21 - Une vie pour une vie
Plusieurs flashs envahissent l'esprit de Sophia qui se sent agitée dans son sommeil. Un rire glacial hante son âme, tandis que les pleurs d'une enfant se transforment en rire tordu par une entité malfaisante. Le sol noir, recouvert d'une fine couche d'eau, ondule sous ses pieds, alors qu'une épée sort de la surface, comme tirée par une main invisible se maintenant droite.
Le manche est aussi noir que le sombre désespoir, contenant un emplacement qui ressemble à un six. La décoration s'effiloche comme des racines qui s'entrecroisent pour partir sur les côtés. Une lame argentée reflète la lumière, tel un miroir qui reflète la beauté de l'âme, tandis que son opposé incarne la noirceur d'un cœur sans peur. Elle se fend en deux parties, l'une se courbant à la pointe, quant à l'autre, il est cranté à l'intérieur, représentant les crocs d'un dragon rendant l'arme d'une beauté à couper le souffle.
L'arme, étant loin d'être anodine, a été forgée dans la lumière, mais également dans les ténèbres. Sophia tourne autour pour l'examiner, n'ayant d'yeux que pour elle et oubliant totalement qu'elle n'est plus dans le corps qui lui appartient. Le rire malsain réapparaît, la faisant se redresser, alors qu'une petite fille se tient devant elle.
Des sueurs froides coulent le long de son échine quand elle remarque que la bouche de la petite dégouline de sang. Ses mains sont aussi ensanglantées et gouttent en faisant onduler la fine couche d'eau. La couleur pourpre se mélange et se disperse dans le liquide qui devient visqueux.
Sophia est tétanisée face à cette vision, tandis qu'une ombre apparaît derrière la fillette se cachant sous une capuche ne dévoilant que peu de sa personne, seulement une paire d'yeux verts perçants qui lui semble familière. Il pose son bras dans le dos de la petite fille et la pousse légèrement vers elle, alors que celle-ci semble habitée par le diable en personne.
Une lumière aveuglante transperce la noirceur pesante, aveuglant les intrus dans le vide, tandis que Sophia sent que la tire en arrière.
Son esprit retrouve la lourdeur de son corps, lorsque ses yeux s'ouvrent brusquement sous un soleil étincelant. Sophia papillonne des yeux en regardant deux personnes penchées au-dessus d'elle. L'un l'appelle avec crainte, tandis que l'autre la secoue comme un cocotier. Plusieurs douleurs se ressentent sur son bras qu'elle soulève en remarquant que plusieurs morsures commencent à s'effacer.
— Evy, je t'ai déjà dit de ne jamais me réveiller en me mordant, bougonne-t-elle en voulant se rendormir.
Je te conseille de rester éveillée, bichette, rétorque celui-ci sur un ton pressant.
— Hum, j'ai sommeil, répond-elle, la voix pâteuse.
— Il en est hors de question ! rétorque Jojo qui la gifle.
Elle se redresse d'un coup, voulant frapper celui qui a osé lui mettre une claque, mais son poing s'arrête net à dix centimètres du museau frétillant de Jojo. Son cerveau commence à reconnecter les cellules de sa conscience, alors qu'elle cligne plusieurs fois des yeux pour savoir si la boule de poil en face d'elle est bien réelle ou non. La jeune femme tâte son pelage rêche, puis pince ses joues en tirant dessus, tandis que Jojo commence à grimacer sous son toucher :
— Bon, tu as fini ton inspection ou non, rechigne-t-il dans ses moustaches.
Sophia retire ses mains et les planque entre mes cuisses, tandis qu'elle rougit honteusement devant le doyen.
— Que veux-tu, Jojo ? Je pense que tu vas traverser toutes ces phases à chaque personne qui va te revoir, rigole Astos.
Le propriétaire se tient fièrement, un large sourire trônant sur son visage, alors que Tidus se trouve non loin d'eux et prépare un festin de roi.
— Je plains mes babines d'avance, répond le lapin dépité en se massant la joue.
Jojo et Astos se mettent à se chamailler sur la façon dont les autres vont réagir en le revoyant, tandis que Tidus rigole au loin. Sans qu'il ait le temps de réagir, Sophia saute au cou de Jojo en le serrant fort dans ses bras. Elle sent son cœur palpiter dans ses veines, alors que le lapin lui rend son étreinte avec chaleur. La jeune femme se recule en le tenant par les épaules et lui débite un flot de questions sans reprendre son souffle :
— Comment as-tu pu survivre ? Ton corps est parti en poussière, tu étais mort ! Qui t'a sauvé ? Où est Herba ? J'ai cru la voir tout à l'heure ? Et, Astos, que fais-tu ici ? Ne t'avais-je pas dit de ne pas me suivre ? Et, toi, Jojo, tu vas bien ?
Elle le regarde sous toutes les coutures, lui levant les bras, regardant sa nuque, et remarque une marque qui n'était pas là avant dans le creux de son épaule. En l'apercevant froncer des sourcils, Jojo remet sa veste dessus pour la cacher.
— Et qu'est-ce que c'est ça ? pointe-t-elle du doigt l'endroit de la cicatrice.
— Ce n'est rien, répond-il tout bas.
— Allons, allons, je suis tellement heureux de vous revoir sain et sauf, annonce Astos en les soulevant pour les serrer dans ses bras.
Ils sont étouffés par tant d'amour, alors que le proprio pleure de joie.
— Je suis si fière de toi, chantonne la voix cristalline d'Herba.
Astos repose ses compagnons sur le sol, tandis que la déesse s'avance pied nu, les bras ouverts et le sourire aux lèvres.
— Que diriez-vous que nous mangions, et nous répondrons à tes questions en même temps, suggère-t-elle, tu dois être affamé.
Tous s'approchent vers la table de fortune qu'a construite Tidus avec des pierres et des morceaux de bois. En voyant ça, Herba se met à réfléchir, puis pointe du doigt la piteuse table qui s'écroule en roulant sur le sol sous le regard dépité du jeune garçon qui voit son travail tomber en ruine.
— C'est quoi ça ? demande la déesse méprisante.
Le jeune homme baisse la tête, honteux, et répond :
— C'était censé être notre repas.
Herba soupire et s'approche de Tidus, tandis que les autres retiennent leur souffle quand elle lève son bras. Or, la déesse lui passe le bras autour des épaules en s'exclamant :
— C'est la fête mon petit, il faut voir les choses en grand voyons.
Sur ses derniers mots, elle tend son autre bras. Un flot de racines se dresse pour former une grande table ornée de feuilles dorées, alors que les pieds s'entrelacent et se détachent pour construire des chaises. De la mousse pousse sur les assises et les dossiers. De grandes feuilles exotiques se disposent pour recouvrir la table, tandis que de petites sphères dorées flottent un mètre au-dessus. La poussière dorée se joint à l'ensemble en voltigeant autour du mobilier, rendant l'assemblage resplendissant.
— Et ce n'est pas fini, ajoute-t-elle en ramassant une cuisse de cyan carbonisé au sol.
Herba s'avance au centre de la clairière, puis, effectuant plusieurs mouvements, fait appel à la nature :
— Pourrais-tu me flamber ce que je passe devant toi ? demande-t-elle à Sophia en continuant ses mouvements.
Celle-ci hoche la tête et s'avance à son tour, prête à cuire tout ce qui va lui passer sous la main. Des poissons de la source, des vies, des foulets, des cyans... La jeune femme fait même bouillir de l'eau pour faire cuire toute une variété de légumes de couleur, tandis que la déesse traite une jaubeille pour remplir des pichets d'un liquide ambré.
— Nous pouvons passer à table, trottine Herba en tenant ses pichets.
Tous sont ébahis par le royal festin qui se dresse devant eux, alors que la déesse les rejoint. Mais, étant particulièrement maladroite, elle se fait un croche-pied avant de tomber vers l'avant. Le temps se fige, tandis qu'un éclair se faufile entre Jojo, Astos et Sophia jusqu'à atteindre Herba. Une vive lumière les éblouit, puis prend forme sous leurs yeux, alors que Tidus rattrape Herba dans sa chute et les deux pichets.
— Encore une question à résoudre, songe Astos dans sa barbe.
Herba sourit au jeune homme qui l'aide à ramener les contenants sur la table, tandis que les autres s'installent en ne le quittant pas des yeux. Tidus, souhaite faire le servir sous le regard scrutateur de ses compagnons avant de s'asseoir sur sa chaise comme si de rien n'était.
— Tu m'expliques petit ? lance Astos.
Tidus ne répond pas et baisse la tête.
— As-tu conscience de ce que tu as fait ? demande plus gentiment Jojo.
Le jeune homme secoue la tête de gauche à droite en rougissant.
— Cela m'est venu naturellement, répond-il dans sa barbe.
— Qui sont tes parents ? demande Sophia à son tour.
Tidus redresse la tête, et répond instantané :
— Mes parents sont morts.
Mouais. Vu le pouvoir utilisé, ils ne sont pas si morts que ça, du moins pour sa mère, c'est certain. Pour ce qui est du père, c'est une autre histoire. Je vais finir par dessiner un arbre généalogique pour rassembler toutes ces informations au propre. Songe la jeune femme.
— Laissons ce petit tranquille, gronde Herba, l'heure est à la fête voyons.
Elle se tourne vers le jeune homme :
— Je te remercie pour ta prévoyance, grâce à toi, l'élixir que j'ai concocté n'est pas perdu. Maintenant, trinquons, ajoute-t-elle en levant son verre.
Chacun attaque un repas bien mérité dans un calme serein, alors que les mets se désemplissent des assiettes au fur et à mesure que les ventres se remplissent. Herba brise le bruit des mastications en tournant une aile de foulet vers Sophia et lui dit la bouche pleine :
— Ma chère Chophia, tu... as tellement... bien progreché... je chuis imprechionnée.
La jeune femme tente de traduire ses dires, quand Astos annonce en souriant :
— Nous avons été époustouflés par la force qui s'est dégagée du bois sacré.
— Tant que ça, cligne-t-elle des yeux, surprise.
— Et pas qu'un peu, nous repartions, Tidus et moi, après que nous a explicitement recalé, explique-t-il en se servant de la liqueur d'ambre. Nous allions atteindre la première frontière proche de la lisière, où se tient une armée de rabatteurs. Cependant, le sol a commencé à trembler, et un vent aussi puissant que celui de Cycla a tout soufflé sur son passage.
— Nous avons été renversés ! Astos savait que cela provenait de toi et il n'a pas attendu que les rabatteurs se relèvent pour me prendre sous son bras et courir vers les bois, renchérit Tidus en faisant de grands gestes pour montrer la scène.
— Ton pouvoir m'aurait bien été utile à ce moment-là.
Astos donne un coup de coude dans les côtes de Tidus en lui envoyant un clin d'œil, mais le jeune homme se frotte la nuque en baissant la tête, l'air gêné. Sophia est étonnée d'apprendre qu'elle est faite autant de raffut et repense à la balle logée dans son épaule. Elle regarde son bras et remarque qu'elle n'a plus de bandage, et qu'aucune cicatrice n'apparaît sur sa peau.
— Est-ce ceci que tu cherches ?
Jojo tient la cartouche dans sa patte, l'objet qui lui grignotait les os durant plusieurs jours. Il la tourne et retourne en observant minutieusement la balle qui étincelle au soleil.
— Qu'est-ce que c'est ? demande Astos curieux devant l'objet.
— Ceci est une balle provenant d'un fusil d'assaut, répond Herba, les yeux plissés dessus.
Tous braquent leurs têtes vers la déesse, étonnés qu'elle en sache autant. Or, pour répondre à leurs interrogations, elle secoue la main en stipulant qu'elle a séjourné sur Terre et que, heureusement, ces armes n'ont pas atterri au sein d'Imaginarium. Sophia confirme que ce n'est pas judicieux d'avoir de tels engins dans ce monde.
— J'ai reçu ce petit garnement dans l'épaule par l'un des hommes de mon père sur Terre, avant de revenir ici, explique Sophia à Jojo en pointant la balle.
— Par les hommes de ton père ? réplique-t-il en plissant les yeux.
— Oh oui, si tu savais tout ce qui s'est passé, tu serais étonné.
— Et peux-tu me l'expliquer ?
— Donnant, donnant, Jojo ! Toi d'abord et ensuite, je te raconterai. Les questions, je les ai posées en première et je n'ai encore obtenu aucune réponse, rétorque-t-elle en marchandant ouvertement devant les autres.
Le lapin sursaute par tant d'assurance de la part de la jeune femme. Il machine ses pattes entre elles, pas sûr de savoir par où commencer, alors qu'il lève de temps à autre le regard vers la déesse, qui fait mine de jouer avec ses légumes dans son assiette. Les deux semblent bien leur cacher des choses. Sophia appuie sa tête sur sa main, pianotant la table en attendant que l'un ou l'autre se décide à parler.
Reste calme bichette, ton sang commence à bouillir.
La patience n'est pas le point fort de Sophia qui pousse un long soupir. Elle tente vainement de contenir l'agacement qui titille le bout de ses doigts.
— Pour commencer, débute le lapin, la voix chevrotante, sache que je te soutiens et que j'ai quasiment été auprès de toi durant la bataille.
— Quasiment ? répète-t-elle, ne comprenant pas là où il voulait en venir.
Il hoche la tête.
— Herba avait compris ce qui se tramait dès l'arrivée de H et la révélation de Flamma, explique-t-il. Pendant que la déesse du feu se pavanait devant vous, s'extasiant du regard que chacun lui renvoyait par rapport aux révélations concernant Guénaël. Herba a extirpé mon esprit de mon corps et l'a enfermé dans une graine à l'abri.
Sophia se tourne vers la déesse qui vient de poser son menton sur ses mains jointes.
— Mais, tu t'es battu par la suite contre ta sœur avec Jojo sur toi ? demande-t-elle, incrédule.
— Pour tout te dire, au moment où elle tentait d'avoir une réaction de ma part, j'étais concentré sur Jojo pour le sauver. Le regard et les intentions de notre ennemi étaient aussi clairs que de l'eau de roche : il voulait tuer Jojo, explique Herba sereinement. Gothika l'a même très bien compris à son tour. En effet, même si nos sœurs sont d'une puissance exemplaire, ma jumelle et moi les dépassons toutes et nous avons ainsi pu mettre ce stratagème en place.
Sophia redresse en tapant des poings sur la table à l'entente de son nom, puis hurle :
— Gothika ?!
Les deux concernés hochent la tête de concert.
— Mais vous vous fichez de ma poire là ?
— Il ne faut pas croire, Gothika n'est pas toujours du mauvais côté, défend Herba.
Je crois que c'est la blague du siècle. Ils veulent me faire croire, que grâce à Gothika, elles ont pu protéger l'esprit de Jojo, par, je ne sais pas quel tour de passe-passe. Et, qu'en plus, la déesse de la mort joue plus ou moins un rôle dans son sauvetage ? pense-t-elle.
Elle braque un regard incendiaire sur Evy qui lui réplique :
Ne me regarde pas de cette façon, bichette, je n'y suis pour rien.
— Et pourquoi étais-tu inaccessible durant plusieurs jours, hein ?
Celui-ci tourne son regard émeraude vers la déesse, tandis que celle-ci hoche la tête, puis il se détache et se faufile vers sa créatrice.
— Ne lui en veux pas, ma chère, nous avons dû puiser dans ses pouvoirs Gothika et moi pour protéger Jojo, estime-toi heureuse qu'il soit toujours en vie.
Sophia est plus que ravie de revoir Jojo, mais ce qui se passe à Imaginarium a eu aussi des répercussions sur Terre. La jeune femme pose ses mains à plat sur la table en faisant sauter les couverts :
— Certes, mais mon grand-père, lui, n'a pas survécu !
Jojo écarquille les yeux sous la nouvelle funeste, quant à Herba, elle détourne le regard fuyant. Le lapin se tourne vers sa fille et se dresse à son tour en colère :
— Tu m'avais dit qu'il n'y aurait aucune conséquence !
— Je t'ai menti, souffle-t-elle.
— Tu as utilisé mon lien pour me sauver ? Le lien que j'entretenais depuis la création de ce monde avec cet homme ? Tu as osé faire une chose pareille ?
Jojo est hors de lui, tandis que Sophia comprend désormais les paroles de la déesse de la mort : une vie pour une vie. Elles ont mis fin à une vie, pour en sauver une autre.
— C'était la seule solution, se défend Herba du mieux qu'elle le peut.
— Non ! répond sèchement son père, la solution aurait été de laisser faire les choses. Regarde ce que cela a provoqué.
La déesse rentre sa tête entre ses épaules, honteuse. Tidus et Astos ne pipent mot face à la colère du doyen, alors que Sophia bouillonne de rage. Evy le sent, et tente une approche, mais celle-ci le fusille du regard.
Comment a-t-elle osé prendre la vie de papy pour sauver Jojo ? Comment une déesse, œuvrant pour la vie, a pu avoir une idée pareille ?
Ses poings se serrent, tandis qu'un cri se bloque dans sa gorge. Voulant éviter de faire un carnage dans la clairière du bois sacré, Sophia recule sa chaise, puis se dirige vers l'Ouest, là où la mer se fracasse contre les falaises.
Son sang pulse dans ses oreilles, alors que ses veines la brûlent. Ses ongles s'enfoncent dans sa chair, sentant un liquide sous ses doigts. Ses pas la mènent à travers le bois, l'éloignant le plus possible de tout être vivant.
Le vent balaye ses cheveux, tandis que la mer se déchaîne sous ses pieds. La boule qu'elle contient depuis son départ menace d'éclater à tout moment, alors que les griffes de ses ailes grattent sous la surface de sa peau pour se déployer.
Elle songe à la seule personne qui pourrait la soutenir dans ce moment, mais qui ne la reconnaît pas. C'en est trop pour la jeune femme qui subit de plein fouet les mensonges et les manipulations de ces déesses perfides.
Sophia tape du pied de rage contre le sol qui se fissure sous sa force, tandis que ses ailes se déploient. Le cri qu'elle contenait, franchit ses lèvres avec puissance face à la mer, alors qu'un orage éclate au-dessus d'elle, grondant la colère qu'elle éprouve.
La mer qui se fracassait contre les falaises se retire aussitôt, laissant apparaître des variétés de poissons glapissants en tentant de retrouver l'oxygène manquant à leurs poumons. Son hurlement couche la cime des arbres alentour, tandis que le vent tournoie autour d'elle, projetant tout sur son passage.
Les larmes ruissellent sur ses joues quand enfin sa conscience pleure le meurtre de son papy. Lavant les affres des déesses, mais n'effaçant pas leur acte irréparable. Sophia redresse la tête pour perdre son regard sur l'horizon. Cependant, ses yeux s'écarquillent d'effroi quand elle aperçoit une vague gigantesque se former au loin.
Oups !
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