Feuer
Pertouillet avait analysé que sa rémission passait une nouvelle étape à chaque fois qu'était remotivée une des dérouilles qu'il avait subies lors de sa capture : la douleur remontait vive et tenace, mais ce n'était qu'ainsi qu'il avait appris à la transcender, et donc atteindre la guérison véritable. Il fallait arracher la souffrance à la racine, peu importe le volume des rameaux à machetter.
D'abord, il y avait eu la chute à la tempe – le coup de fusil resurgi des tréfonds. La première balle coincée dans la mémoire qui fait secouer la tête en tous sens pour la déloger. Ensuite, les fruits qui saignent – le retour de couteau des plaies tailladées par le second SS. Enfin, la pendaison, bien sûr, avec la lune-lampadaire où il avait appris à déporter ses démons.
Thibault s'ausculta en quête des stigmates ultérieurs : sa main droite, dont la peau avait fondu sous les flammes, constituait la dernière cicatrice visible de sa funeste arrestation. Incapable de désocculter d'autres traumas, faute de preuve physique, il décréta que la quatrième torture avait été la dernière, et qu'il parferait son rétablissement en replongeant franco dans l'horreur de cette ultime ordalie.
Il brancha son grille-pain, glissa la main droite le long de la fente et attendit que chauffent les résistances. De suite ça lui picote dur le derme réfractaire. Par réflexe les doigts veulent s'enfuir, alors il les maintient en appuyant de tout son poids sur le membre supplicié avec l'autre bras. Soudain un doute l'assaille : cette brûlure sent trop le présent ; ça n'a pas le vague-à-l'âme des martyres propres à desceller l'inconscient. Pertouillet plisse les yeux, il les comprime comme pour rentrer les globes profond dans les orbites, gratter au cerveau là où ça recolorerait les zones noires de la matière grise. Il hurle. Ça y est, son hurlement a quelque chose de familier. De nouveau, il laisse le grill imprimer sa morsure, chiale franchement. Il retire sa main. Ça lui lance dans le corps comme des traits de foudre.
En un flash, il revoit la grimace amusée des officiers dans la chambre de torture. Cinq prélats de la cruauté en rang sourire. Au fond, von Volterberg observe la scène avec attention, mais il n'est pas animé du même rictus sadique. À l'inverse, son regard juge et pèse raisonnablement : il s'inquiète de la valeur de la race de cet homme dont il dirige la tourmente, admire sa persistance à ne rien cafter. On y lirait presque du respect.
Placebo ou pas, le déblocage de cette mémoire alimenta la remise sur pied de Thibault Pertouillet. Il se remusclait méthodiquement, s'exerçant matin midi et soir, tant et si bien qu'en une poignée de mois le bougre marchait. Clopin-clopant et loin de gambader certes, mais il marchait.
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