44 - La chute des doyens

Image : dessin réalisé il y a très longtemps mais qui représente bien ma Sophia !

* * * * * 

Le temps est figé. Les cris de guerre ont cessé. Le silence plane dans un froid pesant suite au grognement de H. Seul le son des sabots du destrier de Gan brise l'atmosphère oppressante, laissant le fauconnier scruter les autres avec dédain, s'approchant de son maître.

Gabriel et Leah ont laissé leurs assaillants qui courent ramasser Alex, le visage boursouflé, et s'avancent en restant cachés derrière les arbres, attendant le moment propice pour attaquer le nouveau venu. Elias et Jackiel extirpent Luka de la foule et regagnent la lisière pour se mettre à l'abri. Astos quant à lui, ne prête pas attention à ce qui se passe autour, qu'il corrige son frère en lui donnant des baffes. La nuée de rabatteurs s'éparpille, effrayée, abandonnant leurs membres arrachés sur place, se reculant pour laisser leurs généraux prendre les devants avec Méric en tête qui fixe les déesses avec haine.

Celles-ci, d'ailleurs, ont cessé immédiatement leurs combats. Cycla, Flamma et Gothika font un détour pour rallier H, sous l'œil sévère d'Herba qui ne bouge pas d'un pouce. Draguir tente de rejoindre sa sauvageonne, mais il semble en proie à une paralysie qui touche également Sophia. Elle ne peut faire aucun mouvement, sentant ses poils se redresser sur sa nuque.

Quant à Jojo, il comprend immédiatement au changement de température qu'il est en fâcheuse posture. Il regarde Sophia en se voulant rassurant, mais ses vastes oreilles sont tendues à l'extrême et ses poils se sont hérissés. H tire sur la chaîne du petit qui s'avance en trébuchant en faisant claquer ses chaînes entre elle.

— Approche, mon fils, montre à tes compagnons la honte que tu éprouves, annonce-t-il de sa voix glaciale.

Le jeune garçon évite le regard de la jeune femme. Il grelotte dans le fin tissu sale qui lui couvre à peine les épaules. Ses cheveux roux sont ternes et poussiéreux, quant à son regard, il est cerné, révélant la même couleur ambrée de son tortionnaire. Son corps est frêle et amaigri, alors que ses pieds son nus et écorchés.

— Guénaël, souffle Sophia avec peine.

La déesse de feu se positionne au côté de son fils avec un sourire malsain. Elle pose une main sur les épaules squelettiques du garçon qui sursaute à son contact et le pousse vers Sophia d'une manière brutale.

— Allez, mon garçon, dit-elle sarcastique, ne sois pas timide et dit bonjour à ta copine.

Le petit trébuche puis se relève en reniflant et grelottant. Il s'essuie le nez du revers de la main en faisant cliqueter ses chaînes entre elles. Quand il relève la tête, Sophia sent son cœur se déchirer en regardant les yeux de Guénaël effrayer.

— Qui... Qui êtes-vous ? demande-t-il en tremblant.

— Tu ne la reconnais pas, mon chat ? chuchote sa mère avec une fausse bienveillance.

Guénaël secoue la tête et part se cacher derrière H. Sophia fronce les sourcils, ne comprenant pas le comportement du jeune garçon. Tous échangent des regards interrogateurs sur ce qu'il se trame, mais le rire glaçant de Flamma les fait sursauter. Herba en profite pour se rapprocher de la jeune femme en la soutenant :

— Qu'est-ce qui te fait rire, diablesse !

— Votre stupidité. Surtout toi très chère, lance-t-elle de son venin.

Herba se tend de plus en plus. Leurs états d'âme remontent à des centaines d'années et la situation actuelle ne les arrange pas. Evy murmure dans l'esprit de Sophia, pas peur d'être entendue :

Sophia, ce garçon-là, ce n'est pas le Guénaël que nous connaissons, je ne le sens pas du tout.

La jeune femme craque ses deux index sous ses pouces, plissant les yeux vers le petit garçon.

— Guénaël ? tente-t-elle d'appeler, c'est moi Sophia !

Mais le petit se cramponne fermement à la cape de son père qui reste silencieux depuis son grognement. H oriente la tête vers Flamma qui sourit de plus belle :

— Tu vas comprendre le pourquoi il ne te reconnaît pas petite peste, rie-t-elle de plus en plus.

La déesse s'avance en roulant adroitement ses hanches. Au fur et à mesure de ses pas, sa taille se rétrécit, son corps se muscle et ses cheveux se raccourcissent. L'apparence de son visage se modifie également quand son nez se retrousse et que quelques taches de rousseur apparaissent sur ses pommettes. En face de la communauté, le Guénaël que tous connaissaient apparaît.

— Non...souffle Sophia, choquée.

Flamma raille de plus belle en portant sa main devant sa bouche. Depuis le début de l'aventure, le jeune garçon qui les accompagnait, riant avec eux, bravant les difficultés, n'était autre que la déesse de feu. Elles les avaient tous bernés, du moment de sa capture avec Jojo, à la fois où elle a rétabli sa forme originelle pour se rendre à Cerulazu.

— Comment as-tu osé ? réplique Jojo en colère.

— Je savais que ta bonté d'âme était toujours aussi sincère papa, mais tu ne pouvais pas me préserver toute ta vie.

— Mais utiliser l'apparence de ton fils, t'es devenu complètement cinglé ! hurle-t-il à présent.

— Non, je protège ma famille contre des personnes comme elle, crache-t-elle en désignant Sophia du doigt.

Herba lève les yeux au ciel en se moquant ouvertement de sa sœur. Sophia se pose une multitude de questions sur comment elle peut présenter une menace. La curiosité d'en apprendre plus sur cet univers, l'a conduit à venir à Imaginarium. Elle vit une aventure remplie de sensations fortes qui l'a fait grandir de jour en jour avec toutes sortes d'expérience. Pour elle, le seul danger, à ses yeux, c'est celui qui se cache sous sa cape en cuir.

Concentre-toi, bichette, annonce Evy, je déverrouille tes pouvoirs, il faut que tu les canalises.

La jeune femme ferme les yeux d'approbation, et fait des gestes avec ses doigts dans son dos, pour que ses compagnons se préparent à la contre-attaque. Leah repère le mouvement et avance à pas de loup vers le jeune garçon. Qu'il soit le vrai ou le faux Guénaël son instinct la pousse à le délivrer. Gabriel, lui, lance des regards menaçants à Gan qui est toujours perché sur son destrier.

Tous ceux présents, au plus près, prennent leurs positions. Astos a réussi à assommer son frère et le traîne auprès de Luka, Jackiel et Elias qui sont trop loin pour intervenir. Sophia informe Draguir de s'écarter. Celui-ci fronce les sourcils sur ses gestes et comprend quand la jeune femme pointe discrètement son doigt vers la déesse de mort. Gothika fixe son fils comme si elle voulait l'égorger et se rouler dans son sang dans un regard maléfique.

La tension monte un cran de plus entre le doyen et sa fille. Cependant, la demoiselle n'arrive pas à saisir les intentions de H qui ne bouge pas d'un iota depuis le début. Il reste impassible derrière sa poupée de feu qui tente désespérément d'obtenir l'attention de la déesse de vie. Herba fait mine de se curer les ongles, agaçant de plus en plus sa sœur.

— Merde à la fin, tu vas m'écouter, s'égosille Flamma qui flambe de rage, tu n'as pas bientôt fini de m'ignorer ?

— Ho pardon, tu me parlais ? demande Herba en feignant l'innocence.

Sophia grimace à la réplique de la déesse, elle-même n'aurait pas aimé qu'on lui parle ainsi, ce qui énerve Flamma.

— Mais c'est quoi ton problème à la fin ? Crache-t-elle.

— Mon problème ? se pointe Herba du doigt en ajoutant sereinement, tu fais seulement une énième crise d'adolescente en faisant la fière devant ton maître des pacotilles seulement parce que tu as été la seule à vouloir lui faire un héritier.

Sophia fronce les sourcils sur ce détail, mais écoute la suite de la tirade d'Herba qui continue dans son calme légendaire :

— Qui plus est, il ne s'intéresse qu'à toi seulement pour tes pouvoirs. Gothika et Cycla l'ont compris depuis longtemps, mais ta jalousie n'a fait qu'augmenter depuis la mort de Timéa.

La déesse du feu vire au rouge pivoine. La colère atteint le point culminant en entendant les paroles de la femme qui a décidé de passer au limage de ses ongles :

— Tu n'as pas à prononcer ce nom. C'est ta faute si elle est morte, crie Flamma de façon hystérique en pointant du doigt Herba.

Herba arrête son geste en fixant le vide. Sophia comprend de suite qu'il ne vaut pas rester à ses côtés et lance Evy qui s'enroule autour de la taille de Jojo. Elle tire un coup sec pour le ramener vers elle et commence à reculer lentement.

La colère de la déesse de vie est palpable malgré son allure sereine. L'aveu non dissimulé de Flamma ne passe pas inaperçu aux oreilles de Gothika et Cycla choquées des paroles de leur sœur. Quant à H, il fait signe à Gan de récupérer l'enfant et s'avance sournoisement vers Sophia. Elle se met à courir avec Jojo dans les bras vers Draguir sentant l'explosion d'Herba retentir à tout moment.

Une vague de puissance s'échappe alors du corps de la déesse des vies, couchant tout le monde sur son passage. Sophia est projetée en l'air, atterrissant en roulant sur le sol. La cime des arbres se plie et propulse les rabatteurs restant.

Une vive lumière s'active, faisant fuir l'ombre qui détale dans la forêt. Herba prépare sa plus grosse attaque en se protégeant de la nuée de feuilles voletant autour d'elle. Flamma saisit son attention et s'enveloppe d'une tornade de feu aussi rouge que le sang, machinant ses mains pour contre-attaquer.

— Il faut fuir et vite ! s'écrie Jojo, terrifié.

— Je ne peux pas ! Je dois trouver l'épée, crie Sophia dans le raffut.

— Quelle épée ? demande-t-il interloqué.

Le bruissement du vent dans le feuillage et l'ardent crépitement des flammes, assourdit chaque être. Sophia se relève et tente d'avancer avec Jojo contre les bourrasques qui leur rendent la tâche difficile. Gabriel saute sur Gan avec son couteau, mais celui-ci pare son attaque et galope vers l'enfant avant de l'attraper en s'éloignant.

— Sophia !

La jeune femme tourne la tête et aperçoit un liquide visqueux se faufiler sur la patte de Jojo qui se sent tiré en arrière. Elle lui attrape la main et peine à le tirer vers elle. Du regard, Sophia suit le trajet du liquide qui disparaît sous la cape de H.

— Arrêtez ! hurle-t-elle à son intention.

— Sophia, attrape ma main, cri Draguir en se jetant à plat ventre dans sa direction.

Elle tente vainement d'attraper sa main en maintenant fermement la patte de Jojo qui avec la force centrifuge est de plus en plus attirée vers H.

— Jojo, lâche pas ! Implore-t-elle.

Le doyen s'accroche de toute ses forces, glissant peu à peu. Leah et Luka galopent ensemble pour attaquer H, mais sans effectuer le moindre mouvement il propulse les deux loups sur plusieurs mètres dans un concert de couinement. Elias, Jackiel et Astos n'arrivent pas à s'approcher, les vagues de puissance les forcent à rester à l'abri.

— Qui essaies-tu d'aider, mon fils ? Hein ? C'est ta petite copine ?

Gothika apparaît derrière Draguir en chantonnant. Elle l'attrape par les cheveux et le balance derrière elle.

— Draguir ! hurle Sophia, apeurée.

Il percute un arbre avant d'atterrir sur le sol. Le fauconnier tente de se relever, mais l'épuisement lui fait trembler les bras quand il s'appuie dessus. La déesse de la mort tourne les talons et s'avance vers lui. Ses cheveux de jais ondulent sur la peau pâle de son dos nu. Son bustier en dentelle lui descend au niveau des hanches. Un lacet rouge bordeaux, s'entrelace jusqu'au jupon en mousseline qu'elle maintient d'une main. Elle se retourne et lance un regard amer à Sophia :

— Petite chose insignifiante, tu ne seras en aucun cas à notre hauteur, insecte ! crache-t-elle avec mépris.

Puis, elle poursuit son chemin en trottinant. Elle arrive à hauteur de son fils et lui empoigne à nouveau les cheveux. Draguir se débat, mais elle lui écrase le visage au sol.

— Non, lâché-le ! braille Sophia en continuant de maintenir Jojo, Evy s'il te plaît.

Mais Evy ne répond pas et quand elle regarde en direction de son poignet, elle aperçoit l'étrange liquide se faufiler sur le bijou, coupant toute communication.

— Jojo, tiens bon, dit-elle en crispant les dents et tirant de toutes mes forces.

— Sophia, c'est de plus en plus difficile, peine-t-il à dire.

Le rire glauque de H s'intensifie dans la clairière. La jeune femme le fusille du regard et rétorque énervée :

— Que vous fait-il, vous marrer, espèce de psychopathe ?

Il plisse les yeux en la fixant :

— Quand tu étais à Blackvoïd, je voulais voir ta puissance, jeune incrédule, répond-il de sa voix glaciale, mais je m'aperçois que tu ne vaux rien sans ce dragon autour de ton poignet.

Elle est surprise par sa remarque, mais ce que le maître ne sait pas, c'est qu'Evy n'est qu'un verrou et que la confiance de Sophia est de plus en plus forte. Mais elle doute sur un point et lui lance, inquiète.

— C'était-vous le doc ?

Il hoche la tête, puis répond en haut de sa prestance :

— Il fallait vraiment que je maintienne un œil sur toi !

Le visage de Sophia se décompose face à la confirmation de ses doutes. Un millier de questions se bousculent dans sa gorge, mais aucune n'arrive à se formuler tant la peur la paralyse. Jojo commence à lâcher prise entre les mains moites de la jeune femme. Elle resserre son emprise, mais le silence s'abat brutalement dans la clairière.

Les bourrasques ont cessé, et le feuillage ne s'agite plus. Une odeur mortuaire règne en maître, faisant froncer les sourcils de H qui tourne sa tête en même temps que les autres vers les deux déesses.

Deux gigantesques boules de lumière et de lave se sont formées au-dessus de leurs têtes. Les sphères rétrécissent d'un coup, prenant la taille d'une balle de baseball, puis simultanément, elles déclenchent leurs attaques. Une lumière aveuglante apparaît, suivie d'un bruit sourd et d'une explosion. La force de celle-ci est tellement puissante que tout le monde est projeté. Déracinant les arbres sur son passage, éloignant les nuages dans le ciel.

Sophia a lâché sa prise et roule sur elle-même en tentant de planter ses doigts dans la terre pour s'arrêter, mais sa vision s'assombrit quand une épaisse fumée noire la recouvre. Au bout de quelques minutes, elle se relève avec lourdeur, puis lève la tête en constatant les dégâts infligés par les déesses.

La moitié de la forêt a été arrachée. Des arbres et des morceaux de terre retombent sur le sol avec fracas comme de la neige. Le sol est carbonisé, alors que des flammes se propagent. La jeune femme s'avance vers le centre de la clairière et aperçoit Leah coincée sous un tronc. Un bourdonnement intempestif résonne dans ses oreilles alors qu'elle remarque que son corps a seulement de légères blessures. Elle court vers la louve pour l'aider à se dégager, puis se tourne et remarque à sa droite un corps allongé.

Le cœur de Sophia s'arrête quand elle reconnaît les ailes en piteux état de Draguir. L'une est allongée sur le sol, recouvrant la moitié de son corps, quant à l'autre, elle semble plier. Sa tête est coincée sous l'un de ses bras désarticulés. Elle se met à courir vers lui en trébuchant, et glisse sur le sol en l'attrapant pour le retourner. La tête du fauconnier se décale lourdement, mais son corps ne bouge pas. Elle pose un doigt sous ses narines, mais aucun souffle ne se ressent.

— Dra... Non... mue-t-elle dans une complainte.

Gothika s'extirpe d'un arbre en l'expulsant, puis retire des brindilles de ses cheveux en s'avançant, boitant vers les deux jeunes. Elle regarde Sophia avec une colère non dissimulée. Arrivée à sa hauteur, elle tombe à genoux près de son fils.

— Qu'as-tu fait, sale ingrate ? crache-t-elle.

— Que...

— Si tu n'étais pas née, il n'aurait en aucun cas fait preuve de curiosité et te rencontrer, sale monstre.

La jeune femme se recule face à la rage de la déesse qui étreint le corps inerte de son fils dans ses bras. Une aura malfaisante entoure Gothika qui caresse le visage de Draguir, les larmes aux yeux. Son corps se balance d'avant en arrière en le couvant.

Gabriel attrape Sophia par la taille, sentant une nouvelle explosion survenir. La jeune femme à le regard perdu en regardant Draguir s'éloigner à mesure que le fauconnier blond la tire. Elle tourne la tête dans tous les sens et demande :

— Où sont les autres ?

— Je ne sais pas, mais on a intérêt à dégager d'ici si tu ne veux pas te prendre de plein fouet une attaque de Gothika.

— Mais pourquoi ? Pourquoi il ne bouge pas ? implore-t-elle à voix basse.

Des flashs la percutent en lui enfouissant les mains dans le sol pour sauver la vie d'une jeune fille. À quel prix cette fois-ci Draguir à sauvé sa sauvageonne.

— C'est pénible à dire, mais il t'a sauvé alors que tu allais te prendre de plein fouet un résidu de l'attaque de Flamma, bougonne Gabriel en la tirant sur le sol.

Elle s'extirpe des mains du fauconnier pour retourner auprès de Draguir, malgré l'aura plus que menaçante de Gothika qui la fusille du regard. Mais Sophia enfouit ses mains dans le sol et se concentre de toutes ses forces pour récupérer une énergie, quelle qu'elle soit.

— Que fais-tu ? s'enquiert à la hâte la déesse.

— J'essaie de le sauver, alors ferme là, réplique-t-elle les dents serrées.

Méric interrompt son geste en lui attrapant le bras sous le regard surpris des deux femmes. Il pose précautionneusement son arme sur le sol, et décale son carquois bleu. Il arrache une cordelette se trouvant autour de son cou, où une petite fiole contenant un liquide bleu azur est accrochée à celle-ci. Le rabatteur force la mâchoire de son ami à s'ouvrir, puis verse le contenu dans sa bouche.

— Méric ? appel Sophia.

Il baisse la tête en soufflant de soulagement quand le torse de Draguir se soulève. Méric se décale et pose la tête du fauconnier sur ses genoux, pour la lui maintenir. Il regarde son ami en chuchotant :

— Je sais que tu t'es fait passer pour ma petite sœur, mais en aucun cas, je le laisserai mourir sans avoir trouvé l'épée.

Sophia lève la tête, surprise à l'évocation de l'arme, mais Gothika pousse le rabatteur et reprend son fils dans les bras en le couvant. Ses ongles noirs s'agrippent à l'épaule de Draguir alors qu'elle menace de nouveau la jeune femme :

— Vous avez des personnes puissantes sur votre terre, des divinités comme nous qui ont osé munir mon enfant d'un pouvoir destructeur...

— Vous ne croyez pas que le vôtre ne l'est pas ? Crache Sophia.

— Ce n'est pas comparable ! répond la déesse surprise.

— Je crois que si, au contraire !

Gabriel revient à la charge avec Leah qui boite à ses côtés. Ils attrapent tous deux la jeune femme par les bras pour la traîner avec eux :

— Laisse cette mégère sénile dans son délire, crache La louve en tirant la langue à Gothika, nous affrontons un plus gros problème.

Dans le nuage de fumée s'évaporant, Flamma est essoufflé et se cautérise l'épaule où il lui manque un bras, alors qu'en face d'elle un cratère s'est formé où se trouvait Herba. Elias a pu se mettre à l'abri avec Jack et Luka qui sortent de leurs cachettes pour venir en aide à Astos effondré sur le sol. Bastos cours vers son destrier et galope vers l'armée qui s'amasse en fuyant au loin.

Cycla a pu faire contourner le souffle de l'attaque grâce à une barrière de vent en protégeant Alex, Félix et Keith. Elle se maintient sur ses jambes en crachant après avoir utilisé toute son énergie, visualisant les failles qui ont déchiré la terre. Chaque sœur est affaiblie, ne pouvant plus intervenir dans un nouveau combat. Leurs forces sont amenuisées.

Au centre de la clairière, sans la moindre égratignure, H se maintient debout en tenant Jojo dans ses griffes. Le doyen se débat en tentant vainement de desserrer la prise de son ennemi.

— Arrêté !

Sophia hurle dans les bras de Gabriel, alors que H tourne la tête vers elle le regard rempli de haine.

— Je cherchais...

Leah supplie l'homme de le lâcher, les larmes coulant sur ses joues. Gabriel grogne de rage en maintenant fermement sa prise, tandis que tous restent à l'affût autour du maître. Les battements de cœur de Sophia ralentissent au fur et à mesure qu'il continue de sa voix effroyable :

— Je cherchais comment dévaster ce monde.

Les yeux de la jeune femme s'écarquillent d'horreur quand H termine son récit :

— Alors que la solution se trouve juste entre mes griffes...

Le temps se fige quand un liquide enveloppe Jojo sous un rire sinistre de H. Le doyen regarde l'ensemble de sa famille avec tristesse alors que les battements de chacun résonnent dans les temps. Gothika hurle à l'homme de ne pas faire ça, alors que Leah se met à pleurer en suppliant de toutes ses forces.

Sous le regard tétanisé de Sophia, la matière recouvre entièrement le lapin jusqu'à la pointe de ses oreilles, puis un craquement sourd se tord tel un torchon que l'on essore. H ouvre sa serre faisant tomber la poussière qui s'éparpille avec le vent.

Le choc et l'effroi se propagent sur les visages autour de H qui s'esclaffe avec un son glacial. Le doyen, le pilier d'Imaginarium n'est plus.

Sous les complaintes et les cris qui entourent la jeune femme, un hurlement de rage d'une puissance extrême traverse ses lèvres en direction de l'homme. Toutes les communications avec Evy est rompue, mais sa colère est tel qu'elle se redresse en écartant les bras, appelant tous les éléments qui l'entourent.

Un tourbillon de vent mélangé à de l'eau l'enveloppe, faisant voler ses cheveux, alors que ses ailes se déploient avec force. Une braise incandescente prend vie sur le liquide translucide, soulevant les feuilles et la poussière autour d'elle. La température chute instantanément, tandis que son sang bouillonne d'une envie meurtrière.

Elle s'accroupit en posant ses mains sur la terre qui gronde sa colère, puis lève le bas du dos et décolle à la vitesse d'un éclair en direction de H, puis elle écrase son poing dans le visage. Il n'arrive pas à esquiver et recule de surprise, mais Sophia disparaît dans une brume et renouvelle son attaque par l'arrière.

— Comment peux-tu être doté davantage de force ! hurle-t-il fou de rage.

Elle ne lui répond pas et hurle davantage en lui assénant un coup dans les côtés. Ses écailles la protègent des serres de son ennemi. Ses ongles s'allongent en griffe, tandis qu'elle projette sa main vers le visage de H et lui arrache l'œil gauche. H, hurle et envoie une de puissance en propulsant la jeune femme près du ruisseau. De son œil restant, il la dévisage plein de haine avant de disparaître dans un bruissement d'ailes.

Essoufflée et lessivée, Sophia se tourne sur le dos, contrarié de ne pas avoir réussi à le tuer. H avait réussi à l'esquiver la plupart du temps, mais elle a été les autres fois beaucoup plus rapide. Elle se met sur le côté et remarque que dans la matière restant sur le sol, dépasse une touffe de poil. La jeune femme rampe jusqu'à la flaque et plonge les mains dedans, sentant un corps désarticulé. Ses compagnons accourent à sa hauteur avec en tête Gothika les yeux embrumés de tristesse quand elle voit la jeune femme extirper les restes du lapin.

— Il faut l'emmener à Herba, il y a éventuellement une chance, s'écrit-elle désespérée.

Sophia baisse la tête avec peu d'espoir, caressant le pelage souillé du doyen, le cœur déchiré par cette tragédie. Un silence mortuaire s'installe entre les pleurs et les reniflements de tous, brisé par l'écoulement paisible du ruisseau.

La jeune femme lorgne sur le ruisseau et pose son regard sur Jojo. Elle lève la tête et voient les autres contempler le doyen endormi pour l'éternité dans ses bras. Elle se redresse et puise dans ses dernières force pour intensifier l'aura de déesse qui tourne toujours autour d'elle, faisant reculer ses compagnons par la force. Elle se tourne et se dirige vers le ruisseau.

— Que fais-tu ? implore Luka.

— Je n'entrevois pas d'autre solution... répond-elle fatiguée.

Elle glisse son pied à la surface de l'eau quand elle entend au loin :

— Attends !

Draguir s'avance, soutenu par Méric. Il la supplie de ne pas continuer, qu'ils peuvent trouver une solution ensemble, mais elle secoue la tête et introduit son pied dans l'eau en ignorant les protestations. Une sensation délicate l'enveloppe quand elle plonge sa main libre. Elle manipule ses doigts qui font naître une racine.

Sous le regard de l'assemblée, un saule grandit, déployant ses branches, retombant vers le sol. Des bourgeons prennent vie, libérant son feuillage vert eucalyptus. Au centre du tronc, l'écorce s'écarte pour créer un emplacement douillet tapis de feuilles où Sophia dépose délicatement le corps de Jojo avant de poser sa main sur la poitrine du doyen. Une larme se tarit sur sa joue quand une fine couche de sève dorée s'écoule en formant une barrière protectrice. Avant la fermeture complète du cocon, la jeune femme transfère son pouvoir de vie au doyen, puis retire sa main en reculant.

La poussière luminescente se rassemble à côté de l'arbre, tournoyant sur elle-même en dansant pour former un cercle. Sophia comprend dans un soupir las qu'elle n'a plus sa place à Imaginarium.

— Non Sophia ! crie Draguir.

— Arrête ce n'est pas fini ! ajoute Elias.

Elle ne les écoute pas et s'avance vers le portail qui brille d'intensité. Elle étend ses bras et ses ailes pour plonger dans le trou, mais un galop la surprend en la faisant tomber dans l'eau. Gan qui a pu échapper au souffle de l'explosion s'engouffre avec son Destrier dans le portail en maintenant fermement le gamin contre lui.

— Non, hurle-t-elle.

Leah et Gabriel profitent que la barrière de Sophia fluctue sous sa déconcentration et se jettent sur elle pour la retenir. En revanche, ils perdent tous les trois l'équilibre et traversent le portail qui se referme derrière eux. Ils atterrissent dans la cave du grand-père, Gabriel et Leah sur le dos de la jeune femme.

Sophia se relève endolorie en entendant des pneus crisser dans la rue accompagnés de coups de klaxon. Gabriel aide Leah à se relever quand la jeune femme se dirige dans les escaliers qu'elle grimpe quatre à quatre, puis court vers la porte d'entrée pour la refermer. Elle s'adosse à la porte et appelle son grand-père.

— Papy, je suis revenue ! chantonne-t-elle de bonne humeur même si elle n'est pas au rendez-vous.

Aucun son ne lui parvient, mis à part ses acolytes qui se chamaillent dans la cave sur le fait d'avoir traversé le portail avec elle.

— Papy ? T'es où ? questionne-t-elle à nouveau avant d'ajouter, j'ai même ramené de la compagnie.

Elle se décolle de la porte et monte les marches de l'entrée en se dirigeant vers l'escalier. Aucun bruit ne se profile à l'étage. Elle se déplace vers le salon et découvre avec effroi son grand-père écroulé sur le parquet, les yeux vident de vie en tenant sa valise à la main.

Gabriel et Leah l'entendent hurler et se précipitent pour la rejoindre. Ils arrivent dans la pièce et découvrent la demoiselle, secouer le corps de son grand-père sans obtenir le moindre signe de mouvement. Le fauconnier s'approche doucement de l'homme et pose deux doigts sous la jugulaire. Il tourne la tête vers Sophia qui la regarde les yeux embués, débordant d'espoir, mais son monde s'écroule quand son compagnon secoue la tête en fermant les yeux, désolé.

La jeune femme se cramponne à Jean en hurlant et pleurant la perte de son papy. Leah prend la place de Gabriel et s'agenouille à son tour pour baisser les paupières de l'homme. Gabriel décroche le combiné du téléphone et compose un numéro avant de raccrocher et de répéter la manœuvre.

Cette journée fut tragique dans deux mondes parallèles. Deux doyens, deux piliers. Des êtres au grand cœur et respecté, quittent leurs terres natales pour rejoindre les étoiles.

Tout ceci n'est pas un rêve, mais simplement le début d'un cauchemar. 

Fin Tome 1

// Salut mes ptits loups, je vous annonce officiellement la fin du tome 1 !!!

J'espère que vous n'avez pas trop pleuré, parce que moi si !!!

Je vais passer en mode correction et réécriture de ce tome et en parallèle commencer le tome 2, mais je ne le posterai pas de suite. 

N'hésitez pas à me faire vos retours, bisous mes ptits loups \\


Réécrit le 11/12/2023

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