10- sprint infernal
— Le seigneur du vide ! s'exclame Sophia surprise.
Le jeune garçon enfouit sa tête dans ses mains en répétant sans cesse :
— Je ne veux pas retourner là-bas, j'ai peur...
Sophia le sert plus fort dans ses bras pour le réconforter en se balançant et en fredonnant une petite mélodie. Les tremblements de Guénaël cessent dès l'instant où il s'endort d'épuisement dans les bras de la jeune femme. Elle se lève prudemment et l'allonge sur le lit en lui remontant une couverture sur les épaules. Jojo observe Sophia qui effleure la chevelure du jeune garçon avec tendresse. Il n'a plus de doutes sur la bienveillance de la demoiselle, mais ses oreilles se mettent à tiquer, reportant son attention vers la baie.
— Nous avons de la visite, annonce-t-il gravement dans un murmure.
Sophia se rapproche également de la fenêtre et aperçoit en contrebas un petit groupe de trois personnes en tenue orange. L'une d'elles est cachée sous un capuchon, tenant un grand bâton noir avec des striures argentées se dégradant en turquoise. Il est accompagné d'un grand blond et d'un autre à la crinière flamboyante.
L'homme encapuchonné murmure des ordres à ses congénères avant de s'avancer seul vers le refuge. Jojo invite Sophia à l'accompagner. En refermant la porte, les branches de l'arbre se détachent de la porte pour se fixer de part et d'autre dans le mur. Cela tend à protéger la chambre en cas d'intrusion.
Le lapin émet un nouveau sifflement sonnant une alerte. Deux loups majestueux descendent les escaliers derrière eux, et se positionnent de chaque côté du lapin.
Des loups qui abritent un lapin, on aura tout vu ! s'étonne Sophia.
L'un arbore un pelage blanc comme neige, tandis que l'autre est brun avec des reflets roux. La particularité de ces bêtes, c'est qu'elles ont chacune trois queues s'emmêlant comme une tresse. Ensemble, ils descendent les marches menant au hall, puis s'arrêtent au centre de la pièce, tandis que Sophia se met un peu en retrait.
Les loups se mettent à grogner quand la porte d'entrée s'ouvre dans un fracas. L'homme encapuchonné s'avance en clamant :
— Bien le bonjour, quel accueil agréable.
Jojo croise les bras sur son torse en lui lançant un regard glacial, répliquant sèchement :
— Que nous vaut l'honneur de votre présence Méric.
Méric retire sa capuche pour laisser apparaître un sourire en coin. Sur son visage légèrement arrondi, il arbore un air maléfique avec ses yeux bleus perçants. De son regard, il balaye la salle, et remarque la présence de Sophia près de la rambarde.
— Tu nous présentes une nouvelle recrue ? interroge-t-il sans la lâcher du regard.
Jojo se tend. Ce qui ne passe pas inaperçu aux yeux de Méric. Il devine sans mal que la demoiselle doit être celle que son ami a plusieurs fois croisée la route. Il adresse un signe aux deux autres garçons restés à l'extérieur jusqu'à présent. Les hommes rentrent sans distinction et se postent de chaque côté de leur compagnon. Méric paraît plus petit que les nouveaux arrivants, mais il a plus d'autorité.
Alex et Félix alternent leurs regards entre Jojo, les loups et Sophia. Celle-ci croise les bras sur sa poitrine quand elle remarque que le blond se lèche les lèvres en la détaillant, tout en lui promettant à son regard monts et cauchemar. L'atmosphère devient électrique quand Méric fixe Jojo en lui demandant :
— Nous sommes à la recherche d'un jeune garçon à peu près de cette taille.
Il illustre d'un geste de main une dimension partant du sol.
— Il a les cheveux flamboyants et la capacité de se transformer en chat. L'avez-vous vu ?
Sophia sent ses muscles se crisper. La description donnée ressemble fortement à Guénaël.
— Depuis quand vous nous demandez si on a aperçu une personne, crache Jojo. Généralement, vous rentrez et retournez tout sans vous soucier de nos avis.
— Écoute doyen, pour une fois que nous essayons d'être un peu civilisé, s'exaspère Alex.
Jojo foudroie la grande perche aux bouclettes blondes et s'oriente de nouveau vers Méric en souriant d'un air menaçant :
— Je ne l'ai pas vue. Et, si un jour, je croise ce jeune homme, je lui dirais de fuir, car des morpions de la pire espèce essayent de lui mettre le grappin dessus.
Le blond s'avance en devançant Méric et crache :
— Ne te fout pas de notre gueule, la boule de poil. On sait parfaitement qu'il est ici et on ne repartira pas sans faire trop de dégâts cette fois.
— Je ne vois pas de quoi tu parles, riposte Jojo.
Sans que son supérieur ait le temps de l'arrêter, Alex se jette sur Jojo. Il est arrêté dans son élan par le loup blanc qui le plaque au sol. La bête et le garçon se menacent du regard. Le loup claque des mâchoires, grognant et bavant en se rapprochant du visage de celui-ci, épiant un signe pour lui arracher la tête.
Jojo s'avance à hauteur du loup blanc, puis lève la patte. Celui-ci hérisse les poils, redoublant ses grognements, laissant sa salive dégouliner sur le cou de son ennemi. Alex ne bouge pas d'un pouce. Non par peur, mais au contraire par pure provocation. Un sourire placardé sur ses lèvres, il révèle toutes ses dents en se délectant. Son regard devient meurtrier.
Sophia les observe nerveusement. Elle ne sait pas lequel d'entre eux va attaquer ou se retirer en premier, quand un bruit l'interpelle. Elle lève la tête vers l'étage où elle se trouvait avec Jojo il y a à peine dix minutes, et aperçoit une sorte de félin à la crinière flambée se rapprocher dangereusement de la chambre où repose Guénaël. En reportant son regard sur les intrus, elle remarque que le jeune homme à la chevelure flamboyante ne se trouve plus parmi eux.
Le temps semble suspendu. Chaque personne dans l'action n'a l'air de remarquer ce qu'il se passe au-dessus de leurs têtes. Le loup brun se rapproche de Méric, qui fixe Jojo en souriant machiavéliquement. Le doyen garde sa patte droite devant, pendant que le loup blanc bave sur le blond allongé par terre.
Sophia n'ose pas s'interposer entre eux où la tension est palpable. Elle décide de gravir quatre à quatre les marches pour atteindre l'étage concerné. Elle tente de respirer lentement, en ne faisant aucun geste brusque pour ne pas alerter la bête en face d'elle. Loin de s'imaginer faire face à un gros matou, l'animal ressemble à un tigre de la même taille que les loups en bas. Une paire de queues se balance de gauche à droite, tandis que ses coussinets laissent une trace de brûlé à chaque pas.
Elle s'avance doucement derrière lui. Malheureusement, au troisième pas, le plancher se met à craquer sous son pied qui se fige en espérant que le félin ne réagisse pas. Mais celui-ci a l'ouïe fine et se retourne en la fixant d'un air menaçant. Sophia avale difficilement sa salive. Elle tente de trouver une solution en cherchant un objet du genre balai, vase ou bâton pour pourvoir se défendre.
Si je lui crache dessus, il y aura peut-être une chance qu'il s'éteigne ? L'eau demeure-t-elle pas l'ennemie du feu ? Hein ? pense-t-elle en essayant de trouver une solution rapide.
Détourner le tigre de son objectif, c'est fait. Maintenant, son projet, c'est Sophia et ça, c'est infiniment moins positif. Le félin balance un coup de patte qu'elle arrive à éviter en reculant. Ses épaules dansent sur son dos, prêts à bondir sur la jeune femme. Ni une, ni deux, Sophia se retourne et se met à détaler comme un lapin. Elle dévale l'escalier en priant de ne pas tomber. Elle tente vainement de siffler en même temps pour sonner l'alerte, sans succès, et décide de procéder autrement en arrivant en bas :
— Dégagez le passage !
Tous secouent la tête en entendant Sophia crier et la voient passer sous leurs yeux, suivie du tigre. Méric sent que la situation se gâte. Les loups reprennent de l'avantage et les menaces. Ils n'ont d'autres choix que de déguerpir.
Dans les plaines, Sophia court à toute allure. Elle se félicite d'avoir réduit leur effectif, mais se demande jusqu'où elle va devoir courir pour échapper au félin. Elle regarde furtivement en arrière, s'apercevant que le tigre la poursuit sans relâche. Une autre bête plus en arrière s'est mise à poursuivre l'attaquant.
Sophia s'arrête en se retournant, attendant que le tigre soit assez proche pour réaliser sa folle stratégie. Il se met à bondir sur elle toutes griffes sorties, tandis qu'elle s'accroupit et roule sur le côté en repartant dans le sens opposé. Elle se moque ouvertement de la stupidité de la bête quand celle-ci manque de se rater à l'atterrissage.
Elle tente de repérer de nouveau la créature de tout à l'heure, mais dans sa course et sa panique grandissante en voyant le tigre accélérer son allure en étant encore plus enragé, elle s'emmêle les pieds et se vautre monumentalement comme une vieille chaussette. Le tigre la plaque au sol quand elle tente de se relever, et la retourne sur le dos. La bête est furieuse, et le fait comprendre à la demoiselle qui a osé se moquer de lui.
Ses yeux vert citron sont menaçants. Ses babines se retroussent pour montrer ses crocs aussi longs qu'un smilodon. Des flammes s'échappent de ses pattes, sans que Sophia ressente sa chaleur. Il se met à rugir avec puissance contre la jeune femme, faisant voler ses cheveux sur les côtés. Le tigre baisse la gueule, prêt à la lacérer, quand brusquement dans sa descente, il capte un son familier.
Le hurlement d'un loup arrivant percute le tigre en le projetant quelques mètres plus loin. Celui-ci ne ressemble pas aux deux autres loups. Faisant facilement la hauteur d'un cheval adulte, il arbore un pelage blanc avec des reflets bleu cristallin sur le dessus et noir en dessous. Six queues se balancent rageusement, tout comme le kitsune, ce renard à neuf queues dans le folklore japonais.
S'interposant entre Sophia et le tigre, la bête menace de plus belle en grognant face au félin, qui paraît misérable à côté. Mais ne perdant pas moins sa fougue, il se positionne en avant, prêt à attaquer. Dans sa rage, il bondit en rugissant sur le loup, qui lui esquive l'attaque et se jette sur le flanc du tigre en le mordant. Le félin feule de douleur. Il se recule, craintif, avant de décamper.
Sophia est stupéfaite que la bête géante lui fasse à présent face. La fixant d'un œil d'azur et de l'autre vert d'eau, il tend son museau pour l'appuyer contre la main de la jeune femme. Celle-ci sent l'adrénaline la quitter petit à petit. Ses jambes ne la soutiennent plus et sa vision devient de plus en plus bancale. Une paire de bras la rattrape tandis qu'elle s'évanouit.
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