Chapitre 22

Une brume dense recouvrait la ville le matin où la mère de Laiae déposa sa fille devant le portail de La Force. L'adulte gardait la tête baissée honteuse d'abandonner son enfant dans un endroit pareil, toutefois, elle n'avait pas le choix. Les Autres ne lui laissaient pas le choix. Son mari était mort durant l'hiver et son salaire - bien trop basse - ne pourrait suffire à nourrir une bouche de plus ; Laiae comprenait, après tout, en tant qu'aînée la jeune fille devait se sacrifier pour ses cinq frères et sœurs. Le comprendre était une chose, mais l'accepter en était une autre.

Les yeux larmoyants de sa génitrice furent la dernière chose qu'elle conserva de celle-ci. Ne voulant plus regarder cette femme qui n'était plus une mère pour elle, Laiae s'en alla la tête haute. Au moins, s'il y avait bien une chose qu'elle comptait garder jusqu'au bout, c'était bien sa dignité.

La Force, ou le Premier Ordre était un bâtiment sinistre construit pour former des guerriers. Des êtres dénués d'humanité et capable de tuer cinq hommes à mains nus. Un individu de taille haute était campé devant, attendant sûrement sa venue ;

- Bienvenue en enfer, jeune dame !

Laiae l'ignora et s'immobilisa devant lui, fixant de ses yeux noirs ceux grisâtres de son interlocuteur. Celui-ci fumait un cigare, envoyant ainsi des résidus de fumées qui s'en allèrent s'accrocher aux brumes environnantes.

- Tu ne dis pas au revoir à ta mère ?

Le jeune fille se retourna pour regarder la désigner, et se retourna, dégoûtée, lorsqu'elle vit une lueur identifiable dans ses yeux. Un sentiment qu'elle ne voulait en aucun cas ressentir devant un autre individu, qu'il soit Sorcier ou Extra. Un sentiment dont son entourage s'enveloppait continuellement devant les sorciers ; la peur.

Ne voulant pas gaspiller sa salive pour l'homme devant lui, elle haussa les épaules.

- Une dure à cuire, hein ! C'est ce qu'on verra dans quelque jours ; tu feras moins la fière.

Encore une fois, elle se tût.

- Tu ne veux pas parler hein ? Bientôt, tu vas me supplier de t'épargner !

Il attendit un instant à ce qu'elle répondit à sa provocation et reçut comme toute réponse, le mutisme de celle-ci. Il finit par éteindre son cigare et le mit dans sa poche.

- Tu peux encore partir hein ! Je vais pas te retenir hein ! Personne ne rentre ici s'il ne l'a pas choisie hein !

Cinq. Il a répété cinq fois « hein » depuis le début de la conversation.

Sa décision était prise ; sa famille avait besoin de cet argent. Alors elle le fixa du regard et celui-ci le lui rendit, puis finit par capituler en la laissant entrer.

Les jours passèrent et l'homme de la porte avait raison ; cette institution était bien l'enfer. Les entraînements étaient infernaux et inhumains, mais cela n'étonna pas plus que ça Laiae. Après tout, les sorciers considéraient les extras comme des sous-merdes. Et dire qu'elle bossait pour eux, cette pensée, lui donna envie de gerber.

Pourquoi son peuple subissait toutes ces humiliations sans rien dire et sans rien faire pour changer les choses ? D'accord, les sorciers avaient des pouvoirs, étaient plus forts et plus endurants qu'eux et tout plein de capacité, mais avec un peu de volonté et de courage ne pourraient-ils pas obtenir leurs libertés ?

Six mois après sa venue à La Force, elle tua pour la première fois. Une bande de brigands. Sans pitié et sans remords, comme on le lui avait appris ; elle reçut une médaille comme récompense et une prime pour sa mère.

Deux ans plus tard, sa larme trancha la gorge de dix sorciers pour prendre leurs pouvoirs, grâce à ça ; ils purent invoquer l'Ombre.

Ilyana se réveilla en sursaut. Cette fois-ci, con rêve était plus précis. Laiae. Elle connaissait ce nom. Que signifiait tout cela ? Était-ce les ombres du passé qui revenaient lui hanter ?

Une fois son cœur calmé, elle sursauta une deuxième fois.

Où suis-je ?

Elle ne reconnut pas la chambre et encore moins la femme à son chevet. Des cheveux d'un noir de jais, un visage jeune et des yeux remplis de malice, elle sourit en croisant ses pieds voyant qu'Ilyana fût réveillé.

- Vous êtes la reine rouge ?

L'inconnue la regarda, médusée, avant d'éclater de rire.

- Bien qu'on possède un ancêtre en commun, Médusa et moi n'avons rien en commun ! Est-ce ma robe qui te fait penser cela ? Appelles-tu donc toutes personnes vêtues de rouge ainsi ?

Ilyana s'empourpra, gênée. Elle avait parlé sans réfléchir prenant ainsi la couleur de la robe de son interlocutrice. Celle-ci était tellement moulante qu'elle ne montrait plus qu'elle ne couvrait.

- Non, mon enfant, reprit la femme à la robe couleur cerise plus doucement. Beaucoup plus doucement. Tu n'es pas à Wolf, mais à Féeridia !

- Wolf ?

- Vais-je devoir tout t'expliquer ? C'est le royaume de notre chère Médusa, il me semble que vous la cherchez !

- Oh oui ! On nous a dit d'aller dans les montagnes célestes, mais ces contrées sont tellement vastes et tellement loin. Toutefois, mon ami, Stephan, nous a conseillé de venir ici en premier ; il m'a dit que certaines personnes pourrait m'aider.

- Stephan ?

- Oui un bestial, il m'a donné ça. Où est-ce que je l'ai mise ? Voilà j'ai trouvé ! Une broche de Bestialiter.

La femme - Ilyana ignorait toujours son nom - observa attentivement l'objet en disant.

- D'accord ! J'avais prévu de vous tuer pour offrir vos sangs à notre très chère déesse, mais vous êtes les amis des bestials donc par conséquents les miens également.

- Les amis de mes amis sont mes amis.

- Exactement ! Bon je vais libérer tes autres, des amis !

Ilyana ne fût en aucun cas étonner ; elle connaissait ces pratiques de barbaries. Et son rêve l'avait trop ébranlée pour s'inquiéter outre mesure des paroles de la femme.

- En fait, mon nom est Gorek.

Et voyant qu'Ilyana ne s'exclama « oh cette Gorek là ? », elle s'en alla, déçue.

Laiae, Éros, Scylla, Aliénor, Gaio et Timaé se tenaient prêts, en cercle, de l'arrivée de l'Ombre. Ils attendirent dans un silence intense que le dieu fasse son apparition, mais rien n'y fit.

- Tu crois que ça va marcher ? demanda d'une petite voix Timaé.

Il était le plus chétif d'eux six, et le plus peureux aussi.

- Oui, j'en suis sûre ! Nous avons les cœurs de nos ennemis, nos sangs, les larmes de trahisons ainsi que la formule.

- As-tu peur Tim ? questionna Eros qui ne manquait jamais une occasion d'humilier son camarade.

- Non, bien sûr que non !

- Alors-

- Ça suffit vous deux ! Il faut attendre en silence ! s'exclama Scylla d'un ton tranchant et sans appel.

- Votre- Ilyana, vous allez bien ?

Une main lui tenait la sienne fermement et doucement à la fois. Une chaleur remonta dans son bras, la jeune fille ouvrit les yeux. Visiblement, la princesse s'était de nouveau assoupie.

Que m'arrive-t-il ?

Elle ne comprenait plus rien.

Qui est Laiae, ou du moins, qui était-elle ?

La voix de rose lui parvenait comme dans une brume.

Pourquoi se sentait-elle si mal ici ? Était-ce le mal de la région ? Pourtant la jeune fille avait un bon métabolisme, ne tombant malade que très rarement.

Féeridia.

Tout à l'heure, la jeune fille n'avait pas vraiment réalisé ce que ça voulait dire, mais elle était arrivée ! Elle avait réussi ! Il ne lui resterait plus qu'à trouver cette reine rouge, ou plutôt Médusa, ensuite aller « au cœur du monde »...

Pour la première fois, Ilyana se pensa capable de réussir.

- Princesse ?

La voix d'Ihyes la sortit brusquement de ses pensées et son regard rencontra alors celui couleur océan de son ami. Il semblait soucieux.

- Tu me fais peur, enfin tu nous fais tous peur ! En atterrissant du trou, on t'a trouvé évanouie sur le sol ! La dame qui nous a accueillis, Gorek, nous a parlé d'un certain sort, et, d'une certaine Lai...

- Laiae ! énonça Graben, blasé.

Elle ne l'avait pas vu au fond de la chambre.

- Oui c'est ça, à vrai dire j'écoutais pas trop. Elle dit qu'il faut que tu partes, mais elle ne veut pas, ou du moins ne peut pas nous laisser nous en aller !

- Pourquoi donc ?

- Il y a un prix à payer, répondit doucement Rose.

- Quoi donc ?

- Il suffit de rendre à mon peuple ce que ton ancêtre a volé il y a de cela quatre-mille neuf-cent quatre-vingt-dix-neuf ans, répondit Gorek.

Ils se tournèrent tous vers elle. Ils ne l'avaient pas vu arrivés.

- C'est-à-dire ? demanda Oshida, intrigué.

- Ses pouvoirs ! murmura Ilyana d'une petite voix.

Les bougies utilisées pour le rite s'éteignirent en même temps tandis que les ombres et les ténèbres les engloutissaient. S'ils ne se tenaient pas la main mutuellement, ils se seraient perdus dans le brouillard provoqué par l'apparition divine. Une voix gutturale et glaçante s'éleva bientôt entre eux, les figèrent sur place.

Ils avaient réussi !

- Qui êtes-vous et que voulez-vous ?

- Nous sommes des désespérées et nous voulons une vengeance !

- Personne stupide ! Je ne suis pas le dieu que vous cherchez !

- Ô Ombre ! Exaucez nos vœux et nous vous serons fidèles et nos générations également !

- Ce genre de pacte est éternel comme le ciel, et ne saurait être brisé comme la mer ; inévitable comme la mort, elle détruit le plus pur des croyants !

- Nous le voulons ! Nous refusons de vivre sous le gong de quelqu'un, nous ne voulons plus être opprimé comme le plus minable des peuples ! Nous désirons la liberté, accordez-nous le pouvoir qui pourrait défaire des chaînes invisibles attachés à nos âmes, supplia Laiae d'une voix assurée.

- Qu'il en soit ainsi ! Je vous offre les cinq éléments, et, le pouvoir de résister aux sorts. Attention ! Une fois que votre vie, ici-bas, terminée, vos âmes seront à moi ; vous en êtes conscients ?

- Oui, répondit Timaé surprenant ainsi tout le monde ; il n'était pas peureux après tout, simplement stupide.

Le visage formé de brumes secoua sa tête dans un geste humain pour s'esclaffer.

- Alors soit ! Joignez vos mains et scellez vos destins, bande d'humains inconscients.

Et il s'en alla aussi vite qu'il était apparu.

- Exactement ! s'exclama Gorek, comme une enfant. D'ailleurs, Ilyana se questionna sur son âge, car la femme semblait intemporelle et elle doutait que cette question fût indiscrète ! Que savez-vous des six élémentaires, comme vous les appelez ?

- Six ? Il était cinq ; Fire, Water, Luft, Onyx, Earth, énuméra Rose en comptant sur ses doigts.

Le crâne d'Ilyana lui faisait atrocement mal, et, elle eût tous les peines du monde à se concentrer sur la discussion.

- Non, mon enfant ! Les livres mentent, les livres sont écrits par les Hommes alors ils ne sont pas fiables. La nature quant à elle a sa propre conscience et elle retient tout. L'eau ne ment jamais ! Je vais vous montrer quelque chose, alors vous saurez pourquoi il est primordial d'obtenir ces pouvoirs !

- Si je vous les donne, je n'en aurai plus ? questionna la princesse perdue.

La jeune femme la fixa.

- Non, bien sûr que non ! Ton ancêtre a fait un pacte donc les pouvoirs obtenus de celui-ci resteront, toutefois, les autres, ceux volés aux fées retourneront aux fées.

- Je ne comprends rien, déclara Ihyes avant de s'en aller.

Tout ce charabia lui conférait un mal de chien à la tête, et le roux n'était pas masochisme au point de se laisser torturer volontairement.

- Deux forces sévirent en toi ; deux pouvoirs aux antipodes ! Ces puissances se combattent continuellement, mais encore plus les soirs de Lune Rouge, c'est pour cette raison que ces soirs-là tu ne contrôles plus rien.

Ilyana ne chercha même pas à savoir comment Gorek savait tout ça à son sujet. Elle semblait détachée de la scène, comme une simple spectatrice.

- Le jour de tes sept ans, tu as reçu le pouvoir du sang, comme une vraie sorcière, or tu ne l'es pas ! Donc ce pouvoir ne t'appartient pas ; il a été dérobé ! A ta naissance, tu possédais déjà en toi l'autre pouvoir légué par Laiae, et la rencontre entre les deux entités ont provoqués une implosion !

- D'accord, mais qui est Laiae ?

- On le nomme Onyx, mais son nom de naissance est Laiae Tao. C'est trop long à t'expliquer alors laisse-moi te montrer quelque chose !

- Je ne veux pas faire les rabat-joie, mais on a une prophétie à réaliser, alors comment fait-on pour aller dans les monts célestes ? intervint Oshida.

- Chaque chose en son temps, mon grand ! Le printemps sait quand il doit s'en aller et les saisons connaissent leurs heures ! Toutefois, pour répondre à ta question, si la princesse cède nos pouvoirs, vous irez en tourniquet ! s'exclama Gorek enjouée.

- Tourniquet ?

- Un portail magique !

- Dans le cas contraire ?

- C'est-à-dire ?

- Si je refuse ?

- Vous serez mes heureux prisonniers ! Allons-y ; les défunts nous attendent !

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