Armando - Vendredi 21 Juillet 2017
C'était le dernier jour de la colo. Le dernier jour de ma vie où je verrai Amandine. En principe. On ne peut pas savoir. C'était la dernière fois que je voyais Amandine. Et je l'ai vue. Je l'ai vue rire avec les enfants. Je ne l'ai pas vue pleurer. Je l'ai vue sourire. Je comprends pas. Je comprends pas pourquoi elle va si bien. Peut-être que ce qu'elle ressentait pour moi, c'était pas si fort que ça. Peut-être que c'était pas si fort que ce que je ressentais pour elle. Pourquoi ça semble si facile pour elle ? Peut-être qu'elle ne ressentait pas ce que je ressentais moi. Peut-être qu'elle ne percevait pas ce que je percevais. Ou peut-être qu'elle était juste plus forte que moi. Mais je ne comprends pas. J'ai vu Amandine passer la journée à rire, et je n'ai pas compris. Je crois que ça m'a fait mal ; de la voir rire. Je devrais être content pour elle ; mais ça m'a fait mal. J'ai été vexé. Je suis horrible. Mais je ne suis pas horrible. Si on m'avait demandé de choisir, j'aurais choisi qu'elle rie. Ce sont nos choix qui comptent. Mais oui, j'ai ressenti un petit pincement au cœur, de la voir heureuse comme ça. Même si j'étais heureux pour elle. Même si je veux son bonheur. Au fond ouais, je ne veux pas qu'elle tienne à moi. Mais une part de moi aurait quand-même voulu qu'elle tienne à moi. C'est horrible. Mais j'avais eu l'impression qu'elle ressentait quelque chose de vrai elle aussi. Et juste je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment elle peut rire comme ça.
Peut-être qu'elle faisait semblant. Peut-être qu'elle faisait semblant de rire. Peut-être qu'elle faisait semblant pour que ce soit plus facile pour moi. Semblant d'aller bien. Après tout, elle fait du théâtre, elle doit être douée pour faire semblant. Mais je ne crois pas. Il semblait trop sincère son rire. Et puis elle dit toujours que mentir et faire semblant c'est contraire à ses principes. Je crois que son rire était sincère. Elle avait l'air heureuse, Amandine. Mais Mercredi, quand elle pleurait sur les rochers, elle ne semblait pas heureuse du tout, elle ne semblait pas aller bien. Je ne comprends pas. Je ne comprends pas Amandine. Et je ne la comprendrais jamais. J'aurais aimé la comprendre. J'aurais pu la comprendre. Mais pas dans cet univers là. Je ne saurai jamais. Je ne saurai jamais tout ce qui se passe dans l'esprit d'Amandine.
Mais en fait aujourd'hui, je n'ai pas trop pensé à Amandine. Parce que j'étais trop occupé à stresser. Je devais parler à Éline ce soir. Je devais vraiment. Et j'avais peur. Je n'avais pas de raison d'avoir peur. Elle est géniale Éline. Elle me connait Éline. Elle a compris Éline. Elle m'aime toujours Éline. Et elle sait que je l'aime toujours et toujours autant. Elle sait que ça ne change rien. Elle sait que notre amour est intact. Je ne sais pas comment elle fait. Mais elle a compris, Éline. Elle est géniale Éline. J'ai parlé à Éline ce soir. Et elle a compris. Je ne comprends pas comment je peux être aussi chanceux que ça. Chanceux de l'avoir dans ma vie. Elle est géniale Éline.
J'ai parlé à Éline. Je faisais une tête d'enterrement en rentrant. Elle m'a vu passer la porte de l'appartement et elle a couru sauter dans mes bras. Je ne voulais pas la prendre dans mes bras. Pas avant qu'elle ne sache. Mais je ne pouvais pas la laisser tomber. Littéralement comme figurativement. Alors je l'ai attrapée. Mais je l'ai aussitôt reposée à terre. Et je ne l'ai pas laissé m'embrasser. Alors, elle a tout de suite compris que quelque chose n'allait pas. Elle a touché du bout de son doigt le grain de beauté sur ma lèvre. Elle a souri. Et elle a demandé « Mon petit Armando qui stresse toujours beaucoup trop pour tout. Quel est ton souci cette fois ? Raconte moi et je t'expliquerai pourquoi ce n'est pas si grave que ça. »
Alors on s'est assis. Et je lui ai expliqué. Je lui ai tout raconté. Elle me regardait et elle ne disait pas un mot. Elle avait l'air sérieux et j'étais incapable de savoir ce qu'elle pensait. Elle m'a écouté. Pas une seule fois elle ne m'a coupé. J'ai parlé et parlé. J'avais l'impression de devoir me justifier. Mais je n'avais pas envie de lui donner l'impression que je me justifiais. Je lui ai expliqué que je culpabilisais. Je l'ai assurée qu'il ne s'était rien passé. Puis je lui ai expliqué tout ce qu'il s'était passé. Parce qu'en fait, ce n'était pas rien. Je lui ai expliqué toutes ces pensées qui m'avaient torturé l'esprit cette semaine. Je ne pouvais pas lui cacher quoi que ce soit. C'était Éline. Je n'aurais pas voulu qu'elle garde ces pensées pour elle si elle avait été à ma place. Et je n'aurais pas supporté d'avoir l'impression de lui cacher quoi que ce soit. Alors je lui ai tout dit. Je lui ai tout expliqué. Et je me suis confondu en excuses.
Je lui ai répété que je l'aimais. Je lui ai dit que ça n'avait rien à voir avec elle. Je lui ai dit qu'elle était parfaite. Je lui ai dit tout ce que je pensais. Je lui ai dit que je voulais continuer de construire avec elle. Je lui ai dit qu'elle me rendait heureux. Je lui ai dit que je voulais qu'elle sache. Je lui ai dit que je voulais qu'elle me pardonne. Je lui ai dit que je n'étais pas sûr qu'elle soit capable de m'aimer toujours maintenant qu'elle savait ça. Et elle m'a répondu que j'étais un idiot. Et elle m'a embrassé.
Puis elle s'est détachée de moi et elle a caressé le dessus de ma lèvre avec son doigt en disant « Mais t'es mon petit idiot à moi. Ne crois pas que tu vas te débarrasser de moi comme ça. Je t'aime. Toujours autant. Ou plus encore. On est là dedans toi et moi Armando. Pour toujours. Je crois. On est là dedans toi et moi. Je t'aime, c'est tout. » Et je ne crois que j'avais jamais eu autant envie de me sentir proche d'elle qu'à ce moment là. Même pas au début de notre histoire. Jamais autant. Elle est géniale Éline. Comment j'ai pu oublier à quel point, ne serait-ce que l'espace d'un instant ? J'ai eu l'impression qu'on avait été séparés pendant des années. Et que je venais de la retrouver. Pourtant, ça avait été juste une semaine. Et j'avais l'impression que je venais de la retrouver après une séparation beaucoup trop longue ; que soudainement je réalisais à quel point elle m'avait manqué.
Alors j'ai pris sa main. Celle qui était sur mon visage. Je l'ai serrée fort dans la mienne. J'ai regardé mon Éline dans les yeux. Et j'ai vu qu'elle pensait vraiment ce qu'elle disait. J'ai vu qu'elle comprenait. Puis j'ai arrêté de lutter contre l'envie de l'embrasser. Celle contre laquelle je luttais depuis que j'avais passé la porte d'entrée. Parce que je ne voulais pas l'embrasser sans qu'elle sache. Je ne voulais pas d'un baiser qui ne soit pas empli de sincérité comme celui là l'a été. Elle m'aimait. Vraiment. En sachant. Et je l'aimais bon sang ! Je pouvais plus me détacher d'elle. On s'embrassait. Et j'ai senti une larme couler sur ma joue. Je crois qu'elle l'a sentie aussi. Mais on s'en fichait. On était heureux. Je ne pouvais plus me détacher d'Éline. Mais elle, elle a fini par s'écarter. Elle avait besoin de parler.
Elle m'a dit que je pourrais toujours lui parler de tout ce qui me tracassait. Elle m'a promis qu'elle en ferait autant. Elle m'a dit que quoi qu'il arrive, on trouverait toujours des solutions tous les deux, ensemble. Elle a dit qu'elle n'avait pas peur. Elle a dit qu'elle me faisait confiance. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas m'en vouloir. Elle a dit que je n'avais rien fait de mal. Elle a dit qu'elle aurait préféré que je ne tombe pas sur cette Amandine, mais qu'elle pouvait rien y faire et moi non plus.
Elle m'a dit que ce n'était pas grave. Elle m'a dit que quoi que j'ai ressenti pour cette Amandine, ça n'égalerait pas ce qu'on avait elle et moi. Elle a dit que je ne connaissais pas Amandine comme je la connaissais elle. Que je ne comprenais pas Amandine comme je la comprenais elle. Elle a dit qu'Amandine ne me connaissais pas comme elle me connaissait. Elle a dit qu'Amandine ne l'aimait pas comme elle m'aimait. Et qu'elle savait bien que je n'aimais pas Amandine comme je l'aimais elle. Elle a dit que je ne pouvais pas l'aimer. Que je ne la connaissais pas assez pour ça. Elle a dit que je m'étais juste laissé charmer par l'idée d'Amandine, et qu'elle pouvait comprendre ça ; qu'elle ne pouvait pas m'en vouloir pour ça.
Elle a dit que tout ce que j'avais fait, c'était reconnaître la beauté d'un être humain, et qu'elle n'avait pas le droit de m'en vouloir pour ça. Elle a dit qu'elle ne pouvait pas m'empêcher d'être un poète, et qu'elle ne pouvait pas exiger qu'il n'y ait qu'elle que je vois comme un poème. Elle a dit que j'étais un artiste, et que ma capacité à aimer faisait partie des raisons pour lesquelles elle m'aimait. Elle a dit qu'elle ne m'en voulait pas. Et elle le pensait.
Et elle a dit que ça ne lui faisait ni chaud ni froid, que je pense qu'Amandine et moi on aurait pu être heureux ensemble dans un autre univers. Elle a dit que ça ne lui faisait ni chaud ni froid, vu qu'on vit dans cet univers là et que dans cet univers là je l'ai choisie elle. Elle a dit qu'elle s'en fichait complètement de savoir que ça aurait peut-être été différent si je l'avais pas rencontrée elle avant. Elle a dit qu'elle s'en fichait complètement, et que ce qui comptait c'était juste cette réalité dans laquelle on s'était engagés à avancer ensemble elle et moi. Elle a dit tout ça. Et elle le pensait.
Elle est géniale Éline.
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