CHAPITRE 3
Le week-end du troisième Grand Prix de la saison signe le début des éliminations en Formule 1. Nicholas, Mick et Yuki, respectivement P19, P18 et P17, arrivent ensemble sur le paddock, comme épris d'un sentiment de solidarité. Bien qu'un seul d'entre eux sera éliminé le dimanche, ils savent qu'ils auront tous plus ou moins la même saison cette année. Quelques courses, pas plus.
En passant devant l'énorme tableau affichant le classement, Mick et Yuki détournent la tête. Nicholas, lui, le regarde : son nom est tout en bas du classement, accompagné d'un trois indiquant son nombre de points. Au-dessus, le même nombre est inscrit à côté du nom de Guanyu Zhou. C'est entre eux que cela va se jouer, il le sait.
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Dans le motorhome Aston Martin, Lance fait les cent pas.
— Tu comprends pas, Seb. Mon père me laissera jamais être éliminé. Tu te rends pas compte de la pression que j'ai sur les épaules, moi.
— Mais on s'en fout, de ton père. C'est toi le pilote, c'est toi qui sera seul derrière ton volant. Il n'a aucune leçon à te donner.
— Ouais, c'est bien optimiste...
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Les qualifications n'aident en rien le bas du classement, car encore une fois Nicholas, Guanyu et Lance se retrouvent aux dernières positions. En prenant place P19, le dimanche, à quelques minutes du départ, Nicholas n'y croit plus vraiment.
Il sait que tout peut arriver en Formule 1. Qu'il suffit d'un tête-à-queue, d'un mauvais pit stop, d'un mauvais freinage nous emmenant dans le mur pour que tout soit remis en jeu. Mais le Canadien ne croit pas en un miracle.
Quelques secondes avant d'appuyer sur l'accélérateur, il ne se sent même pas triste. Il a l'impression que sa saison est en train de se terminer avant même d'avoir commencé.
Les feux s'éteignent, et les premières monoplaces de la grille s'élancent pour un Grand Prix de cinquante-huit tours.
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-Bono, je suis combien, demande Lewis.
-P7. George est P6.
-Ah, c'est lui, devant, qui est très lent ?
-Je regarde ça, mais je crois que vous allez à peu près au même rythme...
-C'est parce que je suis obligé de m'adapter à son rythme, mais il me ralentit. Je peux le doubler ?
-Je n'y vois pas d'inconvénient.
Lewis, fier de lui, dépasse son coéquipier dans le virage suivant.
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Nicholas n'y croit peut-être plus, mais il veut quand même profiter de ses derniers tours dans la Williams ; il fait de son mieux, et il réussit même à apercevoir la voiture devant lui. Il reconnaît la Haas de Mick, et il le dépasse en seulement deux essais. C'est seulement en voyant la monoplace de Guanyu que Nicholas réalise : il est en train de sauver sa place. Cela le motive, et il passe devant le pilote, qui n'accepte pas la situation aussi facilement que Mick : un combat se met en place pour la dix-huitième place du classement. Guanyu la veut tout autant que Nicholas. Il a besoin des trois points qu'elle pourrait lui apporter. Il refuse de se laisser doubler par quelqu'un qui pourrait l'éliminer.
Il tente un dépassement dans la ligne droite, mais Nicholas se met au milieu, l'empêchant de passer. Persuadé qu'il a la place, Guanyu accélère. Les deux pilotes se retrouvent roue contre roue quand le pilote Alpha Romeo réalise qu'il fait soudainement très chaud. Quand il tourne la tête, il voit que la monoplace collée à la sienne est en train de prendre feu.
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— Pourquoi y a-t-il un drapeau rouge ?
— Zhou et Latifi. Je n'ai pas encore d'infos, les images ont été coupées à la télé. Il y a eu un tête-à-queue, ou du feu.
— Un tête-à-queue OU du feu ? Comment vont-ils ?
— Je reviens vers toi quand j'ai plus d'infos.
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— Je peux aller faire pipi ?
— Affirmatif. Le drapeau rouge va durer un moment.
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— Ils sont en train d'enlever les voitures du circuit, la course va bientôt pouvoir reprendre.
— Des nouvelles des pilotes ?
— Ils sont conscients et marchent. Ils vont tous les deux être emmenés à l'hôpital pour faire des examens.
— Super, c'est déjà rassurant.
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— La course reprend dans dix minutes, on se met en place. Départ arrêté.
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-Possible de savoir combien de tours il reste, demande Daniel à la radio.
-Il reste trois tours, Daniel. Comment trouves-tu les pneus ?
-Les pneus vont bien.
-Russell est devant toi. Tu vas largement avoir le DRS. Tu peux tenter un dépassement.
-Je vais faire plus que tenter, déclare le pilote avec un sourire,
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— P7. P7. Bon boulot.
— La stratégie était vraiment nulle, tout le monde m'est passé devant. Humiliant.
— On regardera ça après la course pour essayer de s'améliorer.
— Je ne peux pas me permettre de rater des courses inutilement. Je fais mon boulot derrière le volant, faites le vôtre !
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— P9. Bravo.
— Merci ! Où est Fernando ?
— P10. Il t'a aidé durant toute la course.
— Merci à lui. Merci à tous.
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— Bien joué, P6. Tu as fait un boulot fantastique.
— P6 à la maison ! Bien joué les gars !
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— Et c'est la victoire pour Charles Leclerc ! Deuxième victoire de la saison, après avoir terminé la course quatrième à Bahreïn, le pilote de chez Ferrari se ressaisit et rappelle à tout le monde qui a gagné le titre l'année précédente.
— Avec les nouveautés, nous avons beaucoup les yeux rivés sur le bas du classement, mais une bataille se joue aussi en haut. Ça va faire du bien à Charles de récupérer les vingt points de la course d'aujourd'hui, pour pouvoir distancer un peu Max.
— Nous vous rappelons que Nicholas Latifi et Guanyu Zhou ont été transportés à l'hôpital après un incident sur la piste. Nous devrions normalement avoir des nouvelles d'eux incessamment sous peu, ils sont potentiellement déjà de retour sur le circuit. On se retrouve après une courte pub pour le podium.
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— Charles, Carlos, il faut que je vous parle.
— Maintenant, demande ce dernier en fronçant les sourcils.
— Ça va être le podium, là...
Les deux pilotes se taisent en voyant le visage grave de Mattia Binotto.
— Ça va ? T'es tout blanc.
— Nous venons d'avoir des nouvelles de Guanyu et de Nicholas, ils vont en parler après le podium mais je préfère que vous l'entendiez avant.
— Alors, ce n'était pas trop grave, demande Charles, et Mattia secoue la tête.
— Ils ont succombé à leurs blessures.
Charles ne dit plus rien, et Carlos demande :
— Euh, mon anglais n'est peut-être pas au point pour les expressions comme ça... j'ai cru comprendre qu'ils étaient morts ?
— Tu as bien compris, confirme Mattia.
— Mais... c'est une blague ? On nous a dit qu'ils marchaient et tout !
— La FIA ne voulait pas inquiéter tout le monde pour rien, je pense...
— Bah il y avait clairement raison de s'inquiéter ! Nan mais c'est n'importe quoi !
— Et on doit faire le podium comme si de rien n'était, souffle Charles. C'est impossible...
— La FIA le demande. Les téléspectateurs, le public, les journalistes, ils ne savent rien pour le moment.
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Charles, Max et Lewis se retrouvent dans la cold room, comme le veut la tradition. Dans leurs yeux, ils peuvent voir les uns et les autres qu'ils savent. Mais entourés de caméras, ils ne peuvent rien laisser transparaître. Ils discutent de la course qu'ils ont vécue tous les trois, loin de l'accident. Puis mécaniquement, ils se lèvent et vont célébrer le podium. Ils font semblant d'être heureux, s'arrosent de champagne, rient sans y mettre le cœur, et finissent enfin par descendre. Sans même en avoir parlé, ils veulent tous les trois la même chose : s'éloigner le plus vite possible des caméras. Ne pas se croiser entre eux. Ne pas croiser les seize autres pilotes, sûrement aussi au courant. Ne pas croiser les coéquipiers, les écuries, les familles de Nicholas et de Guanyu. Ils ont besoin de temps pour réaliser ce qu'il vient de se passer.
Chaque pilote se retrouve isolé, choqué par la nouvelle à laquelle ils ne s'attendaient pas.
ILS ÉTAIENT VINGT, ILS NE SONT PLUS QUE DIX-HUIT.
vos pensées, suggestions, pronostics
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