24- Duel

Un calme serein règne dans la caverne où chacun se repose dans ses appartements. Les premières lueurs de l'aube colorent le ciel d'un rose pâle, et cette lumière traverse le puits pour éclairer les parois bleues de la chambre de Sophia avec ses reflets.

Sa main caresse la douceur des fourrures, emmitouflée dedans, alors que son sommeil réparateur la laisse s'éveiller doucement. Elle se frotte les yeux dans un bâillement et découvre en les ouvrant que son sac a été accroché à l'une des deux chaises en bois clair entourant une table ronde de la même teinte.

Elle se lève, récupère des affaires et se dirige vers le coin d'eau que Bastos lui avait indiqué la veille. Difficile à repérer si elle n'y fait pas attention, car celui-ci est dissimulé dans la paroi. Elle y découvre un pommeau dans un renfoncement creusé dans la pierre et une vasque ovale taillée dans la même roche. Le miroir au-dessus du lavabo a été sculpté dans la glace et poli pour une meilleure netteté.

Sophia dépose ses habits au coin de la vasque avant de se diriger sous la douche. Doucement, elle tend sa main pour rencontrer le jet, s'attendant à ce qu'il soit glacé, mais au contraire, l'eau qui s'écoule sur ses doigts est d'une chaleur exquise. En retirant son t-shirt, elle remarque dans le miroir que les écailles recouvrent de nouveau la totalité de son bras.

La demoiselle émet un profond soupir en effleurant cette partie rugueuse et irrégulière avec sa main. Elle s'appuie sur le meuble et s'approche du miroir pour inspecter la couleur de ses iris. Le halo doré est plus marqué que d'habitude, se diffusant dans un vert tirant sur l'absinthe. Elle se recule, puis lève son poignet et gratouille la tête du dragon :

— Evy ? appelle-t-elle d'une voix douce, est-ce que je conserverais cette apparence après la fusion ?

Les premières lettres apparaissent sur son avant-bras.

"Non, c'est un effet secondaire. Cela s'estompera tout seul lorsque ton corps m'aura entièrement absorbé... Normalement."

— Le normalement me dérange un peu quand même, réplique-t-elle face à la fin de sa phrase.

Un autre soupir s'échappe, mais comme elle est seule, elle peut en profiter pour en apprendre davantage sur son lien avec ce bijou :

— Pourquoi sur le bateau mes écailles ont disparu ?

"Je pense que c'est le fait que tu es vidé ton esprit. La colère que tu éprouvais au fond de toi, se répercutait sur moi. Il y a eu un effet boomerang sans fin, car plus tu ressens de la haine, plus cela m'énerve. Quand la musique que tu as écoutée s'est imprégnée en toi, cela a apaisé ton âme et à permis de calmer ma colère."

— Ah ? Pourquoi étais-tu en colère ?

"Je perçois tes émotions. Quand elles me parviennent, je te les rediffuse dans tes veines. Par contre, cela les amplifie. Mais ce n'est pas sans risque, car on se renvoie les émotions dans un cycle interminable jusqu'à ce que ton esprit ne le supporte plus."

Sophia fronce les sourcils, ne comprenant pas là où il veut en venir. Evy se redresse sur son poignet et la fixe intensément.

"Un exemple : dans la ville de Cascalaris, quand tu as perdu le contrôle, tu as temporairement perdu la mémoire. Ceci a été un effet secondaire de ton état. Tes émotions avaient atteint son paroxysme, donc ton esprit s'est verrouillé afin de te protéger d'un traumatisme. "

— Je ne comprends toujours pas, souffle-t-elle perdu.

Il hoche la tête, compréhensif en ajoutant :

"Ça viendra."

Sophia laisse retomber son bras le long de son corps, se déshabille et se glisse sous le jet d'eau, accueillant la chaleur qui se déverse sur ses épaules. Evy se tortille de nouveau, faisant apparaître de nouvelles lettres :

" As-tu la possibilité de mettre plus chaud ? "

Perplexe, elle fixe Evy alors que son corps ondule d'impatience, attendant la réponse à sa requête. Sophia pousse le mitigeur à son maximum, puis hurle en sentant l'eau l'ébouillanter. Elle garde le plus longtemps possible son poignet sous le jet en crispant les dents, tandis qu'Evy sort ses petites ailes et frissonne au contact de la chaleur. Il danse en se redressant, se tournant vers la demoiselle.

"Merci, cela me fait du bien. Même si je suis habitué à plus chaud que ça. "

Après quelques minutes à laisser le dragon profiter de la chaleur, Sophia sort de la douche aussi rouge qu'une écrevisse. Elle ouvre la porte après s'être rhabillée et longe le tunnel en se bagarrant avec le bouton de son gant. Elle ne souhaite pas particulièrement que les autres voient que ses écailles sont revenues. De plus, sa communication avec son bijou reste encore un mystère qu'elle partage uniquement avec Guénaël et elle n'a pas envie de se retrouver enfermée.

Déjà qu'ils me prennent pour un danger public, on va éviter d'en rajouter. songe-t-elle.

La galerie débouche sur la pièce centrale où la cascade continue de s'écouler dans un fond sonore serein. Une pièce attenante ressort en relief de la roche, où diverses armes sont entreposées sur un mur. Le sol est fait d'un dallage en bois, ressemblant à un plateau d'échiquier. Quant au mur du fond, il contient de longs bâtons et une rangée d'épées.

Juste à côté, une salle similaire s'y trouve où Elias réalise des figures techniques avec son katana. Il se concentre à couper des feuilles qui voltigent autour de lui, ses longs cheveux détachés dansant avec ses mouvements souples et fermes. Sophia l'observe, appuyée contre le bâti, les bras croisés.

Elle pense qu'il n'a pas remarqué sa présence, mais se ravise en voyant le katana se figer en l'air. Elias disparaît sous son regard abasourdi. Elle regarde partout dans la salle, quand un courant d'air souffle dans son dos, la faisant sursauter de frayeur :

— Mais ça ne va pas la tête, crie-t-elle dans les aigus.

Elias sourit, fier de sa blague devant Sophia qui tente de reprendre son souffle en se tenant le cœur.

— Il me semble que tu me devais un duel ? s'enquiert-il la voix pleine d'excitation.

— Heu... Je devais retrouver Bastos, répond-elle gênée. Il m'avait dit de les rejoindre une fois réveillé.

— Ils sont absents, tranche-t-il avec inquiétude.

Sophia le regarde perplexe en fronçant les sourcils. Elle ne souhaite pas particulièrement se mesurer à un spécialiste des arts martiaux. Elias s'avance dans la salle en riant aux éclats.

Moi qui pensais qu'il était le plus sage de tous, je me suis fourrée le doigt dans l'œil.

Le fauconnier se retourne et explique ce qu'il s'est passé durant son sommeil :

— Aux aurores, Bastos, Draguir et Gabriel sont partis en mission de reconnaissance. Astos et Jojo sont dans leurs bureaux pour établir la suite des évènements. Leah et Guénaël sont avec Jackiel en faisant un inventaire des provisions, quant à Luka, lui, il dort encore comme un gros bébé. Il ne reste plus que toi et moi et c'est le moment idéal pour s'entraîner.

— Mais tu vas m'écraser !

Elias s'éclipse et revient avec deux bâtons striés de couleurs similaires à ceux de Méric. Il en jette un dans les bras de Sophia, qui le rattrape de justesse, avant de se positionner au milieu de la pièce et de l'inviter à le rejoindre d'un geste de la main.

— Voyons voir ce que tu vaux désormais.

Il fait tourner son bâton entre ses doigts et commence d'attaquer sans demander à son adversaire s'il est prêt. Sophia l'esquive en se penchant en arrière, apercevant avec lenteur l'arme lui frôler le nez.

Mais il lui manque une case ?

— Pas mal ! s'exclame-t-il en bloquant son bâton derrière son dos. Mais je veux te voir te battre ! Montre-moi ce que tu as fait sur le bateau.

— Ce n'était pas pareil ! proteste-t-elle en esquivant une attaque. À ce moment-là, j'écoutais de la musique pour me vider l'esprit, rajoute-t-elle essoufflée, c'est ce qui s'appelle danser !

Sur cette dernière phrase, elle saute à temps en prenant appui sur son arme, sentant siffler le bâton d'Elias sous ses pieds. Il arrête ses mouvements et prend appui sur son bâton. Il indique d'un air taquin :

— Draguir m'a dit que vous vous êtes battu et qu'il t'avait vaincu facilement.

Voyant le rouge monter aux joues de Sophia, Elias se redresse en prenant un air sérieux et lui fait une proposition :

— Nous allons faire deux duels. En premier, je vais te laisser m'attaquer pendant dix minutes. Si tu me touches, je te raconterai comment je suis arrivé ici à Imaginarium.

La gêne s'évapore, laissant place à la curiosité. Elias noue ses cheveux en une longue queue de cheval, puis se dirige vers le fond de la pièce pour y déposer son katana et son bâton. Pendant qu'il a le dos tourné, Sophia inspecte l'intérieur de son avant-bras. Entendant sa question silencieuse, Evy ne tarde pas à y répondre :

"Je ne t'aiderai pas. Je veux également voir comment tu te débrouilles quand je n'interviens pas... Et, un conseil, vide-toi la tête."

 — Lâcheur ! bougonne-t-elle.

Sophia relève la tête, stressée, ne sachant pas comment elle va se vider l'esprit devant Elias, qui revient vers elle, sérieux :

— Vas-y et envoi tout ce que tu as.

Sophia tend le bâton devant elle, se mettant en position, peu sûre d'elle. Elle inspire profondément pour rassembler son courage, puis se met à courir vers Elias en hurlant. L'arme se lève pour le frapper, mais il se penche en avant et esquive habilement son attaque. Elle réitère l'opération plusieurs fois, de gauche à droite, de droite à gauche, essayant des mouvements circulaires, mais s'agace de le voir esquiver chaque attaque.

— Ça fait cinq minutes et tu es déjà essoufflée, ricane-t-il.

Sophia le regarde en colère, haletant comme un bœuf, les poumons en feu.

— Bon, je crois que tu as perdu, commence-t-il d'une voix traînante, je vais mettre un terme...

— Attends ! 

Elle lève la main en avant, et tente de reprendre sa respiration.

— Tu as dit que j'avais... dix minutes... et tu veux que... je déclare... forfait au bout de cinq... minutes ?

Les bras croisés, Elias la regarde songeur. Pour lui, il ne sert à rien de poursuivre le combat, mais il s'incline devant la détermination de la jeune femme. Elle se redresse, se maintenant le dos, et le fixe dans les yeux, un sourire provocant aux lèvres :

— Je veux expérimenter quelque chose, on reprend et je ferais tout pour te toucher.

Un rictus se dessine sur le visage d'Elias. Il se penche en avant et dit :

— Très bien, j'accepte.

Elle acquiesce puis ferme les yeux, essayant de se vider l'esprit au maximum. Les battements de son cœur résonnent dans ses tempes. L'air d'une mélodie se faufile dans son système nerveux, ses muscles se contractant au rythme du tempo. Ses bras se tendent, tandis que son corps adopte une posture de combat, jambes fléchies, bâton tenu à deux mains levé sur le côté, le torse de profil.

— Il ne te reste que deux minutes, indique Elias au loin.

Les yeux de Sophia s'ouvrent instantanément, et elle s'élance en tentant de le frapper sur le flanc gauche. Il parvient une fois de plus à esquiver, mais de justesse, ce qui n'échappe pas à la demoiselle. Ne relâchant pas ses efforts, elle renouvelle son attaque en visant la tête. Déstabilisé par la rapidité que la jeune femme vient d'acquérir, Elias pare l'attaque une seconde avant que l'arme ne s'écrase sur son front.

— Pas mal ! complimente-t-il impressionné. Malheureusement, le temps est dépassé. Mais je voulais vraiment voir ce que tu avais dans le ventre.

Il se redresse et lève le doigt pour faire une remarque :

— Or, ta concentration doit être immédiate ! Il t'a fallu perdre trois minutes pour te vider la tête et m'attaquer.

Il affiche un rictus, en voyant Sophia soupirer de sa défaite. Ses yeux bleus cristallins se voilent d'une nuit sombre et menaçante. Sa posture se relâche, tandis qu'il tourne son cou pour faire craquer ses os :

— À mon tour maintenant ! annonce-t-il la voix rauque. Si tu arrives à parer mes attaques pendant cinq minutes, tu gagneras le pari.

— Cinq minutes seulement ? Pourquoi pas dix comme avec moi ? 

— Parce que tu ne tiendras même pas deux minutes, précise-t-il moqueur.

D'un signe de tête, il lui demande son accord pour attaquer. Elle adopte une posture défensive et acquiesce silencieusement à sa question. Elle le provoque du regard, lui souriant de façon à lui faire comprendre qu'il ne l'aura pas en deux minutes.

Elias s'accroupit devant elle en plaquant sa main au sol, puis disparaît en une fraction de seconde. Il observe Sophia tenter de se protéger derrière son bâton, tournant et retournant sur elle-même à sa recherche. Il remarque la sueur de la peur goutter sur le front de la jeune femme, tremblante de ne savoir où il va attaquer. Le fauconnier en profite pour dégager son aura menaçante qui se propage autour d'elle, crispant son corps effrayé. Il fonce sur elle et la frappe d'un grand coup dans le dos avec sa paume, la projetant au sol.

— Au temps pour moi, tu n'as pas tenu vingt secondes.

Elle se relève en rogne, une douleur lancinante dans le dos.

Il m'a prise à revers l'enfoiré !

— Si tu ne te bats pas à la loyale, évidemment, je perds, proteste-t-elle en crachant par terre un filet de sang.

— Au contraire, j'ai été loyale. Mais nos ennemis, eux, ne le sont pas. Et, il va vraiment falloir que tu t'entraînes au vu de tes lacunes.

Les jambes de Sophia flanchent sous elle alors qu'Elias se rapproche, passe un bras sous ses épaules pour la soutenir et lui sourit chaleureusement. Lorsqu'ils se retournent, ils aperçoivent avec stupéfaction Guénaël, Leah, Luka et Astos assis sur un banc en pierre, les regardant. Ils ont  aperçu la raclée que Sophia s'est prise. Elias rit aux éclats en se tenant le ventre :

— Ah ah ah, la prochaine fois, je vous fais payer l'entrée.

— Pas sans mon accord, grogne Astos.

Luka se rapproche d'eux et prend le relais en attrapant la demoiselle par les épaules alors qu'elle est encore un peu sonnée.

— Demain, aux aurores, je veux te voir prête pour ton entraînement, informe Elias avec sérieux.

Il se penche vers Sophia et lui chuchote à l'oreille :

— Je me réjouis que tu n'aies pas utilisé le pouvoir provenant de ton bracelet.

Sophia le regarde, surprise, sans savoir comment il l'a su. Le fauconnier se redresse et se tourne vers le reste du groupe :

— Leah ? C'est à ton tour, clame-t-il joyeux, les autres ne soyez pas jaloux, vous allez tous y passer !

La louve commence son combat avec Elias, tandis que Luka aide Sophia à s'asseoir sur un banc près de la source.

— Ta défense est à revoir, mais en tout cas, tu as bien attaqué, complimente-t-il.

— Merci, répond-elle en rougissant. Tu as bien dormi ? demande-t-elle en voulant changer de sujet.

— Comme un gros bébé ! Je viens de me réveiller, explique-t-il en s'étirant. Par contre, j'ai une faim de loup.

Sophia le regarde, étonnée par son expression, puis explose de rire. Luka la fixe, dubitatif, puis sourit en comprenant ce qu'il vient de dire. Guénaël et Astos les rejoignent, débattant sur le combat qui se passe dans la pièce d'à côté. Le propriétaire invite les jeunes à le suivre, leur indiquant qu'il y a un réfectoire pour se restaurer.

Astos pousse une porte épaisse après leur avoir fait traverser un dédale de couloirs. La pièce chaleureuse les accueille avec une cheminée en pierre grise trônant contre le mur du fond. Une immense table en bois massif se trouve au milieu, sous un lustre de glace sculpté en forme de flammes. Des bancs sont situés sous la table, pouvant accueillir une centaine de personnes.

Chacun prend place, tandis qu'Astos s'affaire en cuisine pour leur servir un bon repas chaud. Tout en sifflotant avec un torchon sur l'épaule, il sert quatre pintes de bière aux jeunes, et apporte un grand plateau avec plusieurs volailles, la chair craquante. Des légumes, présentés en forme de billes, marinent dans un jus brun. Les estomacs affamés, les jeunes se jettent sur le plat pour remplir leurs assiettes.

Pendant le repas, Luka et Guénaël se racontent des blagues en s'empiffrant comme des gorets, tandis que Sophia s'écarte d'eux, de peur de recevoir des projectiles de nourriture. Elle se rapproche d'Astos pour le questionner sur cet endroit.

— Jeune fille, ici, tu es dans le lieu secret des boucliers de givres, clame-t-il les yeux pétillants. Les protecteurs de ce pays, comme nous l'avons expliqué lors de la réunion.

— Oui, vous défendiez les villageois et les loups d'eux-mêmes, c'est bien ça ?

— C'est exact, sourit-il.

— Mais vous ne possédiez pas de maison où habiter ? 

Astos la regarde, songeur, puis soupire avant de se lever en direction d'une grosse armoire en bois brut. Il attrape un grand plateau en bois où plusieurs objets sont recouverts d'un tissu poussiéreux et le dépose sur la table avec un bruit de fracas. Les deux garçons cessent aussitôt leurs âneries et se tournent vers les objets que le propriétaire dévoile en retirant le tissu.

Le proprio attrape une énorme hache qu'il plante dans la table. La lame en acier vieilli se termine en crochet et l'ensemble est orné de gravures givrées. Le manche en bois massif est tressé avec des lanières en cuir qui se terminent sur un pommeau en argent, orné d'une tête de loup. Il dépose à côté un bouclier aussi blanc que la neige avec des filaments bleu turquoise se dessinant en spirale à chaque recoin. En son centre, un loup hurle à la pleine lune et une hache d'arme le croise en se tournant à son opposé.

— Comme expliqué, nous avons créé il y a maintenant cent quatre-vingt-dix ans cette communauté pour protéger les deux peuples de Blasqueen. Notre travail représentait un temps plein, nous ne pouvions pas nous permettre d'avoir une famille.

Astos sourit chaleureusement devant le regarde ahuri de Sophia :

— Tu as bien entendu. Je sais, je ne fais pas mon âge, s'esclaffe-t-il. Nous l'avons construit, grâce aux pouvoirs de Bastos et d'autres compagnons ce domaine. Il comprend un appartement privé pour chaque membre, la salle des repas, deux salles d'entraînement...

Il énumère chaque pièce de cette vaste caverne : des bureaux pour s'alterner sur les missions, une écurie pour leurs montures de tous genres, et bien plus encore. Astos raconte les anecdotes de l'époque où cette caverne accueillait les hommes du clan en son sein. Sophia sourit en écoutant l'histoire où l'un de leurs compagnons s'est retrouvé la tête bloquée dans la porte des écuries après avoir excité la monture fétiche du propriétaire, un ours des glaces.

Quant à Luka, il grimace quand Astos évoque le souvenir de Bastos revenant fièrement d'une bataille, aspirant à tuer un chef de meute. Son trophée se trouve maintenant au-dessus du lit du fauconnier, affiché avec fierté.

— Dis Astos ? Comment cela se fait que la cascade au centre de la pièce commune puisse s'écouler normalement ? interroge Sophia curieuse.

— C'était un cadeau de Loa avant de disparaître intégralement, répond-il la mine sombre. Grâce à son pouvoir de création, elle a pu faire naître ce ruisseau qui s'écoule maintenant à travers les falaises. Cela nous permet de nous procurer de l'eau potable.

— Si elle vient des falaises, elle ne doit pas être très chaude votre eau, taquine Luka.

Astos se lève brusquement en renversant le banc, et tape du poing sur la table en faisant sursauter les jeunes :

— Il est formellement interdit de se baigner dans cette eau ! Et même si vous essayez, vous serez repoussés avant même d'y avoir songé.

Son avertissement les surprend, et laisse un silence gênant s'installer dans le réfectoire.

— Bon, je crois que l'on a fait le tour les enfants, annonce-t-il plus calme. Faites comme chez vous, je dois retourner dans mon bureau.

Astos se dirige vers la porte et disparaît sans un mot de plus. Guénaël, transformé en chat par la peur, se défait des bras de Luka, dont le regard est perdu dans ses pensées. L'annonce a été tellement brutale que même faire un geste les tétanise.

— Bon, je crois que l'on va aller voir comment ça se passe pour Leah, indique Luka en brisant le silence pesant, tu viens avec nous ?

— Allez-y je vous rejoins après, je voudrais regarder de plus près ce bouclier.

Sophia sent Evy gigoter sous sa manchette depuis un moment. Elle attend que les garçons sortent de la pièce, en se dirigeant vers le bouclier, feignant de l'admirer. Une fois que le clic de la porte se referme, elle défait en vitesse le bouton à son poignet, retrousse la manchette et observe son bras.

" Tu devrais aller dans la cascade. "

— Non, mais tu es fou ? Astos vient de dire que c'est interdit. C'est hors de question, réplique-t-elle à voix basse de peur qu'on surprenne.

" Si ce n'est pas toi qui le décides, je le ferais à ta place. "

Sophia fronce les sourcils devant la phrase d'Evy, et tente de le rassurer :

— Pas maintenant ! Nous ignorons ce qu'il y a dedans. Je jetterai un œil quand je serai sûr d'être seul.

" Très bien, c'est toi qui vois, je voudrais les observer davantage. Mais ne tarde pas trop, d'accord ? "

D'un air entendu, Sophia remet sa manchette et quitte le réfectoire pour découvrir le reste de la caverne.

* * * 

Au nord de Blasqueen, un campement important de rabatteurs grouille d'activité. Non loin d'eux, cachés dans les broussailles enneigées, Gabriel, Bastos et Draguir les observent. Ils notent leurs positions, leur nombre et qui les dirige. Soudain, une tempête de neige surprend toutes les personnes présentes.

Ce phénomène n'est pas naturel, surtout lorsqu'un épais brouillard tombe sur le campement, arrachant des hurlements de terreur et des cris d'agonie. Les fauconniers font demi-tour pour s'échapper au plus vite de la zone dangereuse. Cependant, ils tombent nez à nez avec une déesse qui les assomme avant qu'ils n'aient le temps de réagir.



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