27 - Promesse tenue

Elias et Jackiel surveillent la demoiselle en établissant un plan pour tenter de contrôler le bijou qui orne le poignet de Sophia. Ils sont interrompus en entendant la jeune femme se réveiller en sursaut, reprenant son souffle qu'elle pensait avoir perdu.

Le cœur battant à tout rompre, elle tourne frénétiquement la tête de gauche à droite, serrant ses bses bras contre elle en sentant son corps trembler avec force.

— Eh, doucement la miss. Tu es en sécurité ici, tout va bien, rassure Elias.

Sophia tourne la tête vers le fauconnier aux katanas qui la regardent, soucieux. Ses gestes sont prudents, comme s'il avait affaire à une jument affolée. La jeune femme l'observe, l'expression vide, se remémorant tout ce qui s'est passé, et pose ses yeux sur le dragonnet profondément endormi. Un soupir de soulagement s'échappe d'elle.

Inquiet de son état, Elias s'approche et s'assied aux côtés de Sophia :

— De quoi as-tu peur ?

La demoiselle pose un doigt sur sa bouche et lui fait des gestes démontrant que même si le dragon dort, ses oreilles sont aux aguets. Elle mime à la suite, d'un mouvement de poignet, une écriture. Sophia ne sent pas ses jambes, et ne peut donc pas se déplacer, donc elle demande à Elias une faveur pour qu'il ait un prétexte de se lever.

— Peux-tu m'apporter mon écharpe s'il te plaît ?

Il s'exécute et récupère le foulard sur la chaise, puis glisse sa main dans le sac de la demoiselle en y récupérant de quoi écrire. Après tout lui avoir donné, Sophia se bande le poignet du tissu et griffonne sur le papier qu'elle tend à la suite au fauconnier. Elias lit la liste de questions qui s'affiche sous ses yeux :

Est-ce que j'ai réussi ma projection pour sauver Gabriel, Bastos et Draguir ? Est-ce que je me suis battu contre une déesse ? Est-ce que tout le monde va bien ?

Il prend le crayon et montre à son tour ce qu'il a écrit à Sophia :

Je vais te répondre en code, alors suis bien.

Sophia hoche la tête. Jackiel lui tend une boisson chaude, qu'elle remercie sans croiser le regard de cet homme qui lui fait froid dans le dos. Malgré les réticences de la demoiselle, il sourit et fait signe d'écouter son camarade :

— La mission a été un succès. Nos trois garnements sont rentrés sains et saufs, mais ils ont dû affronter une tempête qui aurait pu leur être fatale si une lumière vive ne les avait pas guidées sur le bon chemin. Cette lumière a d'ailleurs dû s'éteindre, en mourant lentement dans les ténèbres.

D'un signe de tête, elle indique qu'elle comprend que sa projection a été menée avec succès, mais la partie qui annonce que la lumière a dû s'éteindre, la laisse perplexe. Elle a beau y réfléchir, elle ne sait pas à quoi cela peut correspondre. Ne voyant pas Evy réagir, Sophia demande inquiète :

— Où se trouve Draguir ? 

— Ivre mort dans son lit, répond Elias. Nous l'avons trouvé plus tôt dans la matinée sur un banc en train de cuver.

Elias se passe la main sur sa nuque, nerveux, et rajoute :

— C'est vraiment la première fois que je le vois dans cet état. Il a dû nous cacher certaines choses.

— Je vois.

Elle fait mine de baisser la tête, 

— Alors je vais le rejoindre.

— Tu es sûr que ça va aller ?

— Je vais y aller petit à petit. 

Sophia sourit pour ne pas les inquiéter. Puis, elle repousse la couette de ses jambes et les balance grâce à ses mains vers le vide. Lentement, elle se glisse sur le sol en sentant de la résistance. Elle compte dans sa tête avant de se lever et, suivie par le mouvement de tête d'Elias et Jackiel, s'étale de tout son long sur le sol.

— Jackiel va t'emmener, tu as perdu beaucoup de force sur ta dernière prestation, indique Elias en tentant de contenir son sérieux. Pour ma part, je vais prévenir les autres de ton réveil.

Sophia tente de se relever, mais finit par taper du poing sur le sol en admettant que ses jambes ne répondent plus. Jackiel s'approche et la soulève en la positionnant dans ses bras. Elle croise son regard inexpressif et baisse rapidement les yeux, gênée d'être aussi vulnérable.

Dans le calme, le fauconnier traverse les couloirs pour rejoindre les appartements de Draguir. Sophia profite de ce moment pour trier les brides de souvenir qui refont surface. Evy pensait qu'elle allait tout oublier, mais la puissance qui a coulé dans ses veines la fait encore frémir. L'excitation de se sentir aussi puissante a réveillé en elle une soif de recommencer.

Mais elle se gardera bien de le montrer aux autres. De plus, lors de leurs fuites et au travers de son esprit, elle a vu ces ailes noires se déployer dans le ciel orageux. Ces ombres se détachant du corps de son ami, aussi sombres que le désespoir. Elle ne saisit vraiment pas pourquoi le surnom de « mon ange » le dérange tellement. Car à Imaginarium, elle ne s'attendait pas du tout à en croiser un.

Pensive à tout cela, elle aurait aimé avoir la bande sonore pour accompagner les images qui percutent son cerveau. Elle se remémore la dernière phrase d'Elias sur la lumière et les ténèbres, et y réfléchit en regardant les murs défiler, la tête posée sur l'épaule de Jackiel qui reste dans un silence propre à son personnage.

Mentalement, elle se tape le front de la main en se rappelant que ce fauconnier à la particularité de ne jamais dire un mot. Elle glisse un regard sur la mâchoire carrée de l'homme et le remonte jusqu'aux clous plantés dans son crâne, reflétant sa peau chocolat. Sophia se demande vraiment qui peut s'infliger cela. Elle souhaite tout de même briser la glace en posant une question :

— Dis-moi, enfin, fais-moi un signe. Tu as toujours été muet ou c'est un choix de ta part ?

Jackiel s'arrête brusquement devant l'absurdité de la demande de la demoiselle et la fixe en plissant des yeux. Il remarque que la jeune femme se ratatine sous son regard, et en profite pour bien la maintenir avec son bras gauche avant de porter son doigt à la bouche en émettant un son peu commun produire un « chut ».

Les yeux ronds, Sophia le fixe en se pinçant les lèvres en entendant le timbre aigu de Jackiel. C'est comme s'il avait inhalé de l'hélium avant de parler. Le fauconnier secoue la tête devant la contenance de la demoiselle et reprend sa marche.

Il arrive devant la chambre de Draguir et pousse la porte. Sophia remarque que son ami dort dans son lit, pendant que Jackiel la dépose sur une chaise qu'il fait glisser près du lit. Il se retourne et attrape un papier où il griffonne une phrase qu'il tend ensuite à la demoiselle avant de s'éclipser de la chambre. Sophia porte son regard sur le mot et découvre avec effroi le message suivant :

« Pas un mot sur ce que tu as entendu, sinon je t'arrache la langue. »

Son teint se vide de toutes couleurs en la lisant et se promet de ne jamais révéler à qui que ce soit le petit secret de Jackiel, ni d'y faire allusion. D'ailleurs, pour éviter que ce morceau de papier tombe entre de mauvaises mains, elle le déchire en plusieurs bouts avant de le mettre dans sa bouche et de le mastiquer longuement. Une fois fini, elle recrache le papier humide dans sa main et le colle sous la chaise. Sophia s'affale sur le dossier en souriant d'un air idiot après avoir fait ça, alors que Draguir est plongé dans un profond sommeil en face d'elle.

Elle pose son regard sur lui et sourit en l'observant. La jeune femme décide de se glisser sur son lit en bataillant longtemps avec ses jambes inertes, et après un effort considérable, arrive à se hisser à ses côtés pour lui faire face. Elle effleure ses cheveux bruns qui lui retombent sur son front, étonnée qu'il ne se soit en aucun cas réveillé avec tout son raffut. Sa main glisse sur son visage, glissant avec légèreté sur la ligne de la mâchoire du fauconnier. Elle remarque que son souffle est profond et régulier, puis poursuit son chemin vers son cou en sentant la chaleur émaner de son corps. Un regard furtif vers ses épaules lui dévoile que Draguir est torse-nu, ce qui la fait momentanément rougir.

Mais une idée traverse son esprit, ce qui chasse sa gêne occasionnée, puis arbore un sourire sournois sur son visage. N'ayant vu aucune réaction avec ses agitations et sa tendre caresse, elle décide de profiter du moment pour essayer de le retourner et d'examiner son dos. Sophia veut en avoir le cœur net.

Draguir sent des mains glisser sous ses côtes, ce qui le tire de son sommeil. Il sent des pressions qui tentent de le retourner, une fois, deux fois, et qu'au bout de la troisième fois, la force de l'intrus arrive presque à ses fins. Rapidement, il attrape les poignets de la personne qui inspecte son dos et la fait basculer. Manque de chance pour Sophia qui avait presque réussi, elle tombe en arrière et se retrouve coincée, la tête en bas et les jambes en l'air, dans le seul espace qu'il y a entre le lit et le mur. Elle a eu le réflexe de mettre ses bras au-dessus de sa tête pour se réceptionner.

— Putain, mais qu'est-ce que tu fous ici ? grogne Draguir.

Le sang monte à la tête de Sophia et n'apprécie guère la réaction de son ami :

— Si tu m'aidais à remonter sur ton lit, je te le dirais, rétorque-t-elle sur le même ton.

— Sert toi de tes jambes, peste-t-il en faisant comprendre qu'il ne l'aidera pas.

— Elles ne répondent plus, beugle-t-elle le souffle coupé. Depuis mon réveil, je ne sens plus mes jambes !

Sophia n'entend pas de réponse et tremble de plus en plus pour ne pas lâcher sous la pression du poids de son corps qui pèse sur ses bras. Après une attente interminable, elle se sent tirée de ce piège par les pieds, puis allongée sur le lit, elle reprend sa respiration en le regardant. Il a profité de ce grand moment de gêne pour enfiler un t-shirt avant de la sortir de cette position.

— J'écoute, qu'essayais-tu de faire à l'instant ?

Sophia ne pensait pas qu'il était possible de voir Draguir fou de rage. Elle l'avait déjà vu plus ou moins énervé, mais là, ça dépasse tout entendement. Son regard a complètement viré au noir, alors qu'il est positionné au-dessus d'elle. Sophia est terrifiée et ne sais pas quoi lui dire, ou par quoi commencer. Tout ce qu'elle souhaite, c'est de se terrer dans un trou de souris et de ne pas en ressortir.

— Parle, maudit dragon ! hurle-t-il en éclatant son poing contre le mur à côté de sa tête.

Les mains de la demoiselle se placent sur sa bouche en bloquant un cri de frayeur. Une larme roule sur sa joue, alors qu'elle le fixe de peur qu'il la frappe. Tétanisée par la fureur qui transperce les pores du fauconnier, son corps redouble de tremblement, et la pétrifie de tout mouvement, en se répétant dans sa tête que jamais elle ne renouvellerait cette expérience.

Devant la réaction de la jeune femme, Draguir plisse les yeux et la scrute un instant. Il se penche rapidement sur elle, et pose son pouce sur sa joue pour y essuyer la larme qui s'écoule lentement. Il ferme les yeux et soupire un grand coup :

— Excuse-moi, je croyais que c'était quelqu'un d'autre, tente-t-il d'expliquer sur un ton se voulant calme.

Sophia ne veut plus être ici, et souhaite au plus vite partir. Le sentiment de ne pas être la bienvenue l'étreint de plus en plus, mais ses jambes refusent catégoriquement de bouger et lui posent un sérieux problème de déplacement.

Face à son mutisme, Draguir tente de se saisir du poignet de Sophia, mais la demoiselle ne connaît pas ses intentions et reconnecte rapidement les cellules nerveuses de son cerveau, en envoyant des signaux de détresse à son corps qui réagit instinctivement.

Il n'a pas le temps d'esquiver, que la force de la gifle lui fait décaler la tête. Sa main masse l'endroit rougi et marqué de la main de Sophia qui reste encore en suspens. Draguir penche la tête et oriente lentement son regard vers la demoiselle avec un air de prédateur. Prudemment, il se hisse à l'oreille de sa sauvageonne et lui glisse d'une voix menaçante :

— Il me semble que tu ne peux t'enfuir. Tu es à ma merci ! Et, tu vas regretter ce geste avec l'une de mes tortures favorites.

Sophia écarquille les yeux, tandis que Draguir glisse avec une lenteur précise sa main sous le t-shirt de la demoiselle et s'arrête au niveau de ses côtes. D'un coup d'œil vers sa proie, il se met à la chatouiller tout en lui maintenant les poignets de son autre main. Elle se tortille sous lui en tentant vainement de se retenir de rire. Cependant, c'est un échec quand elle se met à se bidonner comme une enfant en le suppliant d'arrêter.

— Ça me fait plaisir d'entendre ton rire, annonce-t-il en se relevant.

— J'aurais préféré rire dans d'autres circonstances, rétorque-t-elle en reprenant mon souffle.

— C'est exact ! Bon, tu vas enfin me dire pourquoi tu essayais de me retourner tout à l'heure ou dois-je de nouveau employer la force des chatouilles ?

— Je vais te le dire si tu me promets de me dire ce qu'il s'est passé à notre retour.

— Ok, soupire-t-il, je vais te redonner de la force à tes jambes pendant que tu m'expliques. Ne bouge surtout pas et ferme les yeux.

Elle acquiesce et cale sa tête contre la tête du lit. Draguir palpe les jambes de Sophia en lui envoyant un flot d'énergie. Elle accueille la chaleur qui se déploie dans ses muscles avant de se lancer dans son explication :

— Je voulais étudier ton dos, plus particulièrement, voire tes ailes...

Le fauconnier se crispe sur les cuisses de la demoiselle en regardant dans le vide.

— Comment tu sais ? demande-t-il tendu.

— Je me souviens de tout ce qu'il s'est passé avant mon évanouissement, répond-elle en haussant les épaules. Je n'entendais rien sur les échanges verbaux, mais j'ai des images qui font surface. L'une d'entre elles, te montre avec d'énormes ailes noires qui se déployaient dans ton dos pendant que nous nous échappions. Après, c'est le trou noir.

Elle ouvre les yeux et observe la réaction du fauconnier. Il est figé sur ses jambes, respirant trop lentement au goût de la demoiselle, fixant un point invisible. Elle se redresse et s'approche de lui en lui prenant la main.

— Ne te force pas à m'expliquer si tu n'en as pas envie, dit-elle pour le rassurer en ajoutant, je n'en parlerai à personne, d'accord.

Il lève la tête et la regarde intensément :

— Ne le dis surtout pas. Oublie-les. Ces ailes sont une malédiction, ma malédiction ! Tu ne dois en aucun cas les revoir ou même y penser. Je me force à les cacher depuis que j'en ai conscience, et ça, depuis que je suis gamin. Même mon maître ne le sait pas. Personne ne touche à mon dos. Et, je refuse catégoriquement que l'on m'appelle avec le surnom débile que tu m'as affublé, hurle-t-il crescendo.

— Très bien, très bien, ne t'énerve pas. Tu voulais savoir maintenant, c'est dit.

Elle lève  les mains en signe de reddition avant de demander, à ton tour :

— Pourquoi m'as-tu pris pour un dragon ?

Draguir fait faire des mouvements aux jambes de Sophia, en lui expliquant ce qu'il s'était passé quand il a pu retourner à la caverne. L'arrêt cardiaque de la demoiselle, sa réanimation, la possession du dragon dans son corps et l'échange tendu entre lui et Evy. Sophia l'écoute attentivement, écarquillant les yeux choqués sur certains passages.

— Tu n'apprécies pas mon petit animal ? demande-t-elle ironiquement.

— Petit, petit, c'est un euphémisme ! Il n'a pas voulu me révéler son nom. Et, en plus, il ose me menacer, rétorque-t-il.

— Il est juste un peu protecteur. Je suis sûr qu'il changera d'avis.

Il souffle face l'affirmation de Sophia :

— D'ailleurs, il avait un message pour toi.

— Je t'écoute ?

— Accomplis ta promesse. Je ne sais pas ce qu'il voulait dire, mais cela m'avait l'air important.

Sophia se rend compte que le dragon n'a pas perdu du temps pour la rappeler à l'ordre, et de quelle que soit la manière. Draguir la voit plonger dans ses pensées, il interpelle sa sauvageonne en claquant des doigts :

— Tes jambes vont mieux. Lève-toi.

Sophia s'assied précautionneusement au bord du lit, et lentement elle se lève. Tenir debout est déjà un exploit, mais elle doit s'entraîner avant d'entamer sa course. Elle se met à marcher de long en large dans la chambre, reprenant toute la motricité de ses jambes. Elle s'approche de la porte et commence d'abaisser la poignée.

— Que fais-tu ? interroge Draguir perplexe.

— Tenir ce que j'ai promis, et ne m'arrête pas.

La porte s'ouvre violemment, laissant franchir la demoiselle qui part en trombe dans les couloirs. Elle entend Draguir l'appeler, mais ses jambes ayant retrouvé leurs vitalités, l'emporte dans sa course. Sophia tente un regard en arrière et aperçoit Draguir qui l'a prise en chasse. Sans crier gare, au moment où elle se retourne, elle percute le torse d'une personne et atterrit sur les fesses.

— Il faut regarder devant toi la miss. Pourquoi cours-tu comme ça ? demande Astos.

Merde, manquait plus que lui, comment je vais faire pour le contourner.

— Astos, je ne sais pas ce qu'elle a. En revanche, il faut que l'on sache pourquoi une promesse ne peut pas être arrêtée, explique Draguir en arrivant à sa hauteur.

Double merde, décidément ! Sophia se relève et époussette son jean.

— Je viens à peine de te redonner de la force à tes jambes ! Si tu les épuises, tu vas tomber, gronde Draguir.

— Je n'ai pas d'ordre à recevoir, s'exaspère-t-elle.

— Ta promesse peut attendre ! Tu vas nous dire ce que c'est et tout de suite, rétorque-t-il en haussant le ton.

— Quelle promesse ? demande Astos largué.

— Elle a fait une promesse à son dragon. C'est ce que j'essaie de savoir, mais elle est partie comme une dératée, et la manière dont elle s'y est prise me paraît fortement louche.

— Cela regarde seulement moi ! hurle-t-elle à présent. Pour une fois, vous ne pouvez pas me laisser faire ce que j'ai à faire ?

— Quand tu te trouves ici, non ! réplique sévèrement Astos.

Sophia découvre enfin le vrai visage du propriétaire et le fusille du regard. Le tapage de leurs disputes, rameute l'ensemble de leurs compagnons autour d'eux, augmentant les messes basses qui se dévoilent.

— Sérieusement, c'est quoi votre problème avec moi ? Hein ? critique-t-elle soudainement. La moitié de vous tous me brident et me cachent plein de choses. Alors que les autres me forment et me font confiance dans mes aptitudes ! Un moment, il va falloir vous mettre d'accord.

— Ce n'est pas en toi que nous n'avons pas confiance Sophia, mais en ton bracelet qui orne ton poignet, répond Jojo.

Elle se tourne vers lui et cingle :

— Tu as enfin décidé de m'adresser la parole ! Car depuis que je t'ai prévenu suite à la conversation avec mon grand-père, tu m'évites comme la peste.

Jojo écarquille des yeux, il n'avait pas vu venir cette vérité.

— Ne t'en prends pas à Jojo, peste Luka, tout ce qu'il fait, c'est pour te protéger.

— Et bien sûr, vous avez plus confiance en Guénaël qui demeure un demi-dieu, qui ne contrôle pas ses pouvoirs, plutôt qu'à moi en me laissant dans le flou ! insinue-t-elle sur sa lancée.

Elle se retourne vers l'intéressé et ajoute :

— Ne le prend pas mal.

— Oh, t'inquiètes pas, réponds calmement Guénaël, mais c'est toi qui parles ou c'est Evy ?

— Qui est Evy ? demande Luka.

Guénaël plaque sa main sur la bouche en s'apercevant qu'il vient de faire une bourde. Draguir, lui, fronce les sourcils comprenant tout de suite de qui il s'agit, puis crache avec dédain :

— C'est le nom de son dragon.

L'étau se resserre autour de Sophia avec la révélation qui plane autour de son bijou. Presque tout le groupe échange sur le nouveau sujet de discussion la concernant, ce qui pourrait lui permettre de s'éclipser sous leurs yeux, mais c'est sans compter sur Draguir qui ne la quitte pas d'une semelle. Une idée traverse l'esprit de Sophia, elle attrape la main du fauconnier et se met à courir aussi vite qu'elle le peut :

— Tu veux savoir ma promesse ? Alors suis-moi et ne discute pas, lance-t-elle en courant vers le hall de la caverne.

Un temps trop tard, le groupe se met à les poursuivre en les interpellant. Luka et Leah se transforment et rattrapent rapidement les deux amis en les dépassant et leur barrant la route.

— Fait chier, soupire-t-elle haletante.

— Bon, je n'y vois pas trente-six mille façons, dis-moi ton objectif et on y va, annonce Draguir.

— Bassin, plongeons.

Draguir hoche la tête, et tire Sophia contre lui. La demoiselle se retrouve bloquée, ne pouvant plus bouger, alors que le fauconnier lui glisse à l'oreille :

— Fais-moi confiance.

Il s'arrête devant les loups, tandis que le bassin est derrière eux. Les autres se rapprochent dans leurs dos, laissant le temps à Draguir de se concentrer sur son objectif. Sans prévenir la demoiselle, il s'éclipse avec elle dans les bras et atterrissent juste au bord du bassin.

— Non, il ne faut pas ! C'est interdit, crie Astos au loin.

— Vas-y plonge, presse Draguir, je les retiens.

Sophia acquiesce et défait le foulard de son bras. Sans perdre plus de temps, elle plonge en avant dans l'eau et nage en se dirigeant vers le fond. Evy s'éveille et sourit à la demoiselle qui s'enfonce plus profondément dans la cavité, en manquant de plus en plus de souffles.

Elle ne remonte pas pour autant quand elle aperçoit enfin une petite lueur, scintiller quelques mètres plus loin. La jeune femme redouble d'efforts et arrive au niveau d'une sphère où une graine apparaît en son sein avec la silhouette d'une femme gravée dessus.

Evy s'allonge vers la sphère et attaque l'objet en sortant ses ailes et ses griffes. L'assaut du dragon est pressant, féroce et tenace. Sa détermination se paye quand la sphère se brise en morceaux, libérant la graine dans les profondeurs de la cavitée. Sous les dernières bulles d'oxygène et les yeux ébahis de Sophia, un tronc gigantesque jaillit en poussant ses branches dans les parois du bassin et enfonçant ses racines dans le sol. Sophia se fait attraper par une branche qui la maintient fermement en continuant son ascension.

Le sol tremblant de plus en plus, chacun tente de se tenir à quelque chose. Mais leur surprise est telle quand un arbre apparaît hors de la surface de l'eau, déployant ses branches dans la voûte de la caverne. Une multitude de bourgeons apparaissent, faisant éclore le feuillage et les fleurs un à un. Sous leur regard incrédule, ils aperçoivent Sophia sortir de l'eau emprisonnée dans des branchages.

Elle découvre, estomaquée, l'arbre devenir majestueux, ressemblant à celui qu'elle avait vu sur l'îlot près de chez elle. Le tronc se modifie sous ses yeux, laissant apparaître une coquille transparente fait de sève. La branche se pose sur le sol et la libère, elle ne perd pas de temps avant de se lever et de se diriger vers la coquille. Un pont se forme sous ses pieds à mesure qu'elle avance pour l'aider à parvenir à destination. Arrivée devant la paroi translucide, elle s'arrête d'un coup, son cœur battant la chamade.

— Merci Evy de m'avoir demandé de plonger ! J'aurais dû le faire plus tôt, annonce-t-elle à l'intention du dragon.

Celui-ci grogne d'approbation, tandis qu'elle approche doucement la main pour la poser contre la paroi de sève. Elle se met à craqueler sous son toucher, et se brise en les laissant tous complètement abasourdis par la vision se présentant devant eux.

— Herba ! Souffle Sophia.

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