Chapitre 21
Dix ans plus tôt,
Vermillon-âme, forêt au périphéries des territoires de maitre Crapo, an 4989 de l'ère Azur, quelque heures après le coucher du soleil.
Il faisait chaud, l'air était devenu irrespirable à cause de la fumée dense et ondulante dans les cieux.
Il faisait noir, la nuit venait de tomber, la rendait encore plus invisible au yeux de ses assaillants.
Voilà longtemps qu'elle avait arrêté de courir, épuisée par ses efforts, avançant, péniblement, avec qu'une idée en tête : s'éloigner, mettre le plus de distance entre elle et l'incendie - qu'elle avait provoquée. Il le fallait pour qu'elle puisse s'enfuir.
La marche devenait de plus en plus dure.
La jeune fille ignorait depuis combien de temps elle marchait - il lui semblait que cela s'était passée il y a plusieurs jours tellement la supplice était éprouvante, mais elle avait conscience que l'événement n'avait eu lieu que depuis quelques heures. La nature lui en témoignait : le soleil s'était couché, irradiant les bois de sa douce lumière une dernière fois de la journée avant un repos amplement mérité, et aussi, il fallait bien l'avouer, les ombres dansantes qui lui suivaient à la trace, irritant ses yeux, asséchant sa bouche, l'étouffant en s'enroulant autour de son coup et l'empêchait, de ce fait, d'absorber une essence si vital et totalement gratuit. Elle ne pouvait rien faire d'autre que tousser, à s'en arrêter les poumons, et, respirer dans le masque improvisé imbibé d'eau d'une flaque qu'elle avait trouvée. Hélas insuffisant pour épancher sa soif. Maintenant, son ventre criait famine et son gosier hurlait de désespoir, faute de trouver une source d'eau pour se désaltérer.
L'adolescente s'arrêta un instant, scrutant la noirceur de la nuit, et se remit en marche lorsqu'elle fût sûre qu'elle était seule. Il lui fallait trouver un endroit pour dormir ou du moins se reposer, sentant sa force le vider peu à peu, certaine qu'elle ne ferait pas longue feu. N'importe quel endroit était accueillant comparé à l'enfer dans lequel elle vivait depuis plusieurs années. Elle avait arrêté de compter, de toute façon, le temps des humains lui paraissait monotone et sans intérêt.
Son corps protesta violemment lorsqu'elle vit un obstacle sur son chemin. La fatigue aurait raison d'elle mais il fallait qu'elle s'éloigne de cet endroit de malheur et de perdition.
Un bruit se fit entendre, la faisant sursauter, dans les ténèbres insondables.
L'orpheline se retournait, terrifiée.
Rien.
Sûrement un souffle d'air dans les feuilles !
Cependant, elle puisa dans ses dernières énergies pour passer par dessus le tronc d'arbre qui barrait le chemin, et ainsi, continuer sa route.
Elle arriva, finalement, devant une grotte cachée par des feuillages. Sceptique et méfiante, elle regard autour d'elle, puis, inspira pour se calmer.
Je ne risque rien.
Les hommes de son maître étaient sûrement en train d'essayer d'arrêter le feu - son feu - avec de l'eau. Elle sourit à cette pensée. La rousse avait découvert une manière de fabriquer cet artefact qui lui conférait le pouvoir de l'indomptable ardeur.
On racontait qu'à une époque, les dragons pouvaient donner à leurs souffles enflammés la possibilité d'être inarrêtable. Plus on l'arrosait, plus il s'embrasait, de plus, il pouvait brûler même l'eau et la pierre. Ce pouvoir n'avait point perduré, s'étant estompé au fil du temps, jusqu'à disparaître totalement. Mais la jeune dragonne, elle, avait réussit à déceler les secrets de son peuple depuis longtemps opprimé.
Elle pénétra dans l'antre et se coucha, éreintée.
***
Depuis que sa mère et son frère furent assassinés, froidement devant ses yeux.
Depuis que sa maison fût ravagée et détruites sans pitiés, par des humains cupides et avides.
Depuis qu'elle était devenue orpheline à sept ans, l'âge de la raison disait-on, mais synonyme pour la jeune fille de trahison et d'horreurs.
Depuis qu'elle avait été vendue comme esclave par des maîtres monstrueux et impitoyable les uns que les autres, devenant de ce fait un objet, perdant le peu de dignité et de fierté qu'elle détenait.
Depuis qu'elle avait perdu son enfance et innocence, des mains d'hommes crasseux les uns que les autres qui ne pensaient qu'à assouvir leurs désirs sans une pensée pour l'enfant qu'ils détruisaient chaque jour, chaque soir, chaque instant un peu plus.
Depuis ce jour là, elle vouait une haine inexorable aux hommes. Une haine aussi puissante et destructive qu'un feu de dragon. Elle nourrissait cette colère et cette animosité chaque jour de sa capture. Elle préparait sa vengeance en silence, dans les tréfonds de son âme, tandis qu'elle subissait les violences de ces monstres. Créatures stupides et cruelles qui ne méritaient point de clémence de la part des dieux, et, encore moins, son pardon, tous aussi pourris qu'ils étaient, les uns autant que les autres et qui étaient dépourvus de scrupules et d'honneur.
Elle avait perdu tout ce que à quoi elle aspirait. Sa famille, sa maison et sa liberté. Elle s'était abaissé à être traité comme une moins que rien, une esclave. Une personne sans identité propre, appartenant à une tierce personne.
Survivre devenait, peu à peu, difficile - un calvaire sans fin, un tunnel sans lumière au bout - mais elle avait réussit à enfouir cette agressivité jusqu'au jour adéquat - dans les tréfonds de son âme - montrant aux autres ce qu'ils voulaient qu'elle montrât.
Jusqu'à ce soir.
La jeune fille avait désormais dix-sept ans et possédait ses ailes ainsi que ses flammes, un âge décisif pour un dragon, l'âge de sa majorité, l'âge de la fierté l'appelait-on. Ses premières flammes, qui avaient servit à détruire une famille. Elle aurait souhaité que cet homme, cet affreux, périsse dans l'embrasement mais elle l'avait bien vu qui criait « Au feu ! » d'un air affolé. Elle espérait qu'ils mourraient tous, pourritures qu'ils étaient.
Elle voulût plus. Toujours plus. La colère dans ses veines irradiait trop son corps, la brûlant d'un feu incandescent et intarissable dans lequel elle puisait sa force. Elle était assoiffée. De sang. De vengeance. L'adolescente s'était contenue trop longtemps.
Elle ferait en sorte que ces hommes connaissent la souffrance qu'elle avait enduré. Les peines qu'elle avait encourue, les blessures béantes qui ne s'étaient point refermées. Elle ferait en sorte de devenir un fantôme, l'ange de la mort et de la destruction qui les exterminerait.
Elle vivait dans un cauchemar depuis bien trop longtemps. Elle ferait, également, en sorte que ces humains qui ont osé touché sa famille finisse brûlés vifs. Elle abattrait également ceux qui ont souillés son corps et son âme.
Sur ces pensées, elle laissa son souffle s'apaiser et son cœur se refréner. Sur le sol glacé, elle se laissait aller dans une illusion de protection et de sécurité. Ses vêtements, en lambeaux, ne la protégeait nullement de la fraîcheur de la nuit. Elle grelottait un moment, avant d'essayer de trouver un peu de force pour se mettre en position assise, puis souffla dans ses mains pour produire une petite flamme bleu.
Après l'avoir déposé sur le sol, la dragonne le fixait un moment. Une flamme. Bleu. Comme ses yeux, semblable au ciel d'été sous lequel son frère eut l'habitude de voler, libre, couleur de la mer qui s'étendait à l'infinie au sud, le chemin qu'elle prendrait à la sortie des bois. Cette couleur synonyme de sa liberté d'autrefois, et celle prochainement.
Le feu était son seul héritage : elle le chérissait plus que tout. Elle repensa aux paroles de sa mère, avant que les braconniers ne l'abattit pour sa peau et ses griffes.
« Cours Pyria ! Vole ! Suis le chemin de ton cœur et n'oublie jamais : le feu est ton ami ainsi que ton arme. Chéris le et il te protégera ! »
Elle ferma les yeux et pria le feu élémentaire. Feue. Cependant, lorsqu'elle revint à elle, elle vit dresser devant elle une barrière de flamme. Elle sut alors que le feu la protégerait et la réchaufferait. Elle sut alors qu'elle avait fait le bon choix.
Elle plongea dans un sommeil sans rêve.
Tandis qu'elle se réveillait le lendemain, elle s'aperçut qu'il avait plu, l'air était encore toute humide de l'averse passée. Elle se levait et sortait de la grotte. Le feu s'était éteint mais elle sentait une nouvelle présence à ses cotés, invisible, et dans son cœur, intangible. Elle découvrit une petite bassine rempli d'eau de la pluie, elle s'en aspergea, en ce cas, le visage et en buvait une gorgée. Il semblait buvable.
Elle se regardait dans le reflet et ce qu'elle vit la surprit. Elle voyait une belle jeune femme avec une peau de porcelaine et des cheveux écarlate d'une longueur incomparable. Elle avait des yeux d'un bleu intense, couleur lapis-lazuli, et des cils d'une longueur extravagante. Elle ressemblait trop à une femme fragile avec ses traits délicats et ses pommettes saillantes. Il lui fallait un changement, quelque chose qui la ferait se sentir puissante et forte. Un changement physique. Elle cherchait dans la caverne et trouvait ce qu'elle voulait. Elle la brandissait bien fièrement et se mit à l'œuvre. Elle s'empara de la pierre qui était aussi coupante qu'un couteau et commençait à couper. Au début de manière hésitante mais au fur et à mesure avec des gestes plus précis et plus vif.
Quand elle se revit dans la réflexion, Pyria sourit, satisfaite. Ses cheveux retombaient mollement sur son visage, cachant ses traits trop féminins, ressemblant alors à un adolescent ou du moins acquérait un apparence androgyne, semant le doute dans l'esprit de ses poursuivants car elle se doutait que Crapo chercherait à le recapturer. Elle valait bien trop au marché noir.
Cependant, Il y avait une autre raison à ce changement, cette décision prise sur un coup de tête. Une chose qu'elle avait appris durant ces années de captivité, une vérité incontestable que le jeune fille avait appris à ses dépends, les humains de sexe masculins étaient plus respectée, malgré la volonté de la famille royale ainsi que les familles élémentaires. Elle sût, de ce fait, qu'elle avait plus de chance de survie en étant un homme qu'une femme. Elle devait donc renier son identité, abandonner son nom au profit d'un autre, plus masculine. Pyrio. Néanmoins, elle reviendrait. Que ce soit dans cinq ans, dix ans ou un siècle, elle reviendrait. Tel un phénix qui renaît de ses cendres, la dragonne renaît du feu de la colère, et, lorsque ce jour viendra, ce royaume qui a trop coulé le sang sacré de ces ancêtres, de sa famille et la sienne. Ce peuple qui a depuis toujours opprimé, pourchassé transformant ce race si fière en vulgaire gibier. Tout cela disparaîtrait, se transformant en cendres, ensevelie sous la braise flamboyante de l'indomptable ardeur, et, rien ni personne ne pourra les sauver.
Elle s'en fit la promesse et Feue sait que les dragons tiennent toujours leurs promesses.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top