3 - Secret révélé
La brise couche l'herbe dans les plaines ondulantes, créant un ballet naturel sous le ciel azuré. Perché sur une colline non loin du point d'ancrage, le jeune homme observe chaque mouvement de Sophia. De son poste, il peut voir le lapin et la jeune fille converser un moment avant qu'elle ne se tourne vers le portail. Une vague de mélancolie le traverse lorsque son regard croise le sien, ancrant une étincelle de reconnaissance et d'inquiétude dans ses yeux.
L'étincelle balayant son regard procure un sentiment étrange, un mélange de frayeur et d'une émotion inconnue qui parcourt l'abdomen de Sophia. Elle détourne finalement le regard pour le poser sur Jojo, qui, loin d'être dupe, fixe le jeune homme avec méfiance. Sophia pose une main apaisante sur l'épaule du lapin avant de franchir le portail.
Un tourbillon de couleurs l'entoure alors, et elle profite de sa traversée pour observer les nuances chatoyantes qui l'enveloppent. Pendant un bref instant, elle se laisse bercer par les poussières dorées avant de se retrouver déposée délicatement sur un matelas douillet. Cela la surprend, car son premier passage a été bien plus brutal, et ce matelas n'était pas là à son départ.
En se redressant, elle aperçoit dans un coin de la cave une silhouette familière assise sur une chaise, feuilletant un journal. Les jambes croisées, papy Jean attend patiemment, tournant les pages avec une sérénité déconcertante. Il lève le nez et la fixe calmement, un sourire se dessinant sur son visage ridé.
— As-tu fait bon voyage, ma grande ? lance-t-il de sa voix posée.
— Heu... Mais comment sais-tu ... Je... Heu...
Incapable d'aligner une phrase, elle se contente de le regarder, cherchant à déchiffrer les secrets qu'il dissimule.
— Viens, je vais te préparer un bon chocolat chaud et nous pourrons parler de ce qui vient de se passer.
Il l'invite à le suivre jusqu'au salon. Sophia prend place sans quitter des yeux son grand-père, qui se dirige vers la cuisine pour faire chauffer du lait dans une vieille casserole. Il revient peu de temps après et dépose deux tasses fumantes sur la table. Chaque geste de papy Jean est épié par Sophia. Il paraît d'un calme olympien, trop calme à son goût. Comment peut-il rester serein après avoir vu sa petite-fille revenir d'un portail magique caché dans leur cave ? Mais papy Jean, lui, semble parfaitement à l'aise.
Il ancre son regard doux dans celui de Sophia et pose la question fatidique :
— Donc comme ça, tu as découvert le passage qui mène à Imaginarium ?
— Imaginarium ? lance-t-elle surprise.
— Oui, Imaginarium ! confirme-t-il d'une voix douce. Un monde parallèle dont j'ai fait la découverte lorsque j'étais jeune, ajoute-t-il le regard empli de malice.
La tasse entre ses mains, Sophia reste bouche bée. La curiosité brûle en elle, elle veut en savoir plus. Papy Jean, devinant l'avidité dans le regard de sa petite-fille, commence son récit :
— Quand j'avais à peu près ton âge, mes parents et moi vivions déjà dans cette maison transmise de génération en génération. L'époque n'était pas la même et la ville était moins grande. Nous jouions près de la rive avec mes camarades. Cependant, j'étais plutôt solitaire, j'aimais dessiner comme toi et arborais une imagination sans limites...
Il pose sa tasse et se joint les mains sur la table. Sophia, captivée, boit chaque parole tout en continuant de siroter son chocolat.
— Un jour, mes parents étaient partis en visite chez des amis. Pendant ce temps-là, je m'occupais à ranger la cave. D'un coup, j'ai vu une chose briller dans mon dos et former un cercle. Curieux de trouver ça dans la cave, je m'en suis approché et je l'ai traversé. Je me suis retrouvé dans une plaine toute verte où le vent s'amusait à coucher l'herbe sous mes pieds et où le soleil se reflétait, faisant contraster les nuances de jaune et de vert sur cette plaine. Le ciel arborait un bleu azure aussi magnifique que les plages des caraïbes, décrit-il, mais je pense ne pas recourir à te donner plus de détails, car tu l'as toi-même vue. lance-t-il d'un clin d'œil.
Sophia acquiesce, son sourire révélant qu'elle partage ce souvenir enchanteur.
— En avançant, continue-t-il, je suis arrivé devant une cabane en ruine. Sur le porche, un lapin coiffé d'un chapeau de paille baissé sur les yeux se balançait doucement sur un rocking-chair. je me suis avancé vers lui.
"Bonjour, je m'appelle Jean. Je viens d'arriver, puis-je vous demander où nous sommes ?
— Où sommes-nous ? répond le lapin interloqué. Où sommes-nous ? répété-t-il plus fort."
— J'étais abasourdi par sa véhémence et un soupçon d'indignation, se remémore-t-il en riant légèrement.
"Nous sommes ici et là, partout et ailleurs, nous sommes..."
Le lapin s'est mit dans une position tout à fait ridicule, un genou à terre, une patte sur les hanches et de l'autre pointant le ciel.
"Nous sommes dans la plaine de... Nous sommes dans la plaine de... "
Il commence sur un ton magistral.
"De ? demande Jean alors qu'il cherchait ses mots, le regard pensif.
— De... À vrai dire, cette plaine est sans nom, tout comme ce monde. Et toi, d'où viens-tu, mon grand ?"
— Pour le coup, j'étais sidéré. Ce lapin venait de me faire une mise en scène magistrale et a fini par une chute pittoresque. Je me suis donc présentée à lui du mieux que je pouvais.
"Je viens de ma cave, qui se situe dans ma maison sur la terre.
— Eh bien, mon grand, venant de sa cave, bienvenue nulle part, je me nomme Jojo lapino."
Sophia interrompt soudainement son grand-père, s'exclamant :
— Jojo ?
— Ah, je vois que tu as fait sa connaissance, il n'a pas dû prendre une ride comparée à moi, ricane-t-il.
"Après les présentations, Jojo m'expliquait que ce monde avait été créé il y a des millénaires, mais qu'il était dénué de sens. L'herbe restait verte, le ciel bleu, les plaines s'étendaient à perte de vue, ponctuées de collines. Il voyait parfois des voyageurs d'autres mondes traverser, mais ils ne s'arrêtaient jamais. Cela le rendait triste, car il souhaitait créer un refuge les accueillant. Cependant, il manquait de matériaux pour ce projet. Il voulait que cet endroit soit hors du commun pour qu'il puisse offrir l'hospitalité à d'innombrables personnes et créatures d'origines différentes. Je me suis donc proposé de l'aider, cependant il fallait que je rentre pour ne pas inquiéter mes parents s'ils étaient rentrés avant moi.
C'est là qu'il m'a rassuré en disant que le temps s'écoule différemment là-bas. Des heures passées ici équivalent à quelques minutes sur Terre."
Papy Jean se lève et récupère un carnet posé sur le buffet. Il l'ouvre, révélant des dessins de plaines, de forêts, de lacs, de montagnes. Au fur et à mesure que Sophia tourne les pages, elle découvre les magnifiques esquisses réalisées par son grand-père, révélant une passion commune.
— Je suis quand même rentré chez moi pour y récupérer quelques affaires, histoire de ne manquer de rien une fois là-bas. Mes parents sont rentrés et m'ont demandé ce que je voulais faire pour les vacances d'été qui approchaient. Je leur avais répondu que je partais deux semaines avec des copains, camper et voyager. L'époque n'étant pas la même, ils n'avaient rien contre, au contraire, ils étaient ravis que je profite de ma jeunesse entourée d'amis. Mais mes plans étaient tout autres, car je projetais de passer le maximum de temps nulle part. Mon départ à la base avait duré plusieurs heures dans ce monde et seulement quelques minutes dans le nôtre. Donc, cela me convenait pour aider mon nouvel ami dans ce projet gigantesque de créer un endroit pour accueillir tous ceux qui voudront y vivre.
Sophia tombe sur le croquis d'une maison. Elle remarque que les détails correspondent exactement à la bâtisse qu'elle a découverte en explorant Imaginarium, elle pointe du doigt le dessin et lui demande :
— Tu as construit cette demeure ?
— Bien sûr ! Mais ce que j'ignorais alors, c'est que l'imagination est une forme de magie dans ce monde.
" À mon retour, Jojo était enchanté de me voir. Il avait une multitude d'idées pour son projet. Ça fusait dans tous les sens. Pour l'aider à organiser ses pensées, je lui ai proposé de dessiner des croquis. Nous sommes montés sur une colline et je lui ai dit qu'au fond, je voyais comme une étendue d'eau qui refléterait des montagnes enneigées pour coupler la beauté de la nature présente ici. Puis je me suis mis à dessiner aux crayons avec des couleurs, mais nous, nous attendions pas que la partie du paysage que j'avais dessiné allait prendre vie. On était ébahis de voir ce spectacle se former sous nos yeux . Tout ce que tu vois dans ce carnet a été créé dans ce monde, Pour l'aider à organiser ses pensées, je lui propose de dessiner des croquis."
— Mais il m'a parlé de gardiennes ! À quoi correspond cela ? Les as-tu créées aussi ?
Papy Jean baisse le regard, pensif. Il soupire en refermant son carnet, croise ses doigts dessus et annonce sérieusement :
— Avant d'en venir à ces gardiennes, sache une chose : ce monde, à l'origine, n'était qu'une plaine calme et sereine. Il n'y avait qu'une âme pour l'occuper.
Sophia devine sans mal qu'il mentionne Jojo.
— Avec mon arrivée et mes idées, on a agrandi ce lieu en un paysage magique et féerique. Mais à chaque nouvel ajout, un élément contraire apparaissait. Par exemple : si je rajoutais une forêt, un désert s'étendait plus loin. Si je dessinais des montagnes, une faille éventrait la terre, librant le magma. Pour protéger cet endroit, Jojo et moi avions dû nous approprier les éléments qui composent cet univers. Ainsi, aux quatre coins d'Imaginarium, sont nées les gardiennes. Elles possédaient chacune sa chambre au refuge, s'alliant avec leurs éléments.
Papy Jean marque une pause, le regard empli de souvenirs douloureux.
— Un jour, l'une d'entre elles a quitté ce monde. Ce fut un jour funeste.
Il soupire, peiné par ce souvenir, avant de reprendre.
— Nous ignorions ce qui s'était passé. Les pouvoirs se sont dispersés. Quelques gardiennes sont restées auprès de Jojo, mais je ne sais pas si elles y sont encore. Les deux semaines où j'étais censé camper, je les ai passées là-bas. Une fois rentré chez moi, la porte avait disparu. C'était comme si la magie liant nos mondes s'était brisée. Parfois, des informations me parvenaient dans mes rêves. Cependant, ils vivaient en paix malgré l'absence des gardiennes. Il m'a fallu plus de soixante ans pour qu'un événement attire de nouveau mon attention sur ce monde. Mais pour eux, des centaines d'années s'étaient écoulées. Je ne pouvais plus y retourner, ma vie avait changé. J'ai rencontré ta grand-mère, fondé une famille. Je ne suis plus tout jeune. C'est pourquoi les choses ont évolué depuis ta naissance. Tu es...
Il hésite, pesant ses mots. Sophia, impatiente, le fixe avec insistance.
— Plus ou moins destinée à rejoindre Imaginarium, conclut-il d'une voix grave et posée.
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