Chapitre 3
Elle armait son arc, et, tirait la corde vers son menton. Puis l'archère ferma un œil, visa, et enfin, lâcha la flèche. Celle-ci vint se planter sur le tronc choisi, cependant, Ilyana ne fût point comblée. Elle reculai donc, éloignant ainsi la cible.
Elle se positionna, arma son arc, tira la corde, ferma un œil.
Inspire.
La jeune fille visa et lâcha la flèche.
Expire.
Elle recommençait encore plusieurs fois, en éloignant la cible au fur à mesure. La sensation lui avait manquée : elle était droite, forte, calme retournant à une activité familière. Elle s'arrêtait quelque heures plus tard, lorsque son épaule commençait à le brûler et ses bras à peser lourds. Malgré son corps endolori, Ilyana était satisfaite.
N'ayant pas pris d'arc ni de flèches lors de sa fugue, la jeune délaissait, par conséquent, le tir au profit de l'épée, devenu son arme de prédilection. Elle s'étirait en regardant autour d'elle, la clairière environnante se situait si profondément dans la forêt que la jeune fille se persuada que personne ne pourrait la retrouver ici. Ilyana s'assit sur le sol verdoyant, en fermant les yeux, essayant tant bien que mal de remettre de l'ordre dans ses esprits. Les voyageurs vagabondaient dans son auberge depuis une semaine, empêchant la nouvelle adulte de se reposer et de dormir. Des cauchemars peuplaient également – les rares fois où elle pût s'assoupir – son sommeil, à coups de monstres difformes en tout genre et d'autres créatures effrayantes.
A cause de tout ça, Illyana était épuisée, nuit et jour, physiquement et mentalement. De ce fait, la crise de nerf approchait de plus en plus, la faisant sursauter au moindre bruit inattendu. Cela expliquait son besoin urgent de se ressourcer et ces bois – cette clairière – fut la seule qui pût lui apporter ce dont elle cherchait ardûment. Tikia ayant acceptée de lui donner congé, et, la jeune fille déambulait, depuis ce matin, dans ce lieu calme où elle pouvait enfin être elle-même. L'archère en profitait également pour s'entraîner : son travail assidu renforçait ainsi ses dons et ses aptitudes.
La forêt lui faisait du bien. Elle lui donnait force, courage et calme. Certaines fois, à Tesiri, elle vécut des jours dans la forêt, seule, enfin presque. En pensant à ces moments et par conséquent, à eux, elle eut envie de pleurer, mais par la volonté d'une force supérieure, cette action lui était interdite.
Certains jours, la princesse se questionna sur la véracité des jérémiades. Peut-être subsistait dans ces paroles une part de vérité ? Peut-être la jeune fille était vraiment une aberration ne méritant même pas de vivre ? Un monstre de chair et d'os avec les cheveux de la mort, des yeux au reflets effrayants, dépourvus de larmes, et, de ce fait de sentiment ? Elle songeait alors à s'ôter la vie, puis, elle se forçait à se rappeler le visage déçu de son père ce jour-là.
Le jour de sa mort.
Le jour où elle l'avait tué. Le jour du commencement. Elle suppliai les dieux de lui donner des larmes ou de lui ôter la vie, mais même la mort ne voulait pas d'elle. Ils avaient raisons ; elle était bien blâmable.
Monstre.
Aberration.
Enfant Maudite.
Sorcière.
***
Lorsqu'elle ouvrit l'œil, le soleil venait de se coucher, la jeune fille s'était endormie sans se rendre compte. Tout compte fait, la forêt l'avait, bel et bien, apaisée. Celle-ci était d'ailleurs silencieuse – en dehors du vent qui sifflotant dans les feuilles – et, trouvant cela intrigant, son subconscient l'avait réveillée. Les bois ne pouvait être silencieuse, jamais : il persistait toujours le son des oiseaux, le bruissement des feuilles lors des courses poursuites entre les proies et les prédateurs... Or, aucun bruit à l'horizon.
Elle se leva alerte, complètement désengourdit, se réjouissant intérieurement d'avoir conservé ses réflexes. La nouvelle adulte attendit plusieurs secondes, que l'ennemi se montrât, mais son attente fût vain. La tension redescendit.
Soulagée, la femme rangeai ses affaires.
Peut être suis-je paranoïaque et toujours à bout de nerfs ?
Elle entendit un craquement suivit d'un juron, et, fit volte face. Tombant ainsi nez à nez au beau ténébreux. Le vent souffla alors, soulevant ses cheveux blancs qui lui chatouillait le visage. Elle se perdit dans la profondeur de son regard.
Puis la princesse s'affola et s'enfuit. Du moins, elle essaya, mais fut arrêté par l'homme qui le tenait fermement entre ses bras. Elle paniquait, se débattant en tous sens, toute fois, elle ne parvenait pas à s'échapper de cette étreinte. La jeune femme n'ignorait pas qu'elle devait plus craindre la panique que l'homme en question, mais rien n'y fit. De plus elle avait chaud, terriblement chaud, enveloppée comme elle l'était, ce qui accroît son angoisse.
– Attendez...
Ilyana arrêta de se débattre, surprise, sa voix très proche l'ayant calmée. Son bourreau, quant à lui, écarquilla les yeux, ahuri, ne s'attendant visiblement pas à ce que la jeune fille fléchisse. Une fois la surprise passée, il s'éclaircit le voix, et, fit un signe de la main vers les arbres d'où sortit une femme. La princesse constata alors qu'il s'agissait de la trentenaire de l'autre jour, celle qui l'accompagnait le jour de leur arrivée avec leur fameux « je cherche une fille ». Donc, ce fut eux que la reine ou sa sœur – qui d'autre que ces deux pour la rechercher, l'une pour une raison obscure et l'autre pour la tuer – ait trouvé pour leur lancer à sa rechercher – ou finir le travail ?
La fugueuse se maudit de son imprudence, n'ayant pas coloré ses cheveux jugeant que personne la verrait, ici, dans la profondeur des bois. Visiblement, elle s'était trompée.
Ilyana dévisagea avec impuissance l'inconnue venir vers elle, et par conséquent, son compagnon, puis, les deux la considéraient avec attention.
Elle fermait les yeux soudain très honteuse de son apparence. Elle portait un pantalon noir souple et une tunique. Ses cheveux lâchés dévoilait son origine et son identité. Elle sentait la transpiration et l'herbe. Elle ne devait pas être très belle à voir.
– Vous êtes très jolie, beaucoup plus à ce que je me suis attendue vu la façon dont on vous ait décrite, et puis les photos qu'on nous a donnée étaient... floutées et anciennes. Votre mère était dans l'incapacité de nous fournir une qui date de moins de dix ans, déclara sans préambule la jeune femme, en haussant les épaules.
Elle sortit ensuite une vieille photographie de famille. Cela n'étonnait même plus la princesse. Elle avait l'habitude d'être invisible.
Son interlocutrice devait avoir plus de vingts-cinq ans, peut-être récemment la trentaine, et possédait une beauté redoutable, du genre à couper le souffle – tout le contraire d'elle donc.
Soudain, Ilyana se demandait si elle ne rêvait pas. C'était très plausible, après tout ! Elle voulut se pincer le bras pour confirmer son hypothèse, quand la jeune fille se rendit compte qu'elle était toujours prisonnière de l'inconnu. L'homme se fit la même réflexion puisqu'il la libéra avec un sourire, le teint légèrement rose. Elle recula un peu, puis leur fit face, attendant les explications.
– On vous cherchait, reprit la femme aux cheveux bruns voyant que le silence s'éternisait. Depuis l'hiver à vrai dire.
– Pourquoi ? cracha Ilyana avec dureté, ne trouvant rien d'autres à dire que cette question.
Décontenancés par sa question ou par son agressivité, ils se figèrent.
– Depuis votre départ fin automne, il y a eu plusieurs complications à Tesiri : la Lune rouge semble durer toute l'année ou du moins pas qu'une fois par an comme autrefois. Le royaume d'Anticà a déclaré la guerre à Tesiri alors ton royaume s'est lié au mien, le royaume d'Otahien, se daigna à expliquer le ténébreux.
– Je vois... Mais quel est le rapport avec moi ?
– Il semblerait qu'une prophétie est apparue. Et cette prophétie vous désignait comme l'élue.
– C'est absurde...
– Pourtant c'est la vérité, intervint la brune. Je me suis pas présentée, je me nomme Stelia et je suis une donatrice. J'ouvre les portails et toutes sortes de portes. Je viens du royaume de Tesiri mais je m'étais enfuie en Otahien.
– Et moi je suis Osh, guerrier. On m'a sommé de vous ramener chez vous.
– Je suis chez moi ! Je suis désolée mais vous avez fait tout ce chemin pour rien ; je n'ai pas l'attention de retourner à Tesiri.
Ilyana tenta de les contourner pour partir, mais Stelia l'attrapait le bras. Les deux étrangers semblaient se donner le mot pour torturer le pauvre membre tout à fait innocent de la jeune fille.
– Je vous en supplie ! La reine va me punir si je ne vous ramène pas : elle tuera Pan.
L'étrangère avait les larmes au yeux. Ilyana l'observa avec intérêt, ainsi donc la reine la menaçait, d'où son acharnement. La fugitive ne possédait peut être pas de larmes, mais elle avait un cœur.
– Pan ?
– Mon fils...
– Pourquoi est-elle aussi obstinée ? Elle m'a toujours traitée comme une moins que rien et maintenant elle va jusqu'à menacer les autres pour me retrouver ? Cela n'a pas de sens.
– La prophétie...
– Mais qu'a-t-elle de si important ? La lune ne tue pas les hommes, si ?
– Effectivement elle ne tue pas les hommes, mais elle rend les femmes infertiles, intervient alors Osh.
– Quoi ? C'est impossible, la lune n'a aucun effet sur la biologie... s'exclama Ilyana, désemparée.
– Il semblerait que si, nous ne sommes pas sûrs mais les preuves s'accordent : tout est lié.
– Vous voulez dire que c'est mon départ qui a créé tout ce changement ? voulut savoir la princesse, interloquée.
– Nous n'avons pas dit ça mais nous pensons que votre retour et la réalisation de la prophétie devraient tout arranger... répondît calmement le guerrier.
– Je n'ai pas le choix n'est ce pas ? demanda t-elle alors d'une petite voix.
– Détrompez vous, vous avez le choix. Vous aurez la mort de son fils sur la conscience, la mort de plusieurs hommes et la désolation des femmes... votre liberté contre celle du peuple, à vous de voir, dit Osh d'une voix impassible.
– Le peuple me déteste, les hommes me craignent et les femmes m'exècrent, gémit Ilyana.
Ils restèrent silencieux pendant ce qu'il semblait une éternité. Le crépuscule émettait ses dernière lueurs lorsqu'elle prit sa décision. Il fit nuit noire lorsqu'ils rentrèrent à l'auberge. Le matin suivant, la jeune fille prit sur elle pour faire ses adieux à Tikia – Ihyes étant absent, la jeune fille ne put le voir une dernière fois – et prit ses sacs, rempli de victuailles que la gérante lui offrit. Elle s'en alla, vers les coups de midi, le cœur lourd, après avoir contemplé une dernière fois l'auberge qui fût, pendant un laps de temps restreint, comme un foyer.
Une nouvelle page de son histoire venait d'être tournée. A moins que la princesse changeait de livre ?
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