Chapitre 20

Une vielle légende parlait d'un amour impossible, entre l'astre diurne et nocturne. Elle détaillait l'adoration et l'affection que liaient les deux tourtereaux, mais ne se voyant que de brefs instants. Pour satisfaire leurs envies, le soleil tardait un peu plus chaque jour le moment de sa descente pour rester quelque temps seulement en compagnie de sa bien aimée. Voyant que ces moments, bien que magique, n'apaisait en aucun cas leurs passions, ils furent décidés d'un commun accord qu'ils s'autoriseraient plusieurs fois dans l'année, une conjecture bien à eux, où ils seront tous les deux.

Une brise rafraîchissante de la saison printanière soufflait soudain, soulevant les longs cheveux bruns de la jeune femme qui observait les étoiles scintillantes dans la noirceur du monde. Ils dansèrent dans le silence de la nuit autour d'un visage juvénile et blanc tel un flocon de neige. Délicat et pure. Son regard voyageait à miles lieux d'ici, perdu dans les profondeurs de son âme et du passé.

Ce mythe lui rappelait son amour de jeunesse. Un amour qu'elle perdit depuis longtemps de cela, à cause d'une réponse précipitée et absurde. Une réaction qui, maintenant, la hantait chaque seconde de sa courte vie. Ce choix que la femme pensait la meilleure qu'elle pût faire.

Une syllabe. Trois lettres. Un mot.

La question la taraudait également, elle était apparue aussi brusquement que son maître était imprévisible, c'était d'ailleurs ce que la demoiselle de l'époque préférait chez Kil. Son calme et son imprévisibilité. Il l'avait simplement regardé avec ses prunelles mystérieuses et avait sorti une phrase, calmement, et, il gardait ce flegme face au refus de celle qu'il voulait comme femme. Puis il était parti, de la maison et de sa vie. Ce fut la dernière fois que Stelia vit le père de son enfant. Il avait disparu comme il était apparu, avec une rapidité surprenante. Du jour au lendemain, sans qu'elle ait pût lui annoncer sa grossesse.

Dès lors, la maman regrettait chaque seconde son rejet et cette fichue proposition.

Veux tu m'épouser ?

La trentenaire chérissait leur aventure comme un trésor inestimable, et, elle dévouait encore plus le fruit de sa passion avec Kil, le témoin de leur amour, un souvenir vivant et énergique qui était en ce moment même avec elle.

- Il dort, annonça une voix, la sortant de sa torpeur.

Elle aimait observer les astres, le ciel et se rémora les contes que Kil lui narrait avec cette fougue et cette ardeur qui le caractérisait. Elle aimait particulièrement celle de la lune et du soleil et celle de la naissance de l'océan. La jeune adolescente pouvait écouter sa voix douce et mélodieuse pendant des heures dans la nature florissante, et, admirer les couleurs verdure et écorce de bois de ses yeux étincelant de passion.

Son regard s'attardait sur son interlocutrice. La servante semblait mal à l'aise et tendue, s'attendant sûrement à ce que Stelia lui sautait dessus à tout instants. Tremblantes, les mains bougeant dans tous les sens, Iris voulait sans aucun doute s'enfuir le plus loin possible de ce qu'elle considérait comme un danger.

- Je vous en remercie ! Vous pouvez partir si vous en éprouver le besoin ! Ajouta-t-elle, voyant que la suivante poireautait toujours.

Elle fit un rapidement hochement de tête, faisant tomber sans le vouloir son bonnet de son uniforme de maison. Noir. Tous de noir vêtue avec une robe, un tablier, des souliers et un bonnet.

S'abaissant, fébrile, pour ramasser l'objet, la fille rougissait et palissait à vue d'œil.

- Vous ne me demandez pas ?

- Pardon ? Croassa-t-elle en perdant ses couleurs.

Stelia, ayant peur qu'elle fit un malaise, abrégea sa souffrance en s'expliquant.

- Je me doute de la nature de votre mal être ! Vous avez dû entendre les rumeurs qui circulent sur ma famille, je comprends parfaitement votre peur ! En revanche, ce que je n'arrive pas à assimiler est votre silence ! Vous avez passé toute la journée avec mon fils et je vous en remercie, mais, s'il existe un problème entre nous, la moindre des choses est de me poser la question au lieu de croire des bruits qui sont la plupart du temps sans fondement ! Pourquoi donc ne n'avez-vous pas poser la question directement ? Avez-vous peur que je me froisse ? J'ai passé ce stage depuis bien longtemps. Peut-être que vous craignez que je puisse être violente ? Je vous rassure en vous disant que je n'ai aucune force dans mes bras et que dans un combat, vous gagnerez sans peine ! Et puis, je ne supporte point la violence et je ne risque pas de renier mes principes maintenant.

- Je... tenta la fille en avalant sa salive.

- N'essayez pas de nier les faits ! Vous êtes curieuse et je vous le concède ! Je vais vous raconter les choses tel qu'elles se sont passées il y a de cela une trentaine d'années, tel que mes parents me l'ont apprises. Répétez-les si vous le désirer mais je refuse que l'on salisse mon nom en modifiant le passé.

Stelia se passa les mains sur ses épaules pour les réchauffer. Il ne faisait plus aussi froid qu'en hiver mais les nuits étaient toujours fraîches dans la Cité Royale.

- Un feu de cheminée serait plus adéquate pour des révélations de ce genre que le ciel étoilé : rentrons !

La brune ignorait la raison de son éloquence, ressentant le besoin soudain de se confier à une âme charitable.

- Quelle âge avez-vous ?

- Seize ans, madame !

- Vous avez vécu au château pendant tout ce temps ? Depuis votre naissance ?

Elle hocha la tête pour approuver ses dires.

- Bien, vous avez dû entendre de nombreux bruits de couloirs alors. Tout a commencé lorsque le prince Karlo fut encore célibataire, et, où ma tante et notre actuelle reine étaient meilleures amies. Étant inséparables, les adolescentes faisaient les quatre cents coups ensemble profitant le peu de liberté que leur accordait leur statut. Immanquablement, Nemosyne tomba follement amoureusement de l'héritier royal et, heureusement, ou fatidiquement, ce fut réciproque. Ils commencèrent une liaison secrète, chérissant chaque instant passé ensemble. Naïve et éprise, la jeune fille n'hésita pas à tout raconter à son amie, les moindres détails, ses ressentis, ses sentiments.

Stelia s'arrêta un moment dans son récit. Elle s'était assis sur le lit, une main dans les cheveux de son fils - les caressant avec douceur, les yeux dans les vagues fixant les étincelles de lumières dans l'âtre. La chaleur montait dans la chambre, réchauffant ainsi son corps et son cœur. Ayant l'habitude de rémora la déchéance de sa famille, ça ne lui venait pas à l'esprit de pleurer mais raconter les évènements était une chose dont elle n'était pas habituée, ayant surtout peur de ne pas trouver les bons mots, d'être bloquée. Soufflant pour revenir au présent avant de replonger, elle reprit sa narration.

- La famille Phanes était la plus puissante, la plus riche des autres familles. De plus, Atashya avait des dons qui pouvait se développer encore plus avec La Couronne. Il fut décidé par le Conseil des Anciens et Le Grand Conseil que Karlo et Atashya seront fiancés... sans l'accord des principaux concernés. Le prince n'avait d'autre choix que de renoncer à se battre pour sa dulcinée malgré les promesses susurrées avec pour témoin le ciel et ses enfants. Nemosyne n'était que baronne - du moins, fille de baronne, tandis que sa promise avait le titre de Duchesse. Pour ne rien arranger, ma tante n'avait pas de dons. Il était de notoriété publique que rare était les Aura possédant de pouvoir, cela pouvait sauter des générations entières.

- Est-ce si important que ça les dons ?

- Oui... on parle des héritiers et donc des futurs majestés de ce royaume, il faut une certaine puissante, un prestige ! Il faut que leurs enfants aient des dons également. Il était assez fréquent que les héritiers épousaient les meilleurs donateurs pour assurer leur descendance et asseoir leur autorité. Ainsi donc, la duchesse, à cause de son rang, se devait de respecter les décisions des plus grands. Ils furent donc mariés ! La passion était tellement forte que le dauphin et la baronne firent quelque chose d'impardonnable. Ils défièrent les lois. Plusieurs fois. Fatidiquement, la reine les a surpris et malgré son amitié avec Nemosyne et l'amour naissant de Karlo, elle appliqua la sentence. On ne peut pas la juger, elle a été élevée ainsi. Ma tante fut donc exécutée, sa famille a été exilée, le roi Karlo a perdu la moitié de ses biens - le cédant à sa femme pour dédommagement. J'avais trois ans, il y a de cela vingt-sept ans. On a tout perdu, notre nom, notre réputation, nos terres, nos prestiges.

Par la fenêtre, les obscurités étendaient son monstrueux manteau à travers l'immensité du monde. De la fumée s'élevait doucement, dansant dans l'air ambiant, ondulant au rythme du silence de la nuit. Elles écoutaient ensemble le crépitement incessant des bois de la cheminée. Iris l'avait écoutée avec une discrétion inégalable.

- Pourquoi ce... décret ? N'est-ce pas trop... juste pour une tromperie ?

Stelia soupira, arrêtant les gestes mécaniques dans les cheveux de Pan, et leva les yeux vers son interlocutrice, la regardant pour la première fois depuis leur conversation.

- Les Onyx veut garder le pouvoir. Ils ne veulent pas avoir un enfant illégitime car à ce moment-là, il pourrait prétendre le trône et seul la Couronne pourrait les départager, or, on sait tous que les choix de cet objet sont... imprévisibles. Un homme ou une femme a le droit de voir quelqu'un d'autre si, et seulement si, son partenaire est d'accord et alors la personne devient son concubin ou concubine.

- Comme le père de Graben.

- Hum... oui. Je suppose !

Il y avait beaucoup de chose que la jeune mère ignorait à cause de son absence prolongée. Elle savait juste que Graben était le jeune homme parti avec la princesse pour la réalisation de la prophétie. Elle sentait qu'elle avait beaucoup de chose à apprendre pour se mettre à jour.

- Toujours est-il que sa majesté ignorait sa relation avec son amie.

- Mais si Nemosyne était sa meilleure amie, pourquoi a-t-elle fait ça ? Elle aurait pu faire semblant de ne pas savoir ou ...

- Sa majesté est très... stricte au sujet des règles et des lois. Et puis, cela ne sert à rien de ressasser le passé, on ne peut rien changer de toute manière ! Parle-moi plutôt de ces rumeurs... que dit-on de nous ?

Iris se trémoussa, gênée. Elle ouvrit la bouche puis la referma, hésitante.

- On raconte que les fantômes de ta famille circulent au château durant les nuits de pleine lune ! Avoua-t-elle d'une petite voix en jetant un coup d'œil vers la fenêtre.

La lune souriait, bien rond.

Son grand-père qui ne supportait pas le déshonneur de sa famille se suicida. Sa grand-mère périt de chagrin peu de temps après. Son oncle devint fou à cause de la mort brusque de ses parents et de sa sœur préférée. Seul son père et sa mère se remettaient de la tragédie mais sa génitrice disparut cinq ans plus tard. On appelait cette période La Grande Malédiction dans sa maison. Ce potin eut le mérite d'être un peu véridique mais les âmes de sa pauvre lignée ne se trouvaient pas ici, elle le saurait dans le cas contraire.

Elles papotaient jusqu'à tard dans la nuit, et, Iris s'en alla lorsque la brune dormait à côté de Pan. Ils n'entendirent donc pas la légère frappe sur la porte ni que celle-ci s'ouvrit sans bruit pour laisser entrer une silhouette.

Ils ne virent pas non plus l'identité de l'intrus. Il se déplaçait avec tellement de grâce et de légèreté qu'il semblait flotter. Tel un spectre. Il fit ce qu'il devait faire et s'évapora dans la nuit.

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