CHAPITRE 16

- Nous sommes à deux jours du Grand Prix de Monza, et les accusations vont bon train concernant le décès de Daniel Ricciardo, survenu lors de la dernière course, annonce la présentatrice du journal télévisé. En effet, sur les réseaux sociaux, la faute est remise sur le dos des mécaniciens, qui auraient potentiellement modifié les fonctionnalités de la voiture.

L'image change pour une image de plusieurs personnes assises autour d'une table, visiblement en direct à la radio comme l'indiquent les micros et les casques.

- C'est quand même la première fois que quelqu'un va aussi vite au volant d'une Formule 1, dit un des hommes autour de la table. Il y a forcément eu des modifications sur la voiture.

- Et qui doit vérifier ça, demande un autre homme.

- La FIA.

L'image revient sur la présentatrice.

- Pour le moment, la FIA a annoncé une modification des termes de la course : dix-sept tours seulement, pour éviter de devoir faire un arrêt pour le changement de pneus.


Lando sait qu'il n'a pas beaucoup de temps : il doit être méthodique. Une fois, il a été dans le bureau de Zak, et il avait trouvé que c'était mal rangé : visiblement, Toto est encore moins ordonné. Il y a des feuilles partout, et sait qu'il n'aura pas le temps de tout lire. Son téléphone dans sa main droite sert à prendre le maximum de choses en photo, qu'il pourra lire plus tard.

Il remet tout dans l'ordre en se disant que vu l'état de la pièce, son passage ne sera jamais remarqué, et se faufile en dehors de la pièce. Personne ne l'a vu. Il est soulagé.


- Dix-sept tours ? C'est une course sprint, ça.


- Tu ne peux pas comprendre, Carmen, dit George, et la copine du pilote lève les bras au ciel.

- Non, effectivement, je ne comprends pas. Vous savez que vous allez y passer un par un et vous continuez ?

- Oui.

- Et ça ne te choque pas ?

- C'est notre décision. À tous.


- Le tueur doit trouver qu'il a trop de temps quand on fait soixante-dix tours.

Lewis fronce les sourcils en remarquant quelqu'un avec une capuche sortir de chez Mercedes. Il plisse les yeux et secoue la tête quand il reconnaît Lando.


- Du coup, plus de pit stop ? Et si on crève ? Je parle des pneus, pas des pilotes.


- Ça change rien, c'était quand, la dernière fois qu'on a terminé une course ?


- Max m'a envoyé un message pour qu'on se voie après les qualifs.

Charles acquiesce.

- D'accord.

- Ça va ? T'as l'air au bout du rouleau, remarque Carlos, et son coéquipier hausse les épaules.

- Je viens de réaliser que Lando et Lewis sont super proches à la fin du classement.

Carlos s'assied.

- Ah ouais ?

- Ouais. Le septuple champion du monde va peut-être mourir demain. J'arrive pas à y croire.

- Je savais pas que tu l'admirais autant.

Charles sourit.

- Tout le monde l'admire. Tout le monde. Même les gens qui préfèrent d'autres pilotes. C'est un monument de la F1.

Carlos aimerait répondre que, peut-être, ils vont découvrir le tueur avant que le drame n'ait lieu, mais au fond, il sait que c'est faux.

Alors il ne dit rien. Les deux pilotes Ferrari restent assis en silence jusqu'à ce qu'on vienne les chercher pour les qualifications.


- Je vais courir, on se réunit à quelle heure ?

Toto fronce les sourcils.

- Maintenant, Lewis. Ce n'est pas le moment d'aller courir.

- On ne peut pas décaler ? J'en ai pour une heure.

- Lewis...

- Non, c'est bon, j'ai compris. Je n'ai pas fait des qualifs incroyables, et je suis avant-dernier du classement, donc la moindre des choses est de m'asseoir et de chercher des solutions.

Toto hoche la tête.

- Tu m'ôtes les mots de la bouche.


- Oscar Piastri ?!

- Oui. C'est mon suspect numéro 1. Mais je peux vous en trouver d'autres, des pilotes de F2 qui attendent un siège et qui auraient donc pu céder à la tentation de le libérer eux-mêmes.

- Oscar Piastri, répète Carlos.

- Quoi, vous ne trouvez pas ça logique, demande Max, et Sergio hausse les épaules. Rappelez-vous de la promesse qu'on a eu quand on a accepté la saison avec élimination... On nous a garanti à tous un siège l'an prochain. Moi je vous dis qu'il y en a un, ou plusieurs, j'en sais rien, qui s'est impatienté.

- Au point de tuer tout ce monde ? Parce qu'une seule mort aurait suffi, remarque Charles.

- Bah, l'adrénaline, le pouvoir, tout ça, je suis sûr qu'un psy trouverait plein de réponses plausibles à ta question.

- Il vient toujours, même si Alpine n'a plus de pilote, demande Carlos, et Max hoche la tête.

- Apparemment, il traîne dans le garage Mclaren. Faut l'empêcher de venir, juste pour voir si c'est bien lui.

- Comment ?

- J'ai tenté un truc, avoue Max en haussant les épaules, et les trois autres pilotes le dévisagent. J'ai raconté à Christian que j'avais eu une dispute assez violente avec lui et que si je le voyais sur le paddock demain, je risquerai de... perdre mes moyens. Il a dit qu'il allait voir ce qu'il pouvait faire.

Charles secoue la tête, impressionné.

- Tu penses que ça va fonctionner ?

- Christian veut éviter que je me dispute avec des gens devant les caméras. Croyez-moi, demain, pas de Piastri sur le paddock.


- Ici ?

- Oui, ici. Il était dans ma salle... déclare Lewis. Quand je suis rentré, c'était sans dessus-dessous.

- Mais qu'est-ce que Lando faisait dans ta salle ? C'est hyper suspect, chuchote George.

Lewis hausse les épaules.

- Bah, c'est pour ça que je t'en parle. J'en toucherai deux mots aux autres quand je les croiserai sur le paddock. Mais il ne faut pas qu'on ait l'air méfiant, ça peut mal tourner. Il pourrait tous nous tuer ou faire semblant de mourir ou je ne sais pas quoi encore.

- J'en peux plus, de cette ambiance où il faut surveiller tout le monde, soupire George.


- Et c'est parti pour le Grand Prix de Monza ! Le départ se déroule sans accrochage, toutes les monoplaces passent le premier virage. Pas de dépassement pour le moment, tout le monde garde sa place obtenue hier, lors des qualifications.


- Dix-sept tours, c'est injuste, c'est pas assez pour remonter tout le monde...

- Tu es P1.

- Je sais. Mais je voulais parler d'avoir un tour d'avance sur tout le monde.


- Pourquoi il y a des embouteillages dans les virages ?! On n'est plus que sept, on pourrait tous être sur le circuit sans même voir les autres !

- C'est à cause de toi. Tu vas trop lentement, donc tout le monde te rattrape.


- Est-ce que tout le monde va bien ?

- Oui, ça va, merci, et toi ?

- Pas vous ! Les autres pilotes. Pas de mort ?

- Pas de mort. Merci de t'inquiéter pour ton équipe.


- Ligne d'arrivée. Tu es P2. Félicitations.

- Et Lewis ?

- Lewis est P7.

- Hein ?! Il est vivant ?!


- Vous êtes vraiment sûrs qu'il est P7 ?

- La place de Lewis t'inquiète plus que la tienne alors que tu es dernier ?

- Oui !


- Alors Max avait raison ?!

- À quel propos ?

- T'inquiète !


- Hey, lance Charles en entrant dans la cold room, voyant que Max est déjà assis, une bouteille à moitié vide dans les mains.

- Bonne course, dit celui-ci en s'approchant pour lui serrer la main.

Lewis entre dans la pièce au même moment, en train de boire, et Max et Charles attendent qu'il ait terminé pour le féliciter. Ils n'ont pas le temps, car bien que toujours en train de boire, Lewis s'étale soudainement au sol.

- Qu'est-ce qui se passe, panique Charles, et Angela, qui suivait le pilote Mercedes, le rattrape avant qu'il ne s'étale de tout son long par terre.

- Non, c'est pas possible, s'exclame-t-elle, en larmes.

- Lewis ? Lewis, appelle Max bêtement, mais évidemment, il n'a pas de réponse. Charles attrape son bras.

- Viens, on s'en va. On n'a pas à être ici.

Max pose une dernière fois les yeux sur Lewis avant de suivre le pilote Ferrari en dehors de la cold room.

- Ça va ? T'es tout blanc.

- Je crois que c'est la première fois depuis le début de tout ça que je vois la mort se dérouler devant mes yeux, répond Charles.

- Tu crois que c'était volontaire ? Que le tueur sait qu'on enquête et qu'il veut nous faire passer un message ?

Charles hausse les épaules.

- Je veux savoir si Piastri est là.


- George ? George, t'es là ?

La porte des toilettes s'ouvre, et le pilote Mercedes apparaît, les yeux rouges.

- Ils ont tué Lewis.

Lando hoche la tête.

- Je sais. C'est pour ça que je suis venu. Ils ont tué Lewis comme ils ont tué Daniel.

George hoche la tête. Lando entre dans les toilettes et prend George dans ses bras. Celui-ci se laisse faire, mais les mots de Lewis concernant Lando reviennent dans sa mémoire.

- Angela n'arrête pas de pleurer... je pouvais pas rester dans le motorhome. Tout le monde s'agitait, parlait du rapatriement du corps en Angleterre le plus vite possible... j'arrive pas à croire qu'il est mort. Et qu'on va tous y passer. Comment en est-on arrivé là ?

- Des menaces... ça nous a suffit pour avoir peur. Alors on conduit pour ne pas mourir... ou du moins, ne pas mourir tout de suite. Mais à la fin de la course, il y en a forcément un qui meurt. Et moins on est, plus c'est difficile.

Lando soupire.

- Le pays va être endeuillé. Il faut qu'on rentre pour les funérailles.

George acquiesce.


- Carlos ? Qu'est-ce que tu fais ici tout seul ?

Charles fronce les sourcils en voyant que son coéquipier est en larmes.

- Qu'est-ce qui t'arrives ?

- Lewis est mort ! Je... j'avais pas réalisé que ça me toucherait autant. Tu avais raison quand on en a parlé... C'était Lewis Hamilton !

Charles soupire et s'assoit par terre à côté de son coéquipier.

- Je sais. Moi aussi, ça me met un coup. Et je n'ai même pas la force de te dire que ça va aller, parce que je n'y crois pas forcément. On peut juste se serrer les coudes.

Carlos hoche la tête et tend son bras à Charles, qui y accroche le sien.

ILS ÉTAIENT VINGT, ILS NE SONT PLUS QUE SIX.


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