16- Un regard voilé
— Bon Draguir, commence Elias un tantinet irrité, peux-tu nous dire pourquoi tu nous fais don de la présence de ces deux femmes ?
— Un point à régler concernant Sophia, répond-il en mangeant tranquillement son dîner.
Autour de la table, tous sont tendus devant la présence de Cycla et Gothika qui ont jeté un froid en interrompant leurs repas. La déesse des tempêtes se dandine sur sa chaise, lançant des œillades aguicheuses envers Méric. Lui rappelant amèrement l'attaque qu'il avait subie lors d'une excursion avec sa troupe, tandis que celle de la mort reste droite en fixant Sophia qui a la tête plongée dans son assiette. Seul Draguir reste serein en continuant de piquer les aliments dans les plats.
— Ce point concerne-t-il sa guérison ? demande le samouraï en pianotant sur la table.
Draguir lui répond en hochant la tête, la bouche trop pleine pour articuler. Puis il se tourne vers Lyvia qui reste aussi silencieuse que son frère, et lui fait remarquer :
— Il est très bon ce repas, miss. Comme d'habitude, tu t'es surpassé.
Lyvia rougit de son compliment tandis que Sophia roule des yeux en pensant :
Et, allons donc, tu ne vas pas non plus fourrer ta langue dans son gosier tant que tu y es.
Si tu pouvais m'éviter, ces images se seraient parfait, lance Evy dans son esprit.
Sophia sourit devant la remarque de son ami, ce qui n'échappe pas à Gothika qui lui lance acerbe :
— Un problème de jalousie, ma chère.
— Je ne vois pas de quoi je pourrais être jalouse, Madame.
Les yeux de la déesse se durcissent en entendant le dernier mot. Mais, Cycla se penche en avant, montrant un aperçu de son opulente poitrine et glisse sur un ton de victoire :
— Mes petits vents m'ont rapporté que tu as failli franchir la ligne.
— De quelle ligne parlez-vous ? interroge Sophia, exaspérée.
— Celle de la mort ma belle, répond-elle en lui faisant un clin d'œil, je sens ton esprit tourmenté de là.
Draguir évite le regard ahuri de ses compagnons en se plongeant un peu plus dans son repas, alors que Gothika murmure à elle-même :
— La mort...
Son ton glacial fait frissonner l'assemblée.
— Un doux repos éternel offert à ceux qui le méritent. Une ligne si fine, presque invisible, qu'il est tellement facile à franchir...
Sophia la regarde surprise, tandis que la déesse penche la tête d'un côté à l'autre en prononçant ses paroles telle une prophétie :
— La vie et la mort. On nait d'une graine pour redevenir poussière. On nait d'un amour, pour finir enterrée dans un gouffre. Jumelles, nous sommes et pourtant si différentes et contradictoires. Une vie pour une vie, si la mort veut être vaincue. Seul un dieu ne peut pas mourir, seulement si le poison utilisé est puissant. Un jour, tu le franchiras, mon sang coule en toi. La mort t'appelle.
Elle termine son monologue en tournant lentement la tête pour fixer Sophia avec intensité. L'échange entre les deux femmes se fait tendu, mais Gothika change tout à coup de position en se tournant vers son fils :
— Donc, quand veux-tu que nous décollions ?
— Demain aux aurores, répond Draguir.
— Parfait.
Gothika se lève sans avoir touché à son assiette, et se dirige vers la porte. Elle lisse sa robe en mousseline noire, passant bien ses mains sur son bustier sous le regard des hommes. Elle tourne la tête vers la demoiselle en la regardant de ses yeux abyssaux et lui ordonne froidement :
— J'aimerais m'entretenir avec toi, jeune fille. Je t'attends dans ta chambre.
Luka attrape le poignet de Sophia avant que celle-ci ne réplique alors qu'Elias
— Que lui voulez-vous ? rétorque Elias sur l'offensive.
— Simplement discuter ! menace-t-elle de son regard, mais si vous préférez qu'elle soit accompagnée, Draguir peut venir.
Elle termine sa phrase dans un souffle en s'éclipsant, tandis que Draguir s'étouffe en avalant de travers. Méric se lève pour lui taper dans le dos, avant de réussir avec un coup bien placé à lui faire recracher un os qui rebondit sur la table. Tous les regards sont tournés vers lui alors qu'il tousse en tentant de prendre sa respiration, les mains à plat sur le bois.
Lyvia le rejoint, posant une main sur son épaule et l'autre sur son visage pour le forcer à la regarder. Sophia plisse les yeux à cette vue, sentant ses doigts cramponner la table tandis que son sang pulse dans ses veines. Elle ne comprend pas pourquoi Draguir regarde Lyvia d'une manière aussi langoureuse.
Sophia !
Evy tente de la rappeler à l'ordre, mais les oreilles de la demoiselle bourdonnent tandis que ses muscles se tendent. Elle étouffe son appel dans un sourd grognement. Cycla s'esclaffe devant la réaction de Sophia en s'extasiant d'un air joueur :
— Elle est si facile à énerver.
— Tu ne pourrais pas faire quelque chose, crie Méric.
— Je pense qu'il vaudrait mieux l'emmener dans la salle d'entraînement, s'inquiète Luka, car là, elle va exploser.
Sophia se lève, bouillonnant de colère, alors que ses doigts pulvérisent le bois de la table. Elle se dirige vers la porte du réfectoire en bougonnant :
— Elias.
Il comprend la demande de la demoiselle et la talonne, mais il se retourne vers les autres en les avertissant :
— Un conseil, ne venez pas si vous tenez à vos cheveux, lance-t-il sévère.
Sophia se rapproche d'un pas pressé de la salle d'entraînement, furetant tout autour d'elle le moindre danger pour voir s'il n'y a pas un jeune imprudent osant s'interposer. Elias vérifie également les lieux avant de hocher la tête vers elle et de se cacher rapidement derrière le mur en se bouchant les oreilles.
Le hurlement d'un animal agonisant s'échappe en se répercutant sur les murs de la caverne, tel un grognement de souffrance. Les ailes se déploient, caressant de leurs chaleurs l'esprit de Sophia, meurtri par les visions dont elle fait face. Elle porte ses mains à sa tête, songeant au fait que Lyvia et Draguir se connaissaient bien avant leur rencontre au bosquet, s'amusant l'un et l'autre de ses sentiments.
En première loge, Elias subit la complainte de la demoiselle, se doutant que le comportement de son collègue soit bien étrange. Il a le cœur brisé de l'entendre hurler de peine alors qu'il la considère comme la petite sœur qu'il n'a jamais eue. Luka est adossé à l'entrée d'un tunnel, les bras croisés et le regard perdu dans le vide, bouillonnant de rage contre la conduite du fauconnier.
La salle d'entraînement s'embrase une fois de plus, propulsant les flammes dans la pièce centrale en épargnant l'arbre. Le cri s'arrête subitement, laissant ses compagnons perplexes. Sophia sort de la salle déterminée, se dirigeant tout droit vers le bassin sans eau, une idée en tête. Elle demande à Evy de lui prêter sa force.
Es-tu sûr que cela va fonctionner ? demande-t-il sur la défensive.
— Doutes-tu de mes capacités ? tranche-t-elle.
Evy enfonce sa tête dans son cou, ne pouvant barrer la route à sa maîtresse. Il capitule en soupirant :
Très bien. Mais, je te préviens qu'il y aura un paiement à tout ça.
— Pour ce que je te cache, crois-moi, tu seras récompensé, murmure-t-elle avec un sourire en coin.
Evy fronce les sourcils et actionne la libération de sa propre puissance au travers de l'implant. Sophia se tourne vers Elias qui la scrute avec inquiétude et lui ordonne :
— Va chercher les enfants de l'eau.
D'abord hésitant, il hoche la tête avant de courir à travers les flammes qui lèchent les murs de glace en s'atténuant. Sophia fait face au bassin en fermant les yeux pour se concentrer. Elle s'accroupit en plantant ses griffes dans la glace qui borde l'ancien bassin, puis déploie lentement ses ailes qui prennent lentement une teinte dégradée de froid.
Jusqu'à présent, la jeune femme avait réussi à invoquer de sa propre volonté les éléments du feu, de l'air et de la terre. Seule l'eau se matérialisant s'est manifestée une fois lors de son combat contre Hellakiel.
Elle tente l'impossible en puisant profondément dans ses forces, laissant le sang s'écouler des entailles que la glace lui fait. La jeune femme reste ainsi positionnée, tandis que le liquide rougeâtre glisse au fond du bassin, cherchant de lui-même l'infime goutte restante jusqu'à toucher l'une des pointes d'une racine de l'arbre.
Un jet d'eau puissant brise le sol, remplissant le bassin dans un tourbillon montant à une allure fulgurante. Une ligne translucide se forme à la surface, dessinant une silhouette ondulante et reflétant la glace de la caverne. L'eau ondule à chaque pas que la déesse des océans fait en direction de la jeune femme. Elle se penche et caresse son visage d'un air de mélancolie :
— Qu'as-tu fait, douce enfant ?
— Vous m'avez dit qu'elle m'accompagnerait dans ma quête, lance Sophia d'une voix éteinte, vous m'avez dit que ce serait dur, mais que je devais m'accrocher, mais jusqu'à présent, tout ce que je fais c'est de m'évanouir ou de péter des câbles. Vous ne m'avez pas dit que c'était votre fille, continue-t-elle sur les reproches, qu'elle n'avait connu que lui, que quasiment tous les enfants des déesses se connaissent, finit-elle en hurlant.
Loa recueille les larmes qui coulent sur le visage de la jeune femme, alors que son sang continue de s'épandre dans l'eau.
— Tous les enfants ne se connaissent pas. L'un est perdu sur la terre, un autre a perdu la mémoire et pense que ses parents sont morts. Timéa n'a pas eu d'enfants, car son pouvoir ne lui permettait pas d'en avoir, et l'enfant de Herba est autour de toi, finit-elle son énigme.
L'enfant de Herba est autour de moi ? Serait-ce ? pense Sophia.
— Je vois que tu as demandé que les miens soient présents.
Sophia tourne sa tête de plus en plus lourde et remarque le regard choqué de Lyvia et Méric. Or tout le monde s'est rassemblé dans la pièce centrale. Luka a pris sa forme lupine et s'incline après avoir hurlé à la lune naissante. Quant à Draguir, il plisse les yeux impassibles devant la déesse. Sans compter Gothika et Cycla qui restent en retrait, regardant leur sœur avec animosité.
— Tu faiblis, il était risqué de m'appeler ainsi alors que tu ne guéris plus, lui fait remarquer Loa.
Le corps de Sophia ne résiste plus à la perte considérable de son sang et tombe dans le bassin. Loa réceptionne la jeune femme en la recouvrant de son liquide avant de porter son corps flottant à son égard. La jeune femme à demi consciente sent la gratitude de la déesse qui la remercie de lui avoir amené ses enfants.
— Evy, jeune dragon de la forêt, entonne la voix de Loa, veille sur l'âme tourmentée de ta maîtresse.
Evy acquiesce et s'immisce une nouvelle fois dans l'enveloppe de Sophia en lui indiquant :
Tu auras les yeux ouverts, mais tu ne pourras pas dire un mot. Ton ouïe sera à l'écoute, mais ton corps sera de marbre. Tel est le prix quand on use de son sang pour invoquer une déesse. Jusqu'à ce que tu recouvres de la force. Je te protège, ma Sophia. Regarde et écoute.
Loa allonge la jeune femme sur un banc en remettant ses cheveux derrière son oreille. Elle se penche à son oreille et lui chuchote :
— Tout va s'accélérer.
S'installant derrière les miroirs, Sophia observe ce qu'il se passe à l'extérieur. Cependant, une queue s'entortille autour d'elle avant de la basculer en arrière. Elle rencontre le regard flamboyant d'Evy sous sa véritable forme. Il ouvre la gueule et crache de rage :
— Ne me fais plus jamais ça !
— Désolé, je pensais que c'était la seule solution, hausse-t-elle les épaules.
— Au point de te vider de ton sang ? hurle-t-il à présent.
Sophia baisse le regard, honteuse, car elle n'avait pas réfléchi aux conséquences. Quand une voix à l'extérieur l'interpelle :
— Que lui arrive-t-il ? demande Elias, troublé.
Loa se tourne pour observer la jeune femme alors que Luka rétorque, le souffle coupé :
— Elle... elle pleure ?
Méric avait sorti son arme quand sa mère est apparue, et se joint à l'inquiétude que Luka et Elias portent à la demoiselle. Draguir ne réagit pas, regardant dans le lointain les yeux vides de Sophia qui se demande pourquoi il ne tente pas de rentrer en connexion avec elle.
— Pouvez-vous arrêter, mes chères sœurs ? gronde Loa en posant les poings sur ses hanches.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, clame Cycla en regardant ses ongles.
— C'est le prix à payer pour demander notre aide, répond Gothika d'un ton glacial.
Loa se masse les tempes se retenant d'exploser. Elias et Luka profitent du début de l'affrontement pour la contourner et rejoignent la jeune femme allongée sur le banc. Le samouraï prend sa main dans les siennes et s'exclame de surprise :
— Elle est glacée, Luka, change-toi et réchauffe-la.
Le loup ne se fait pas prier et enveloppe le corps de la demoiselle de sa fourrure, chuchotant dans sa transformation :
— Reste avec nous, je ne supporterai pas une nouvelle perte.
— Tu ne me perdras pas, Luka, je te le promets, répond-elle les mains jointes.
Il ne t'entend pas, tu sais ! indique Evy.
Elle le fusille du regard alors qu'il est couché à côté d'elle en regardant ce qu'il se passe dans les miroirs.
— Quel prix ? clame Loa de nouveau. Tu es prête à briser un tel lien juste pour répondre à une aide ? C'est ton fils, dois-je te le rappeler ? crie-t-elle à présent.
— Tu ne devrais pas me faire de leçon, sœurette, rétorque la déesse de la mort, tu as toi-même abandonné ta fille !
— Je n'avais pas le choix, tranche Loa, c'était une question de vie ou de mort.
— Ne me sort pas cette phrase comme excuse, rigole amèrement Gothika, on a toujours le choix.
— Lève le sortilège qui emprisonne ton fils, ordonne Loa, si vous souhaitez qu'elle nous sauve tous, c'est le seul moyen.
Gothika se rapproche de Loa les yeux plus noirs que d'habitude en la regardant avec mépris. Un sourire se dessine sur ses lèvres rouges sang et annone en détachant chaque syllabe :
— Nous aiderons cette pimbêche, mais Draguir sera libéré seulement si elle réussit ce qu'elle a entrepris. Et, tu sais de quoi il s'agit.
— Je le sais, mais il a fallu que tu y mettes ta graine de folie pour pimenter les choses, rétorque Loa en grinçant des dents.
— L'occasion était trop belle, je n'ai pas pu y résister, se réjouit la déesse de la mort.
— Tu me dégoûtes, crache Loa.
Les deux femmes se toisent en chien de faïence alors qu'Evy se redresse sur ses pattes en fronçant son regard. Sophia remarque son changement d'attitude et lui demande :
— Tu as deviné quoi ?
Il me manque certains éléments, mais je ne devrais pas tarder à le savoir.
Il reste bref, dans sa réponse, en l'invitant à regarder les miroirs. Méric continue de pointer son bâton contre sa mère en s'énervant :
— Que devons-nous faire à présent ?
— Ce n'est pas une façon de parler à sa mère, intervient Cycla, tu as de la chance qu'elle t'ait apporté son amour, tout le monde n'a pas eu l'occasion quand on voit que certains ont été enlevés ou abandonnés.
Draguir s'avance et pose sa main sur l'arme de Méric en l'abaissant, alors que celui-ci le regarde perplexe de ses agissements.
— Je vais devoir partir avec elles, explique Draguir, nous devons le faire pour l'avenir de notre univers, et cette fille peut apparemment nous aider dans notre quête de l'épée.
— Cette fille, comme tu me dis, c'est ton âme sœur, l'as-tu oublié ? s'exclame Méric.
Sophia fronce les sourcils sur les paroles de Draguir.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, la seule personne que je chéris dans mon cœur, ç'a toujours été ta sœur, répond Draguir avec sincérité.
Méric écrase son poing contre la joue de son ami en le regardant avec une haine sans nom. Tandis que le fauconnier me regarde d'incompréhension. Le rabatteur se tourne vers le corps de Sophia qui ne réagit pas aux paroles de Draguir. Alors qu'une ombre s'infiltre dans ses pensées, lui transmettant un message :
Un voile s'est posé sur ses yeux. Il ne te connaît plus. La seule manière de le lever est de franchir la ligne. La vie. La mort. L'amour. Le néant. À toi de choisir.
Gothika se délecte de voir la jeune femme rester de marbre face à son avertissement, mais surtout en observant son tour de passe-passe qui voile le regard que sa progéniture porte à son encontre. En voyant qu'elle ne peut s'opposer à la déesse dans son état, Sophia prend une grande décision :
— J'irai seul !
Es-tu sur Sophia, tu es trop faible ? clame Evy.
— Tu l'as entendu ? Pour retrouver mon pouvoir et sauver Draguir, j'ai seulement deux choix : soit je sauve une vie, soit j'ôte une vie ! Dans le cas d'ôter la vie à une personne, cela libérera Draguir, mais je ne pourrais pas faire ce sacrifice. L'amour équivaut à une mort. Alors que si je choisis la vie, le néant d'une âme en peine sera dévastateur. Dans les deux cas, cette garce m'a tendu son piège et j'ai marché en plein dedans.
Herba va être énervé en apprenant ça, soupire Evy.
Sophia regarde le dragon d'un air interrogateur. Comment le dragon peut savoir une telle information alors que la déesse des vies est bloquée dans un arbre sur la terre ? Elle se concentre pourtant sur l'organisation de son départ imminent :
— Evy peux-tu prévenir Elias que nous le rejoindrons dans deux jours à l'emplacement qu'il va t'indiquer, et que s'il ne me voit pas d'ici là, de le rassurer que je les retrouverais quoi qu'il se passe ?
Evy disparaît en acquiesçant. Elias sent la main de la jeune femme se serrer autour de la sienne, transmettant dans son esprit le plan de la demoiselle. Il secoue la tête, refusant qu'elle prenne une telle décision. Avec une force considérable, Sophia remue les lèvres pour lui murmurer :
— Empêche-le de me suivre, il est sous le contrôle de Gothika.
Elias capitule en ressentant la menace de Draguir se déployer. Evy rassemble toutes les forces qu'il lui reste pour préparer sa téléportation. Il écarte ses ailes avec puissance, luisant d'une intensité aveuglante.
Luka s'écarte en sentant la grandeur du dragon, puis saute devant Draguir en lui grognant dessus pour lui barrer le chemin. Le fauconnier le fusille du regard et commence à s'avancer. Il attrape le loup par la fourrure et le balance comme s'il s'agissait d'un vieux chiffon par-dessus son épaule. Loa comprend que la situation dégénère, et sent que le pouvoir que Sophia exerce pour la maintenir disparaît. Dans un dernier regard vers sa fille et son fils, elle se liquéfie, ne devenant qu'un souvenir sur la surface de l'eau.
Cycla regarde la jeune femme sur le banc d'un air suspect, reconnaissant la force qu'elle avait vue apparaître lors de la tempête qu'elle avait fait éclater en pleine mer. Elle s'agrippe au bras de sa sœur en la lui secouant pour la faire réagir.
Prête, bichette ?
Sophia acquiesce, sentant le bracelet s'allonger au fur et à mesure que le dragon s'entortille autour de son corps. Il transfère la lueur de son esprit dans le bijou, aveuglant toutes les âmes vivantes aux alentours.
Gothika hurle à son fils de rattraper Sophia, mais celle-ci est déjà dans les airs, les bras ballants, en le regardant fixement pour lui transmettre son message :
Mon ange, tu ne te souviens plus de moi et mon cœur se meurt à l'idée de t'oublier, mais il faut que je le récupère. Oui, mon pouvoir de guérison. Cela a toujours été mon objectif. Elias, Luka et Méric vont prendre soin de toi. Laisse-toi faire, mon ange. Ne sombre pas dans la folie que ta mère a semée dans ton esprit. Nous nous retrouverons, mon ange, soit en certains. Je crois en toi, même si tu me fais les pires crasses. J'ai foi en toi, même si tu en aimes une autre. Je te demande juste une chose. Ne m'oublie pas.
Draguir déploie ses ailes, mais reste de marbre en laissant la chaleur des paroles de Sophia s'immiscer au plus profond de son être. Son regard aussi noir que le sombre désespoir ne trahit pas le combat qui se joue dans son esprit.
— Fonce, mon dragon, murmure la jeune femme, l'âme en peine.
Evy disparaît dans les premiers rayons du soleil.
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