12 - ascencion d'émotion

Elias découvre à son tour la magnificence que lui offre la beauté du bosquet meurtri autrefois par la naissance de Gothika. Il pose une main sur l'écorce d'un arbre, sentant la vie reprendre ses droits progressivement avant de repérer de son œil acéré ses compagnons, transporter la demoiselle.

Il s'avance en silence vers eux et applaudit en remarquant leur état de soulagement. Le fauconnier aurait tué pour avoir un appareil photo à cet instant pour capturer la tête que ses compagnons font.

— Alors, les filles, surprises de me revoir ?

Luka se redresse et s'approche de lui en le serrant dans ses bras.

— On est heureux, ton aide va nous être précieuse, clame-t-il avec joie.

— Mais comme tu le vois, ajoute Draguir, la demoiselle a encore abusé et est partie en projection malgré tout.

C'est un don chez lui de savoir qu'elle n'est plus dans son corps. Ses épaules s'affairent, poussant un long soupir en caressant les cheveux de sa sauvageonne.

— Laissons-lui du temps, elle est peut-être partie voir Leah ou son grand-père, rassure Luka en posant une main sur son épaule.

— Son grand-père est mort, rétorque Draguir les poings serrés.

Elias fronce les sourcils, comprenant le sens de l'inquiétude du fauconnier quand il lui disait ne pas réussir à rentrer en contact avec elle. Il s'agenouille auprès de la jeune femme et examine les bandages qui lui couvrent le bras. Il explique la raison de sa venue, alors que Méric continue de soigner les plaies suintant de la demoiselle.

Le rabatteur lui présente sa sœur, étonnant le samouraï sur son existence, mais en repérant l'arme qu'elle tient fièrement à côté d'elle, il ne doute en aucun cas sur leurs liens de parenté.

— Pourquoi son processus de guérison ne fonctionne pas ? questionne Elias en remarquant ce détail.

— On n'en sait pas plus que toi, répond Draguir.

Elias se passe une main dans les cheveux alors que Luka s'approche de lui avec sérieux :

— Il faut que je te montre quelque chose, annonce-t-il.

— Je te suis.

Il accompagne le loup jusqu'à un arbre où sont entreposées leurs affaires et remarque qu'un tissu enveloppe une arme. Luka défait la ficelle et dévoile l'objet tant convoité sous le regard surpris d'Elias.

— Une claymore !

— Une quoi ? demande Luka, perplexe.

— C'est une épée venant de la terre, répond-il en détaillant l'ouvrage de la lame finement taillée dans le bois. D'où vient-elle ?

— Sophia l'avait en sa possession quand nous sommes intervenus dans son combat contre Lyvia.

Il marque une pause.

— Je suis toujours émerveillé par ce qu'elle peut faire avec ses pouvoirs, mais là, elle nous a vraiment fait très peur.

— C'est ce que j'ai pu comprendre.

Un bruit attire leurs attentions, ce qui les fait se retourner. Sophia vient de transpercer le ventre de Draguir avec son poing en feu. Sans perdre un instant, Luka et Elias accourent vers eux, demandant ce qu'il vient d'arriver. Cependant, Draguir ne leur répond pas et maintient sa position au-dessus de la jeune femme alors qu'un filet de sang s'écoule de sa bouche. Il a les yeux fermés et un sourire malicieux placardé sur son visage.

— Je ne comprends pas, s'écrit Méric, paniqué, elle a commencé à s'agiter dans son sommeil et elle s'est mise à frapper Draguir.

Elias remarque que celui-ci à une main posée sur la poitrine de Sophia et affirme pour rassurer Méric :

— Il est parti en projection la rejoindre, toutefois, dès leurs réveils, il faudra écarter Draguir d'elle pour éviter un massacre.

— Je m'en charge, s'exclame la dénommée Lyvia.

Un silence pesant s'installe autour du couple en attendant leurs retours. Lyvia se place derrière Draguir pour le rattraper alors que celui-ci ne cicatrise pas tant que le bras de sa sauvageonne reste bloqué dans sa poitrine.

Luka fait les cent pas en se rongeant les griffes en furetant vers ses amis, tandis que Méric prépare plusieurs bandes de tissus qu'il transmet à sa sœur. Une quinte de toux les interpelle, annonçant le réveil de Sophia. Lyvia extrait le bras de celle-ci du corps du fauconnier, puis passe un bras sous ses épaules pour le transporter près d'un arbre à l'opposé. Draguir reprend conscience, indiquant à Elias que tout est bon de son côté, pendant que la sœur de Méric s'attelle à déchirer son t-shirt pour le soigner.

D'un hochement de tête, Elias acquiesce avant de se retourner en repensant qu'être en présence de Sophia, c'est faire plusieurs fois le tour d'un grand huit. Mais, il remarque que le prochain round de sensation va arriver quand il repère le regard assassin de la demoiselle dans les bras de Luka. Il suit la direction et repère Draguir qui gratifie Lyvia d'un sourire.

Oh le con ! pense-t-il.

Elias sourit en comprenant que c'est la manière du fauconnier de se venger pour ne pas avoir pu la contacter plus tôt, et il se délecte d'avance de pouvoir participer au retour de bâton. Il s'approche de Sophia et, profitant de l'ouïe fine de son collègue, sourit à la demoiselle en lui tendant la main :

— Coucou mon petit lotus, comment vas-tu depuis tout ce temps ?

D'abord, septique, Sophia observe son manège avant de rentrer dans le jeu d'Elias. Elle lui prend la main pour qu'il l'aide à se redresser pour accueillir l'étreinte qu'il lui fait. D'une voix sensuelle, elle lui répond dans son cou :

— Toi aussi, tu m'as grandement manqué.

— Tu devrais te reposer un peu, conseille-t-il, tu m'expliqueras pourquoi tu ne guéris pas, plus tard, d'accord.

Elle hoche la tête, les yeux humides, alors que Luka l'aide à se rallonger. Ressentant la faiblesse de la jeune femme, Elias invite le loup à rester auprès d'elle pendant qu'il donne des ordres à Méric :

— Tu devrais faire une réserve d'eau de source avec ta sœur au cas où.

— C'est ce que je pensais faire, siffle celui-ci en lorgnant sur Lyvia.

Méric part chercher sa sœur en empoignant fermement son bras pour la traîner vers les sacs, alors que les deux fauconniers se livrent une bataille de regard assassin. Elias s'avance tel un prédateur, repensant à la vision que le destrier ardent lui a procurée lors de son voyage. Il n'apprécie pas particulièrement que Draguir s'amuse avec ses sentiments alors qu'elle a pris soin de sa monture.

Il arrive à la hauteur de son collègue qui lui lance un regard noir, et d'un geste rapide, lui attrape l'oreille en tirant dessus.

— Viens par là toi, il faut que l'on cause.

Draguir n'a pas le temps d'esquiver qu'il ressent la douleur se propager dans son crâne. Il sait qu'il va passer un sale quart d'heure quand Elias agit ainsi en le traînant hors du bosquet.

* * * * *

La nuit s'installe dans le bosquet alors que certains s'affairent à préparer les paquetages pour le voyage, tandis que d'autres en profitent pour prendre un repos bien mérité. Sophia se réveille en même temps que la douleur de son épaule, sentant la brise fraîche lui effleurer le visage.

Elle se redresse péniblement, repensant à la conversation qu'elle a eue plus tôt avec son père, ce qui lui enserre le cœur. De plus, se rappeler l'intervention de Draguir et de le voir se faire dorloter par Lyvia n'arrange pas son énervement passager. Sa main droite serre fortement le pan de la couverture. Cependant, quand elle entend Luka couiner, elle remarque que c'est une touffe de poil qu'elle maintient.

— Mince, excuse-moi Luka, s'empresse-t-elle de dire en lâchant ma prise.

— Même au réveil, tu as de la poigne, rigole-t-il en se transformant et en se massant l'épaule.

Il lui sourit sincèrement et lui tend la main pour l'aider à me relever.

— Où sommes-nous ? demande-t-elle encore, désorientée par l'enchaînement des évènements.

— On est au bosquet dans le désert de Pharekth, répond-il en ajoutant dans l'excitation, ce que tu as fait pour ce lieu est vraiment incroyable.

— De quoi parles-tu ?

— Regarde toi-même.

Il se décale pour laisser à la demoiselle découvrir son chef-d'œuvre. La lune reflète ses rayons au travers des feuilles alors que des particules de poussières dorées dansent entre elles parmi l'herbe verdoyante. Elle s'avance, les yeux écarquillés d'émerveillement, souriant en sentant l'herbe lui chatouiller ses pieds nus. Les bras écartés, elle tournoie sur elle-même, riant de joie d'avoir réussi cet exploit.

Elle examine son épaule, pensant que ce qu'elle a fait a pu guérir ses blessures, mais remarque avec dépit que la plaie n'est pas refermée. Elle soupire en lorgnant sur la source phosphorescente que cela a seulement pu décupler ses pouvoirs, sans la guérir pour autant. La jeune femme sait que son don est au bois sacré et qu'elle doit s'y rendre sans perdre de temps.

Luka la regarde rire tout sourire alors que derrière lui, tapi dans l'ombre, Draguir est adossé à un arbre, les bras croisés sur le torse, observant la demoiselle avec un regard indéchiffrable, analysant ses faits et gestes. Elias lui cache la vision en se rapprochant de Sophia, l'attrapant par les épaules avant de la serrer dans ses bras.

— Je suis tellement heureux de te revoir mon petit lotus, murmure-t-il à l'oreille de celle-ci.

Elle sourit en entendant le surnom que le fauconnier fait exprès de lui donner pour la deuxième fois. Son jeu continue dans la provocation envers Draguir que Sophia ne manque pas d'accompagner en mettant les deux pieds dans le plat. Elle s'écarte de lui et lui lance un sourire complice, puis battant des cils, elle lui demande sur un ton charmeur :

— Comment va mon samouraï ?

Les lèvres d'Elias s'élargissent de plus en plus, que son message a bien été réceptionné. Sophia pose délicatement sa main sur son épaule, sentant son cœur battre la chamade en se perdant dans les iris cristallins du fauconnier. Les deux savent qu'ils jouent un jeu dangereux en provoquant en leur âme et conscience directement le fauconnier le plus dangereux de cette terre.

Draguir s'empresse de les rejoindre, remonté à bloc, puis s'empare du poignet de Sophia en la tirant vers lui. Elle grimace en sentant la balle grignoter son os.

— Je peux savoir ce qui te prend ? vocifère-t-il avec hargne.

— Je peux te poser la même question, rétorque-t-elle en grinçant des dents.

Il fronce les sourcils en plongeant son regard dans celui de la demoiselle. L'organe vital de la jeune femme reprend sa course folle, mais elle ne se démonte pas devant son intensité en lui tenant tête. Elle ressent des fourmis dans son bras sous la pression de la poigne de Draguir.

— Peux-tu me lâcher avant que je t'en colle une ? peste-t-elle en essayant de se retirer.

— Et si je refuse ? demande-t-il avec sérieux.

— Il va bien falloir, tu me fais mal ! grogne-t-elle en gigotant de plus en plus.

Un rictus se forme sur son visage tandis qu'il plisse les yeux sur elle. Sophia lève son autre bras pour le frapper, mais il attrape son poignet et ramène ses bras dans le dos de la jeune femme tout en collant ses lèvres sur les siennes.

Son baiser est sauvage, avide et passionné. Draguir comble la distance les séparant alors que leurs lèvres en mouvement communiquent le désir de l'un envers l'autre. Il libère les mains de Sophia pour les glisser sur son dos, alors qu'elle agrippe ses cheveux. Le lien les unissant se renforce avec puissance, laissant une larme s'échapper sur la joue de la jeune femme.

Ils se séparent après un interminable échange. Draguir essuie de son pouce la joue de Sophia qui rencontre dans ses yeux une intense lueur dorée. Il sourit en la caressant et lui souffle :

— Je suis tellement heureux de te revoir.

Sophia peine à rassembler ses esprits devant son air séducteur, mais se rappelle tout à coup dans quelle émotion elle était, avant qu'il ne s'interpose. Sous le regard incrédule de ses compagnons, elle gifle le fauconnier qui porte sa main à sa joue.

— Mais ça ne va pas la tête de frapper ton ami comme ça, réplique Lyvia non loin d'eux.

Oubliant qu'ils n'étaient pas seuls, Sophia se tourne vers elle en lui lançant un regard assassin.

— Lyvia, tu ne devrais pas la provoquer, accourt son frère derrière.

— Écoute ton grand frère, petite, siffle Sophia entre mes dents.

— Tu n'es qu'une folle furieuse, rétorque celle-ci suicidaire.

Sentant le changement de son humeur, Draguir lui cache la vue de la jeune femme en se plaçant devant elle.

— Calme-toi, ma sauvageonne, il n'y a que toi qui comptes, murmure-t-il avec prudence.

Sophia penche sa tête sur le côté, le regardant avec curiosité en lui demandant :

— Que me caches-tu ?

— Je ne te cache rien, répond-il de but en blanc.

Chacun retient son souffle en sentant l'air s'alourdir, mais sursaute quand Elias se met à éclater de rire. Il se rapproche du jeune couple et passe son bras sur les épaules de Draguir tout en le secouant.

— J'ai adoré le retour de bâton, s'exclame-t-il, Sophia, tu n'as pas perdu de ta force.

Ils le regardent perplexes, souriant à leurs tours du fait que le samouraï détende l'atmosphère. Il invite chaleureusement Sophia à venir manger un bout. Luka les rejoint et attrape la main de la demoiselle :

— Ne fais pas attention à lui, lui dit le loup en me parlant de Draguir, il était très inquiet pour toi et n'a pas su comment te le montrer.

— C'est pour ça qu'il lorgne et protège cette fille, siffle-t-elle entre ses dents, lançant un regard noir dans sa direction.

Draguir baisse la tête en apercevant l'œillade à son encontre alors que Méric lui lance un coup de coude dans les côtes. Ils se rassemblent tous autour du brasier, alors qu'Elias place des brochettes au-dessus du feu en attisant les braises.

— C'est un vertocro, indique-t-il devant l'air dubitatif de la demoiselle.

Sophia regarde l'animal mort se faisant lécher par les flammes qui arrachent un rire au samouraï en la voyant pencher la tête d'un côté et de l'autre :

— Tu vois les mille-pattes et les crocodiles sur notre planète ? indique-t-il.

Elle hoche la tête devant sa question :

— Eh bien, on peut dire que c'est une variante de ces deux animaux, pouffe-t-il avant d'expliquer précisément, c'est un ver des sables que l'on trouve surtout à Pharekth. Une bête inoffensive avec plusieurs pattes comme les mille-pattes et la peau entièrement recouverte d'écailles comme celle d'un crocodile. Il ne nous attaque que s'il se sent en danger.

— J'ai l'impression que tous les animaux d'ici portent un nom de couleur, fait-elle remarquer à celui-ci.

— Pas tous, complète Draguir en s'asseyant à ses côtés, nous avons nos destriers, eux, ils sont dénués de nom de couleur.

— Et les métamorphes non plus, ajoute Luka qui s'assied en face d'eux.

Sophia sourit en pensant que son grand-père et Jojo ont dû beaucoup s'amuser en créant ces espèces pour peupler cet univers. Méric distribue des gobelets d'eau alors qu'Elias découpe la chair du vertocro avant d'en donner une part à chacun. La particularité de la viande de cet animal est que son goût ressemble à celui d'une patate douce. Savourant leurs repas, Luka demande la bouche pleine :

— Bon alors, tu vas nous expliquer ce qu'il s'est passé ?

— Et pourquoi tu ne guéris pas ? rajoute Elias en posant sa feuille par terre.

Sophia leur fait un état de tout ce qu'il s'est passé depuis sa soirée d'Halloween. Elle épargne volontairement sa découverte concernant les deux déesses dans le tronc et la sphère des univers. Toutefois, elle souligne bien sûr le fait que c'est Lyvia qui a commencé les hostilités.

— Après mettre endormi, une fois que j'avais fini de restaurer ce lieu, je suis partie en projection et est atterri dans le coffre du van de mon père, explique-t-elle dans son récit, il m'a appris que Gabriel avait eu l'occasion d'user de son don sur moi.

— Comment ça ? se crispe Draguir.

Celui-ci est devenu tendu au fur et mesure qu'il l'écoutait.

— La fois où tu m'as retrouvé dans la forêt quand j'étais enfant, précise-t-elle en levant le doigt, lui rappelant ce souvenir pénible. Il a fait partie de la battue qui me recherchait et a découvert qui j'étais. Mes parents sont au courant depuis le début, mais pour ma mère, cela devait être trop dur à supporter, car d'un commun accord, ils ont décidé grâce au pouvoir de Gabriel d'effacer la mémoire de ma mère et de moi.

— Je vais le tuer ! Tu aurais pu savoir depuis longtemps ce que tu devais faire, grogne Draguir.

— Cela n'aurait rien changé, rétorque Elias en réfléchissant, le menton posé sur son poing.

— Comment tu peux dire ça ? grince Draguir, on aurait pu...

— On aurait pu quoi ? gronde Elias, visiblement agacé. Bastos surveillait déjà tes allées et venues sur la terre. On faisait tout pour te couvrir alors que tu venais de débarquer après que H t'avait bloqué tes pouvoirs. Le mieux pour Sophia au moment où elle a commencé à prendre du pouvoir était de rester loin de tout ça !

Draguir se renfrogne en repensant à cette période de son enfance.

— D'après, ce que m'a raconté mon ami, précise Méric, tu aurais la capacité de guérir. Pourquoi ta blessure ne se referme pas ? demande-t-il à la suite, curieux avant d'ajouter, nous, enfant d'une déesse grâce aux eaux des sources, pouvons soigner les plaies, mais là, c'est comme si notre magie était repoussée par la tienne.

— Même ta mère n'a pas réussi à me guérir, soupire-t-elle, exaspérée.

Méric et Lyvia la regardent abasourdies. Sophia se demande si elle doit également leur préciser que son don n'est plus en sa possession, mais Evy intervient dans son esprit en lui indiquant :

Non ! On ignore ce qu'il peut se produire au bois sacré.

Elle leur répond après avoir pesé le pour et le contre :

— Je ne sais pas, moi-même, je n'ai pas la réponse.

Mais, par leur regard méfiant, elle les détourne sur un autre sujet :

— Ce Gan a parlé de Hellakiel et de l'épée, tente-t-elle.

— Hellakiel ? demande Elias, surpris.

— C'est le nom de H, lui répond Draguir, je l'ai appris en me battant contre lui lors d'une projection, mais je pensais qu'il te contrôlait à ce moment-là ? interroge-t-il, suspicieux.

Sophia secoue de la tête par la négation :

— C'est Evy qui contrôlait mon corps, il cherchait à me remettre à me protéger lorsque j'ai traversé la barrière. Et puis il m'a amèrement appelé à ma mission avec Loa.

— Ils auraient mieux fait de ne pas intervenir, on se serait bien passé de toi, réplique Lyvia.

Tous l'assassinent du regard.

— Tu ne devrais pas dire ça, tu ignores ce qu'elle a traversé, rétorque son frère.

— Et elle ne nous sauvera pas, cingle sa sœur avant d'ajouter avec rage, vous misez tous sur elle alors qu'elle n'a jamais vécu ici. Elle n'a jamais affronté la misère que nous offre ce monde depuis l'apparition de ce Hellakiel. Elle a été chouchoutée dans les bras de son papa et de sa maman avant de venir ici comme un poil sur une soupe bouillante.

— Lyvia... commence son frère.

Mais, il n'a pas le temps de continuer qu'elle enchaîne sa tirade :

— Vous êtes tous là, à la prendre avec des pincettes, alors qu'elle a failli me tuer tout à l'heure. Elle est dangereuse. Aussi dangereuse que toutes les déesses réunies.

Elle pointe du doigt Sophia en lui lançant un regard noir et en levant le menton pour la prendre de haut :

— Tu ne seras jamais la bienvenue dans ce monde. C'est ta faute si Jojo est mort. C'est la faute de ton grand-père si aujourd'hui nous sommes dans cette galère. Et, j'espère au plus profond de moi que ton grand-père crèvera ! crache-t-elle.

Draguir se lève et gifle Lyvia sous la colère. Sophia est choquée par les propos de la jeune femme et porte ses mains à sa bouche en sentant la tristesse l'envahir.

La tête de Lyvia projetée avec violence se redresse pour affronter le regard de Draguir. Le fauconnier se retient fortement de lui asséner un autre coup alors que la jeune femme recule devant sa fureur. Elle serre les poings en se détournant, lâchant dans un souffle :

— Elle ne te mérite pas.

— Va-t'en avant que je ne te tue, répond celui-ci sèchement.

— Je vous prie vraiment de m'excuser pour le comportement de ma sœur, j'ignorais qu'elle était comme ça.

Méric se lève après s'être excusé, puis pose sa main sur l'épaule de Draguir et part rejoindre sa sœur sortie du bosquet. Sophia baisse son regard sur les flammes qui lèchent le bois, se perdant dans ses pensées. Le loup se racle la gorge en l'appelant. Quand celle-ci le regarde, il se masse la nuque, hésitant :

— Peux-tu nous parler de ça ?

Il attrape l'arme qui se trouve derrière lui et défait le tissu qui l'enveloppe. Sophia reconnaît l'épée qu'elle a utilisée la veille.

— Peux-tu nous dire où tu te l'es procuré ? interroge-t-il, curieux.

Elle répond sans plus attendre :

— Je l'ai fabriqué quand je me suis battu contre la sœur de Méric. Elle avait son bâton pour m'attaquer et je n'avais rien. Alors j'ai repensé aux entraînements avec Elias pour me créer une arme similaire, mais c'est celle-ci qui est apparue.

Elle attrape la claymore en la tenant par le manche alors que sa paume se pose sur la lame en bois. L'arme lui paraît lourde et légère en même temps.

— Selon moi, c'est cette épée que nous devons trouver, réfléchit Draguir en nous faisant sursauter.

— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? demande Elias, perplexe.

— Cette arme est apparue la première fois dans la caverne des boucliers de givre, répond le fauconnier. De ce que je me rappelle, c'est Herba qui l'avait créée avant qu'elle ne se brise sous la force de son attaque. Et, voilà qu'elle réapparaît ici dans les mains de Sophia.

— Ce n'est qu'une pâle copie, énonce-t-elle en les regardant tour à tour.

— Certes, commence Elias, mais c'est aussi une bonne avancée sur nos recherches.

Sophia admire l'épée dans ses mains, quand un craquement se met à la fissurer. Une ligne fine se déplace le long de la lame supérieure avant de se nicher dans le creux du pommeau. Des particules de bois s'effritent jusqu'à ce que l'épée ne devienne plus que poussière.

— Qu'est-ce que tu as fait ? s'exclame Luka en tentant de recoller les morceaux.

— Je pense qu'inconsciemment, tu as rendu sa forme originelle, la vraie claymore n'est pas ici, annonce Elias.

Devant le regard perplexe de Sophia, Elias tape sur ses cuisses, puis se lève en annonçant :

— Demain, nous partons à l'aube, reposez-vous un peu.

Luka se lève à son tour pour rassembler les affaires et part s'allonger contre un arbre, alors que Draguir se rapproche de la demoiselle :

— Ne prends pas en compte ce que dit la sœur de Méric, elle a sûrement dû être élevée dans une contrée qui ne porte pas trop les personnes ayant des pouvoirs dans leurs cœurs.

Il glisse son bras autour de ses épaules alors que Sophia a le menton posé sur ses genoux.

— Pourtant elle semble t'apprécier, je murmure le cœur serré.

— Tu n'as pas à t'en faire, elle croit voir de l'espoir en moi.

Sophia relève la tête sur ses mots et remarque qu'il a le regard perdu dans les flammes. Il tourne sa tête vers elle en souriant d'un amour éternel. Il lève la main et glisse l'une de ses mèches de cheveux derrière son oreille, puis dépose un baiser sur le front de la jeune femme.

— Repose-toi, demain, nous allons beaucoup galoper. D'après ce que j'ai pu comprendre, explique-t-il, si nous avons un peu de chance, nous pourrons te trouver d'autres vêtements également.

— Il n'est pas bien mon déguisement, fait-elle étonné en fronçant les sourcils.

— Tu es magnifique, mais combien de personnes qui vont croiser ton chemin vont te confondre avec ma mère ?

Il réfléchit à voix haute en se posant un doigt sur le menton et en levant les yeux au ciel, tandis que Sophia lui donne un coup de coude dans les côtes. Il se met à pouffer en la tirant plus contre lui, resserrant son étreinte.

— Tu es si facile à embêter, viens là.

Ils profitent de ce moment apaisant ensemble, se réchauffant devant le feu crépitant sous le ciel étoilé. 

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