12- Cascalaris

Le paysage change au fur et à mesure que le groupe avance. Les plaines verdoyantes cèdent la place à une multitude de rochers, entre lesquels de nombreux ruisseaux se faufilent et se rejoignent. Le ciel s'éclaircit, laissant apparaître les premières lueurs de l'aube.

Ils ont galopé toute la nuit, bravant la fatigue tout en maintenant une vitesse hallucinante. Leah est un peu plus en avant, repérant les obstacles pour son frère qui est plus chargé avec les sacs et Sophia.

Les loups trouvent un coin pour faire une halte. En descendant du dos de Luka, Sophia le gratifie machinalement d'une caresse, qu'il remercie en appuyant sa truffe contre la joue de la demoiselle avant de reprendre forme humaine en même temps que sa sœur. Il regarde la demoiselle en lui affichant un grand sourire :

— J'adore les papouilles dans le dos.

La jeune femme lui donne un coup de coude dans les côtes avant de s'éloigner, rouge de honte, pour rejoindre les autres. Leah la regarde avec étonnement quand elle s'approche et lui demande si tout se passe bien, mais n'obtient aucune réponse. Sophia s'éloigne encore un peu pour admirer le changement de décor. Les ruisseaux sont devenus des rivières au courant puissant. Elle s'allonge sur le sol, croisant les bras derrière sa tête, profitant de l'air frais et des bruits environnants. Guénaël s'approche furtivement de Sophia, attrapant une brindille d'herbe au passage. Il s'assied à ses côtés et lui chatouille le nez, ce qui la fait éternuer. Elle se redresse et rencontre les yeux pétillants de malice du jeune garçon, qui rit de sa farce

— Ça s'est bien passé le voyage sur le dos de Leah ?

Le jeune garçon hoche frénétiquement de la tête en répondant :

— C'était sensationnel ! J'avais tant rêvé de monter un jour sur leurs dos.

— Tu les as rencontrées quand tu es arrivé au refuge ?

Elle profite de leurs tête à tête pour lui poser quelques questions.

— Oui, ils étaient déjà là, comme plein d'autres mondes. Pourtant, ils sont tous partis avant que tu n'arrives, indique-t-il dans un murmure en observant ses mains attristées.

— Guénaël, pourrais-tu aller aider les jumeaux à préparer le repas, demande Jojo en les rejoignant.

Le petit se lève et va rejoindre Leah et Luka qui essaient d'allumer un feu. Le doyen en profite pour prendre place :

— Comment vas-tu ?

— Je vais bien. Je découvre les choses au fur et à mesure.

— Bien, murmure-t-il.

Il tourne le regard vers l'horizon et continue :

— Je suis désolé de ne pas t'avoir répondu en partant, mais abandonner le refuge est... tellement difficile.

— Je comprends, tu l'as construit et y a employé toute ta vie.

Il hoche la tête, y penser lui fend le cœur.

— Il y a eu tant de passages dans ce domaine. Après ta venue, tout le monde avait retrouvé un peu d'espoir, mais pas assez pour les retenir. Tous ceux avec un pouvoir de téléportation se sont réunis afin de partir de ce monde et de trouver la paix ailleurs, explique-t-il. Il y a eu un immense rassemblement de fées en colère qui proposaient à tout un chacun voulant s'enfuir, de venir avec elle. Elles me l'ont proposé également, mais j'ai préféré rester ici avec ceux qui ne pouvaient pas partir, car la dernière destination...

Il se tait, réfléchissant à la manière d'annoncer ce qui va suivre. Jojo tourne le regard vers Sophia et lâche d'une traite :

— C'est la terre.

L'information monte difficilement jusqu'au cerveau de Sophia. Quand il arrive à son apogée, elle s'écrit :

— Quoi ? Mais ils sont frappés d'aller sur Terre. Pour... Pourquoi ne pas aller dans un autre monde, il doit en exister des milliards.

— Au contraire, tous les univers parallèles ont été détruits, réplique-t-il d'un ton lasse. Imaginarium est le dernier, et je ne sais pas combien de temps cela va encore durer.

— Mais comment ces univers peuvent-ils être détruits ? interroge-t-elle complètement affolée.

— Je ne sais pas, personne ne le sait ou ne l'a su.

Jojo fixe à présent le sol, pendant que Sophia le regarde incrédule. La Terre n'est pas la seule planète dans l'univers. Pourquoi prendre le risque d'aller dans un lieu où l'être humain est barbare face à ce qu'il ne comprend pas. Elle demande tout de même s'ils ne sont pas les seuls à être restés dans le coin, ce que Jojo répond par la négation.

— Le repas va être prêt, crie Leah en secouant une cuillère en bois.

Jojo et Sophia se lèvent pour rejoindre le reste du groupe qui s'installe autour du feu. Les discussions vont de bon train pendant que les brochettes cuisent. Sophia se tourne vers Leah et lui demande :

— Ce n'est pas trop pénible de nous avoir sur le dos ?

— Ne t'inquiète pas pour ça, rie-t-elle, on est assez fort avec mon frère.

— Bien. Et, où est-ce que l'on va ? interroge-t-elle ensuite, intriguée par la destination.

— Nous nous rendons à Blasqueen, mais c'est assez loin. Nous devrons effectuer une halte à Cascalaris avant.

— Cascalaris ?

La louve hoche la tête sans donner plus de précision. Ses yeux s'illuminent à l'idée de revoir la beauté de Cascalaris, avant de pouvoir gambader dans les neiges de sa terre natale. Luka tend l'une des brochettes à Sophia qui se demande bien ce que c'est au vu de sa couleur étrangement marine.

— C'est du gibier, explique Luka devant l'air de Sophia.

— Vous avez des sangliers, des biches et des cerfs ici ?

— Des quoi ?

Luka ne comprend pas ce que Sophia vient de lui demander. Elle se lève sous son regard perdu et va chercher son sac. Elle s'installe de nouveau, calant le sac entre ses jambes, et fouille à l'intérieur pour trouver son carnet et un crayon. Les traits commencent à prendre forme sur la feuille sans qu'elle ressente de douleur dans son poignet. Elle tourne son carnet vers le groupe, qui est impressionné par son œuvre.

— Tu as le même coup de crayon que ton grand-père, annonce Jojo. Si ce n'est plus doué.

Sophia rougit devant le compliment.

— T'es vraiment douée, rajoute Luka en se léchant les babines devant la bête dessinée. En revanche, nous ne possédons pas d'animaux de ce genre ici. Ce que nous mangeons actuellement, c'est du cyan.

— Du cyan ? Comme la couleur ?

Leah secoue la tête en signe de négation, puis demande à Sophia si elle peut lui emprunter son carnet. À son tour, la louve dessine l'animal qui a nourri tout le groupe. Sophia observe attentivement et découvre une sorte de Doberman avec des oreilles de lapin et une queue de loup. Elle éclate de rire devant l'absurdité de la morphologie de la bête, puis attrape une brochette et goûte la viande. Malgré la découverte d'une nouvelle espèce, le goût de bœuf envahit ses papilles. Ils savourent tous le repas en échangeant des banalités

Repue, Sophia s'allonge et observe le ciel se dégager. La nuit cède progressivement la place à la teinte rosée du petit matin. Une brise caresse son visage, contrastant avec la chaleur du feu à ses pieds. Les étoiles disparaissent derrière les nuages, laissant place à un ciel clair, vide de toute âme, ce qui intrigue la jeune femme qui se redresse.

— Il n'y a pas d'oiseau à Imaginarium ?

Le groupe la regarde avec un air interrogateur. Sophia lève les yeux au ciel avant de saisir son carnet. Elle dessine rapidement quelques espèces volatiles : pigeon, moineau, aigle... Elle ajoute des courbes pour indiquer le mouvement de leurs ailes, puis montre le résultat.

— Nous n'avons pas ce genre d'oiseau comme tu nous expliques, indique le lapin. Les seuls êtres qui disposent de cette capacité-là, ce sont les insectes et les fées. Et encore, ils ne volent pas au-dessus d'un mètre.

Sophia se fait la réflexion qu'effectivement ça ne vole pas haut, puis range son carnet dans son sac. Elle se fige au-dessus de celui-ci, le regard surpris.

— Que se passe-t-il ? s'inquiète Luka, t'es toute pâle, ça va ?

Lentement, elle tourne la tête vers Jojo, bafouillant une excuse. Étonné, il la regarde sortir une enveloppe kraft de sa besace. Elle la lui tend, et il découvre, écrit en lettres calligraphiques : « À mon très cher ami ».

— Je m'excuse, j'ai complètement oublié de te le donner dès mon arrivée et avec tout ce qu'il s'est passé...

— Ce n'est pas grave, rassure Jojo en levant la patte. J'en prendrai connaissance à notre prochaine halte.

Il se tourne vers les loups jumeaux :

— D'ailleurs, nous devrions partir, le soleil ne va pas tarder.

* * *

Le paysage rocheux se divise en plusieurs rivières que les loups longent en bondissant d'une rive à l'autre. L'eau ruisselle de plus en plus vite, sinuant en courbe et se déversant dans d'autres embouchures parallèles avant de disparaître dans un épais brouillard au loin. Leah claque des mâchoires, donnant un signal à son frère qui reste en retrait. Ils ralentissent leur cadence et s'arrêtent.

— Pourquoi s'arrête-t-on ?

Les deux sont à quelques mètres derrière le reste du groupe. Après s'être métamorphosé, Luka affiche un grand sourire et met son index devant la bouche. Il prend quelques sacs et tend la main à Sophia, qui la prend machinalement, le cœur battant. Ils rejoignent les autres au bord d'une falaise. Guénaël semble aussi perdu que Sophia, tandis que les autres échangent des regards rieurs. Au moment où Sophia tourne la tête vers le brouillard, elle s'arrête de respirer.

Toutes les rivières convergent et se déversent en une multitude de cascades. La brume se dissipe, dévoilant des chutes d'eau impressionnantes. La falaise forme un demi-cercle, avec sa pointe visible à des kilomètres. L'eau turquoise se fracasse sur les parois rocheuses, offrant une sensation vertigineuse en plongeant dans un lac situé à plusieurs centaines de mètres plus bas. Le lac ondule, ses couleurs passant du bleu-vert au marine et au noir dans les profondeurs.

Sophia ressent la pression d'un doigt sur son menton, forçant sa bouche ouverte de stupeur à se refermer. Ce geste la fait sursauter en découvrant que Luka rie devant sa tête.

— Le spectacle n'est pas terminé, ce serait dommage que tu t'étouffes en gobant un insecte, avertit-il en souriant, regarde attentivement ce qu'il va se passer.

Il pointe l'horizon du doigt alors que les premiers lueurs du soleil commencent à percer le ciel. Le sol se met à vibrer légèrement, faisant perdre l'équilibre à Sophia qui se raccroche à un Luka moqueur. Il baisse la tête et lui fait signe de suivre son regard. Le regard de de la jeune femme suit la chute des cascades et perçoit un mouvement à la surface du lac. Les remous s'intensifient, et stupéfaite, elle ouvre la bouche si grande qu'elle en a des crampes.

Un dôme gigantesque émerge de l'eau, révélant une ville entière en pierre blanche. Au centre, une tour en spirale pointe vers le ciel, émettant une lumière bleue étincelante. Des lierres couvrent partiellement les bâtisses, donnant à l'ensemble l'apparence d'une Atlantide mêlant Moyen Âge et futurisme. C'est un spectacle incroyable, surtout lorsque le dôme se volatilise en éclatant comme une bulle de savon, laissant la ville figée à la surface.

— Bienvenue à Cascalaris ! s'exclame Leah en faisant sursauter Guénaël et Sophia.

La jeune femme regarde la louve complètement hallucinée. Aucun son ne parvient à franchir ses lèvres pour décrire la beauté de cette découverte.

— On l'a définitivement perdu, ajoute Leah hilare.

Leah est hilare devant la tête de la demoiselle, alors que Guénaël sautille d'excitation.

— Ouah ! C'est trop beau et c'était sensationnel.

— On va avancer, invite Jojo, je ne me lasserai jamais de ce spectacle.

Il sourit d'un air mélancolique tandis que Leah indique à son frère qu'elle, le doyen et le jeune garçon vont prendre de l'avance. Ils emportent le plus gros des bagages et s'engagent sur un chemin escarpé. Luka remarque que Sophia est toujours stupéfaite. Il se place devant elle et, une fois de plus, ferme sa bouche, la forçant à le regarder, puis il cale une de ses mèches derrière son oreille.

Devant la découverte de Cascalaris le cœur de Sophia avait fait une embardée, mais devant le regard sérieux de Luka, son palpitant manque de temps de répit. Il se penche à son oreille et lui susurre :

— Je vois que tu es totalement perdue et en même temps très époustouflé devant tant de découverte. Jojo m'avait prévenu que cela allait être un peu perturbant pour toi à ton retour. Il t'a attendu tellement longtemps, qu'il ne bougeait pas quand Leah et moi, nous lui supplions de s'enfuir.

Il se recule et se tourne vers le lac, laissant le cœur de Sophia tambouriner sa cage thoracique. Il reprend les yeux perdus dans le vide :

— Je pensais que la création de nos pays était des fables que l'on nous racontait quand on était petit pour nous bercer. Qu'il n'y avait que nous dans cet univers. Leah était souvent malade après que notre famille ait été décimée lors d'une attaque. Nous avons erré seuls pendant longtemps, mais grâce à la protection d'un vagabond qui nous avait dit de venir au refuge, nous avons pu survivre. Ils nous avaient même annoncé qu'un jour, une personne viendrait rétablir la paix.

Sophia écoute le loup raconter son passé. Elle le regarde attentivement, ses cheveux ébouriffés par le vent, avec un regard perdu et mélancolique. Il se rapproche d'elle et essuie une arme qu'elle n'a pas sentie couler.

— Tu penses que cette personne, c'est moi ?

— Je ne sais pas si c'est toi ou si c'est une légende que nous a raconté le vagabond.

— Et tu sais à quoi il ressemble, ce fameux vagabond ?

Luka secoue la tête par la négation.

— D'après mes souvenirs, il arborait une longue cape à capuche. Il était plus jeune que nous. À l'époque, nous avions une dizaine d'années. Je n'ai pas plus d'informations.

Sophia ne voit pas l'intérêt de savoir qui les a sauvés, mais sa curiosité la pousse toujours à en apprendre plus ou à s'échapper de la proximité de Luka. Le loup continue de la fixer intensément, se rapprochant de plus en plus. Il glisse sa main de sa joue à sa nuque, la forçant à se s'avancer. Sophia n'arrive pas à se défaire de son emprise, hypnotisée par le regard de Luka. Leurs visages ne sont plus qu'à quelques millimètres lorsqu'un coup de feu assourdissant retentit au loin.

Les deux s'écartent rapidement. Sophia, gênée, ne sait plus où se mettre, tandis que Luka ne montre aucune émotion en se dirigeant vers la falaise. La jeune femme le rejoint, peu rassurée par la hauteur, et regarde ce qui se passe.

— Ils sont arrivés dans la ville, explique Luka. Le bruit que tu as entendu, c'est pour prévenir les nouveaux arrivants.

Un pont d'eau se forme depuis la rive de Cascalaris, se durcissant en glace. Il rejoint les visiteurs qui attendent sur la berge opposée. Une fois stabilisé, le soleil se reflète sur le passage, faisant luire des nuances de bleu, vert et rose, donnant l'impression qu'une aurore boréale ondule sur le pont.

— Bon, il ne faudrait pas que l'on tarde, la descente va être difficile.

Il se redresse, puis sourit en regardant Sophia d'un air espiègle :

— Il va falloir que tu t'accroches bien.

Luka ne laisse pas le temps à Sophia de répondre ; il se transforme sous ses yeux et se couche pour qu'elle puisse monter. Elle récupère les derniers sacs qui traînent, puis s'agrippe fermement à ses poils en se hissant. Elle ne peut s'empêcher de lui lancer une boutade :

— J'espère que tu ne mues pas, sinon nous sommes mal barrés.

Luka tourne son regard vers la jeune fille d'un air interrogateur, pendant qu'elle rit en secouant la tête et disant entre deux rires :

— Je t'expliquerai.

Le loup soupire et se redresse brusquement, faisant rebondir Sophia sur son dos avec un hoquet de surprise. Il s'avance vers le chemin escarpé, puis s'arrête, laissant la demoiselle assimiler la descente vertigineuse qui lui fait face. Elle déglutit en voyant des crevasses, des passages où il manque des morceaux du chemin, et des gros rochers. Ses mains se resserrent sur les poils noirs du loup.

Luka hoche le museau pour annoncer le départ. La jeune femme s'accroche un peu plus fermement lorsque le canidé se penche en avant, prenant la position d'un coureur prêt à sprinter. Elle n'est vraiment pas rassurée par les dangers de ce chemin et va vite déchanter lorsque Luka s'élance, augmentant sa vitesse. Il saute et cours limite sur les paroisses pour franchir un trou.

Sophia hurle de frayeur et s'allonge en serrant le cou de la bête malgré les soubresauts de ses bonds. L'allure s'intensifie après deux sauts, provoquant un haut-le-cœur, puis un dernier saut où elle ne ressent pas sans atterrissage sur le sol. Elle ouvre les yeux et découvre avec effroi qu'ils ont sauté de la falaise à mi-parcours. Elle sent le poids de la chute l'opprimer lorsque Luka reprend forme humaine. Il lui attrape la main et crie à travers le sifflement du sifflement du vent :

— Accroche-toi bien à moi !

Sophia peine à se stabiliser et se cramponne dès qu'elle le peut, tant la peur l'étreint. Le loup la serre dans ses bras, hilare de sa bêtise, tandis que la jeune femme retient son estomac qui menace de remonter. Elle ferme les yeux et plonge son visage dans le cou de Luka avant de rencontrer, après une interminable chute, la surface de l'eau.

Luka tapote le dos de Sophia avant de se décaler pour lui dégager la vue sous la surface. Le fond marin est parsemé d'algues, de coraux, et de fleurs de formes et de couleurs diverses, luisant sous le reflet du soleil levant. Des bancs de poissons d'argent nagent en tourbillonnant, tandis que d'autres, plus colorés, se faufilent entre les roches. Sophia est émerveillée par tant de beauté.

Ils remontent à la surface après un instant, se dirigeant vers la rive à quelques mètres d'eux, près du pont. Luka aide Sophia à sortir de l'eau, un sourire enfantin sur le visage.

— Désolé, je n'ai pas pu résister. Je le faisais à souvent étant jeune.

— Tu aurais pu me prévenir, rétorque Sophia sur une pointe de reproche.

— Ç'aurait gâché l'effet de surprise, ricane-t-il. Aller viens, connaissant Leah, elle va me tuer si je n'arrive pas par le sentier.

— Et tu vas raconter quoi pour nos affaires trempées ?

— Oh, je vais bien trouver une excuse, du genre que tu as glissé et que j'ai dû te sauver.

Sophia tente de le pousser à l'eau, mais il s'éloigne hilare, feignant la consternation. Elle n'a qu'une idée en tête : le noyer pour se venger. Mais devant son comportement, elle ne peut s'empêcher de rire à son tour. Ils se sèchent rapidement en essorant le trop-plein d'eau. Sophia remarque qu'elle n'a plus son bandage et ne le voit pas flotter à la surface. Elle prend son sac dégoulinant pour en trouver un second et se fige en le regardant.

— Merde mon carnet !

Elle s'accroupit en ouvrant son sac et fouille entre les affaires trempées, ne trouvant pas l'objet tant convoité.

— Je n'ai plus mon carnet à dessin ! balbutie-t-elle en panique.

— Leah l'a pris quand tu étais absorbé par la sortie de la ville. Je le lui avais demandé, mais tu n'as pas dû m'entendre, explique-t-il.

Sophia secoue la tête d'exaspération, réalisant qu'il avait tout planifié depuis le début. Ils reprennent leurs affaires et se dirigent vers l'entrée de Cascalaris. Les bras croisés sur sa poitrine et tapant du pied, Leah scrute attentivement l'arrivée de son frère et de Sophia, bougonnant d'irritation. Lorsqu'elle les aperçoit enfin, elle fonce sur son frère au milieu du pont en lui hurlant dessus :

— Tu n'as vraiment pas pu t'en empêcher ?

Luka regarde ailleurs, les mains dans les poches, ignorant la tirade de sa sœur. Pendant ce temps, Sophia rejoint le reste du groupe plus loin. Guénaël se jette dans ses bras, enthousiasmé par les sensations qu'il a ressenties :

— Ouah la descente était géniale et ton saut de la cascade est vraiment grandiose, j'en ai des frissons.

Il ne s'arrête plus, tout en réalisant des gestes en même temps. Jojo et Sophia rient de bon cœur devant ses démonstrations.

— Qu'allons-nous faire à présent ?

— Nous allons avant tout trouver une auberge et nous reposer, explique Jojo. Notre séjour ici durera juste deux ou trois jours afin de trouver un navire.

— On va naviguer ? s'exclame Sophia toute souriante.

Le lapin hoche la tête pendant que la jeune femme sautille sur place en frappant des mains. Les loups jumeaux les rejoignent avec des humeurs bien différentes. Leah est toujours aussi remontée contre Luka, qui affiche une mine indiquant qu'il vient de se faire passer le savon du siècle.


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