31 - Pour que tu te souviennes

Le vent souffle fort autour de Sophia qui chancelle quand elle se relève. Comme un phénomène dépassant tout entendement, les éléments autour d'eux se déchaînent plus qu'ils ne devraient. Gothika se relève également et sourit de satisfaction. Elle lève les mains aux ciels aussi hystériques que depuis le début et rit de façon sarcastique.

Une tornade s'apprête à nous tomber dessus et elle, elle se marre, pense Sophia déconfite.

Sophia, ça va secouer, tu devrais t'accrocher.

La lumière autour de son poignet se tamise et laisse place à la brillance argentée de son compagnon le plus fidèle. Ses yeux émeraude étincellent d'excitation face à l'ouragan, que pour une fois elle n'a pas provoqué. Sophia redéploie ses ailes d'un coup sec et hurle à tous de se mettre à l'abri.

Mais dans le chaos général, ils ne l'entendent pas, trop concentré à maintenir Draguir sur le sol. Le fauconnier se débat contre ses amis pour tenter d'attendre sa proie, et de la tuer. Le sourire placardé sur son visage est aussi malsain que celui de sa mère, comprimant le cœur de Sophia qui comprend qu'elle l'a définitivement perdu.

Tu penses que tu peux la battre ? s'inquiète Evy en sentant son changement d'humeur.

— Je vais la tuer surtout, indique-t-elle sans appel.

Sophia. Non. Tu ne peux pas, je t'en empêcherai.

Evy commence à s'allonger, mais en rencontrant la lueur des yeux de Sophia, il baisse la tête capitulant face à la puissance qu'il ne peut plus bloquer à sa convenance. Le poing de la jeune femme s'enflamme aussitôt, tandis que dans son autre main elle matérialise l'arme tant recherchée.

Gothika remarque que Sophia s'avance vers elle lentement, mais avec une détermination non dissimulée. Elle souhaite depuis le début faire mordre la poussière à la jeune femme pour mieux la faire basculer dans les ténèbres.

Ça tombe bien, son vœu va être exaucé.

Alors que Riertsedi tente de barrer le chemin de la demoiselle avec son bâton maléfique. Caché avec le reste du groupe dans la forêt, Jojo frotte ses pattes entre elles tant la nervosité le gagne à chaque instant. Ils attendent le signal de Reirtsedi qui s'oppose dorénavant à Sophia. Thomas pose sa main sur son dos :

— Ça va aller Jojo. Elle ne craint rien, nous devons juste lui faire comprendre qu'elle ne peut réagir ainsi à sa guise.

Son museau se retrousse d'angoisse. Il pense à ce que lui dirait Jean sur les épreuves qu'il fait traverser à la jeune femme par pur égoïsme. Cette arme qu'ils ont créée pour anéantir le mal et protéger Imaginarium, est en train de perdre tous ses moyens. Le doyen était là, quand ils ont tous plus ou moins révélé leurs profondes pensées, et il avait été admiratif devant la ténacité de certains, mais il a surtout compris le mal qui s'est immiscé dans le corps de la grande et qui l'a rongé de l'intérieur.

Jojo ne connaît que trop bien ce mal, si sournois, si malveillant. Il le voit encore apparaître dans le regard de Reirtsedi quand il l'observe élever ses destriers avec tant d'ardeur et de poigne. Il n'aurait jamais pu penser qu'ils se recroiseront dans de pareilles circonstances, et pourtant, il tente de maintenir cette paix si fragile en protégeant l'une de ses filles.

— Ne faites pas ça Sophia. Pensez au rêve que vous souhaitez réaliser pour vos amis, votre entourage, clame-t-il dans le désespoir. Vous avez encore beaucoup de choses à accomplir, comme sauver Imaginarium, libérer les enfants que maintient Hellakiel sous son emprise, restaurer l'ordre dans les univers.

— Bougez vous de mon chemin si vous ne voulez pas subir le même sort, souffle-t-elle menaçante.

— Cela en est hors de question.

Son ton est froid, et il ne compte pas bouger d'un pouce. Du coin de l'œil, elle remarque Thomas, Lyvia et Jojo sortir de la forêt et de positionner aux côtés du sage. Chacun la regarde avec indifférence, mais le doyen la fixe avec tristesse. Il ne s'imaginait pas qu'en la munissant d'un tel pouvoir, cela aurait été son plus gros fardeau. Si elle avait vécu à Imaginarium comme il avait convenu à la base, tout cela aurait été plus simple, mais il ne voulait en aucun cas l'arracher à sa famille.

Tu aurais sans doute été le fruit élevé par Herba cachée dans les bois sacrés, ou bien encore à sillonner les régions et à vivre dans la terreur sous les menaces constantes de H, Gothika et Cycla. J'ai respecté son choix et me suis concentré sur l'avenir de ce monde avant de te rencontrer enfin et de ressentir l'espoir de renaître en moi comme un brasier jaillissant des cendres d'un feu éteint. Mais toutes les réponses que tu obtiens à compte goutte ne te suffisent plus. Je tentais de te protéger ma grande, mais je ne te fais que souffrir davantage en te révélant peu de tout ce que je garde au fond de moi, pense Jojo en regardant sa protégée.

Derrière Sophia, la tension augmente, Méric indique à Astos et Tidus de maintenir Draguir, pendant qu'il lui verse une fiole dans la bouche. Il lui maintient la mâchoire fermée pour le forcer à avaler, mais le fauconnier ne cesse de se débattre en tentant de griffer ses compagnons.

— Sophia, tu ne dois pas tuer une déesse, tente Jojo pour essayer de la faire revenir à la raison.

Un rictus apparaît sur son visage, tandis qu'elle plante la lame de l'épée dans le sol. L'arme se tenant droite à côté d'elle la dépasse d'une tête. La jeune femme croise les bras devant la barrière qui s'est formée sous ses yeux.

Reirtsedi sent qu'elle ne va pas se laisser faire aussi docilement, dans l'état dans lequel où elle se trouve, ses barrières sont sans surveillance. Il est en train de lire en elle comme dans un livre ouvert. Toutes les choses que Sophia s'efforce à garder au plus profond de mon cœur, il en prend possession comme acquis. Or, la jeune femme pense ironiquement être une parfaite gentille petite fille, et lui renvoie mentalement un gros doigt d'honneur accompagné par un magnifique sourire placardé sur son visage.

— Je vous conseille de rester sur vos gardes, prévient Reirtsedi, avec l'image qu'elle m'envoie au fond d'elle, nous ne pouvons plus la raisonner.

— À ce point-là ? interroge Thomas qui s'arme de son bâton prêt à parer une éventuelle attaque

Jojo les observe avec crainte. Ils sont prêts à la contrer au besoin, mais autour d'eux qui est vraiment capable ? Evy vacille devant sa maîtresse qui s'esclaffe sur un jeu de mots qu'elle a pensé en se sentant poussée des ailes. Il regarde par-dessus son épaule et remarque que Gothika ne se sent pas vraiment à l'aise, son visage est différent, moins pâle. Et ses yeux d'ordinaire noirs luisent d'une étrange couleur grise, et même si elle est très puissante, que peut-elle face à une colère si grande ?

Le doyen joint ses pattes et prie pour que tout cela se termine sans encombre mis s'il avait su ce qu'il arriverait ensuite, il aurait sans doute agi autrement. Sophia attrape le manche de sa claymore, puis saute en s'envolant au-dessus de leurs têtes en se marrant. Elle lève son épée en l'air, puis fonce droit sur la déesse de la mort.

La jeune femme commence à abaisser l'arme quand elle rencontre une résistance peu agréable à son goût. Une barrière de multiple branchage s'est formée entre la déesse de la mort et elle, tandis que Gothika sourit derrière la barricade satisfaite d'avoir plus de soutien de son côté.

Le bouclier de branche se retourne contre Sophia en la projetant avec puissance à l'opposé. Son corps tourne et rebondit sur le sol avant qu'elle ne se fasse stopper par un arbre. Une multitude d'égratignures et de plaies se sont ouverte, mais elles se referment toutes avec lenteur. En relevant la tête, elle aperçoit une fumée de poussière qui commence à disparaître, lui permettant de découvrir qui a osé contrer son attaque.

Sa silhouette s'avance en déhanchant, tandis qu'elle pose un pied sur le côté et plaque sa main sur sa hanche droite en la regardant de haut. Un bon kilomètre les sépare, pourtant Sophia voit bien le mécontentement dans son regard, tandis qu'elle se relève en crachant un filet de sang.

— Même si nous nous apprécions peu, nous venons de perdre une sœur. Je t'interdis de mettre fin à sa vie, hurle Herba.

Jojo a ses poils qui se hérissent jusqu'à la pointe de ses oreilles en entendant les paroles de sa fille. Sa prestance en impose alors que la déesse des vies se trouve à présent devant Gothika, Jojo, Lyvia, Thomas, Reirtsedi faisant face à Sophia.

La jeune femme tourne la tête vers Méric qui tente d'empêcher Draguir de s'échapper en essayant de lui attacher les poignets, mais même lui et les autres ont du mal à le contenir. Son regard fou est orienté vers la demoiselle, ce qui alimente de plus en plus sa colère. Elle prend appui sur son pied et tente une nouvelle approche.

Ce qu'elle ne prévoit pas dans sa course, c'est la réaction d'Evy quand elle accélère de plus en plus, brandissant son poing en feu envers Herba. Son bras part en arrière avec une telle force qu'elle sent sa clavicule se déboîter, le tout accompagné d'un déchirement.

— Evy, hurle-t-elle pleurant de douleur.

Le dragon se plante dans le sol en maintenant de toutes ses forces Sophia.

— Evy libère moi ! peste-t-elle de rage.

Autant Gothika, même si je la déteste autant que toi, cela passe moyen que tu la tues. Mais Herba ? Non, je ne le conçois pas. Transmet-il dans mon esprit.

— Evy, sors de là ou je te jure que le prochain sur ma liste c'est toi ! s'égosille Sophia en tentant de se libérer.

La pression qu'il maintient est plus puissante que ce que la jeune femme s'imaginait. Une sourde colère se fraie un chemin à travers son corps, et jaillit tel un hurlement surpuissant qui traverse comme un jet de lumière le vortex dans le ciel.

L'électricité se charge dans les nuages jusqu'à ce que la foudre retombe avec violence autour de Sophia. Elle joue sur le fait qu'Evy n'apprécie pas l'orage, et ce qui va en suivre ne va pas arranger son cas, mais celui-ci renforce sa prise sous terre, tenace.

Les éclairs lèchent l'épaule de Sophia cautérisant la plaie, tandis qu'elle ressent dans une douleur insoutenable, les chairs se reformer tel un puzzle trouvant l'angle lui correspondant.

— Evy, si tu continues je me tranche le bras sans hésitation.

Sa menace ne lui plaît pas, quand elle l'entend réagir en grondant :

Ne t'avise pas de faire ça. Si tu perds l'implant, cela en est fini d'Imaginarium !

Elles plissent les yeux face à cette nouvelle révélation. La rage qui l'a dominait s'envole aussi sec, calmant l'orage dans le ciel. Or le vortex reste toujours présent.

— Qu'as-tu dit ? demande-t-elle perplexe à Evy.

Evy soupire, il ne voulait pas en arriver à divulguer cette information pour la calmer. Jojo a le coeur qui bat la chamade quand il a vu sa protégée invoquer la force de Cycla pour se débattre contre le dragon, ce qu'il redoutait le plus est en train d'arriver, ils perdent leur arme, leur sauveuse, leur renaissance.

Sophia ne veut pas détruire Imaginarium, cela en est hors de question pour elle. Son grand-père y a consacré une grande partie de sa vie.

— Tiens le coup ! implore Tidus au loin.

— Il se débat de plus en plus. Je n'arrive pas à déterminer d'où peut provenir la rage qu'il contient au fond de lui, peste Elias en tentant de positionner ses doigts sur les tempes de Draguir.

Herba profite de l'intervention de sa création pour enfermer le fauconnier dans une bulle de lumière, provoquant au passage le mécontentement de sa génitrice qui tente de s'interposer. Sauf que Herba lui coupe l'herbe sous pied, faisant tomber Gothika à la renverse.

Emprisonné dans la cage, Draguir frappe la barrière pour atteindre Sophia, mais sans succès. La déesse des vies tombe à genou épuisé par sa magie qui faiblit à une vitesse considérable, car la rage du jeune fauconnier se ressent au travers de la bulle.

— C'est bon je suis calme Evy, dessert la bride s'il te plaît.

Non. Je ne veux pas prendre de risque. Et puis...

Il ne termine pas sa phrase que le vortex au-dessus de leurs têtes semble se déchirer, provoquant ainsi un bruit désagréable. Sophia tente de se boucher les oreilles en les coinçant entre son épaule et sa main. Tous lèvent leurs têtes vers les crépitements, puis se cachent les yeux quand une lumière bleutée apparaît soudainement au centre du vortex.

Ils remarquent, dans cette lumière aveuglante, des petites petites poussières scintillantes à se rassembler pour en former un cercle. Sophia comprend immédiatement qu'un portail s'ouvre. Un portail menant vers sa terre natale. Le murmure d'Evy se fond dans le vacarme environnant, mais son ouïe entraperçoit ce qu'il dit.

Ils arrivent.

La jeune femme tire de plus en plus sur mon bras en prenant appui sur mes pieds.

— Evy, je ne sais pas ce que tu entends par ils arrivent, mais si j'ai une chance de me tirer d'ici, je ne veux pas la manquer.

C'est hors de question ! rage-t-il.

— Ah, mais tu me gonfles !

Sophia fait un maximum de vide en elle et se concentre pour se projeter. Son enveloppe tombe à la renverse comme une pierre, tandis que son être fantomatique se détache de sa chair. Evy remarque le corps de la jeune femme s'alourdir, puis sort de la terre pour pointer son museau vers elle.

Sophia ? Eh bichette, qu'est-ce qu'il t'arrive ?

Elle perçoit toute l'inquiétude qui l'étreint, mais s'efforce d'y faire abstraction pour pouvoir reprendre l'avantage sur lui. Elle profite d'être hors de son corps pour observer son entourage. L'équipe de Reirtsedi se méfie de l'ouverture de ce portail, car Thomas et Lyvia brandissent leurs armes vers celui-ci. Astos s'approche de Jojo, qui lui remarque le comportement de sa protégée et devine ce qu'elle compte faire.

Méric sort également son bâton face au vortex, Luka hérisse le poil, quant à Tidus, il semble étrangement serein. Jackiel et Elias se contentent d'observer et d'intervenir autour d'eux tout en gardant Gothika à l'œil. Celle-ci se relève en fronçant les sourcils, alors que sa sœur peine de plus en plus à maintenir le bouclier.

Evy est complètement sortie de sa tanière, laisse libre champ au plan de Sophia. Elle force ses ailes à se propulser de son corps, leur donnant une teinte argentée virant au gris anthracite. La jeune femme en appel à toute la puissance que lui a légué Cycla dans sa perte pour faire envoler son enveloppe dans les airs sous le regard ahuri du dragon.

Elle pousse sur ses jambes et se projette dans son corps. Avec la force de son entrée, elle s'envole tout droit vers le vortex, tandis qu'Evy l'insulte de tous les noms. Il n'en revient pas d'être bêtement tombé dans le panneau.

— Herba ! appelle Jojo.

Celle-ci tourne la tête vers le ton employé par son père, mais il lui ordonne sèchement :

— Libère Draguir !

— Quoi ? Mais tu es devenu fou ?

— Non, je sais qu'il retrouvera la raison, implore-t-il.

— Si je le libère, il va la tuer !

Les poings du doyen se serrent. Il sait qu'il prend un gros risque, mais quand il aperçoit du coin de l'œil qu'Evy ne peut plus rien contre son amie, c'est la seule solution qu'il lui reste.

— Sophia va traverser le portail, je hurle à présent pour gronder ma fille, tu souhaites tant que ça à tout ce que nous avons fait soit anéanti parce ce que tu refuses de prendre plus de risque ?

Reirtsedi lui lance un regard sévère, mais Jojo l'ignore parfaitement en pensant :

Il ne pourra plus se cacher de ses frères plus longtemps et il le sait. S'il veut prospérer ici comme nous l'avons convenue à son arrivée, il doit laisser son avenir dans les mains de ce jeune garçon en proie aux ténèbres qui coulent dans ses veines.

— Gothika, lève la malédiction sur ton fils, implore Herba en résistant.

— Il n'y a jamais eu de malédiction, avoue-t-elle dans un murmure.

Tous ont le regard qui s'agrandit. Si Gothika annonce une telle vérité, c'est qu'elle-même est dépassée par la violence de sa propre progéniture. C'est bien un élément qui leur a été préservé dans leurs données.

— Nous en discuterons plus tard ! Sophia est presque en haut, pointe Jojo de son bras.

Herba le regarde avec insistance pour qu'il change d'avis, mais il soutient le sien avec détermination. Il ressent la douleur qu'elle combat au fond d'elle, alors que le reste du groupe retient leurs souffles. Après une seconde d'hésitation paraissant une éternité, elle défait sa bulle et libère le hurlement de rage qui provient de Draguir, avant qu'il ne s'envole dans les airs.

Grâce à la puissance des vents, Sophia gagne en accélération vers le sommet, mais une chose attire son regard. Un phénomène étrange se produit au centre du portail, comme des remous provoqués par l'apparition d'un geyser imminent. Elle tente d'y faire abstraction, mais elle ressent une pression au niveau de sa cheville. Elle baisse la tête et remarque que Draguir grimpe sur elle.

Le fauconnier à un sourire aussi flippant que ceux des clowns placardé sur son visage. Ses yeux sont remplis en totalité d'un noir abyssal, alors que sa peau devenue aussi blanche que la porcelaine se fissure par les veines prenant la teinte de l'ébène.

— Draguir lâche moi ! hurle-t-elle à son attention.

Ses ailles fendent l'aide pour l'aider à le faire lâcher prise, tandis qu'Evy glisse le long du corps de sa maîtresse pour mordre son attaquant au poignet. Deux choix s'offrent à Sophia quand elle lève la tête pour calculer la distance qu'il lui reste entre le portail et elle : partir et risquer de mettre en danger les terriens avec un être aussi maléfique comme Draguir, même si elle pense au fond d'elle qu'il est manipulé par sa mère. Ou rester ici et se battre contre lui.

Le fauconnier est accroché aux jambes de Sophia comme un morpion, alors qu'Evy commence à perdre du terrain face au cauchemar que celui-ci lui inflige. La jeune femme a de plus en plus peur de l'homme pour qui elle ressent une telle attirance. Les barrières qu'il a mis tant d'années à ériger, se brisent par la manipulation de Gothika, et cela Sophia en avait eu une amère expérience à Balckvoïd. Et elle refuse le fasse subir à qui que ce soir d'autre.

Dans sa surprise, la jeune femme descend au niveau de Draguir et lui inflige en gros coup de boule dans la tête. Il se recule stupéfait, et lâche son emprise sur Evy qui reprend immédiatement sa place. Dès l'instant où la connexion se refait avec son ami, Sophia recharge l'air d'électricité. L'ange en face d'elle ne se laisse pas démonter et attaque en brandissant une épée noire ressemblant étrangement à la claymore. Il reproduit à l'identique ses attaques, alors que la jeune femme tend le bras gauche et laisse les éclairs venir recouvrir les écailles qu'elle se forge sur la peau.

Elle envoie un coup de poing en direction de Draguir qu'il évite de justesse. À force d'avoir usé les limites d'Herba, il s'est également fatigué, mais l'envie de faire du mal à la demoiselle lui donne de l'adrénaline. Il l'attaque avec son arme que Sophia propulse hors de sa vue, mais cela ne le stop pas, car il enchaîne avec des coups de poing, et tente de s'agripper aux cheveux de la jeune femme.

Draguir veut pouvoir la toucher pour posséder son esprit avec ses images terrifiantes, mais Sophia lui attrape les poignets. Il en profite pour lui donner un coup de pied dans l'estomac, coupant instantanément le souffle de la jeune femme qui se recule quand il revient à la charge pour envoyer un coup de poing dans le visage. Elle essaie tant bien que mal d'éviter ses attaques multiples qui deviennent plus rapides les unes que les autres. Sophia ne comprend pas d'où lui vient se regain d'énergie, pour sa part, elle n'en peut plus de se battre. Surtout qu'elle ne veut que rien lui arrive.

Un dernier coup la propulse dans le vide sous le regard satisfait de Draguir qui s'approche de sa victoire. Le cœur de Sophia se serre de tristesse quand dans son bonheur de la voir détruite, elle emporte avec elle tout les moments passés en intimité. Elle aurait tant souhaité que ce ne soit pas lui qui lui donne le coup de grâce.

En fermant les yeux, elle revoit cette petite fille les mains en sang. Les sueurs froides qu'elle lui file la nuit quand elle hante ses rêves avec son rire candide de sociopathe, et la phrase qui tourne sans cesse en boucle dans ma tête : pour le sauver lui, il faut que je tue.

Sophia ouvre ses yeux d'un coup, et avec faiblesse elle stoppe sa chute. Le sourire de Draguir se fane quand il remarque que la jeune femme ne s'éclate pas au sol. Un rictus mauvais apparaît sur son visage. La demoiselle lui fait signe de regarder son avant-bras, puis l'incite de la main à venir s'il ose. Le fauconnier pose ses yeux sur l'inscription qu'il s'était faite lors de sa guérison, laissant une infime lueur dorée réapparaître, mais cela ne suffira pas, et Sophia le sait.

Les remous se font de plus en plus violents au-dessus de leurs têtes, ne lui laissant plus une minute à perdre. D'un meuvent, elle s'envole en prenant toute la vitesse qu'il lui reste au plus profond d'elle. S'aidant de la rage, de la tristesse, de l'envie, du désir pour lui, mais surtout de la colère, de sa faiblesse, et brandie mon poing dans sa direction. Il saisit son intention, et plonge à sa rencontre dans la même position qu'elle. Le portail prend plus de volume, comme si quelque chose de très gros tente de le traverser, mais Sophia ne s'en occupe pas plus que son objectif premier reste de contrer son âme sœur.

Draguir combat au plus profond de son esprit pour reprendre les rênes de son corps retranscrivant sa détresse dans son regard. Sophia fonce sur lui en priant :

Toi, mon pilier, ma moitié, mon ange gardien, ne m'en veux pas pour la souffrance que je vais t'infliger. Mon cœur saigne rien que de simplement me l'imaginer, mais tu ne seras pas seul à souffrir.

Elle emmagasine dans son poing toute la puissance qu'il lui reste et espère en son for intérieur que l'un deux déviera de sa trajectoire avant l'impact ultime. Elle laisse les larmes se déverser sur ses joues, en prononçant ses derniers mots pour lui :

— Je t'aime, Draguir.

Ils s'envolent dans les airs dans un doux murmure, quand leurs poings rencontrent le torse de chacun avant de traverser dans un craquement d'os tous les organes vitaux. Sophia pose sa tête contre son épaule dans leurs chutes. Elle a de plus en plus de mal à maintenir ses yeux ouverts, mais elle sait qu'il ne cicatrisera pas et elle non plus, tant qu'ils auront chacun leurs bras dans le corps de l'autre.

Une lumière vive se dégage du portail grandissant de plus en plus laissant une colonne d'eau arriver dans une vitesse fulgurante. Elle vient envelopper Draguir et Sophia pour ralentir leurs chutes à demi mortelles. La jeune femme ressent une douce chaleur la traverser malgré dans l'état dans lequel elle se trouve. Des voix s'accumulent autour d'eux, quand leurs corps enlacés par le sang rencontrent enfin le sol.

Sophia commence réellement à perdre conscience, mais elle continue de s'agripper à lui. Elle ne veut en aucun cas être séparée de l'être qu'elle aime le plus au monde, et qu'elle a dû mutiler pour lui faire reprendre conscience. Draguir prend conscience que la tentative suicidaire de la demoiselle à fonctionner, dans une étreinte auprès de son corps endolori, il lui susurre à l'oreille :

— Ne m'abandonne pas, ma sauvageonne. 

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