CHAPITRE 7

— Quatre morts en quoi, six courses ? C'est normal, ça ?!

— Sir Hamilton, c'est plutôt trois, car effectivement, Mick Schumacher est décédé hors Grand Prix.

— Il est décédé dans l'enceinte de la Formule 1. Donc, je maintiens mes propos, quatre. C'est un peu inquiétant.

Le président de la FIA ne trouve rien à redire à cela : il est d'accord avec Lewis.

— Non, mais quand même... vous avez remarqué un truc, demande Charles, et Lando acquiesce.

— Oui. Tout le monde meurt.

— Lando ! C'est glauque, rétorque Alex, et Carlos hoche vivement la tête.

— C'est pas glauque, c'est juste vrai, marmonne Valtteri, et les cinq pilotes tournent la tête en entendant des sanglots.

— C'est Esteban ?

— Oui. Il arrête pas, le pauvre. Il était très attaché à Mick et à Lance, alors...

— Mais quand même, j'ai remarqué un truc, insiste Charles, mais personne ne l'écoute : ils sont tous partis.

— T'as entendu ce qui s'est passé avec la famille Stroll, demande Max, et Daniel hoche la tête.

— Que le père Stroll a payé pour que son fiston remonte dans le classement ? C'est incroyable.

— C'est surtout pathétique, dit Max, c'est complètement illégal.

Daniel hausse les épaules.

— Il a payé son amende. Et il ne recommencera plus, de toute façon.

— Et nous venons d'apprendre à l'instant que Tsunoda ne participerait pas à la course... C'est donc le troisième pilote de chez Alpha Tauri qui prendra sa place.

— Un peu étonnant, d'annoncer ça maintenant !

— Même très étonnant. Il est apparemment malade et pensait avoir les forces nécessaires pour participer, mais le médecin le lui a interdit.

— Effectivement, on rappelle que la Formule 1 est un sport qui nécessite d'être physiquement et mentalement en bonne santé... Il ne vaut mieux pas prendre de risque.

Lewis fronce les sourcils. Il est persuadé d'avoir aperçu Norris se faufiler hors du motorhome Alpha Roméo, un air coupable sur le visage.

— Mais depuis quand il est malade ? On a parlé par messages ce matin, il allait bien, remarque Sebastian, et son ingénieur hausse les épaules.

— Aucune idée. Je travaille avec toi, pas avec lui.

La surprise de l'absence de Yuki passée, tous les esprits se tournent vers l'hommage rendu à Lance Stroll, très lourd de sentiments. Mais certains regards mécontents sont dirigés vers Lawrence Stroll, qui écoute le discours de Seb la tête baissée.

— J'en ai marre, de tout ça, marmonne Valtteri, et plusieurs pilotes hochent la tête.

— Et c'est pas fini.

Tous les pilotes regardent Pierre, qui vient de prononcer cette phrase.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Parce que la FIA raconte des conneries. Yuki n'est pas malade. Il est mort dans un accident de voiture en venant au circuit.

Les caméras n'ont rien capté de ces mots, mais les pilotes, eux, ont tous bien entendu. Certains ne peuvent masquer leur surprise, d'autres baissent simplement la tête pour cacher leurs larmes. Personne ne remet en doute les mots de Pierre, et quand chacun part rejoindre sa voiture, ils ne peuvent évidemment pas garder ça pour eux.

— Yuki est mort, lui aussi, demande Esteban d'une voix blanche à son ingénieur.

— Quoi ? Qu'est-ce que tu racontes ?

C'est l'effervescence sur la grille : tout le monde s'agite, mais plus personne n'est autour des voitures. Tout le monde discute de la nouvelle qui vient de se propager, et évidemment, chez Alpha Tauri, on confirme.

— C'est vrai. On voulait que la FIA en parle avant la course, mais ils ont raconté une version différente...

Tout le monde semble en colère, et la FIA annonce que la course partira dix minutes après l'heure prévue. Les chefs d'écurie, quant à eux, se retrouvent tous devant la porte du directeur de la FIA, prêts à en découdre.

— On ne peut pas donner l'information maintenant !

— Et comment Pierre était-il au courant ? Tous les pilotes le savent, maintenant.

— Mais pas le public. Il faut faire le Grand Prix comme prévu. On l'annoncera avant le podium, cette fois. Mais on ne va quand même pas annuler la course... Pensez à vos pilotes en bas du classement...

— Et Pierre va conduire ? Malgré ce qu'il vient d'apprendre ?

— Oui.

— Incroyable. Tout bonnement incroyable.

— Mais c'est vraiment n'importe quoi ! On ne va pas conduire dans ces conditions !

— Pas un mot à la radio à propos de ça.

— Non mais, vous vous rendez compte de ce que vous nous demandez ?

— Je suis désolé, je ne peux pas.

La course se clôture sans accident majeur. Tout le monde passe la ligne d'arrivée, notamment Charles, qui termine premier de la course.

— Son rêve se réalise enfin à Monaco, s'exclame un commentateur, et son collègue rit.

— Après toutes ces années, ça y est, Charles Leclerc l'a fait ! La victoire à Monaco !

— C'est bizarre, il n'a pas l'air très heureux...

— C'est vrai, ce que vous dîtes là... Et regardez Pierre Gasly, qui a abandonné sans aucune raison apparente dès le premier tour de piste, un peu inhabituel pour le fran-...mais qu'est-ce qui se passe ?

L'image laisse place à un fond noir, et l'annonce du décès de Yuki apparaît sur tous les écrans. Il est ajouté en dessous que par respect, les pilotes refusent de participer à la cérémonie du podium, et que leurs trophées leur seront remis en privé.

— Je n'arrive pas vraiment à croire ce qui se passe en ce moment, souffle l'un des commentateurs.

— Tiens, Mattia m'a dit de t'apporter ton trophée...

— J'en veux pas, de ce trophée.

Carlos hausse les épaules, mais le pose quand même à côté de Charles.

— Je suis désolé. Je sais combien tu as rêvé de remporter un Grand Prix ici, et... ce ne sont pas les conditions idéales.

Charles soupire avant d'esquisser un petit sourire.

— C'est pas ta faute... C'est terrible, ce qui se passe. Mais tu sais, j'ai remarqué un truc.

Carlos acquiesce. Il a déjà entendu cette phrase bon nombre de fois aujourd'hui. Charles va peut-être, enfin, lui faire part de ses observations.

— C'est toujours le dernier du classement qui meurt.

Carlos fronce les sourcils en entendant ces mots.

— C'est sûrement une coïncidence, ça, et puis ça ne marche pas avec Nick et Guanyu.

— Derniers tous les deux. Pas de mort la semaine suivante, répond Charles, comme s'il avait réponse à tout concernant son idée.

— Charles... je pense que tu as trop d'imagination, là. Je vois pas ce que tu vas chercher.

— Je te dis juste ce qui se passe : on se fait éliminer quand on est dernier.

— Du coup, on est d'accord, pour la prochaine course, demande Lewis, et Sebastian fait la moue.

— On a plus le choix, de toute façon.

Les deux pilotes se serrent la main.

— Non, mais...

— C'est forcément une coïncidence, Esteban.

— Cinq fois ? Cinq fois une coïncidence ? Tous les pilotes vont finir par mourir, si on continue comme ça ! Il n'y a pas un seul pilote éliminé pour le moment, puisqu'aucun n'est vivant à la fin !

Fernando secoue la tête.

— Alors, quoi ? À chaque fois, quelqu'un décide de tuer le dernier ?

— J'en sais rien, mais admet que c'est quand même pas très discret !

— C'est surtout horrifiant. Je suis horrifié.

— Il faut vraiment que les passages au stand se fassent plus rapidement, mon arrêt a duré 6 secondes à cause de ces ingénieurs en carton.

— Mais t'es sérieux, soupire Sergio face au manque de tact de son coéquipier.

— Me dis pas que tu es happé par ces histoires de meurtres, toi aussi ? C'est des diversions, ça ! Reste concentré ! Y'a que le championnat qui compte réellement.

— Mais qui ? Et pourquoi ? demande Alex, faisant les cent pas, et Valtteri secoue la tête.

— J'en sais rien. C'est sûrement une personne différente à chaque fois... Sûrement l'autre con de Mazepin, pour Mick.

— Il m'aurait pas plutôt tué moi ? Parce que j'ai pris sa place, explique Kevin, et Alex hausse les épaules.

— Ils s'entendaient pas du tout... tout est possible.

— Donc, c'est bientôt notre tour ? Qui voudrait nous tuer ?

Ce soir-là, les pilotes vont se coucher, la tête pleine de théories et de peurs. Certains ne ferment pas l'œil en essayant de donner un sens à ce qu'ils vivent, d'autres tremblent dans leurs cauchemars en s'imaginant poursuivis par la mort.

ILS ÉTAIENT VINGT, lLS NE SONT PLUS QUE QUINZE. 


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