35- Course poursuite
À travers des arbres de la forêt, Gabriel mène dans une embardée le groupe qu'il a embarqué pour fuir Destria. Sophia sent son corps valdinguer et vibrer dans tous les sens, alors qu'elle sort de l'inconscience en se remémorant les derniers évènements.
Elle se souvient de l'atroce douleur traversant son ventre lors de son affrontement contre Draguir, avant de percevoir le fond sonore d'une chute d'eau quand elle s'était éveillée comme une rose au soleil au matin d'une fraîche rosée.
C'est beau ce que tu dis, mais je te rassure, tu es vraiment trempé.
Surprise par la moquerie d'Evy, la jeune femme avait perdu son équilibre en se noyant dans la l'eau. En ressortant, elle a remarqué qu'elle était entourée d'Herba, de Loa et de Gothika. Elle s'est demandé ce que les déesses faisaient ensemble, quand elle a aperçu son père.
— Papa ?
La résonance de ce souvenir lui montre son sourire. Ses gestes s'essuyant les yeux avec un tissu à carreau. Elle s'était mise à courir vers lui et à lui sauter dans ses bras, ressentant tant de tendresse et de chaleur qu'elle a accueillie avec plaisir, avant de sombrer de nouveau dans l'inconscience.
Aurai-je fait une projection sans me rendre compte et j'ai rendu visite à mon père sur la terre ? Cela ne serait pas impossible vu que je le faisais avec papy Jean. Mais que faisaient les trois déesses avec nous ? Autant Loa je peux comprendre qu'elle se trouve actuellement proche de mon domicile, mais Herba et Gothika, je les ai affrontés sur Imaginarium.
Je sens que tu t'éveilles bichette, je suis là.
Malgré la souffrance que la jeune femme lui a infligée, Evy envoie une onde de chaleur dans le bras de sa maîtresse, en lui pardonnant ses actes.
Evy, mon ami...
Elle ne peut finir sa pensée que sa tête percute les planches.
— Tu ne pourrais pas faire attention ? cingle Tidus.
— Si tu ne veux pas qu'ils nous rattrapent, je n'ai pas trop le choix. Alors, ferme là ! rétorque Gabriel, irrité.
— Elle se réveille, annonce Patrick.
Sa main chaude et rugueuse se pose sur le front de sa fille avant de la glisser dans ses cheveux. Tandis que Tidus tient la main de Sophia dans la sienne. La vision de la jeune femme s'habitue peu à peu à ce qui lui semble être un toit en tissu. Elle lève la tête et aperçoit les étoiles défiler au travers des feuillages.
Une pression chaleureuse se fait sur sa main, tandis qu'elle tourne la tête et remarque que Tidus lui sourit, ses yeux luisants de gratitude.
Elle porte son autre main à sa tête et rencontre celle qui me caressait ses cheveux. Sophia braque ses yeux sur le détenteur de cette main et rencontre les prunelles inquiètes de son père. Sa bouche s'ouvre et d'une voix enrouée elle prononce :
— Papa c'est toi ?
— Ma chérie, je suis heureux que tu sois de nouveau parmi nous, renifle-t-il.
À nouveau, sa tête cogne alors que Gabriel jure. Elle se redresse d'un coup en sentant un léger vertige puis observe ce qu'il se passe. Le fauconnier tient les rennes de son destrier concentré à le diriger assis à l'avant de la carriole, tandis que Leah se cramponne à ses côtés.
— Mais ? Que se passe-t-il ?
— Nous t'avons sortie de Destria. Tu étais en danger là-bas, explique vaguement Leah.
Sophia baisse les yeux sur Evy qui semble tout autant perdu qu'elle en croisant son regard. Elle tente de savoir si une information ne lui a pas échappé quand elle prend enfin conscience d'un détail assez marquant :
— Mais, vous êtes revenu de la terre ? clame-t-elle en les montrant du doigt.
Leah lui sourit de toutes ses dents, Gabriel lui jette un regard furtif, et son père pose un bras autour de ses épaules.
Comment ont-ils fait pour revenir ? Et puis Tidus nous accompagne, sait-il que Gabriel est son père ?
— Nous t'expliquerons tout en détail quand nous serons arrivées, mais nous devons nous dépêcher, indique Leah avant d'ajouter, je ne veux pas te mettre de pression supplémentaire Gab, mais mon frère se rapproche avec deux autres cavaliers.
— Argh ! Je maudis son flair à celui-là. Est-il parmi eux ?
— Non, je ne ressens pas sa présence, à moins qu'il ait pris un autre moyen de transport.
— Bon, accrochez-vous, nous allons faire un virage serré. Tidus, je compte sur toi !
— Ouais, je sais ce que j'ai à faire, crache celui-ci.
Malgré la tension entre les deux hommes, Gabriel regarde Tidus avec bienveillance, alors que celui-ci lâche la main de la demoiselle en s'avançant sur ses genoux pour se diriger à l'arrière de la carriole. Il s'agrippe sur les côtés et brandit son bras gauche en avant. Un jet d'éclair sort de sa paume au moment du virage. Il vise la base des arbres qui s'effondre autour de la route qu'ils ont empruntée en amont.
— C'est bon, l'odeur de brûlé perturbe le flair de mon frère. Nous sommes tranquilles pour un temps.
— Bien jouer fiston !
Tidus lance un regard assassin quand Gabriel le félicite, montrant à Sophia qu'elle a loupé encore pas mal d'épisodes. Le jeune homme reprend sa place à ses côtés tout en se saisissant de nouveau de sa main. La jeune femme le avec incompréhension, mais il lui sourit tendrement.
C'est la meilleure celle-là, à quel moment lui et moi on s'est rapproché ?
Un pincement au cœur intervient quand la sensation de trahir Draguir l'envahit. Elle baisse la tête en posant la main sur sa poitrine, gênée.
L'aube commence à pointer ses premières couleurs quand les montagnes enneigées apparaissent. Ils ont parcouru un long trajet une bonne partie de la nuit. Ils ne sont plus à Destria, mais belle est bien revenu aux abords de Cerulazu. Le grand lac luit sous les rayons du soleil.
Gabriel arrête la carriole près du rivage pour que son destrier puisse se désaltérer, tandis que le groupe en profite pour se dégourdir les jambes, admirant également la beauté de la neige sur la chaîne de montagnes.
Leah sort un sac et distribue des provisions à chacun d'entre eux, qui sans attendre s'attaquent au fruit sucré qui les revigore.
— Cela me fait tellement plaisir de te revoir en chair et en os, s'exclame enthousiaste Leah en serrant Sophia dans ses bras.
— Tu m'as également manqué, ça n'a pas dû être facile de supporter grincheux, rigole-t-elle.
Celui-ci lève les yeux de son sac et lui lance un regard noir, puis il replonge la tête dans ses affaires et en sort tout un lot de seringue.
Que va-t-il faire avec ça ?
Devant sa tête ahurie, Gabriel sourit de façon énigmatique :
— Si tu continues à m'affubler de ce surnom ridicule la chieuse, je t'assomme avec mes anesthésiants, ricane-t-il.
— Hein ? Tu n'es pas sérieux j'espère ? rapplique-t-elle en hurlant.
Il s'esclaffe de bon cœur jusqu'à ce que Leah lui donne une claque derrière la tête. Instantanément, il s'arrête et regarde sa tortionnaire en faisant mime d'avoir super mal, tandis que la louve le regarde méchamment les poings sur les hanches. Sophia remarque que leurs échanges cachent un lien qui les unit. Tidus s'assied à côté d'elle et sourit en regardant la scène devant nous.
— Ils n'ont pas pu t'embarquer en cachette sans m'impliquer dans leurs évasions, explique-t-il.
— Donc ils avaient prévu depuis un moment de me kidnapper ? interroge-t-elle surprise.
Il hoche la tête et lui indique qu'il ne connaît pas le fond de la raison qu'il les a poussés à agir ainsi. Même s'il se montre souriant et surprotecteur envers elle, Sophia sent qu'il lui cache quelque chose de plus important. Tidus détourne le regard pour admirer le paysage en repérant que la jeune femme tente de le sonder.
— Ta puissance est vraiment impressionnante Sophia. Même si j'avais eu un aperçu lors du raz de marée que tu as provoqué.
— Je m'en veux encore d'avoir ravagé la moitié d'Imaginarium, boude-t-elle en baissant la tête.
— Ça aura au moins permis à certains de prendre un bon bain, s'esclaffe-t-il.
Le silence s'installe entre eux, brisé seulement par les chamailleries de Leah et Gabriel. Sophia remarque que derrière eux, près du rivage se trouve son père. Il admire l'étendue du lac reflétant la beauté des montagnes. Elle se lève en s'excusant auprès de Tidus et s'avance près de lui.
Son calme serein lui indique qu'il arrive à s'adapter au climat de cet univers.
Je me demande s'ils ont pu réussir leurs missions et pourquoi sont-ils revenus ici. Du moins, pour les deux lascars je comprends, mais lui, la chair de ma chair, pourquoi les accompagnent-ils ?
— Ce qu'a construit ton grand-père est vraiment magnifique, souffle-t-il.
— Et encore, tu n'as pas tout vu. Il existe une frontière où deux climats contraires s'opposent d'un mur invisible.
Patrick la regarde étonné, pendant qu'elle lui explique la ligne séparant Pharekt et Blasqueen, imitant que d'un côté il fait une chaleur épouvantable et de l'autre un froid glacial. Elle raconte la sérénité que l'on éprouve quand on traverse les plaines de Cerulazu, tout en trouvant au bout de chaque ruisseau une immense cascade se déversant dans les eaux de Cascalaris, la ville engloutie. Et que plus au Nord se trouve l'ennemi de tous, caché au milieu de sa montagne et de ses volcans dans la zone aride de Blackvoïd. Le visage illuminé de son père sur son récit s'assombrit à la dernière partie. Il oriente de nouveau son regard vers le lac en prenant sa fille dans ses bras.
— Je suis tellement heureux de te revoir ma fille, s'exprime-t-il la voix chaleureuse.
Moi aussi, papa, moi aussi.
Mais ses mots, elle n'arrive pas à les lui dire. Un pressentiment étrange lui obstrue la gorge. Être dans ses bras lui apporte un tel réconfort, qui lui semble à la fois perturbant.
Gabriel charge dans un fusil ses seringues anesthésiantes, et invite tout le monde à reprendre position dans la carriole. Sophia se demande où le fauconnier les mène, sachant que les plaines sont infestées de rabatteurs. Il lui semble également que Hellakiel n'a pas encore agi directement contre eux.
Il n'a peut être pas apprécié la dérouillé que tu lui as mise ! s'exprime Evy dans ses pensées.
— Tu me parais bien silencieux toi quand il ne s'agit pas de bêtise à me sortir.
J'observe surtout en ce moment bichette.
— Tu souhaites savoir si je ne vais pas me retourner contre toi encore une fois.
Evy se renfrogne quand il entend ce que lui dit Sophia. Leurs altercations n'ont pas été sans précédent, et même s'il lui parle normalement, elle sent qu'il y va à tatillons.
Est-il comme les autres ? À me cacher ce que je devrais savoir, mais en me laissant dans le flou jusqu'au combat final ?
Fais leurs confiances Sophia. Je ne peux rien te révéler pour l'instant, affirme Evy à ses pensées.
C'est bien ce qu'il me semblait. Il sait ! songe-t-elle.
— Nous allons nous rendre au village. Nos poursuivants ont été perturbés et grâce à Tidus ils pensent que nous sommes partis dans les montagnes, explique Gabriel en soulevant les rennes de son destrier.
Tout le monde reste silencieux durant le trajet quand ils longent la lisière de la forêt. La tête soutenue par son bras posé sur le rebord de la carriole, Sophia regarde le paysage défiler tandis que ses pensées se perdent dans la santé de l'être qu'elle souhaite tant revoir.
Elle ne souhaite pas revivre un tel affrontement contre lui, cela l'a beaucoup affectée. La jeune femme tenterait bien de faire une projection vers Draguir, mais ses compagnons ont peur d'être repérés, et ce ne serait pas raisonnable de les mettre plus en danger.
Ils franchissent enfin l'entrée du village, où ils sont accueillis par ses habitants armés jusqu'aux dents. Ils acclament la venue de Gabriel, et emmènent le groupe dans une auberge où ils pouvant enfin souffler. Sophia est encore perplexe par cette traversée soudaine, mais tant que son père leur fait confiance, elle se doit de leur accorder le bénéfice du doute.
Assis dans le salon, ils sirotent une liqueur qui en plus d'être bien sucrée renferme une bonne dose d'alcool. Patrick l'apprécie beaucoup, ce qui fait sourire sa fille. Gabriel pose son verre qu'il a bu d'une traite avant d'entamer la discussion :
— Bon, je ne vais pas y aller par quatre chemins, commence-t-il sérieusement.
Il ouvre la bouche pour annoncer ce qui plane au-dessus de leurs têtes depuis le début, mais avant de pouvoir poursuivre, son corps s'affaisse, ainsi que celui de Leah, Tidus et Patrick.
— Purée, ils nous ont retrouvés, maudit Jack !
Cette injure que Gabriel arrive à sortir malgré son état donne la puce à l'oreille de la jeune femme. La porte du salon s'ouvre à la volée sur Jackiel, Elias et Luka qui arrive en trombe dans la pièce remontée comme jamais.
Jackiel a bien sûr utilisé son don pour contrôler une éventuelle riposte, alors que Sophia se lève pour s'interposer entre eux et ses amis.
— Je suis rassuré il ne t'ont rien fait, exprime Elias dans un soulagement.
— Certes, mais j'allais enfin savoir ce qu'il se trame, réplique-t-elle sanglante.
Elias est surpris par sa tirade.
— Je ne comprends pas encore tout ce qu'il s'est passé depuis mon affrontement contre Gothika, Herba, le sage et Draguir, enchaîne-t-elle sur sa lancée, mais tout ce que je peux dire s'est qu'il y a un malaise depuis mon réveil, et même Evy ose me cacher la vérité !
Tous les visages s'assombrissent autour d'elle. Evy évite de regarder dans sa direction. Sophia sait qu'ils sont au courant d'une information capitale, et elle ne compte pas les lâcher avant de l'obtenir. Luka s'approche d'elle en tendant la main, la suppliant de son regard de se calmer, mais elle refuse catégoriquement son geste en reculant d'un pas.
— Jack, peux-tu arrêter s'il te plaît que nous puissions agir en conséquence ? beugle Gabriel.
Chaque membre du groupe, affecté par le don du fauconnier, retrouve leurs esprits. Patrick se remet difficilement d'un tel contrôle de ses émotions.
— Gabriel, Leah, pouvez-vous intervenir, ordonne Sophia en désignant son père.
La tension règne dans le salon. L'échange de regard n'échappe pas à ses sens aiguisés.
— Sophia, je te demande s'il te plaît de te calmer, tranche sévèrement Luka.
— Tu reviens la queue entre les jambes ? rigole-t-elle amèrement.
Le loup s'approche d'elle énervé par sa moquerie.
— Je ne supporte pas de te voir dans cet état, il faudrait à un moment donné que tu nous fasses confiance si l'on agit tout de manière à te protéger !
Il est énervé. Luka, qu'est-ce qu'il te pèse tant sur le cœur pour que tu réagisses ainsi ? Tu avais l'air de m'ignorer complètement ces derniers temps. La complicité que nous partageons malgré mes sentiments pour Draguir me manque.
— Me protéger de quoi ? Tu t'intéresses à moi tout d'un coup ? Ça y est, tu m'évites plus ? reproche-t-elle.
Il la regarde d'abord surprit, mais il se ressaisit et avant que les autres n'aient le temps de réagir il lui hurle dessus en l'attrapant les épaules :
— Si tu t'empares de l'épée, tu tueras Draguir !
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