Éline - Vendredi 21 Juillet 2017

Je lui ai pardonné. Est-ce qu'il y avait vraiment quelque chose à pardonner ? J'ai écouté Armando me parler, et je ne savais pas trop quoi penser. Il est rentré de sa colo et il n'a pas voulu m'embrasser. Puis j'avais bien senti que quelque chose n'allait pas : chaque fois que je l'avais eu au téléphone cette semaine. Il était plus distant que d'habitude. Il ne me racontait pas des milliers de petits détails avec son habituel enthousiasme débordant complètement disproportionné et absolument adorable. Il n'était pas comme d'habitude. Je m'étais dit qu'il était juste fatigué. Puis je n'avais pas beaucoup de temps pour parler moi non plus. Je me suis dit qu'on se rattraperait quand il rentrerait ; qu'à ce moment là il pourrait tout me raconter. Et il m'a tout raconté. Et je suis tombée de haut. Je n'avais aucune idée qu'il allait me raconter un truc pareil.

Ça ne m'était même pas venu à l'esprit en fait, que peut-être un jour il pourrait tomber amoureux de quelqu'un d'autre que moi. Mais plus je l'entendais parler, plus ça semblait évident. Évidemment qu'il pouvait. Évidement qu'il avait cette capacité en lui. Il tombe amoureux tous les jours Armando : de peintures, de chansons, de paysages, d'instants, d'idées, de mots. Il tombe amoureux d'absolument tout. Il remarque toujours ce que personne ne remarque. Il admire toujours ce que personne n'admire. Et il a tout cet amour, tout cet enthousiasme que, la plupart du temps, il tait de crainte qu'on ne se moque de lui. Crainte absurde et infondée mais voilà ; il ne partage pas trop tout cet enthousiasme ; sauf avec moi. Et je crois que je suis pareil. Je crois qu'on est pareils lui et moi. Sur ça en tout cas. Je n'aime pas me dévoiler. J'ai besoin d'être en confiance. Et avec lui, je le suis. J'aime comme je suis en confiance avec lui. J'aime comme il est en confiance avec moi. Et j'aime qu'on partage ensemble tout un monde secret que l'on ne partage avec personne d'autre. J'aime que pas grand monde, à part moi, ne connaisse le gamin joyeux et l'artiste anxieux qui se cachent derrière l'attitude calme et sérieuse qu'il adopte trop souvent. J'aime tout ce qu'il est. Et j'aime comme on se connaît lui et moi.

Ça ne m'était pas venu à l'esprit, qu'il puisse un jour envisager de me quitter pour une autre. Pas plus qu'il ne me viendrait à l'esprit de le quitter moi. On a eu tant de mal à se trouver lui et moi. Il est la plus belle chose qui me soit arrivée. Et jamais on ne fera quoi que ce soit susceptible de gâcher ça. Ce qu'on a lui et moi, c'est plus important que tout. Peut-être que pour Amandine il a ressenti de l'attirance et de la curiosité. Probablement aussi qu'il a ressenti une vraie appréciation de ce qu'elle est, ou de ce qu'elle semblait être. Mais ça ne vaut rien. Enfin si, ça vaut quelque chose. Mais pas autant que tout le reste. Pas autant que ce qu'est vraiment l'amour. La confiance. Et la complicité. Les souvenirs accumulés. Les projets futurs. Tout ce qu'on a partagé. Et tout ce qu'on partagera.

Je ne peux plus me concevoir sans Armando. Je peux pas vivre quelque chose et ne pas immédiatement avoir envie de le lui raconter. Je vois des choses qui me font rire et j'ai envie de les lui faire partager. J'entends des idées et immédiatement je fais des hypothèses sur ce qu'il en penserait. De temps en temps il trouve le moyen de me surprendre. Mais j'aime plus que tout cette sensation de le connaître, de savoir à l'avance comme il va réagir, de constater à quel point il est lui-même. A quel point je le connais, à quel point il est toujours tout ce que j'ai aimé en lui et tout ce que je continuerai d'aimer en lui.

Il est mignon Armando. Il se sent tellement coupable. Alors qu'il n'a rien fait du tout. Il a peur que je ne lui fasse plus confiance. Alors que je n'ai jamais eu autant de raisons de lui faire confiance que maintenant. La dernière fois qu'on avait parlé de fidélité, il avait rigolé comme si cette conversation était complètement absurde, et dit que jamais il ne pourrait avoir envie d'être avec une autre fille, que personne d'autre que moi ne pourrait lui plaire, que personne n'était si géniale que moi. Et c'était mignon tout plein. Mais ce n'était pas convainquant, ce n'était pas rassurant. Parce que moi je savais que ce n'était pas vrai. Je savais que des filles aussi ou plus géniales que moi, il y en a des tas. Et je savais qu'un jour il en rencontrerait, des filles qu'il trouverait géniales. Ce n'était juste pas possible que toute sa vie il soit aveuglé à ce point. Oui, on s'aime. Oui, notre amour durera probablement pour toujours. Ou en tout cas on fera tout pour que ce soit le cas. Mais il ne pouvait pas avoir de la guimauve dans les yeux pour toujours.

Et au final c'est probablement une bonne chose, de savoir que, même sans guimauve dans les yeux, il peut être fidèle. C'était mignon tout plein, qu'il dise que la question ne se poserait même pas. Mais en vrai ce n'était pas une question à balayer du revers du bras. En vrai c'est plus rassurant maintenant ; de savoir que même quand la question se posera il me choisira moi. Parce que probablement que ce qu'on ressent, on ne peut pas toujours le contrôler. Mais nos choix, on les contrôle. Et s'il me promet de ne rien ressentir, ça vaut rien comme promesse vu qu'il n'a aucun contrôle là dessus. Mais se promettre de se choisir encore et toujours, ça a du sens parce que, là dessus, on a du contrôle.

Je ne peux pas penser que je suis la fille la plus géniale du monde. Je ne peux même pas penser que je suis la fille qui convient le mieux à Armando dans l'absolu. Pas parce que je n'ai pas confiance en moi ou quoi, mais juste parce que ce serait absurde de penser ça. Je suis juste une fille. Une fille qu'il aime. Il me dit qu'il aurait pu en aimer une autre, et je sais que c'est la vérité. Je l'ai toujours su. Mais je m'en fiche. Parce que ce n'est pas le cas ; parce qu'il m'aime moi. Je ne peux pas penser que je suis la fille la plus géniale du monde. Mais je peux penser que ce qu'on a créé lui et moi vaut plus que tout le reste. Je peux penser que je serai toujours le meilleur choix pour lui parce que me choisir moi c'est choisir tout ce qu'on a ensemble. Et la valeur de tout ça ouais, je crois vraiment que rien ne peut entrer en compétition avec ça. Et je sais qu'il le sait lui aussi. Je sais qu'il le sait.

Armando c'est un petit angoissé de la vie. Il me dit que si Amandine avait essayé de l'embrasser il n'aurait pas été capable de la repousser. Mais je ne le crois pas quand il dit ça. Je ne le crois pas. Armando il dit toujours qu'il ne serait pas capable de ci ou de ça, puis le moment venu il est toujours capable de tout. Il dit qu'il ne peut pas peindre des animaux, puis il te pond des chefs-d 'œuvres. Il dit qu'il va être un moniteur qui se fait victimiser par les gosses, puis il revient en racontant qu'il a été leur conseiller et leur meilleur ami. Il dit qu'il ne me mérite pas, puis il est toujours le meilleur petit-ami du monde. Pourtant, il a progressé Armando. Il a beaucoup plus confiance en lui qu'il y a deux ans de ça. Il est beaucoup moins anxieux. Mais il y a encore des progrès à faire.

Moi j'ai confiance en lui. Je sais qu'il aurait repoussé Amandine. Je sais qu'il m'aime. Je sais qu'il sait que ce que l'on a lui et moi a plus de valeur que tout le reste. Je sais qu'il me choisira. Je le connais trop bien Armando. Des fois j'ai l'impression de le connaître mieux qu'il ne se connaît. Moi je sais qu'il l'aurait repoussée. Je sais qu'il n'aurait pas pu faire un truc pareil. Et je sais aussi que même s'il l'avait fait, je le lui aurais pardonné. Même s'il s'était égaré, même s'il m'avait oubliée, même s'il avait merdé, je lui aurais pardonné. Je ne vais pas lui dire ça. Je ne voudrais pas qu'il sache. Je ne voudrais pas que ça l'encourage à déconner. Mais je lui aurais pardonné. Ouais, je lui aurais pardonné. Tant qu'il m'aurait dit la vérité.

Je crois que s'il m'avait menti, je ne lui aurais pas pardonné. Je crois que trahir ma confiance, je ne pourrais pas lui pardonner. S'il brisait la confiance qu'on a en me cachant des choses. S'il tuait notre complicité. S'il me retirait l'accès à ses pensées. S'il m'empêchait de le comprendre. S'il s'éloignait de moi à ce point. Ça, je ne pourrais pas lui pardonner. Ça, ça briserait notre relation, ça couperait notre lien. Je n'aurais pas pu lui pardonner. S'il m'avait caché quelque chose comme ça. Même si c'était rien. Et il sait que je n'aurais pas pu lui pardonner. Mais de toute façon il n'aurait pas pu se le pardonner lui-même. Il n'aurait pas supporté lui non plus. Je n'ai pas peur qu'il me mente. Jamais. Il ne pourrait pas faire ça Armando. Je le sais. Je le connais trop bien. Et ça fait partie des raisons pour lesquelles je l'aime.

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