lui attrape le cou et le soulève en rapprochant son visage du sien.
— Tu as peut-être réussi à avoir mon frère par surprise, mais sache que j'ai toujours deux coups d'avance sur vous tous.
La peur s'immisce dans ses entrailles. Son emprise est si oppressante que Draguir ne peut que regarder en face de lui pendant que Gan déballe toutes ses contre-attaques.
— Je savais que tu allais revenir la queue entre les jambes avec Méric. Ce que je n'avais pas prévu c'est que tu lui effaces ton existence au point qu'elle te déteste. Mais tant mieux je dirais, car quand elle se rappellera de toi, sa douleur ne lui sera que plus immense. Se voir te découper en morceau, de trancher la tête de ce maudit lapin, d'arracher les ailes de son dragon...
— Arrête ! supplie Draguir en tremblant.
— Oh, mais je ne fais que commencer mon cher, souffle-t-il en resserrant sa prise. Tout ce que je veux obtenir, c'est la sphère. Et seule cette chère Sophia peut m'aider à l'obtenir et la déverrouiller.
Draguir le regarde en fronçant des sourcils ne comprenant pas de quoi il en retourne, alors que Gan est surpris par son geste, puis il le relâche d'un coup quand plusieurs coups violents se propagent autour de la montagne.
Le mur de flamme est tombé en désorientant les hommes de feu qui se font envahir par une marée humaine. En tête, le destrier de Reirtsedi et Jojo mène la charge suivie de leurs compagnons et des déesses. Tous s'engouffrent en propageant leurs pouvoirs pour se frayer un chemin, tandis que les rabatteurs se forment devant la sortie du seul passage menant à Blackvoïd.
Les chefs ne sont pas là pour les mener, et affronter ceux qui vont leur tomber dessus. Le martèlement des destriers résonne en échos dans la grotte, faisant trembler les plus téméraires des soldats. Or ce qu'ils voient apparaître, c'est un enchevêtrement de racines et d'ombre venir à leurs rencontres, suivit des fauconniers qui les fixent pour les appesantir, leur faire perdre la tête ou encore les assommer à coup de sabre.
— Merde ! En l'enfermant et bloquant ses pouvoirs, je leur ai ouvert la porte d'entrée, rage Gan.
Draguir ne comprend pas de quoi il parle, quand plusieurs coups tentent de défoncer la porte de la grande salle. Des voix s'élèvent de plus en plus, et des croisements de fer se répercutent. Gan lui jette un regard froid avant de le lâcher et de disparaître quand la porte s'ouvre à la volée devant Reirtsedi, Jack et Elias, ainsi qu'une petite armée, dont le jeune fauconnier pense avec ironie.
Le sage découvre le corps d'Hellakiel gisant inerte dans la mare de sang l'entourant, mais il n'a pas le temps de dire quoique ce soit qu'Elias se jette au cou de Draguir malgré sa stature menaçante.
— Draguir, je suis tellement heureux de te revoir sain et sauf.
Il se recule pour le scruter, puis baisse les yeux sur Hellakiel. Le sang imprègne toujours le bras du jeune homme à mesure que ses veines noires s'effacent. Ses ailes se rétractent sous sa chair, quant à son regard, le doré reprend peu à peu sa place. Il avait entendu le samouraï lui courir après, lors de son départ, mais il ne s'était pas retourné.
— Bon, il a eu son compte à ce que je vois. Comment tu...
— Par surprise, pendant qu'il tabassait Sophia.
Elias devient livide, mais avant qu'il lui demande où elle se trouve, Draguir le dépasse et sort de la salle sans prêter un regard au sage. Dans le couloir, des soldats se tiennent droit, laissant leurs ombres vaciller sous la lumière des torches.
Le soleil le frappe de plein fouet par son intensité, tandis que Draguir sort de la montagne. Les esclaves de la mine sortent un à un face à une armée qui leur offre des vivres. Gabriel se trouve au loin avec son destrier qu'il amène dans le champ avec celui de Jack et Elias. Gothika fait visiter les lieux à Herba au loin du paysage aride.
Draguir se dirige vers ses appartements, mais ne peut avancer plus quand Jojo, Astos, les loups et Patrick lui barrent le chemin. Ils ont la tête tournée vers les hurlements qui proviennent de sa chambre. Le père de Sophia le repère du coin de l'œil, puis tente de lui décocher une droite que le jeune fauconnier esquive sans mal, alors que le doyen se retourne d'un air désolé.
— Où est-il ?
Il regarde par-dessus son épaule et remarque Herba s'avancer d'un pas rapide vers sa direction. Sachant qu'elle lui parle d'Evy, il lui répond du tac au tac :
— Hellakiel s'en est emparé, laisse-moi, je dois rejoindre Méric qui tente de soigner Sophia.
— Elle peut le faire elle-même, croise-t-elle les bras en le regardant de haut.
Draguir se poste face à elle en prenant la même position :
— Non, car H a trouvé l'objet pouvant la contenir et les seules personnes qui peuvent lui retirer sont moi ou Keith, et celui-ci a pour ordre de ne pas intervenir.
La déesse le toise sévèrement. Elle sait ce qu'ils ont fait et Herba est très contrarié de cette décision. Si elle avait la possibilité de l'enfoncer dans le sol en cet instant elle le ferait sans hésiter, mais elle a besoin de lui, et cela provoque un rictus à Draguir qu'il ne retient pas.
— Si les informations de Jojo sont exactes, votre arbre est celui de la falaise. Donc pour l'instant mieux vaut qu'elle garde la bague, rétorque-t-il en se détournant.
Il se dirige vers les escaliers, puis commence à gravir les marches. Draguir voudrait être soulagé que Blackvoïd ne soit plus entre les griffes de Hellakiel, mais un pincement au cœur lui fait regretter la décision abrupte de l'avoir terrassé d'un coup, aussi facilement. Trop facilement à son goût. Aurait-il eu à faire au plus impuissant des trois ? Cette question reste en suspens quand il ouvre la porte de ses appartements, et qu'il aperçoit Sophia se cambrer face à la guérison inutile de Méric.
— Keith, prépare-toi à lui retirer la bague.
— Mais n'as-tu pas dit que...
— Je vais employer mon pouvoir sur elle pour l'aveugler. Son don va faire son travail, et quand elle sera complètement rétablie, tu le lui remettras, explique-t-il sur un ton froid.
Méric approuve sa décision, puis il s'avance vers lui et pose une main sur son épaule :
— Je sais ce que tu éprouves mon ami, murmure-t-il.
— Je ne pense pas non.
Draguir se décale et s'approche de son lit. Sophia le regarde approcher sous ses yeux boursouflés. Sa respiration s'accélère, quand la peur se fraye un chemin vers son cœur, tandis que le jeune fauconnier l'alimente encore plus quand il grimpe sur elle et approche ses doigts sur ses tempes pour y propager son obscurité.
Ses yeux se révulsent quand les images que je lui impose sont un plaisir pour moi, mais une torture pour elle. Keith retire lentement la bague, sans que Draguir se prépare à ce qu'il va arriver, se demandant s'il a pris la bonne décision.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top