30 - Un lien de parenté ?

— Tu crois qu'ils sont encore là ? demande Bastos.

— Je pense que oui, l'attaque qu'ils ont subi avait pas mal ravagé leurs campements, réponds son collègue tendu.

Avançant précautionneusement dans la pénombre de la forêt de pin givré, les fauconniers gardent une allure ralentie, guettant les alentours d'une éventuelle attaque qui pourrait surgir. Emmitouflés sous leurs capuchons, ils s'arrêtent pour se désaltérer et faire une pause avant de rejoindre les rabatteurs qu'ils avaient observés quelques jours plus tôt.

— Je ne comprends toujours pas pourquoi vous nous avez embarqués, peste Jojo.

Draguir ne répond pas, ne comprenant pas lui-même l'initiative de Bastos, d'emmener les deux personnes les plus recherchées de BlackvoÏd. Le fauconnier est plus absorbé par le regard empli de colère que lui avait lancé sa sauvageonne, lui faisant ressentir un pincement au cœur.

Les divinités aiment semer la discorde, même si elles sont censées être impartiales selon leurs natures, mais quand ça les arrange, elles plantent leurs graines là où il ne faut pas. Jojo observe Draguir en ressentant son désarroi.

— Avant de continuer, je vais vous donner quelques explications de comment à partir de maintenant cela va se passer, annonce Bastos.

Chaque être l'écoute attentivement, surtout le jeune garçon qui a reçu un avertissement s'il pique une crise. Et, venant de Bastos, le petit se tient à carreau.

— Avant que Sophia ne libère Herba, nous avons convenu, Gabriel et moi, qu'il était temps d'entreprendre un retour à Blackvoïd avec Draguir, explique-t-il. Bien que je veuille t'en parler en avance, Jojo, nous avons été un peu dépassés par les événements. Il faut savoir que ma dernière longue mission était avec Elias, Jackiel et Gabriel, et en revenant, j'ai fait croire en leurs morts auprès de mon maître et de mes collègues. Cette mission avait duré un mois. Celle-ci ne doit pas durer autant de temps pour ne pas éveiller les soupçons, et notre maître n'est pas quelqu'un de très patient. En plus de notre départ, un autre fauconnier est parti en mission. Il vaudrait donc mieux pour tout le monde qu'il ne nous croise pas avec le reste du groupe.

— Donc, pour en conclure, vous allez rentrer chez vous en nous embarquant comme des trophées pour votre maître, s'écrie Guénaël.

— Pas des trophées, non. Vous êtes plus une diversion ou une réussite de mission. Le mieux, c'est que nous ne rentrons pas les mains vides, éclaircie Bastos en haussant les épaules.

Guénaël ne réfléchit pas deux fois pour foncer sur le fauconnier de givre, mais son action est réduite à néant quand un problème de taille lui fait face. Bastos arrête le gamin d'une seule main posée sur sa tête, empêchant toute frappe du jeune métamorphe.

Jojo secoue la tête d'exaspération en baissant la tête et Draguir soupire dans son coin. Il saisit à présent le projet de son coéquipier en les faisant passer pour des agents infiltrés dans leur propre camp. Bastos étant l'un des chefs fauconniers, aucun soupçon ne pèsera sur lui. Quant au jeune fauconnier il fait partie des personnes les plus discrètes et mystérieuses de la région. Ils peineront vraiment à le percer à jour. Mais la situation le laisse perplexe :

— Pourquoi avons-nous embarqué Jojo ? interroge-t-il. Autant le petit, je comprends, mais le lapin, à part le mener tout droit à l'abattoir, je ne vois pas.

Le doyen redresse les poils sur les termes choisis par le jeune fauconnier, et ne le rassure pas du tout. Bastos sait qu'avec son collègue, ils avaient échangé un regard concernant le jeune métamorphe, mais concernant la boule de poil, il remarque l'inquiétude qui se lit dans le regard de Draguir. Loin d'être rassuré de dévoiler la pièce manquante du puzzle, il répond :

— C'était ma mission originelle, capturer Jojo.

Il reçoit des regards interrogateurs devant son information, le forçant à s'engager dans une autre explication :

— Maître H souhaite connaître tous les détails concernant les déesses et qui est le plus calé sur le sujet ? Il montre d'un geste Jojo qui a les yeux écarquillés. Qui plus est, l'annonce que tu as faite sur la mystérieuse fille, ajoute-t-il en imitant des guillemets, l'a beaucoup intrigué et le maître veut en savoir davantage pour contrer la menace qui voile ses projets.

— Et pourquoi ne pas avoir empoigné Sophia à la place ? rétorque Draguir tendu.

— Sophia n'est pas une proie aisée avec son dragon autour du poignet, j'ai pris le risque de prendre des cibles plus fragiles.

— Merci pour moi, grogne Jojo, mais je comprends ton point de vue, en espérant ne pas perdre ma tête en cours de route.

— Ah ah ah, ne t'en fait pas, quitte à me trahir, il ne t'arrivera rien. Qui plus est, tu es le doyen de ce monde, il ne peut pas lever la main sur toi et ça, tout le monde le sait.

— Moi, je désapprouve. Il est hors de question que je retourne dans les cachots des hommes de feu, s'énerve de plus en plus Guénaël.

Bastos lance un regard à son collègue qui disparaît dans l'instant en réapparaissant derrière le jeune garçon pour lui asséner un coup sur la nuque. Le petit tombe à la renverse et s'étale dans la neige, inconscient. Jojo regarde la scène en biais avant de s'asseoir en réfléchissant à la suite des évènements.

— Je vais préparer les destriers, nous ne devons pas tarder à partir, dit Bastos en se dirigeant vers son canasson.

Draguir s'éloigne du groupe en s'efforçant de se vider l'esprit, de revoir ce maudit soleil qui ne se couche jamais. Il est ravi de revoir son ami Méric, mais il se passerait bien la compagnie des autres. Se calant contre un tronc il ferme les yeux en essayant de se remémorer la voix exquise de sa sauvageonne et de son énergie. Il espère que, malgré ce qu'il s'est passé, elle ne se fasse pas embrouiller l'esprit par la déesse de la nature.

Si seulement il avait eu le courage de se révéler, de lui expliquer qu'il la connaît depuis sa tendre enfance et qu'ils avaient joué ensemble quand ils étaient petits dans la forêt qui longeait la chaumière. Si seulement, il reste seulement des si. Il la désire, mais la repousse dès qu'elle souhaite en apprendre plus sur lui, et il doit se conforter dans l'idée que sa sauvageonne le déteste à présent.

Cette mission lui en aura fait apprendre plus sur ses gènes, l'apprentissage grandissant de ses pouvoirs et le développement de ses maudites ailes. Le reste du temps il s'est comporté comme un parfait imbécile, et soupire face à cette conclusion.

— On y va, gamin, annonce Jojo en tendant ses deux pattes devant lui, prêt à se faire ligoter.

D'un air désolé, Draguir attrape l'épaule du lapin et le dirige vers son destrier. Il ligote et bâillonne Jojo avant de l'installer sur sa monture et de se hisser à son tour dessus. Bastos attend sur son destrier avec Guénaël allongé derrière lui. Les deux recouvrent leurs têtes de leurs capuchons et se couvrent le nez de leurs foulards, tel est l'accoutrement d'un fauconnier en vadrouille.

Les braseros du campement des rabatteurs se distinguent après quelques foulées des destriers. Des tentes, dispersées ici et là, entourent dans un désordre une plus grosse au centre. Bastos retire son capuchon pour montrer aux jeunes recrues présentes sur place à qui ils ont affaire. La plupart ne connaissent pas les fauconniers, étant souvent en mission pour leur trouver des zones propices à arracher les créatures pour les réduire à l'esclavagisme. Il est rare de les croiser.

— Dit petit, où se trouve ton commandant de mission ? demande Bastos d'un air se voulant grincheux.

Le géant s'amuse à embêter le jeune rabatteur qui tremble devant les imposantes montures.

— Dans... Dans la... Tente, répond celui-ci en bégayant. Qui... Qui le dem ... Mande ?

— Bastos de Givre et Draguir, annonce-nous, nous n'avons pas que cela à faire ! rajoute-t-il d'une voix autoritaire.

Le jeune fauconnier se retient de rire sous son foulard en voyant le gamin se retenir de se faire dessus. Bastos est généralement un gros nounours, mais il aime profiter de son imposante carrure pour faire peur à ceux qui ne le connaissent pas. Le jeune rabatteur les accompagne jusqu'à la tente centrale, puis entre à l'intérieur pour les annoncer.

Les deux fauconniers descendent de leurs destriers en les attachant à un poteau. Le rabatteur ressort en indiquant qu'ils sont attendus, mais Bastos ne le rate pas en lui confiant une mission délicate :

— Je veux que tu restes ici à côté de nos prisonniers. Qu'il ne tombe pas ou même que personne ne se permette d'y toucher, sinon tu auras affaire à mon coéquipier et il n'est vraiment pas tendre, ordonne-t-il d'une voix grave.

Le gamin se tourne vers Draguir qui en profite pour lui lancer en regard assassin. Le petit tombe sur les genoux en hochant frénétiquement la tête sans prononcer mot, tétanisé par la peur. Une personne se faufile derrière les fauconniers et donne à chacun une claque sur la tête en les engueulant :

— Mais ça ne va pas de faire flipper mes soldats, bande d'imbéciles !

Les deux se retournent en se frottant l'arrière du crâne, découvrant Méric remonter comme une pendule avec des cernes se creusant sous ses yeux. Draguir remarque qu'il a maigri et pris en hauteur, son ami a dû traverser des obstacles en les encaissant un par un.

— Bah, c'était une petite blague, comme ils ne nous connaissent pas... tente de s'expliquer Bastos.

— Ce n'est pas une blague drôle ! Dans une autre situation, oui, j'aurais laissé couler, mais pas là. Ils n'arrivent déjà pas à se remettre de l'attaque des deux cinglés. Si vous vous y mettez, ça ne va réellement pas le faire, gronde Méric.

— Je vois, on en parle à l'intérieur ? s'enquiert Bastos.

— Suivez-moi.

Ils entrent tous les trois dans la tente qui se trouve sens dessus dessous, des affaires éparpillées prêtes à être emballées. Les fauconniers sont arrivés à temps, car le départ du campement est imminent. Draguir laisse son coéquipier se charger de l'échange avec Méric en se reculant et en se calant le dos contre un poteau tout en croisant les bras.

— Décris-nous ce qu'il s'est passé, demande Bastos de nouveau sérieux.

Méric soupire en contournant la table où la carte d'Imaginarium est établie. Il plaque ses mains à plat sur le bois, entièrement épuisé de la situation qu'ils viennent de traverser, puis entame son récit :

— Quand vous êtes partie, le maître nous a convoqué Alex, Keth et moi-même pour plusieurs missions. Félix, étant encore blessé, ne pouvait pas repartir, Alex devait accélérer la cadence dans les mines, quant à Keth et moi devions prendre un groupe de rabatteurs pour capturer de nouveaux esclaves et si on trouvait quelques chose de louche, nous devions effectuer un rapport. Je n'ai pas de nouvelle de Keth depuis quelques jours, il est parti dans le désert de Pharekht avec son groupe. Tandis que nous, on a traversé la forêt de Cerulazu et nous nous sommes installés ici...

Le chef effectue une pause avant de reprendre :

— Cela faisait deux jours que nous nous sommes installés, et sans crier gare, deux nanas se sont pointées l'air de rien et ont tous ravagés. Je suis sûr de les avoir déjà vues, mais je ne sais pas où.

Méric tape du poing sur la table, énervé.

— Elles ont capturé nos esclaves pour les détruire sous nos yeux en les déchirant en lambeaux. Nos montures n'ont pas survécu, mais le pire dans tout ça, c'est qu'elles riaient à l'unisson. Plusieurs de nos jeunes rabatteurs ont voulu les affronter, mais sans succès. Ils se sont fait écraser comme de la poussière, il y avait du sang partout.

Draguir n'avait jamais vu son ami aussi désespéré. Ce qu'ils avaient vu au moment de l'attaque du campement avant de se faire capturer, ne paraissait pas aussi grave, de ce fait, ils comprennent mieux la réaction des jeunes recrues en les voyant sur leurs grands destriers noirs.

— Ouais, d'accord, je comprends mieux, dit Bastos, peiné, ils ne sont pas habitués à de telles tragédies. Même si nous les préparons aux combats, rien ne nous prépare à ça.

— Je ne sais même pas comment je vais l'expliquer au maître. J'espère que pour Keth tout s'est bien passé de son côté. Méric s'assied sur une chaise lessivée. Et, vous ? avez-vous achevé votre enquête ?

— Crois-tu, mon grand, s'esclaffe Bastos, on a même ramené des petites surprises au maître. Nous savons aussi également qui provoque ces phénomènes de tempête qui nous a surpris avec mon ancien groupe lors de mon dernier périple.

— Tant mieux, et des nouvelles sur la jeune fille qui a berné Félix ?

Draguir se tend à la seconde, comprenant qu'ils sont à sa recherche. Il fixe le dos de Bastos avec insistance pour qu'il trouve une parade à cette question :

— Rien pour l'instant, mais peut-être que l'une des personnes que nous avons capturées pourra nous en dire plus.

— Et qui sont ces personnes que vous nous ramenez ? demande Méric, soudain curieux.

— Le doyen et le jeune prodige.

— Non ! T'es sérieux ? Maître H va être comblé de joie. Allons, ne perdons pas de temps, nous devons décoller.

Les portes de Blackvoïd se fondent dans la montagne, donnant accès à l'entrée de la grotte où s'écoulent des cascades de lave. Jojo et Guénaël se font ballotter dans une cage roulante fabriquée avec ce qu'il restait des débris du convoi. Bastos mène l'armée en tête avec Méric, tandis que les rabatteurs les suivent en traînant des pieds, épuisés par la longue route qu'ils ont parcourue sans faire de pause.

Depuis ces deux jours, les fauconniers les ont accompagnés pour les protéger de quelques dangers qui auraient pu se présenter. Draguir se laissait porter par son destrier qui tire la cage. Il aurait voulu galoper pour se vider la tête, mais il n'est point facile de contrarier les ordres de son chef.

— Tu n'as franchement pas honte de nous emmener dans cet endroit épouvantable, grogne Guénaël dans sa cage.

— La ferme, je te signale que si tu dis quoi que ce soit, tu mettras tout le monde, et surtout, tu sais qui, en danger, répond Draguir assez bas pour ne pas se faire repérer.

— Je ne révélerais rien, mais je ne te ferais plus confiance.

— Comme si t'avais eu confiance en moi une seconde.

— Calmez-vous tous les deux. Le principal, c'est de ne pas nous effondrer, rassure Jojo, il se tourne vers le gamin et tente de le détendre. Tu sais tout comme moi que cela va être difficile et que nous allons certainement souffrir, mais je ne m'en fais pas tant que les autres sont en sécurité. C'est le principal et Bastos nous à promis de nous protéger au péril de sa vie.

— Mouais, j'attends de voir ça. En attendant, je retourne dans mon mutisme, je suis exceptionnellement doué à ce jeu.

Compatissant au sort du jeune garçon, Draguir échange un regard avec le lapin. Un profond soupir s'échappe lors de leurs traversées de la grotte. Il en voit enfin le bout quand la lueur du soleil pénètre dans la sombre cavité. Il redécouvre avec désespoir ce ciel rouge orangé qui ne dort jamais.

Le convoi se sépare, laissant les rabatteurs rejoindre leurs dortoirs ou l'infirmerie pour les blessés. Les fauconniers emportent leurs montures dans le champ de blé doré, les laissant galoper en trouvant leurs libertés. Méric s'affaire à sortir les prisonniers de la cage, quand il remarque Keth arriver au loin. Il est accompagné par Gan, et paraît tout aussi mal en point.

— Houlà, ça n'annonce rien de bon tout ça, annonce Bastos.

— Hum, les deux groupes de rabatteurs qui rentrent en même temps. De plus, escorté par les fauconniers, effectivement, ça pu, répond Draguir sans laisser transparaître une émotion.

Gan s'approche d'eux, sa capuche de sable le couvrant toujours, après avoir libéré son propre destrier. Il fixe longuement le jeune fauconnier avec insistance de ses yeux verts perçants. Il tente de sonder l'âme de son collègue en quête d'informations à se mettre sous la dent, mais échoue tout comme ses collègues. Draguir arrive très souvent à bloquer leurs pouvoirs, mais quand il sort de ses gonds, une faille s'ouvre, permettant à celui qui est proche de lui de pouvoir s'immiscer dans sa tête. Le jeune fauconnier redouble d'efforts pour garder son sang-froid en soutenant le regard de son coéquipier qui se détourne pour transmettre silencieusement les informations à Bastos.

— Ok, je vois, conteste celui-ci, nous devrions y aller pour établir notre rapport à H.

Bastos et Draguir attendent avec leurs camarades de Cascalaris d'être appelés. Les rapports aux maîtres doivent être donnés dans l'ordre de gravité, et généralement ça se termine par la cerise sur le gâteau.

Les portes s'ouvrent devant eux, les invitant à pénétrer dans la salle. Jojo et Guénaël les suivent en découvrant les braseros, illuminant le cœur de la montagne noire. Péniblement, ils s'avancent avec leurs chaînes qui entravent leurs poignets et leurs chevilles, alors que Bastos les force à s'agenouiller sur le sol. Jojo reste aussi serein qu'un matin où il se tartine du beurre sur du pain, alors que le jeune garçon tremble de peur de ce qui va se passer.

Un grondement sourd surgit de la caverne en face d'eux, faisant vaciller les lumières. Gan, Méric et Keth sont encore présents et observent en restant sur les côtés. Le sol tremble légèrement sans que le maître se montre. De sa voix caverneuse qui fait vibrer l'air, il râle :

— Fauconnier de givre et Fauconnier de nuit, récitez-moi votre mission.

Bastos se lève en restant incliné et s'engage dans une explication de la vérité transformée :

— Nous avons pu atteindre Blasqueen maître. Là-bas, nous avons fait d'étrange découverte, annonce-t-il, apparemment, la déesse des tempêtes et la déesse de la mort s'est alliée ensemble, ce qui explique l'attaque que nous ayons subi lors de mon précédent voyage. En nous rendant d'ailleurs là-bas, nous avons découvert également des rescapés d'un navire échoué sur les rives gelées, si je ne me trompe pas maître, il me semble que le lapin soit le doyen de ce monde et le jeune garçon est celui de l'avis de recherche.

Un silence pesant s'installe dans la salle. Retenant leur souffle sur la réaction de leur maître, chacun échange un regard en essayant de deviner son état d'esprit. H éclate de rire dans sa caverne, surprenant son assemblée. Ce n'est pas un rire de joie, mais son sarcasme ricoche sur les parois, suivi d'un souffle qui s'engouffre dans la pièce.

Le maître fait don de sa présence sous sa cape en cuir, le regard de braise pétillant sur la victoire du dernier rapport. Bastos et Draguir jettent un coup d'œil sur la ressemblance des iris du maître et de leur jeune prisonnier. Une sueur froide coule le long de l'échine du fauconnier de nuit quand H leur ordonne sévèrement de détacher Jojo et Guénaël.

Bastos s'exécute en retirant les chaînes du lapin et du métamorphe, qui se frottent les poignets en restant impassible. Les deux fauconniers se rabaissent en attendant la suite.

— C'est là de magnifiques présents que vous me faites, mes chers fauconniers. Malgré la stupidité et les échecs de Gothika et Cycla qui veulent à tout prix m'amener la tête de la jeune étrangère sur un plateau, elles s'attaquent à mes rabatteurs dans deux contrées différentes, annonce-t-il d'une voix restant neutre et glacial, mais vous, vous arrivez à me ramener le doyen et mon fils...

La stupeur se lit dans les yeux de Draguir, ainsi que de tous ses collègues qui scrutent Guénaël. Bastos regarde son collègue en fronçant les sourcils, lui indiquant discrètement que ses poings se sont serrés.

Garde ton sang-froid, bon sang, pense Draguir.

— Je ne vous crois pas, crie Guénaël sous la colère.

— Et pourtant, si. Je t'expliquerai tout en temps voulu, à présent dort.

D'un claquement de doigt, le gamin s'effondre sur le sol marbré. Jojo s'accroupit pour voir s'il va bien et soupir de soulagement après avoir pris son pouls.

— Félix ! appel H en grognant.

Le geôlier rentre péniblement dans la salle, inclinant la tête devant son chef.

— Oui maître.

— Accompagne le lapin et le garçon évanoui dans mes appartements secondaires, je les verrai plus tard. Demande à tes gardes les plus expérimentés de surveiller l'entrée. Ensuite, prépare-toi pour une mission, ordonne-t-il sèchement.

Félix part, accompagnant Jojo et Guénaël hors de la salle, laissant entrevoir aux yeux de ses soldats une infime bienveillance, rassurant que les prisonniers seront traités convenablement.

— Je vous félicite, termine-t-il aussi froid, allez tous vous reposer, j'aimerais m'entretenir seul avec Gan.

Le fauconnier de sable s'avance au centre de la salle tandis que les autres s'éclipsent après s'être inclinés une fois de plus. Assimilant difficilement l'information, Bastos et Draguir restent silencieux. Apprendre que Guénaël est le fils d'une déesse et d'un psychopathe ne leur donne pas l'envie de débattre sur le sujet.

Chacun regagne son appartement après que Méric est donné rendez-vous à son ami le lendemain pour faire un point sur les rabatteurs avec Alex. Draguir entre dans sa chambre en prenant le temps de réfléchir à tous ces évènements, et trouvant étrange que Gan reste plus longtemps avec le maître sans qu'ils aient connaissance de leurs échanges.

Le jeune homme se lave de tout ce qui le contrarie depuis son retour à Blackvoïd en passant sous la douche. Il se positionne en serviette devant sa glace, remarquant sa fatigue qui se lit sur ses traits. En essuyant la buée sur le miroir, il aperçoit brièvement le reflet de Sophia, libérant ainsi la colère qu'il contenait depuis qu'Herba a vendu la mèche. Il tente de se calmer en se cramponnant à son lavabo, mais son regard vire au noir, tandis que ses ailes tentent de s'échapper.

Calme-toi, bon sang, calme-toi.

L'explosion de rage éclate quand le meuble cède en morceaux sous sa poigne. Il frappe un grand coup dans le miroir en hurlant sa fureur, s'ouvrant les phalanges sur les éclats de verre.

— Foutues divinités, maudit dragon, hurle-t-il.

Tous les appartements résonnent de hurlement dû aux tragédies que chacun a subies ces derniers jours. Méric retourne son mobilier, tapant encore et encore du poing sur les murs en devenant fou. Bastos défonce la porte des appartements de Draguir et lui assène un coup sur le crâne en empêchant son camarade de se faire plus de mal. En sombrant, le jeune fauconnier entend son collègue lui murmurer :

— S'il te plaît, j'ai promis à Gab de prendre soin de toi, ne viens pas tout gâcher, gronde-t-il.

Bastos dépose le jeune fauconnier sur son lit, puis repart en replaçant maladroitement la porte dans l'encadrement avant de passer à l'appartement voisin, où le battant se fait défoncer pour qu'il s'occupe du cas de Méric. La nuit ensoleillée paraîtra longue pour beaucoup d'entre eux face à la folie qui se propage dans les bâtiments. 


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