Chapitre 7 : Découvertes


 Quand nous sortons du patio, j'ai la désagréable sensation d'être observée. Je pivote sur moi-même et je vois Éléonore ainsi que tous les autres patients qui me fixent depuis l'autre pièce. Je fais un signe de pouce en l'air pour signifier à la rousse que tout va bien. Elle hoche la tête et me sourit avec bienveillance. Je me retourne vers la porte de sortie du réfectoire et lâche un soupir. Anne pose un regard inquiet sur moi, elle ne dit rien et se contente de raffermir sa prise autour de mes hanches. J'essaye de me redresser pour garder un semblant de contenance, car je sais que certains malades sont potentiellement encore en train de me regarder. Avec un effort surhumain, je repousse l'infirmière.

- Je vais me débrouiller. Ils ne doivent pas savoir, je ne veux pas qu'ils sachent ce qu'il m'arrive.

- Ce n'est pas sérieux et si tu tombais ? Tu as déjà de multiples contusions ! Je ne veux pas que tu te blesses encore plus !

- Tu es à côté de moi, si je tombe tu me rattrapes.

Je ne lui laisse pas le temps de répondre.

Je me campe sur mes appuis, mes jambes tremblentcomme si j'étais un faon qui venait de naître. J'inspire puis expire lentement, je me rabroue mentalement. Dans cette situation, je ne dois pas hésiter ni penser, je dois juste foncer sans réfléchir. Je braque mon regard sur la porte de sortie du réfectoire sans jamais un seul instant le détourner.

Plus je me rapproche d'elle, moins j'ai de sensations dans les jambes. Heureusement qu'Anne est avec moi, ses sourires encourageants renforcent ma détermination. Une fois arrivée à la porte, l'infirmière me l'ouvre. Dès qu'elle se referme sur nous, je m'affaisse complètement en manquant de justesse de m'écraser au sol. Par miracle, l'adulte a mes côtés à de très bons réflexes et arrive à me rattraper dans un grognement étouffé.

- Merci, tu m'as évité une sacrée chute, dis-je en haletant.

Anne passe son bras autour de mes hanches pour me maintenir fermement. Nous longeons le couloir et nous nous trouvons face-à-face avec un escalier. Nous soupirons en chœur, ce qui a le mérite de nous faire sourire un instant. Monter les escaliers du bâtiment de soin nous prend un temps interminable et tous ceux que nous croisons nous lancent des regards remplis de perplexité. Nous les ignorons royalement, trop concentrées à ne pas tomber. Je n'arrive même à retenir le trajet jusqu'au cabinet de la psychologue.

Il faut dire que ce bâtiment est un véritable labyrinthe. Entre les multiples escaliers et les couloirs qui se ressemblent tous, arriver à trouver son chemin est un véritable exploit. En tentant d'explorer cette clinique, je m'étais déjà perdue ici à de multiples reprises, malgré toutes les indications des panneaux aux murs quand j'étais en convalescence pour mon poignet. Au bout d'un temps qui me parait interminable, nous arrivons devant une porte blanche, une plaque en métal doré y est accrochée. Dessus en relief, il est inscrit : Kaylan Māyā. Nous sommes enfin arrivées à destination, l'infirmière frappe à la porte.

- Vous pouvez entrer !

Nous déboulons en trombe dans le cabinet. À notre vue la psychologue  se lève d'un bond et se précipite à notre rencontre. Elle aide Anne à me maintenir pour m'allonger sur un divan couleur brique. Ma tête tourne sans s'arrêter, je ferme les yeux pour calmer mes étourdissements. Mauvaise idée, les rouvrir me demande un effort colossal. J'entends derrière moi des murmures indistincts puis des pas précipités quittant la pièce. J'essaye de me relever pour comprendre ce qu'il se passe, mais je retombe immédiatement sur le siège.

- Ne te lève pas, le Docteur Māyā est partie chercher de quoi te requinquer. Elle se dépêche ne t'inquiète pas, me dit Anne en me tapotant amicalement l'épaule.

Je lui murmure en grognant que je peux attendre. Je m'enfonce dans le fauteuil, et petit à petit, je deviens complètement amorphe. Les yeux dans le vague, j'arrive à entendre la soignante s'installer à mes côtés. Elle commence à chantonner et j'ai comme un électrochoc. D'un coup toute la brume dans mon cerveau se dissipe et je me redresse comme un piquet.

- Anne c'est quoi cette chanson ?! Cet air, c'est celui que jouait la radio dans l'ambulance, mais surtout c'est celui qui, il y a une semaine, m'a guidée vers le monstre qui a failli me bouffer !

À peine ai-je fini ma phrase en hurlant que je m'effondre dans un bruit sourd et que je recommence à m'enfoncer dans le brouillard. Pour contrer mon état, je garde en tête l'air de la chanson et la sensation de ma colère qui avait l'espace d'un instant envahi tout mon corps.

- De quoi tu parles ? Un monstre ? Un nouveau ? Tu avais dit à Éléonore que tu faisais une crise ? Ne t'agite pas Gabrielle, ce n'est pas bon pour ton état !

- Réponds... moi...C'était toi... cette nuit...là ? Qui m'a guidée vers ce monstre ? lui rétorqué-je en ignorant complétement ses questions.

J'entends l'infirmière s'agiter à mes côtés, je n'ai même pas le temps de lui sommer de me répondre à ma question que la porte s'ouvre. La psychologue entre et marque un temps d'arrêt, elle doit sentir la tension dans la pièce. Elle arrive vers moi un verre à la main, ses cheveux noirs sont ébouriffés et sa respiration est hachée, on dirait qu'elle a couru.

- Pouvez-vous m'aider à la redresser, cette boisson va lui faire du bien.

Anne vient vers moi pour me relever. Je lui lance mon regard le plus noir possible.

- Me touche...pas... dis-je en la repoussant d'un geste mou.

Les deux femmes ne m'écoutent pas et me redressent avec quelques difficultés. Je suis mentalement et physiquement ailleurs. J'entends et je vois mais c'est comme si je n'arrivais ni à penser ni à agir. Au fond de moi, je sens une colère grondante qui ne demande qu'à être libérée, mais celle-ci est enlassée dans des chaines de brume. Une fois assise sur le divan et  maintenue par des épais coussins en velours côtelé orange, le Docteur Māyā me tend un gobelet. Elle me demande d'ouvrir la bouche, je m'exécute avec le peu de réticence qu'il me reste.

Le liquide dans le verre sent tellement mauvais que des larmes me montent aux yeux. Le goût est semblable à l'odeur, tout simplement infect : un mélange d'amer et de salé. Je me mets à tousser tellement le breuvage est abominable. La psychologue m'explique qu'elles vont fermer les volets pour que je sois dans le noir complet et que dans dix à quinze minutes je devrais me sentir beaucoup mieux. Je n'arrive même pas à leur répondre mais je suis bien contente de ne plus avoir Anne en face de moi. Une fois dans le noir et seule, je ferme les yeux et profite du calme.

***

Au bout de quelques minutes, ma respiration n'est plus aussi chaotique qu'auparavant. Petit à petit j'arrive à bouger sans problème les doigts de ma main gauche ainsi que mes orteils. Puis, enfin j'arrive à me lever. Je ne sais pas quel remède la psychologue m'a donné mais il m'a requinquée à une vitesse fulgurante. Les pensées et ma colère contre Anne sont les premières sensations que je retrouve.

Quand j'y repense, il y a une semaine dès qu'elle est venue me réconforter les sifflotements avaient immédiatement cessé. Puis comme par hasard, une fois partie pour aller me chercher un peu de nourriture, l'air avait recommencé. Cela ne pouvait pas être une coïncidence, comment avait-elle pu me jeter en pâture à ce monstre qui avait bien failli avoir ma peau ? Elle qui avait toujours un mot pour m'encourager, me rassurer. Pourtant, je ne sais pas si c'est de la naïveté ou du déni, mais une part de moi ne peut s'empêcher de ne pas y croire. Si elle voulait réellement me faire du mal voire me tuer, elle en avait eu l'occasion à de multiples reprises.

Surtout, pourquoi chantonner devant moi ? Voulait-elle me narguer, car elle savait que j'étais incapable de faire le moindre geste ? Impossible, tôt ou tard j'aurais été de nouveau d'attaque et je serais allée la confronter. Je secoue la tête, réfléchir à une multitude d'hypothèses n'est qu'une perte d'énergie. Je me fais la promesse que dès que je revois Anne, elle ne s'en sortira pas comme ça. Je veux des réponses, et j'en aurai. Je me lève prudemment et je vais ouvrir les volets pour examiner le bureau de la psychologue.

Je fronce des sourcils en observant la pièce. Cette salle de consultation n'a rien avoir le cabinet du Docteur Buile. Au plafond, un lustre est suspendu, celui-ci possède six branches et au bout de celles-ci des suspensions rondes d'un blanc cassé pendent. Tous les murs sont couverts d'un papier peint où sont représentées des marguerites oranges, jaunes et blanches sur un fond marron. À ma gauche, deux armoires en bois dont les portes entrouvertes laissent paraître une multitude de dossiers tous plus colorés et désordonnés les uns que les autres. En face de moi, un porte manteau est fixé sur la porte, dessus est accroché un trench couleur ocre. Au centre est placé dos au bureau le divan sur lequel on m'avait déposé afin que je me repose.

Je pose mon regard sur le petit bureau en bois noir, sur celui-ci est posé un pot à stylo ainsi qu'un tas de feuille en désordre. Sous ces papiers, je peux apercevoir un bout d'un dossier orange, il semblerait que celui-ci a été caché en toute hâte. Je m'approche de la table tout en essayant de me convaincre que fouiller dans les affaires de sa psychologue n'est pas correct, que je n'aimerais pas que l'on fouille chez moi. Ma culpabilité s'envole rapidement quand je me souviens que je ne peux plus voir mes parents avant un bon moment en partie à cause du Docteur Māyā.

Aux aguets, je guette le moindre bruit signifiant le retour des deux femmes. Une fois sûre que personne n'entre dans la pièce, je me prends en douceur le paquet de feuilles et le dépose délicatement sur le côté du bureau. Sur le dossier orange je peux lire mon prénom écrit en majuscule au marqueur noir.

Avec soin, j'ouvre la chemise, et je ne peux cacher ma surprise quand la première chose sur laquelle je tombe est une représentation du monstre qui a tué mon voisin. Je pourrais reconnaitre ce dessin entre mille, c'est celui que j'avais fait à la demande du docteur Buile. Je me souviens encore de sa réaction, il avait marqué un temps d'arrêt en voyant mon croquis, avait froncé ses sourcils broussailleux et avait posé le dessin le plus loin possible de lui sur son bureau. À ce moment-là et encore aujourd'hui, je ne pouvais dire s'il trouvait mon ébauche ridicule ou si elle lui avait fait peur. Je dépose la feuille, et sur la suivante je découvre des notes manuscrites au stylo à plume.

18 Juillet 1960, FRANCE

Aujourd'hui, j'ai rencontré un nouveau patient. Il serait atteint de schizophrénie. En effet il m'a fait part d'une hallucination peu commune. Un soir, il aurait vu une ombre d'un peu près 1m85 tuer une femme, voulant la secourir il s'est approché mais dès qu'il a vu l'assassin il m'a raconté avoir eu une peur si violente qu'il s'est mis à vomir et s'est évanoui.

Pendant la séance, je lui ai demandé de décrire ce meurtrier, le malade s'est mis à transpirer à grosses gouttes et m'a juste montré son bras qui était lacéré dans toute sa longueur.

Il a été interné. Je ne l'ai plus jamais revu, car on m'a indiqué que je n'avais pas assez d'expérience pour m'en occuper.

25 Avril 1963, FRANCE

À nouveau, une patiente cette fois s'est plainte pendant son rendez-vous d'un monstre tueur d'homme qui la hantait. Elle m'a dit qu'elle ne sortait plus de chez elle car elle avait peur de le recroiser et qu'il la tue. Plus inquiétant et grave, elle m'a fait part qu'elle était devenue beaucoup plus caractérielle, qu'elle pensait que bientôt elle s'en prendrait à son entourage et/ou à elle-même. Je l'ai diagnostiquée schizophrène. J'ai demandé qu'elle soit internée d'urgence, cela a été refusé pour motif qu'elle venait d'une éminente famille et que cela créerait un scandale. Elle sera soignée chez elle par des spécialistes.

Je lui ai demandé à nouveau de me faire la description de ce monstre. Elle a été immédiatement prise d'une crise de panique à sa pensée. J'ai seulement pu entendre le mot « Uxoricide ». Qu'est-ce-que cela signifie ?

Cette histoire me rappelait vaguement une autre, j'ai été voir dans mes notes, et en effet une personne atteinte de schizophrénie avait déjà eu la même hallucination de cette chose, et rien que de l'évoquer provoquait une réaction viscérale. Je dois faire plus d'amples recherches sur ce sujet.
Nota bene
: aujourd'hui le 1er Mai 1965 : j'ai appris que la patiente avait tué sa famille, puis avait disparu dans la nature. Personne ne l'a jamais retrouvée.

19 Mai 1963, ITALIE

Cette histoire d'hallucination de monstre tueur d'homme va me rendre folle. J'ai arrêté l'activité mon cabinet pour m'y consacrer entièrement. Je fais une fixette dessus que moi-même je ne comprends pas. Après un mois de recherches quasiment sans manger ni dormir,  j'ai enfin trouvé une piste, ici en Italie à Rome.

20 Mai 1963, ITALIE

Certains les appelle « monstres tueur d'hommes » ou encore Uxoricides, c'est un mot latin qui par « uxor » signifie « épouse » et par « -cide » : « meurtre ». Autrement dit, ce nom signifie littéralement « meurtre de l'épouse par son mari ».

Dans les nombreux ouvrages que j'ai parcourus il n'y a pas d'indication qui explique cette appellation.

Je n'ai pas encore compris pourquoi ce deuxième nom. Des descriptions que j'ai pu lire ou entendre - même si elles sont très rares – elles ont toutes en commun le fait que la peau de cette hallucination serait couleur chair, et posséderait toujours un sourire béant. Elle fait un peu près 1m85. Cette chose aurait des bras extensibles et pourrait vraisemblablement modifier physiquement son apparence, et dès qu'elle tuerait une personne ses bras se rougiraient du sang de sa victime.

Ces monstres ont été vus par plusieurs personnes, très peu d'entre elles en sont sorties indemnes. Toutes les victimes qui les ont rencontrés présentent des similitudes troublantes. Elles ont toutes diagnostiquées schizophrène après leur rencontre. Et après leurs altercations, tous les malades ont été blessés physiquement. Dans des cas les plus extrêmes nous avons reporté des décès quelques jours après leurs crises. Enfin, tous ont été traumatisés et ont développés une peur bleue de l'extérieur et ont été internés partout en France et dans le Monde.

En tout, nous avons connaissance de 23 personnes ayant eu une crise impliquant ce monstre tueur d'homme. Pourquoi ce monstre a-t-il une présence si récurrente chez ces malades ? Leurs cerveaux ont-ils des similitudes ?

Demain je rentre en France, bien déterminée à interroger tous mes confrères sur cette apparition.

15 Janvier 1968, FRANCE

Un psychiatre m'a envoyé un dessin et j'ai immédiatement reconnu l'Uxoricide, à côté de ce croquis de très bonne qualité il y avait une note manuscrite. Elle provenait du célèbre psychiatre le Docteur Georges Buile qui avait besoin d'un avis sur un internement forcé d'une jeune fille se prénommant Gabrielle.

Sa jeune patiente avait fait une crise de schizophrénie impliquant ce monstre, mais il m'expliqua qu'elle en était sortie complétement indemne physiquement et seulement avec une peur bleue de l'extérieur. Selon elle, la « chose » - comme elle l'appelait - lui avait tapoté la tête et avait couru en direction de chez elle, mais quand elle avait appelé ses parents, le monstre était introuvable. Il aurait par ailleurs tué son voisin, qui en réalité a disparu on-ne-sait-où.

Je voulais la rencontrer tout de suite, pour recueillir son témoignage.  Peut-être tenais-je là, une avancée majeure qui permettrait d'améliorer le traitement de la schizophrénie. Le Docteur Buile m'a fait bien vite redescendre sur Terre, il m'a annoncé qu'il avait juste besoin d'un même diagnostic que le sien pour interner sa patiente dans un hôpital.

Je me suis alors battue bec et ongle pour qu'elle intègre l'hôpital St Anne où je travaille et que je fasse partie de son équipe soignante. Je croise les doigts pour que cela ait marché.

24 Janvier 1968, FRANCE, Hôpital St Anne

Le jour où j'ai su que je serai dans son équipe soignante, j'ai appris qu'elle avait sauté d'une ambulance en marche. Pourquoi ? Qu'a-t-elle vu ? Un Uxoricide ? Autre chose ?

25 Janvier 1968, FRANCE, Hôpital St Anne

Je l'ai rencontrée, ça y est. Elle était là dans cette chambre d'hôpital, perdue. J'ai eu envie de la prendre dans mes bras, de lui dire que je vais m'occuper d'elle. J'ai tellement hâte de pouvoir lui parler et de l'examiner sous tous les angles. À un moment elle s'est sentie très faible, j'ai tout de suite compris ce qu'il lui arrivait, je vais devoir faire attention si cela se reproduit.
En pleine Guerre Froide, on ne peut faire confiance à personne.

1er Février 1968, FRANCE, Hôpital St Anne

Gabrielle a été blessée, sa main droite a été lourdement touchée. La nuit dernière, la patiente du nom d'Éléonore avait couru dans le réfectoire en transe et paniquée pour nous dire que son amie était dehors en train de faire une crise et qu'elle était en danger. Quelques infirmières et nous-même, l'équipe soignante, nous sommes précipités dehors, nous l'avons retrouvée à terre, évanouie, le bras en sang comme s'il avait été mordu par quelque chose. Le Docteur Buile m'informa que ce n'était pas une morsure, mais plutôt une coupure, il me montra un couteau ensanglanté qu'il avait retrouvé non loin de Gabrielle.

Quand le psychiatre et moi-même avons été rendre visite à notre patiente et que nous lui avons fait part de notre décision commune qu'elle ne voit plus ses parents un certain temps. Elle a extrêmement mal réagi, et je peux la comprendre, la famille est quelque chose de sacré. Je vais essayer de régler les choses, je dois lui parler et en apprendre plus.

Je repose le journal de bord en tremblant, j'ai l'impression que mes nerfs vont me lâcher. Je ne suis pas seule, des gens ont vu ce monstre comme moi et maintenant, il a un nom : Uxoricide. Je suis terrifiée, cette femme a une obsession pour moi et qui m'a caché toutes ces découvertes. Ces écrits sont cruciaux pour moi, je remercie avec ferveur ma curiosité.

Je baisse les yeux sur la feuille suivante et c'est à nouveau un croquis.  Cette fois, c'est celui du monstre mangeur d'homme. Celui-ci ne m'appartient pas, car je n'ai parlé de lui à personne et de toute façon je n'ai pas le temps de dessiner. Il est bien plus terrifiant que le peu que j'avais vu il y a une semaine. La bête est énorme et extrêmement musclée, sa peau que j'avais vu comme verdâtre est beaucoup plus pâle mais toujours avec cette étrange teinte verte. Tous les détails qui lui sont propres que ce soit ses yeux ou encore ses dents sont représentés exactement comme dans mon souvenir. Son immensité est mise en valeur à droite de sa représentation par un schéma de la taille classique d'un homme à ses côtés. À gauche, sont dessinés ses bras et plus précisément ses mains. Dans chacune des paumes une bouche remplie de dents acérées est représentée. Je regarde mon bras droit. Il me l'a bien mangé, j'en étais sûre.

Je dépose le dessin sur les écrits que je viens de lire, et je peux à nouveau voir un journal de bord sur ce monstre-ci. D'un coup j'entends des bruits de pas se rapprocher et je peux percevoir des éclats de voix. Sans attendre, je plie délicatement la page manuscrite dans ma poche de jogging et  je referme le dossier, tout en le replaçant  comme il était à l'origine et pose la pile de feuille dessus.

Je me précipite sur le divan, ferme les yeux et fais mine de somnoler. J'entends la clenche de la porte bouger, les deux femmes entrent dans le cabinet. Je fais mine d'être réveillée par le bruit. Je n'ai pas à jouer la comédie bien longtemps car à la vue d'Anne la colère me submerge de nouveau.

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