14 - Cinq jours

La chaleur du soleil réchauffe la peau de Sophia qui s'éveille en douceur. Elle contemple un plafond en roche noire qu'elle ne reconnaît pas. En se redressant d'un bond, elle remarque qu'elle n'est plus du tout à Cascalaris. La couverture rêche sous sa main arbore des griffures orange. Elle se lève et longe le mur de pierre jusqu'à une lucarne. La jeune femme découvre un paysage dévasté sous un soleil de plomb dans un ciel rouge orangé. Au loin, une montagne noire la fait frissonner.

— Tu peux me dire ce que tu fous là ?

Sophia sursaute en se retournant, portant la main à son cœur. Draguir se tient à l'encadrement d'une porte, les bras croisés sur son torse nu. L'eau ruisselle sur sa musculature et ses abdominaux. Il se délecte du regard de la jeune femme qui descend jusqu'à sa serviette noire, avant qu'elle ne redresse brusquement la tête, rougissant monstrueusement. Il affiche un sourire séducteur, le regard pétillant.

— On t'a coupé la langue ou tu préfères continuer à me reluquer ? demande-t-il sarcastique.

Sophia détourne le regard gênée. Elle ne sait pas quoi dire tant sa concentration est mise à rude épreuve.

— Où est-on ici ?

— Tu es dans mes appartements, et je te conseille vivement de te cacher sous mon lit et d'arrêter de respirer, presse-t-il à voix basse.

Sophia ne comprend pas son changement d'attitude soudain. Surtout quand Draguir se rapproche vivement d'elle en lui murmurant :

— Dépêche-toi, une personne arrive.

Elle regarde par-dessus son épaule et aperçoit une ombre passer à travers la lucarne. Sans hésiter, elle se plaque au sol sous le regard amusé de son hôte, puis roule sous le lit, le cœur battant la chamade. Draguir se dirige vers la porte et l'ouvre à son camarade.

— Comment s'est passée la mission ? 

— C'était un échec. Le maître est hors de lui, rétorque Méric.

Sophia reconnaît sans mal la voix de la deuxième personne. Elle penche lentement la tête sur le côté et distingue une porte coulisser. Grâce à la lumière extérieure, elle remarque que Méric est positionné contre le mur.

— Comment se passe l'entraînement des nouveaux rabatteurs ? 

— Bof, Keth va reprendre le relais. J'ai quelques missions qui m'attendent, mais je dois me reposer un peu avant, répond Draguir un peu irrité.

Ça, ça veut clairement dire : dégage, j'ai un truc sous mon lit qui m'encombre, pense Sophia en levant les yeux sur le sommier.

— D'accord, si tu as le temps passe voir Félix à l'infirmerie.

— Que s'est-il passé ?

— Il a été distrait par une fille que l'on avait jamais vue, et s'est fait broyer les côtes par les loups jumeaux, décrit vaguement Méric en ajoutant, elle a réussi à passer outre l'illusion d'Alex et à faire sortir Félix de ses gonds d'une pierre deux coups.

Draguir fronce des sourcils en apprenant cet état de fait. Quant à Sophia, elle jubile en silence sous le lit.

— Ils doivent bien être énervés les deux.

— Ne m'en parle pas, Félix s'est plaint sur tout le retour, promettant d'arracher la queue des loups et d'ensuite les dépecer, et Alex voulait absolument retourner dans les mines pour inventer de nouvelles tortures.

La jubilation de Sophia est de courte durée en entendant ses mots, et elle se glace d'effroi.

— Bon, je te laisse te reposer, salut Méric en partant.

La porte s'ouvre et se referme. Le grincement d'un battant se fait entendre, faisant disparaître la principale source de lumière. La pièce se retrouve dans le noir. Le craquement d'une allumette s'effrite, et les ombres dansent à la lueur d'une bougie allumée. Sophia tente de voir ce qui se passe autour d'elle. Elle se tortille et tourne la tête, distinguant une paire d'yeux noirs et dorés qui la fixent. Elle sursaute et se cogne la tête contre le sommier. Draguir émet un faible rire et attrape la jeune fille par le poignet pour l'extirper de sa cachette.

Elle tente vainement de se dégager de sa poigne, mais il la plaque contre le mur en immobilisant ses mains dans le dos. Sophia ressent la proximité du jeune homme, qui en a profité pour s'habiller avant de s'occuper d'elle. Son regard, passant du noir au doré, submerge celui de Sophia. Il sait qu'il la déstabilise et en joue. Elle essaie à nouveau de se défaire de son emprise, mais il renforce sa prise et attrape son visage de sa main libre, se rapprochant encore plus et bloquant toute issue de secours.

Le souffle saccadé et le cœur battant à mille à l'heure, Sophia se perd dans sa paralysie. Toutes ses tentatives d'évasion sont vouées à l'échec. Draguir relâche les mains de Sophia et les pose au creux de son dos, exerçant une pression pour la forcer à se coller à lui. Son autre main se déplace, frôlant la mâchoire de la demoiselle et lui envoyant une multitude de frissons, puis glisse dans sa nuque tout en observant ses réactions, avant de l'embrasser ardemment.

Le cœur de Sophia a plusieurs ratés avant de reprendre une course effrénée. Elle se laisse transporter, les yeux fermés, dans ce baiser avide. Elle sent la main de Draguir remonter le long de sa colonne vertébrale, électrisant tout son corps. Elle aimerait rester ainsi toute sa vie, mais finit par exercer une pression sur son torse pour qu'il s'arrête. Draguir reste près d'elle, le temps qu'elle reprenne ses esprits.

— Pour... Pourquoi ? balbutie-t-elle.

— Comme ça.

Il hausse les épaules, un sourire en coin et son regard rempli de désir.

— On n'embrasse pas les gens ... Comme ça ! exprime-t-elle en faisant des gestes exaspérés.

Il continue de sourire, mais son regard devient légèrement menaçant. Sophia ne saisit pas ce changement de comportement qui s'opère sous ses yeux, remarquant que le sourire se transforme en rictus.

— Tu dois partir, tu n'as rien à faire ici ! siffle-t-il.

Waouh, dédoublement de la personnalité, bonjour, que puis-je pour vous ?  pense-t-elle, surprise par son ton.

— Mais bordel, c'est quoi ton problème, dit-elle en haussant la voix. Tu réagis exactement comme dans le bois. Tu passes du mec en mode séduction pour passer par la suite au gros c...

Draguir plaque sa main sur la bouche de Sophia pour la faire taire, puis se place derrière elle en rapprochant son visage de son oreille :

— Arrête de crier, on n'est pas loin du repère de maître H, ici. T'as envie de faire rameuter tout le monde ?

Elle se fige en comprenant enfin qu'elle se trouve en territoire ennemi.

— Je te désire plus que tout. Je veux te revoir depuis que tu hantes mes rêves, mais dès que j'apparais, tu es dans des endroits improbables. Je veux te protéger, mais en même temps, tu es notre cible.

Il souffle dans la nuque de Sophia, la faisant frissonner à nouveau. Sa main est toujours posée sur sa bouche tandis que l'autre se place sur son ventre, la bloquant de tout mouvement. Il lui ordonne :

— Alors s'il te plaît, arrête d'apparaître ici. Je vais te renvoyer dans ton corps et je te retrouverai, ajoute-t-il comme une promesse.

Sophia ne comprend pas le sens de sa phrase. 

Comment ça, je ne suis plus dans mon corps ? songe-t-elle abasourdie.

Or, elle n'a pas le temps de creuser la question, qu'elle sent la pression des lèvres de Draguir dans son cou, électrisant son corps. Il profite de cet instant de bonheur pour élever sa main sur la poitrine de de la jeune femme et la propulse dans les abysses.

* * * 

Luka remarque que Sophia est agitée dans son sommeil. Il grimpe sur le lit et tente de la réveiller en douceur, mais ses efforts sont vains alors qu'elle semble gémir de peur. Un cauchemar doit l'effrayer, et le loup ne veut pas revivre ce qui s'est passé plus tôt. Il se met à califourchon sur la demoiselle et la secoue par les épaules. Elle se réveille brusquement, donnant un violent coup de tête à Luka qui se sent sonné un bref instant.

Sophia écarquille les yeux en reprenant ses esprits. Elle demande à Luka s'il va bien en se redressant sous lui. Cependant, il n'a pas le temps de répondre que la porte s'ouvre, révélant Guénaël, stupéfait par la scène. Il les pointe du doigt :

— Vous... Tu...

Il bégaye, mais gronde en plaquant ses mains sur ses hanches :

— Luka, tu n'as pas honte !

Le loup ouvre la bouche pour protester, mais se ravise quand sa sœur débarque en constatant les faits. Elle plaque sa main sur les yeux du jeune garçon et balance à son frère sans prêter attention à Sophia :

— Tu aurais pu nous dire qu'elle s'était réveillée avant de te jeter sur elle, lâche-t-elle sarcastique, t'es vraiment un pervers.

— Ce n'est pas ce que vous croyez, réplique-t-il la mâchoire serrée en fusillant sa sœur.

— Et que veux-tu que l'on croie quand on te voit à califourchon sur Sophia ! 

Sophia ne comprend pas l'échange animé entre les deux loups. Sans ménagement, Luka descend du lit et sort de la chambre en bousculant Leah au passage, disparaissant dans le couloir suivi du jeune garçon. L'étonnement se lit sur le visage de Sophia tandis que Leah soupire en se tenant le front.

La louve s'assied au pied du lit. La jeune femme remarque qu'elle garde ses distances.

— Ça va ?

— Mal à la tête et quelques courbatures, mais à part ça rien de trop important. Je suis restée inconsciente longtemps ?

Sophia se heurte à un silence glacial. Elle réitère sa question en demandant des nouvelles de ce qui s'est passé pendant son sommeil, mais Leah évite son regard en tournant la tête. L'agacement de rester dans le flou commence à étreindre Sophia. Chacun de ses trois compagnons réagit de manière excessive depuis son réveil. Elle se lève, envoie valser les draps et s'approche de son sac pour prendre des vêtements.

— Bon, quand vous aurez fini de me faire la tronche, vous m'appellerez ? Je vais prendre une douche, lance-t-elle en bougonnant.

Aucune réponse ne lui parvient. Elle se dirige vers la salle d'eau quand Luka l'interpelle :

— Attends.

Il se tient dans l'encadrement de la porte en tenant un tissu qu'il range dans la poche.

— Vous allez me dire ce qu'il se passe ? s'égosille Sophia, de plus en plus à cran.

— Ce n'est pas que l'on ne veut pas, mais... bafouille-t-il en se passant la main sur la nuque.

— Mais... Et où est Jojo ?

— Il n'est pas revenu !

Cette information intrigue la jeune femme. Elle tente de savoir d'où le doyen n'est pas revenu, mais à nouveau, aucun des deux loups ne lui révèle quoi que ce soit. Luka observe Sophia, qui serre les poings en se dirigeant vers la salle d'eau. Il voit sa sœur fureter du regard vers leur invitée, incertaine de ce qu'elle doit faire.

— Leah, accompagne-la, au cas où, demande son frère soucieux.

— Non ! Désolé, tranche-t-elle dans un souffle.

Elle se lève, se dirige vers la porte, se retourne et, sans croiser le regard étonné de Sophia, ajoute :

— Je ne suis pas assez forte. Je ne peux plus. Laisse Luka t'aider.

Ces simples phrases ont demandé un effort considérable à la louve, qui ne trouve plus le moyen de rester en présence de la jeune femme. Elle ferme la porte de la chambre derrière elle, sentant le poids de l'angoisse s'échapper.

Luka ressent les préoccupations de sa sœur, mais tente de les ignorer pour pouvoir s'occuper de Sophia, dont les épaules sont affaissées d'incrédulité. Il s'avance vers elle, dépose quelques outils et un bout de tissu sur la table, et souffle :

— Je t'accompagne dans la salle d'eau pendant que tu seras sous la douche, avant d'ajouter en voyant une protestation arriver, tu n'as pas ton mot à dire. Je t'expliquerai si tu me promets de ne pas hurler.

Son ton est devenu très sérieux. Sophia remarque que Luka la regarde avec prudence. Son regard si tendre la scrute sous toutes les coutures, comme s'il s'attendait à ce qu'elle lui saute à la gorge. Sa mâchoire se crispe au moindre mouvement et ses muscles sont tendus à l'extrême. Tous les sens du loup sont en alerte, ce qui ne rassure pas la jeune femme. Ne voulant pas le défier, elle accepte sa proposition.

Luka prend une chaise et la place dans la salle d'eau de façon à ce que le dossier soit dos à la cabine. Il invite Sophia à le rejoindre. Quand elle arrive, son corps se tend et elle se mord l'intérieur de la joue pour essayer de ne pas rompre sa promesse après seulement quelques minutes. Une profonde entaille recousue lui traverse l'arcade. Ses yeux, habituellement marron, sont presque entièrement recouverts de vert et d'or. Semblable à une ecchymose, elle remarque que des écailles remontent dans son cou jusqu'à la naissance de ses cheveux.

— Peux... Pourrais-tu m'aider ? murmure-t-elle en tirant sur son t-shirt.

Luka ferme la porte et se positionne derrière elle. Il se concentre en attrapant les pans de son vêtement, le soulevant lentement. Sophia frissonne en sentant les doigts du loup lui frôler la peau.

Arrivé au niveau de sa tête, Luka laisse volontairement le vêtement bander les yeux de Sophia et se penche à son oreille :

— Surtout, tiens ta promesse.

Il retire définitivement le t-shirt avant de se reculer. Les yeux de Sophia s'écarquillent d'effroi en découvrant l'état de son corps. Tout le côté droit, bras y compris, est recouvert d'écailles d'un vert sombre. Cela se propage sur son épaule jusqu'au nombril. Effrayée, elle se recule, une multitude de questions s'emparant de son esprit. Elle lève ses mains tremblantes devant son visage et constate que l'une est normale, tandis que l'autre est entièrement recouverte par ce revêtement vert dégradant au noir. Le bracelet argenté contraste avec sa nouvelle peau.

Luka observe sa réaction à travers le miroir et croise son regard angoissé lorsqu'elle relève la tête. Le choc est tel qu'elle recule jusqu'à buter contre son torse. La respiration de Sophia s'accélère de plus en plus. Elle veut se cacher, hurler, s'arracher la peau. Elle ne se reconnaît plus. Le cri qu'elle tente de retenir menace d'exploser à tout moment de sa gorge.

Voyant qu'elle devient de plus en plus hystérique, Luka attrape brutalement Sophia par les épaules et la dirige dans la cabine de douche. Il ressent le signal de sa sœur lui indiquant que la voie est libre et ne perd pas de temps pour allumer le jet. L'eau froide les transperce avant de se réchauffer. Il se colle au dos de Sophia, la prenant dans ses bras et la serrant le plus possible. La voir dans cet état lui serre le cœur. Lorsqu'il lui indique qu'elle peut se lâcher, il plonge la tête dans le cou de la jeune femme en resserrant sa prise.

Un hurlement strident déchire l'air. La frayeur, la colère et la tristesse se dispersent dans l'auberge, forçant tout être vivant à ressentir cette complainte perçante. Les larmes ruissellent sur ses joues tandis qu'elle se débat pour frapper la paroi de la douche. Mais Luka la maintient fermement, comme une camisole de force, lorsqu'elle renouvelle son cri.

Tremblante, elle se plie en deux et tombe, entraînant Luka dans sa chute. Épuisée, elle implore de rentrer chez elle, de revoir son grand-père. Pourtant, la peur la saisit à l'idée des écailles qui lui reviennent en mémoire. Elle redoute de devenir la nouvelle attraction de cirque.

Assis sous le jet d'eau contre la paroi, Luka réconforte son amie en la berçant doucement et en lui caressant le dos, comme s'il apaisait une enfant. Les spasmes de son corps se calment progressivement à mesure que la crise s'atténue. Sophia se redresse, faisant face au loup qui est tout aussi mouillé sous la douche. Leurs vêtements sont imprégnés d'eau et des gouttes perlent de ses pointes rouges. Luka pose sa main sur la joue de Sophia, essuyant ses larmes avec son pouce.

— Je ne te vois pas comme un monstre. Nous sommes juste pas habitués à une situation comme la tienne.

Sophia le regarde. Il a retrouvé son doux regard rassurant, ce qui l'a fait sourire.

— Je vais avoir besoin de beaucoup d'explications, demande-t-elle la voix chevrotante.

— Il vaudrait mieux être au sec.

Luka se redresse et remarque que Sophia chancelle en se levant à son tour. Il la rattrape juste à temps, la soutenant dos au mur.

— Tu manques de force, s'inquiète-t-il.

Son bras entoure la taille de la jeune femme tandis que son autre main effleure les écailles sur l'épaule de Sophia. Elle retient son souffle, le cœur palpitant, fixant son ami droit dans les yeux.

— Ne me regarde pas comme ça, souffle-t-il.

Elle est surprise de sa propre réaction, sentant son souffle caresser son visage. Sa main monte pour suivre les lignes de la mâchoire de Luka, qui ferme les yeux sous son toucher. Son cœur s'accélère quand le loup capture ses lèvres. Il glisse ses mains sur les hanches de la jeune femme alors qu'elle se cramponne à ses épaules. Un échange tendre mais aussi précipité.

Il se recule et repousse une mèche mouillée derrière l'oreille de Sophia. Cependant, elle recule instinctivement en voyant dans les yeux de son ami le regard de Draguir transparaître à travers ceux du loup.

— Que se passe-t-il ? s'étonne-t-il.

— Désolé. Ce n'est rien.

Sophia est perturbée par cette vision. 

— Tu n'as pas à t'excuser, dit-il en s'écartant, je vais aller me changer, ça va aller ? 

Elle acquiesce et laisse Luka sortir de la salle d'eau. En retirant ses vêtements trempés, Sophia retourne sous le jet chaud. Elle inspecte les écailles qui n'ont pas encore atteint le bas de son corps. Ses pensées vagabondent vers le regard de Draguir, réalisant qu'en très peu de temps, elle s'est retrouvée embrassée par deux hommes qui ne la laissent pas indifférente.

Toujours dans les nuages, Sophia se sèche et commence à s'habiller. Elle remarque le tissu que Luka avait posé sur la table, mais ne lui accorde pas d'attention au moment où il revient dans la chambre. Se redressant, elle rougit lorsqu'il la dévisage dans sa tenue : un simple jean et un soutien-gorge noir. Luka s'approche et prend le menton de Sophia dans sa main avant de souligner, un sourire en coin :

— Ne t'inquiète pas de ta tenue, tu étais habillée pareil sous la douche.

Elle rougit encore plus en prenant conscience de la situation. Sophia se retourne mal à l'aise et prend le tissu sur la table, se demandant comment le mettre. C'est comme un collant avec des lacets.

— Puis-je ? s'enquiert Luka en tendant la main.

Il récupère le tissu et le glisse sur le bras écailleux de Sophia, le remontant jusqu'à son cou. Il guide sa tête à travers l'ouverture prévue et attache une sangle sur son autre épaule. Luka contourne Sophia pour nouer les lacets qui relient la sangle à la manchette, formant un croisement dans son dos.

Sophia examine le vêtement qui couvre maintenant son bras. Le tissu est principalement noir avec des éclaboussures rouges. Un bouton est cousu au niveau du poignet pour attacher le gant qui recouvre sa main. Elle enfile un pull par-dessus et se tourne vers Luka.

— Où as-tu trouvé ça ? interroge-t-elle curieuse.

— J'ai été l'acheter pendant que tu dormais, répond-il en se reculant, et il te va à ravir.

Luka invite Sophia à le rejoindre sur le toit-terrasse. Elle remarque qu'ils sont immergés sous l'eau, protégés par un dôme qui scintille sous les reflets de la lune à la surface. Des poissons nagent autour de la sphère, offrant un spectacle paisible de la vie aquatique. Sophia admire ce paysage enchanteur avant de tourner son regard vers le loup, qui s'assoit sur une chaise avec son air sérieux habituel.

— Avant de commencer, quels sont tes derniers souvenirs ?

Elle réfléchit un instant avant de répondre :

— Nous étions partis en balade jusqu'à la statue de la déesse, puis un orage est arrivé. Ensuite, c'est le trou noir jusqu'à mon réveil douloureux contre ton front. Ah et j'ai aussi visité un autre endroit, mais ça reste flou.

Elle évite de donner plus de détails sur son escapade en territoire ennemi, toujours surprise par sa propre réussite. Luka tique à la fin de sa phrase, mais Sophia lui pose enfin la question qu'il redoutait depuis un moment :

— Pendant combien de temps, j'ai dormi ?

— Tu as dormi cinq jours.

— Cinq... Cinq jours ? hurle-t-elle stupéfaite.

Luka se lève et guide doucement Sophia à s'asseoir sur le banc. Elle est tellement surprise par sa réponse qu'elle se laisse faire sans protester. Il prend sa main et commence à lui expliquer ce qui s'est passé :

— Je t'ai ramené à l'auberge quand la ville avait fini sa descente sous l'eau. La tempête t'avait mise dans un état second, te forçant à te faire du mal, d'où l'entaille sur ton front. Jojo t'a soigné avant de partir, on ne sait pas où. Leah et Guénaël devaient trouver un apothicaire ou un guérisseur pour ralentir la propagation des écailles, mais leurs missions a été un échec.

Sophia l'écoute attentivement en alternant son regard entre lui et son bras ganté.

— Avant que tu ne te réveilles, tu étais en proie à des soubresauts. J'ai essayé de te réveiller à la manière douce, mais voyant que ça ne fonctionnait pas, je suis grimpé sur toi pour te secouer et c'est à ce moment-là que tu t'es réveillée.

— Désolé, murmure-t-elle.

— Ce n'est pas grave.

Il sourit en se massant le front à ce souvenir.

— Et que c'est il passé pendant ma sieste ?

Sophia pose sa question d'un ton ironique. Luka feint de réfléchir, veillant à ne pas divulguer certains détails qui pourraient la perturber à nouveau, ce qu'elle remarque immédiatement. Sa prétendue réflexion est interrompue lorsqu'un chat roux, se faufile sur ses cuisses en ronronnant. C'est un plaisir pour Sophia de retrouver Guénaël.

— Guénaël, on t'a dit qu'il ne fallait pas faire ça ! s'écrit Luka.

Le chat lance un regard foudroyant à Luka avant de lui tourner le dos, se délectant des caresses que Sophia lui prodigue sur la tête. Elle pose alors une dernière question à son ami :

— Pourquoi Leah m'évite ?

Guénaël se fige sous les doigts de Sophia, tandis que Luka détourne le regard. La jeune femme souligne qu'ils lui cachent une information, qu'ils ne sont pas prêts à divulguer. Elle s'apprête à insister, mais son estomac gronde soudainement de faim avec force. Luka saisit l'occasion de ce moment gênant pour se lever :

— Je vais t'emmener en bas, ils servent à toute heure ici.

Elle rend les armes face à la complainte de son organe, puis suit Luka et Guénaël jusqu'au bar. 

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