37- L'enfant enlevé

Au surlendemain de l'affrontement dans la salle du seigneur, les soldats de Blackvoïd ont repris leurs tâches communes. La région a retrouvé un semblant de normalité, malgré que, se cachant dans leurs rangs, une ennemie bien trop puissante et surtout très maladroite tente de se dissimuler.

Elle a réussi à atterrir en même temps qu'une boule de feu près du champ des destriers, et a emprunté des vêtements qui traînaient près d'une caisse. Elle s'est barbouillé le visage avec de la poussière bruni et s'est mise à effectuer toutes les basses besognes qu'elle a pu trouver à faire.

Son étrange comportement, passant pour une nouvelle recrue aux yeux de certains rabatteurs, n'est pas passé inaperçu auprès de leur chef qui la guette depuis qu'il l'a vu vider les toilettes des fauconniers. Avant d'entamer un rendez-vous avec Alex sur la manière de procéder avec leurs nouveaux prisonniers, il observe la jeune recrue, le dos posé contre un mur et les bras croisé, l'air songeur.

— On t'attend pour la réunion, annonce Keth en s'approchant de Méric.

— J'arrive dans un instant, je réfléchis à une chose, répond à voix basse son chef.

Keth suit le regard de Méric jusqu'à ce qu'il tombe sur la personne qui leur tourne le dos.

— Qui est-ce ? s'interroge-t-il.

— Une nouvelle recrue, ment Méric en ajoutant, je vais m'en occuper plus tard, nous avons beaucoup à faire.

Les jeunes hommes se dirigent vers les mines, en reprenant le fil de leurs discussions. Mais Méric lance un dernier regard vers la recrue, et ne la voit plus. Il devra la guetter, et l'interroger sur sa véritable identité.

C'en était moins une pour Sophia, qui a repéré les deux hommes en train de la fixer. Elle a le temps de se cacher, avant de rejoindre un groupe qui se dirige vers les dortoirs. Elle a adopté leurs postures, leurs démarches, mais ne les accompagne jamais jusqu'à une chambre. Elle fait semblant de prétexter un rapport à faire à Bastos. En revanche, elle va se cacher derrière le bâtiment en ruine pour se reposer dans des débris.

— Alors faut que je tente d'approcher l'arbre, et que je vérifie s'il y a une échappatoire de ce côté, murmure-t-elle en grignotant la croûte d'une miche de pain.

Depuis sa fuite, Sophia est restée dans le coin, sachant qu'en étant proche de son ennemi, elle ne se fera pas remarquer. Mais se fondre dans la masse n'est pas aisé, surtout quand elle s'est rendu compte que le jour était sans fin. Elle vole de la nourriture, mais trop peu pour la rassasier, et son temps de sommeil n'a pas dépassé les une heure. Elle a bien trop peur de se faire repérer et de nouveau capturer, et avec ce qu'elle a vécu, elle ne préfère pas fermer l'œil dans cette région hostile.

Entre deux coups de marteau dans les mines et la fabrication de flèches, la demoiselle a tenté de découvrir si elle pouvait s'enfuir par la montagne, mais les routes sont gardées par les hommes de feu. De taille et de morphologie différentes, des chevelures flamboyantes, armées jusqu'aux dents ou pour certains sous forme de félins. Sophia n'a pas voulu faire connaissance avec eux aussi tôt. De plus, la roche noire brillante sous le soleil est aussi coupante que du verre. Une bien mauvaise expérience en s'écrasant lors de son évasion.

Après avoir effacé ses traces, Sophia se dirige avec un sceau près des appartements des hauts gradés pour entamer la tournée des latrines. À plusieurs reprises, elle se retient de vomir, et se cache quand l'un d'eux apparaît. Elle aperçoit Bastos qui n'est jamais seul et est souvent en compagnie de Méric.

Quant elle se rend compte qu'ils ne sont plus là, elle abandonne le sceau débordant et se dirige rapidement vers la falaise. En arrivant, Sophia fait face à une chute vertigineuse où les vagues de la mer s'écrasent contre la paroi escarpée. Son dernier espoir d'échappatoire s'envole aussitôt. Elle se dirige vers l'arbre mort, les pieds traînants, et se laisse glisser contre le tronc, épuisée.

Sophia ne sait pas où se trouve Jojo et Guénaël, et est éreinté de se trouver une nouvelle fois en échec. Elle soupire et se rassure sur le fait que Bastos joue bien son rôle d'agent double quand elle le voyait de loin, alors que Draguir... Sophia secoue frénétiquement la tête, se refusant de penser à lui. Un frisson lui vrille les tripes quand l'ombre s'impose dans son esprit.

— Qu'il crève...

— Qui ça ? requiert une voix morose derrière elle en la faisant sursauter.

Elle se retourne rapidement en repérant Méric se tenant à un mètre, les mains dans les poches. La demoiselle se relève précipitamment en s'époussetant les cuisses et avec toute la meilleure volonté du monde s'incline devant lui.

— Redresse-toi ! invite-t-il dans un geste nonchalant, tu n'as pas répondu à ma question.

— Le lapin.

Sophia répond instinctivement sans trop réfléchir, se mordant la joue en mentant sur sa véritable cible.

— Jojo le lapin ? souligne-t-il, c'est rare de croiser des personnes qui veulent sa mort.

— Il m'a refusé son hospitalité quand j'en avais le plus besoin, répond-elle en haussant les épaules, l'air bougonne, d'où ma présence ici.

Le vilain mensonge n'émet aucune réaction à son interlocuteur. Méric l'étudie sous toutes les coutures et soupir à son tour :

— Que faisais-tu ici ?

— J'ai fini de vider les toilettes. Je me suis permis une brève pause, répond-elle sur un ton innocent.

Méric retient un rire avant de s'esclaffer en se moquant ouvertement de la recrue. Sophia le regarde d'un air stupide, ne comprenant pas ce qu'il y a de drôle dans ce qu'elle dit. Il reprend peu à peu son souffle, avant d'ajuster son air solennel et de sortir son arme. Il le plante dans le sol, puis pose ses bras sur le dessus avant de poser son menton et d'ancrer son regard sur la personne.

— Tu n'es pas d'ici toi ! sort-il de but en blanc.

Sophia reste scotchée par sa remarque, ayant tout fait pour ne pas se faire repérer. Elle rétorque en essayant de ne pas croiser son regard bleu azur :

— Je ne vois pas ce qu'il vous fait dire ça !

— Ton comportement.

Il se redresse et s'avance vers elle en l'inspectant :

— Pour commencer, première erreur : aucun membre, même de la sous-traitance, ne s'incline devant le chef des rabatteurs. C'est tout au plus un manque de respect envers notre redoutable maître, glisse-t-il à l'oreille de Sophia.

Il continue de tourner autour d'elle en lorgnant sur son accoutrement :

— Ensuite, deuxième erreur : tu es habillé moitié rabatteurs, moitié fauconniers. Je ne sais pas où tu as déniché ses vêtements, mais franchement, passer inaperçu s'est raté.

Sophia commence à avoir les muscles crispés en le suivant du coin de l'œil. Tandis que Méric se penche à son autre oreille pour lui chuchoter :

— Cela fait un jour et demi que je t'ai repéré. En revanche, j'ai fait croire aux autres que tu avais un handicap et que le maître te laisse faire les tâches de basse besogne pour occuper le pitoyable esprit simplet qui t'habite.

Il s'éloigne en lui tournant le dos, alors que Sophia baisse les yeux en fixant le sol. Les poings serrés, elle se cogne mentalement le front en se reprochant sa maladresse. Qu'elle soit prise pour un espion ou qu'elle soit repérée, elle est fichue. En jetant un regard en arrière, elle pense furtivement à se décider à sauter. Elle avait tenté de sortir ses ailes pour passer au-dessus de la chaîne montagneuse sans grand succès. Méric la tire de sa réflexion en lui posant de nouvelles questions :

— Qui es-tu ? Que viens-tu faire ici ? Qui t'envoie ? Serais-tu suicidaire ou parfaitement stupide ?

Sophia le regarde sans se démonter, en réfléchissant à toute vitesse pour trouver une réponse. Ne connaissant encore que peu d'aspects de ce monde, elle se retrouve limitée dans ses choix. Les suggestions dont elle pense prennent la fuite de son cerveau, le laissant vide à l'intérieur.

Sans crier gare, une chose froide s'est immiscée sous son pantalon en la faisant sursauter. Méric ne le remarque pas, car il regarde ailleurs en faisant les cent pas en réfléchissant. Sophia crispe la mâchoire, quand l'espèce d'insecte lui arrive sur la hanche avant de glisser dans son dos en remontant. Elle frissonne quand ça arrive sur son épaule, puis redescend le long de son bras jusqu'à son poignet. Une chaleur familière renoue le contact avec elle, quand la queue d'Evy s'enclenche dans l'implant.

Je t'ai manqué ma belle ? Entend-elle dans son esprit.

Un imperceptible sourire se dessine sur ses lèvres en ressentant le soulagement d'avoir retrouvé son ami.

Ferme les yeux Sophia, c'est Herba qui m'envoie avec des informations qui peuvent te tirer de ce mauvais pas. Cela va déstabiliser ton ennemi présent pour que tu puisses sauter.

Sophia fronce les sourcils sur sa dernière phrase. Elle regarde de nouveau derrière elle, en apercevant le bruit des vagues s'entrechoquant, n'étant pas la moins rassurée par cette proposition. Elle soupire en prenant conscience qu'elle n'aura pas le choix, puis ferment les yeux en visualisant les images qu'Evy lui projette.

Une magnifique femme aux cheveux châtains reflétant sur du cyan bleu se tient devant une fenêtre ouverte. Elle porte une brassière blanche s'attachant dans le cou, en laissant son dos nu. Le tissu descend et se joint par une jupe longue. Une ceinture en dentelle maintient un voile transparent en continuité de ses longues jambes. Elle à l'air de discuter avec un jeune enfant qu'elle a dans ses bras, alors que son ventre bien arrondi porte une deuxième vie.

Un détail frappe Sophia quand elle remarque qu'attaché dans le dos de la femme, un bâton noir striée en bleu ressemble étrangement à celui de Méric. Mais elle n'a pas le temps d'en voir plus les détails que l'image disparaît et qu'une autre fait surface.

La mère pleure, le cœur déchiré, agenouillée devant un lit vide. Une petite fille se tient à ses côtés, un doudou dans la main, en suçant son pouce et tirant sur la jupe de la femme. Elle réclame son attention, mais n'arrive pas à l'obtenir. Un homme entre dans la pièce et prend la petite fille dans ses bras avant de disparaître en laissant sa femme seule.

Le souvenir s'estompe afin d'en révéler une troisième. Des mains tremblent en tenant une lettre tâchée de larmes. Sophia lit ce qu'il y a d'écrit :

"Ma très chère enfant,

Je vais devoir m'absenter durant un certain moment. Je sais que je ne t'ai pas apporté autant d'amour que tu l'aurais voulu, mais la perte de ton grand frère a causé énormément de dégât en moi.

Cet univers n'est plus celui que j'ai appris à découvrir quand je suis née avec mes sœurs. Toi aussi, tu apprendras à aimer et à souffrir. Ton père s'occupera bien de toi. Je ne doute en aucun cas de ses capacités. Quand le moment sera venu, je reviendrai et j'espère que tu seras prête.

Je t'aime fort, autant que ton frère.

Même si je sais que tu ne l'avais pas vue.

L."

Sophia sent une larme rouler sur sa joue quand l'image s'évanouit. Evy lui glisse le nom de la petite fille à l'oreille, ce qui donne à la demoiselle la marche à suivre avant d'effectuer le grand saut. Méric a fini de tourner en rond et observe la personne qui met un temps fou à lui répondre :

— Je peux savoir ce qui te prend autant de temps pour répondre ? questionne-t-il d'un ton agacé.

— C'est difficile, j'ai été surprise en te revoyant, répond-elle en arborant un air gêné.

Il se redresse en croisant les bras sur son torse et fronçant les sourcils. Il attend impatiemment en tapant du pied que la recrue développe. Sophia recule un pied, et enfonce le clou dans la blessure interne de Méric :

— Je m'appelle Lyvia, je suis ta petite sœur. C'est notre père qui m'a demandé de te rechercher jusqu'à ce que je te retrouve mort ou vif. Il ne tolère plus ta perte qui a provoqué celle de la femme qu'il a tant aimée et qui a préféré disparaître en m'abandonnant, comme toi !

Sophia le fixe droit dans les yeux, en remarquant que sa tirade le désarçonne. Méric se décompose face à ses mots, alors que la demoiselle sait qu'il ne se rend pas compte de tenir l'arme de sa mère entre ses mains. Elle profite de sa vulnérabilité pour remuer le couteau dans la plaie :

— Je ne suis pas stupide, non ! Mais ce qui m'insupporte, c'est que tu n'as rien fait pour nous retrouver alors que tu as l'arme de maman entre tes mains. Tu n'es vraiment qu'un lâche !

Méric tombe à la renverse, la bouche ouverte et les yeux exorbités. Il se souvient de sa petite sœur quand elle est née, et n'a pas pu grandir avec elle lorsqu'il avait été enlevé. Depuis ce jour, il n'a rêvé que d'une chose : retrouvé sa famille. Et, il découvre enfin que sa sœur et son père sont toujours en vie. Du moins, c'est ce que Sophia lui fait croire avant qu'elle ne se retourne en courant vers la falaise. Elle ne s'arrête pas quand elle l'entend crier son faux nom, et saute dans le vide.

Sophia évite de justesse les rochers en plongeant dans l'eau. Elle remonte assez vite et regarde au-dessus d'elle et voit Méric penché au-dessus, les yeux emplis de tristesse. Elle ne s'attarde pas plus, puis nage vers la rive en se fondant dans l'épais brouillard.

— Bon et maintenant, je vais où ?

Tu dois rejoindre le bois sacré, Herba t'y attend. Lui répond Evy.

La demoiselle est trempée jusqu'aux os et lève les yeux au ciel. Elle avance dans la brume en se tenant fermement les bras pour essayer de se réchauffer. Après quelques minutes de marche à claquer des dents, elle arrive devant une butée à escalader.

Elle entreprend son ascension, glissant de temps à autre et s'écorchant les genoux. Sophia arrive, essoufflée en haut, et découvre avec stupéfaction une immense plaine d'un vert parfait où le vent couche les herbes hautes. La demoiselle se met à rire et à courir dans la plaine pied nu, en se sentant libérée d'un poids énorme. Elle s'allonge et profite de la brise lui caressant le visage. La sérénité de cet endroit lui avait manqué, surtout quand elle redécouvre, après des jours sous le soleil infini de Blackvoïd, la teinture de la nuit qui s'installe de sa couleur bleu foncé. Elle inspire un grand bol d'air frais et s'étire en bâillant.

Depuis quand tu n'as pas dormi ? Interroge Evy.

— Je ne sais pas, je dirai deux ou trois jours, répond-elle en se frottant les yeux.

Evy se redresse devant elle :

On devrait trouver une cachette pour que tu puisses te reposer avant de reprendre la route.

Sophia acquiesce et se lève en regardant autour d'elle à la recherche d'une grotte, mais rien ne se présente sous son regard, pas même une crevasse dans la montagne. Et, longer la chaîne est bien trop risqué, car elle pourrait tomber sur les hommes de feu.

— On est mal barré, soupire-t-elle.

.Evy secoue la tête, arrives-tu à déployer tes ailes ?

— Uniquement quand je perds le contrôle.

Ferme tes yeux. Quand tu es calme ou dans le cas présent épuisé, je vais pouvoir débloquer ta magie pour nous aider à nous déplacer.

Mis à part la projection que Sophia arrive à maîtriser, elle ne s'est pas encore appropriée ses autres pouvoirs. C'est seulement quand ses nerfs sont mis à rudes épreuves ou encore lorsqu'elle pète un câble que le pouvoir d'Evy n'est plus nécessaire, mais en cet instant, elle est trop épuisée pour tenter d'elle-même d'effectuer le processus.

Une douce chaleur se déplace le long de ses bras pour venir se loger au niveau de ses omoplates. Le craquement de ses os se fait ressentir, brûlant sa chair en lui arrachant un couinement. L'impression qu'on lui verse de la lave en fusion dans le dos est telle que ses genoux flanchent sous la torture en la forçant à se tenir les côtes.

Aussi flamboyantes que la première fois, les ailes resplendissent en se déployant dans un bruissement. Sophia tourne la tête et observe les nouveaux membres de son corps. Aussi légères qu'une plume, les ailes de dragon resplendissent dans un dégradé de rouge sang partant du bas vers un rouge crépusculaire vers le haut. Des reflets jaune orangé se déplacent sur les extérieurs à chaque mouvement.

L'intérieur des membranes explose d'un vert pomme léchant un jaune citron dans une danse endiablée. Sophia rétracte et déploie ses ailes en fermant les yeux, et en s'habituant à la sensation qu'elles dégagent.

Tu as expérimenté ta puissance face à l'ennemi grâce à elle. Maintenant, tu vas ressentir la liberté en volant avec, dit Evy tout excitée. Déploie-les, plie tes jambes, et pousse un coup pour sauter.

Elle hoche la tête, et applique les conseils d'Evy avant de sauter et de viser les étoiles en décollant du sol. La demoiselle chute plusieurs fois avant de réussir à prendre de l'altitude. Elle s'habitue rapidement à cet effet de se laisser transporter dans les airs.

— J'ai bien envie de voir ce que je peux faire avec.

Attention, tu es épuisée. N'en fais pas trop ! me gronde Evy.

Mais Sophia ne l'écoute pas et prend un peu plus d'élan pour s'envoler vers les nuages. La liberté l'excite et lui fait battre les ailes de plus en plus haut, jusqu'à ce qu'elle se décide à s'arrêter.

Imaginarium apparaît sous ses yeux en format miniature. Elle observe la chaîne de montagne de Blackvoïd, où le soleil embrasse la nuit, cachée par d'épais nuages entourant le domaine de H. Ses yeux se portent sur les cascades de Cascalaris qui dort profondément sous son dôme. Au loin les montagnes enneigées surplombant le lac de la forêt de Cerulazu se teinte au fur et à mesure que la lune se lève. Seuls Blasqueen et Pharekht n'apparaissent pas dans son champ de vision.

Allô la terre, ici la lune. hurle Evy.

— Tu connais cette expression toi ? rigole-t-elle en le regardant étonné.

Je te signale que j'ai vécu avec toi sur la terre avant que tu ne remettes les pieds ici, peste-t-il.

— Certes, je t'écoute.

Regarde devant toi en bas et dis moi ce que tu vois.

Sophia baisse la tête et fouille la plaine du regard.

— C'est le refuge ?

Oui, descends en piquet vers lui. Avec la hauteur que tu as pris on devrait y être en moins de temps qu'il n'en faut.

— Mais tu m'as dit que je devais me rendre aux bois ! Dit-elle perdu.

Je sais. Herba ne m'en voudra pas de ce petit détour, répond-il en réfléchissant, tu as besoin de te reposer et il n'y a que là-bas où tu seras en sécurité.

— Tu es sûr ? s'enquiert-elle inquiète.

Certain!

Sophia prend une grand inspiration avant de se pencher et d'adapter sa direction. Elle plonge dans le vide en entamant une vitesse fulgurante. Les bras collés le long de son corps, elle rit d'extase en sentant le vent lui fouetter le visage. Le refuge approche de plus en plus alors qu'Evy lui hurle dans les oreilles :

T'as pensé à l'atterrissage ?

La demoiselle ouvrent les yeux en se rendant compte que ce petit détail lui avait échappé, et que le refuge n'est plus qu'à quelques mètres. Elle porte ses bras en avant pour protéger sa tête et tente de ralentir le plus possible. La fenêtre du troisième éclate en mille morceaux quand Sophia la transperce, mais ne ralentis pas sa descente quand elle traverse le mur d'en face, avant de défoncer la rambarde en la percutant et de dégringoler de long de l'escalier centrale jusqu'au hall du bas.

Sa chute se résulte avec des morceaux de briques, de verres et de bois plantés dans le corps. Une épaule disloquée. Une cheville qui ne connaît plus le terme angle droit et un morceau de la rambarde planté dans la cuisse. Beaucoup de sang gît sur le parquet, mais Sophia n'a pas l'air de prendre son état de santé au sérieux qu'elle explose de rire.

Tu peux me dire ce qui te fait marrer ? t'as failli te tuer ! hurle Evy en panique.

— C'est ça le plus drôle, répond-elle entre deux rires, c'est que je suis encore en vie.

Evy soupir d'exaspération, mais sourit néanmoins. Toujours euphorique, Sophia extrait le morceau planté dans sa cuisse en serrant les dents face à la douleur. Elle s'attaque à son épaule en la remettant en place dans un craquement déchirant le tout accompagné d'un concert de hurlement. Elle retire tout les petits morceaux de matériaux plantés dans son front, ses joues et les restes de son corps. Essouffler par toutes ses opérations, elle regarde sa cheville et positionne ses mains dessus pour la remettre en place. Sophia prend plusieurs respiration avant de la tourner d'un coup sec. La douleur se propage dans son corps en la faisant frissonner et lui faisant voir des points noirs devant elle.

Eh ma belle, tu ne vas pas t'évanouir maintenant ? s'inquiète Evy.

Sophia se claques les joues en secouant la tête, puis se relève et s'appuie sur ce qu'il reste de la rambarde pour gravir les marches. Chaque pas qu'elle fait, la foudroie d'une souffrance absolue, la forçant à monter à quatre pattes. Elle trébuche à certains moments, et se cognent à d'autres.

Evy la gronde en lui faisant remarquer qu'elle n'en fait qu'à sa tête, mais Sophia l'ignore et continue son ascension. Ses forces l'abandonne tandis que ses plaies se referment, laissant derrière elle une traînée de sang.

Allez bichette, encore un effort, tu y es presque ! encourage-t-il.

— C'est quoi ce surnom débile, réplique-t-elle la voix pâteuse.

Evy n'a pas le temps de répondre, que Sophia s'écroule devant la chambre où elle avait rencontré Jojo pour la première fois. Le sommeil qu'elle avait repoussé ses derniers jours à Blackvoïd a reprit ses droits, la forçant à dormir à même le sol. 


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