La vague déferle sur l'eau tel un raz de marée en s'approchant dangereusement des côtes d'Imaginarium. Son grondement fait trembler la terre alors que tous les animaux se propagent, fuyant la menace. Se dirigeant vers eux devant le regard des habitants, des rabatteurs et des compagnons qui se maintiennent sur place en tentant de garder leurs équilibres.

Herba, Tidus, Astos, Jojo et Evy se sont protégés sous une barrière luminescente pendant le hurlement de Sophia qui avait déjà grandement dévasté la zone. Ils se redressent en sentant les vibrations du sol regardant tout autour d'eux, tandis que la jeune femme hurle en courant vers eux, appelant Evy, qui la rejoint rapidement en sentant la situation d'urgence.

Sophia tend la main, envoyant un filet de racine qui s'entrelace autour de ses compagnons, alors qu'elle ressent la connexion s'établir avec son ami. Puis, elle déploie de nouveau ses ailes et se propulse dans les airs avec l'aide du dragon qui lie ses pouvoirs avec les siens, pendant que Sophia tient fermement la cage de racine autour de son poignet.

— Quelqu'un pourrait me faire descendre, j'ai envie de vomir, clame Astos avec des haut-le-cœur.

— Retiens-toi, grogne Tidus la tête en bas, car avec ce que je vois arriver, on va être secoué.

— Nom d'une carotte verte ! s'exclame le doyen.

— Je ne veux pas être celui qui sera en bas, bougonne Tidus.

— C'est toi qui as provoqué ça, accuse Herba à moitié impressionnée et à moitié apeurée.

Sophia la fusille du regard, tandis que la déesse détourne la tête, ne commentant pas plus. La jeune femme calcule la distance qu'il lui reste, puis tire sur la cage en s'agrippant à elle en puisant dans sa force pour envelopper tout le monde sous une barrière de lumière. Evy se cramponne à elle en lui demandant :

Que comptes-tu faire après ?

— Je vais transporter tout le monde en lieu sûr, répond-elle sèchement.

Tu t'imagines que la distance est bien trop grande ?

— Je me reposerai en temps voulu. Nous allons déjà affronter cette vague, ensuite, j'aviserai.

Je ne te reconnais pas, Sophia, tu m'as l'air encore plus en colère que d'habitude, s'inquiète-t-il.

— Et tu t'étonnes pourquoi ?

Evy n'a pas le temps de répliquer qu'une puissante déferlante les propulse sur plusieurs kilomètres. La vague d'une hauteur d'une quinzaine de mètres s'écrase contre la roche, balayant le bois sacré sur son passage. Ensevelissant les premiers rangs de rabatteurs dans la plaine, alors que les hommes de feu resserrent les rangs face à la vague.

Flamma érige des murs de lave tout autour de Voltamur et Blackvoïd, protégeant cette partie de la région de l'eau s'évaporant et formant un amas rocheux. Tandis que Bastos déploie un bouclier de glace protégeant ce qu'il reste de son armée, déviant l'eau boueuse sous un effort inconsidéré.

Étant déjà sous les eaux, la ville de Cascalaris ne ressent qu'un puissant courant les percuter, alors que les régions de Pharekth et Blasqueen sont trop éloignées pour subir les affres de l'eau tumultueuse.

La vague poursuit son chemin, ravageant tout sur son passage, approchant du pont reliant Blasqueen à Cerulazu où le groupe de Draguir le traverse lentement, prenant garde de ne pas le faire tanguer en tirant les traîneaux. Les destriers s'affolent en ressentant le grondement et se mettent à se braquer les sabots en l'air sous le regard affolé de leurs cavaliers. Ils se mettent à galoper sur les planches qui se détachent des cordes, tandis que la vague les percute de plein fouet alors qu'ils n'atteignent pas encore l'autre rive.

Le niveau redescend, s'écoulant des falaises et regagnant le lit de la mer Azura après avoir tout détruit en quelques secondes.

— Ça y est, c'est fini, souffle Sophia.

— Tu n'y es pas allée de main morte, tu as quasiment ravagé la moitié d'Imaginarium, commente Herba en regardant le sol.

La jeune femme ignore sa remarque, alors qu'elle commence à se diriger vers la forêt de Cerulazu. Elle se concentre pour ne pas lâcher la prise qu'elle maintient sur la cage qui se balance avec le poids d'Astos. Ils passent au-dessus de refuge qui a pu être épargné grâce au mur de glace se dressant sur des kilomètres, et s'affaissant au pied des rabatteurs aidant leurs compagnons blessés.

Bastos se frotte la nuque, épuisé, en se dirigeant vers son destrier, puis se hisse dessus. Il lève la tête et remarque le groupe volant au-dessus d'eux. Il caresse sa longue barbe hirsute, regardant son frère avec de petits yeux avant de donner un coup de talon pour se diriger vers les montagnes noires. Astos renifle en le voyant lui tourner le dos, alors que Jojo contemple au travers des barreaux son domaine aux prises de l'ennemi. Sophia a le cœur qui se serre en observant le géant de glace galoper dans les plaines, mais la cage se met subitement à bouger dans tous les sens.

— Astos, que fais-tu ? grogne Tidus.

Le proprio tente de s'extirper de la cage en écartant les barreaux de bois, écrasant les autres avec ses pieds. La jeune femme peine à garder son équilibre, maintenant de plus en plus sa prise autour des liens en grondant :

— Si tu pouvais arrêter, cela m'arrangerait fortement.

— Il faut que je l'arrête. Je veux savoir pourquoi il nous a tourné le dos !

— En t'éclatant le crâne sur le sol ? Je te rappelle que l'on est à des lieues au-dessus du sol. Ce n'est pas en mourant que tu obtiendras des réponses.

Astos prend conscience de ses actes, puis se cale contre les barreaux en croisant les bras sur son torse tout en ruminant dans sa barbe blanche. Jojo pose sa patte sur son dos pour le soutenir, en lui promettant qu'ils découvriront ce qu'il se passe pour Bastos. Herba observe les alentours dans le calme, tandis que Tidus se hisse au sommet de la boule pour venir tenir compagnie à la jeune femme.

— Je suis désolé pour ton grand-père, annonce-t-il sincèrement. Cela devait être un grand homme, de ce que Jojo m'a expliqué.

Sophia ne lui répond pas, ne voulant pas entamer de discussion. Tidus ne le remarque pas et lui demande :

— Tu n'avais pas l'air d'être surprise par mes pouvoirs, tu en as déjà vu de similaires ?

Elle souffle devant sa question en repensant aux paroles de Loa : Timéa ne possède pas d'enfant, tandis qu'un autre a perdu la mémoire... Les yeux de Sophia s'agrandissent, choqués, puis elle tourne la tête vers le jeune homme qui se maintient fermement à la cage, ses cheveux blond-argenté volant dans le vent. Elle ne comprend pas comment elle n'a pas pu faire le lien avant, alors que Tidus est un garçon aussi gentil, tandis que ses parents ne connaissent pas la bonté dans leurs vocabulaires.

Une petite fossette se creuse dans le creux du menton, tandis qu'il sonde le regard déconcerté de la demoiselle de ses iris métallisés. Il sourit en baissant la tête et se gratte le nez en demandant :

— Qu'est-ce qu'il y a ? J'ai un truc sur le visage ?

Sophia secoue la tête en reportant son regard sur le paysage et se disant dans son esprit :

Ce n'est pas rien d'apprendre que Gabriel est père et qui plus est avec Cycla !

Quoi ?

Ayant entendu sa pensée, Evy lui hurle dans la tête, et celle-ci avait oublié qu'elle ne peut pas tout lui cacher. Perdant de sa puissance, mais surtout contrarié que sa maîtresse ne développe pas le fond de son investigation, le dragon se rétracte sous sa forme de bracelet, faisant déséquilibrer la force de Sophia.

— Qu'est-ce qui se passe encore ? s'inquiète Herba. Evy, pourquoi te rétractes-tu ? Es-tu arrivé au bout de tes limites ?

Evy ne daigne pas de répondre à sa créatrice et indique à Sophia :

Tant que tu ne m'auras pas expliqué ce que je viens d'entendre dans ta tête, tu peux rêver pour la suite.

— T'es sérieux ?! On est presque arrivé.

Débrouille-toi !

— Evy, s'il te plaît.

Les ailes de Sophia battent plus lentement, alors que la jeune femme se plaint en tirant sur la cage avec le peu de force qu'il lui reste. Elle est épuisée, tandis qu'Evy lui fait une scène, la laissant se débrouiller seule pour les maintenir en vie.

— Evy ! grogne-t-elle en s'égosillant.

Tutute ! Tu me dis et après, je t'aide.

— Ta surprise, tu te la mettras où je pense, peste-t-elle entre ses dents.

Mais, Evy fait la sourde oreille en se retranchant dans son bijou. Sophia tente de tenir bon sur le dernier kilomètre qu'il lui reste à faire pour rejoindre le point de rendez-vous avec Elias. Cependant, le sol se rapproche dangereusement d'eux au fur et à mesure qu'elle perd de la puissance.

Astos annonce le nombre de mètres qui leur restent avant de s'écraser, tandis qu'Herba tente d'obtenir des informations auprès du dragonnet. Quant à Jojo, il baisse ses oreilles devant ses yeux en se bouchant les oreilles avec ses pattes.

Seul Tidus attrape le poignet de Sophia qui le regarde, surprise. Il ferme les yeux pour se concentrer, puis diffuse un puissant flot d'énergie dans le corps de la jeune femme qui sent ses ailes reprendre de l'aplomb en accélérant leurs battements. Elle a senti comme un électrochoc, lui remplissant ses batteries à plat, puis redresse la pente pour reprendre de la hauteur.

Tidus retire sa main sous le regard ébahi de tous, tandis que Sophia le gratifie d'un sourire pour le remercier. Même Evy est surpris par la nouvelle énergie qu'il ressent se propager dans les membres de la demoiselle.

— Regardez là-bas ! s'exclame Astos en scrutant le sol.

Le groupe de Draguir se tient devant les arbres, reprenant leurs souffles après avoir subi la déferlante de la vague. Grâce au jeune fauconnier qui a su réagir à temps, tous sans exception ont pu être extraits des débris que l'eau avait entraînés.

Sophia amorce sa descente et tente d'atterrir sur ses pieds. Cependant, Astos se penche trop pour regarder les personnes en contrebas, déséquilibrant la cage que la jeune femme lâche deux mètres au-dessus du sol. Ils s'écrasent tous au sol sous les yeux choqués de Sophia qui les rejoint en atterrissant à côté d'eux.

Le propriétaire compresse tout le monde sous son poids, du plus grand au plus petit, alors que la cage se brise tout autour d'eux. Il se relève en leur marchant dessus pour courir vers le groupe qui les a vus arriver de façon théâtrale. Les autres sont aidés par la demoiselle, tandis que Jojo s'époussette les poils.

— Je ne rêve pas ? Luka, Draguir, Méric ? Vous êtes là.

Luka sourit à Astos en le prenant dans ses bras, alors qu'il remarque les oreilles frétillantes du doyen. Il crie son nom avant d'accourir dans sa direction. Jojo n'a pas le temps de se décaler qu'il se prend de plein fouet la joie d'un chien mouillé sous le regard amusé de tous.

Méric et Lyvia s'approchent d'Astos pour lui faire un compte rendu des derniers évènements en lui montrant le corps allongé du samouraï, tandis que Tidus s'approche de Sophia pour lui apporter les informations. Mais, la jeune femme ne lui prête aucunement attention, car tout ce qu'elle regarde, c'est le dos de Draguir qui caresse le flanc de son destrier. Tidus claque des doigts devant son visage pour la faire revenir à elle :

— Sophia ? M'entends-tu ? Je te disais qu'Elias est en piteux état. Il lui faut de l'aide rapidement.

— Je m'en occupe, annonce Herba en s'étirant.

— Ne le tue pas, lance Sophia, acerbe.

Herba frissonne sous la pique de sa protégée avant de se diriger vers Elias. Jojo se tourne vers la jeune femme et réplique les poings sur les hanches :

— Ne sois pas trop sévère, elle pensait bien faire.

Elle le fusille du regard, faisant baisser la tête au doyen, mais Tidus lui attrape la main, posant sa paume sur le dessus.

— Que fais-tu ?

Le jeune homme ferme les yeux, se concentrant sur la colère de Sophia qui ronge ses entrailles en l'absorbant. Elle se sent tout à coup apaisée, ne voulant plus retourner tout ce qu'il se trouve sur son chemin, même si ses griefs sont toujours présents. Un frisson lui parcourt la nuque quand un bras se glisse sur ses hanches, alors qu'un torse épouse son dos. De sa voix la plus charmeuse, mais d'autant plus menaçante, Draguir glisse son souffle le long de son cou :

— C'est vrai ça, que fais-tu à ma petite sauvageonne ?

Le cœur de Sophia rate un battement en entendant son surnom, puis se retourne dans ses bras pour faire face aux étincelles dorées qui flamboient dans son regard. Draguir sourit de la revoir avec sa véritable vision. Il lève la main, puis caresse la joue de la jeune femme qui ferme les yeux à son contact, savourant la douceur de ses mains en obstruant tout autour d'elle. Mais, Tidus lui tapote sur l'épaule, alors que le fauconnier le fusille du regard.

— Je ne veux pas gâcher d'émouvantes retrouvailles, mais nous avons de la visite.

Tous se tournent vers les nouveaux visiteurs qui s'avancent vers eux. Un groupe de soldats se détachent des arbres pour encercler le groupe, tandis que deux hommes se distinguent parmi eux. Jackiel se tient fièrement au côté d'un homme de la même taille que lui.

Sa peau chocolatée reflète les clous plus nombreux que ceux du fauconnier, plantés dans son crâne. Il porte une peau de bête sur les épaules, révélant des tatouages tribaux sur son torse, alors qu'une ceinture dorée maintient un pantalon en tissu assez large de couleur crème.

L'homme lève une main pour indiquer à ses soldats de ne pas bouger, tandis qu'il s'avance vers le groupe en les scrutant tour à tour. Quand il ouvre la bouche, ce n'est pas pour les accueillir à bras ouverts, mais pour leur lancer un charme :

— Dormez tous !

Chaque corps tombe dans un sommeil profond autour de Sophia, qui résiste en souriant de manière provocatrice à l'homme, mais ses sens s'engourdissent. Elle le fixe avec incompréhension, sentant qu'elle tombe à genoux, alors que l'homme s'approche dans un mouvement rapide d'elle en posant son regard sur la jeune femme. Elle remarque un voile blanc filtrant les pupilles de l'homme, lui indiquant que celui-ci est aveugle.

— Tu résistes, mais tu vas dormir, jeune force.

Sa voix est douce, mais en même temps rauque. Jackiel lève les bras, aidant les soldats à résister aux pouvoirs que leur chef déploie de nouveau, tandis que les paupières de Sophia deviennent de plus en plus lourdes. La jeune femme entend de nouveau sa voix sans que celui-ci remue les lèvres :

— Ne me résiste pas.

Son corps s'étale au pied de l'homme qui, d'un mouvement de tête, donne les instructions à son armée. Tous soulèvent les membres du groupe, tandis que Jackiel récupère les destriers, avant de s'enfoncer dans la forêt de Cerulazu.