Amandine - Samedi 15 Juillet 2017

Je suis sur un petit nuage. Tellement heureuse d'être là ! De faire partie de cette équipe d'animation ! Le concept de cette colo est vraiment extra. Encore plus que ce que j'avais compris dans les réunions de préparation. La directrice est fantastique. Je partage complètement sa vision ! Elle a décidé de faire une colo sur le thème "Arts et Aventures". Ça m'a complètement charmée. Parce que pendant des années j'avais opposé les deux concepts dans mon esprit. Je m'étais tournée vers tout ce qui était artistique, et j'avais délaissé tout ce qui était action, croyant que les deux étaient contradictoires. Mais ce n'est pas le cas ! Ce que j'ai réalisé au fil du temps. Chaque entreprise artistique est une aventure. On ne peut rien créer si l'on refuse de prendre des risques. Alors, personnellement, ça me parle comme thème. Chercher à allier les deux aspects ; c'est ce que je voudrais faire dans ma vie.

Et, pédagogiquement, je trouve ça vraiment excellent. Parce qu'on est sur les onze-quinze ans. Et leur inculquer l'amour des arts j'aimerais tellement être capable de faire ça. Sauf qu'à cet âge ils ont envie de s'amuser : pas de se poser concentré devant une toile ou de visiter des musées. Mais en fait, découvrir de l'art c'est une aventure ! Créer c'est une aventure ! Et puis les aventures, au sens commun, au sens où ils l'entendent eux, stimulent aussi la créativité. Oui, c'est bien aussi de sauter à l'élastique ! Après on est plus créatif ! Puis, la créativité elle est tellement suscitée dans tous les problèmes que l'on rencontre. Pour résoudre les énigmes d'une chasse au trésor. Pour affronter les obstacles au cours d'un parcours aventure. L'explorateur a besoin d'être créatif autant que l'artiste. Tout le monde a besoin d'être créatif. La créativité ce n'est pas seulement bon pour l'art. C'est aussi bon pour la vie ! Puis, de toute façon, la vie c'est de l'art. Moi en tout cas, je conçois l'existence comme une œuvre d'art.

Alors je sais que je vais être heureuse dans cette colo. Je me sens pleinement en phase avec la vision. La prise d'initiatives est encouragée et je fourmille déjà d'idées. Puis l'équipe est pleine de vitalité et je sens déjà qu'on va développer une belle complicité. Je suis sur un petit nuage. A cause de tout ça principalement. Mais aussi un peu à cause d'un garçon. Je suis sûre que je serais quand même sur un nuage sans lui. Mais c'est clair qu'il rend le tableau d'autant plus charmant.

Armando. Il a un prénom pourri. En plus, Amandine et Armando, ça sonne vraiment trop moche. Mais on s'en fiche. Je sais juste que depuis ce matin je n'arrête pas de penser à lui. Ça a commencé quand, pour l'un des jeux, il a donné comme info personnelle qu'il aimait les amandes. Moi aussi j'adore les amandes ! Sauf que ce n'est pas ce qui m'a fait craquer. Ce n'est pas non plus le fait que je m'appelle Amandine. C'est juste que c'était super malin ! Le jeu c'était de mettre une info sur soi et que les gens ne devinent pas de qui ça venait. Alors tout le monde cherchait à mettre des trucs hyper surprenants auxquels personne ne s'attendrait de leur part. Mais, lui, il a juste mis un truc banal au possible, qui aurait pu venir de n'importe qui. J'ai trouvé ça intelligent. Moi j'ai donné comme info que j'avais un Master en création de jeux. Parce que dans le jeu il y avait des mensonges introduits, en plus de nos infos personnelles. Et mon Master personne ne croit jamais qu'il existe qu'en j'en parle, alors à tous les coups ils allaient penser que c'était une des infos mensongères.

Donc, Armando, il aime les amandes et il a choisi une info anodine. Puis aussi, il a proposé un jeu de présentation hyper sympa et original. Et il fait toujours des remarques pertinentes. Et ses références sont toujours par rapport à des trucs que j'aime moi aussi. Puis il porte les manches de son t-shirt retroussées ; je trouve ça hyper craquant je ne sais pas pourquoi. Aussi, il avait un pantalon vert. J'aime trop les pantalons de couleur ! Enfin bref, j'ai juste envie de me blottir dans ses bras et de passer mes doigts dans ses cheveux bouclés. Tout le temps. Dès que je le vois. Ses petits cheveux courts qui font des bouclettes toutes mimi sur son crâne. On dirait qu'ils ont été créés pour mes doigts. Même si je sais bien que ce n'est pas le cas, je ne peux pas ressentir autre chose.

Je crois que je n'avais pas ressenti ça depuis... depuis Marc en fait. Marc, c'était mon dernier petit-ami. Ça a été mon seul petit-ami en fait. Je l'avais rencontré l'été entre la L3 et le M1, quand j'avais rejoins le club de théâtre de ma ville. Il travaillait sur les décors. Et on est devenus amis. Marc, il étudiait l'architecture, et il m'a appris à dessiner. Je n'avais jamais voulu apprendre à dessiner avant, parce que j'ai toujours été vraiment nulle en dessin. Et pendant longtemps, je ne supportais vraiment pas d'essayer de faire des choses dans lesquelles je n'étais pas immédiatement douée. Mais, cette année là, j'avais décidé d'essayer. D'essayer de prendre des risques. D'admettre que j'avais le droit d'être nulle. Puis de progresser. Marc et moi, on est devenus amis. En M1, j'ai commencé à ressentir pour lui des sentiments qui n'entraient clairement pas dans le cadre de l'amitié, et j'étais un peu perdue. Mais Marc il n'était pas perdu lui. En fait, un jour il m'a dit que ça n'avait jamais été juste de l'amitié pour lui. Il m'a dit ça au bout d'un an. Il m'a dit qu'il voyait bien au début que je ne partageais pas ses sentiments, mais qu'il a aussi vu quand ça a changé. Et on s'est aimés, Marc et moi. Pendant six mois. Au final, on se sera aimés plus longtemps sans être ensemble qu'en étant ensemble.

Parce qu'au bout d'un moment, je n'ai plus supporté d'être avec Marc. Parce que je dessinais trop bien. C'est pas ça. Pas vraiment. Mais, Marc, il aimait bien quand j'avais besoin de lui, quand il m'apprenait des trucs, quand il était meilleur que moi. Il aimait trop ça. Je me sentais freinée. Moi j'avais envie d'apprendre plein de nouvelles choses, de m'épanouir, de progresser, de grandir. Et lui au final il préférait que je reste comme j'étais quand il m'avait rencontrée. Ça a dégénéré le jour où l'un de ses profs lui a fait des compliments sur la couverture de son agenda. Couverture que j'avais dessinée moi. Marc, il n'a pas apprécié. Il a commencé à ne plus s'intéresser à ce que je dessinais. Un jour il m'a demandé pourquoi je ne m'en tenais pas à la pédagogie et aux jeux de société. Et quelques jours plus tard, je l'ai quitté. Parce que j'en pouvais plus. J'ai essayé de lui parler d'abord, de lui expliquer, de trouver un moyen que ça puisse marcher, de faire en sorte que je puisse me sentir bien dans cette relation. Mais il ne voulait rien entendre. Il ne pouvait juste pas changer ses ressentis. Et moi je ne pouvais juste pas changer mon ressenti d'emprisonnement.

Je l'aimais vraiment pourtant. C'était vraiment dommage ! Ça m'a fait mal de partir. Mais je pressentais ce que deviendrait ma vie si je restais avec lui. Et cette stagnation, je n'en voulais pas. Cette compétition qu'il créait, son agacement ou son désintérêt, je n'aurais pas pu supporter tout ça. J'aurais fini par me limiter. Et je ne voulais pas me limiter ; surtout pas. Je voulais m'épanouir. Je voulais être libre. Libre de grandir. Libre de changer. Libre de me créer. Je ne me sentais pas libre avec Marc. Alors je l'ai quitté. Je ne me suis même pas sentie coupable. Je me serais sentie coupable de rester avec lui. Je me serais sentie coupable de laisser mon existence se ternir.

Aujourd'hui mon existence est colorée. Et décidément je ne regrette vraiment pas ! Aujourd'hui, je suis là, et j'espère pouvoir colorer la vie de ces préadolescents, l'espace d'une semaine. Je voudrais leur donner le goût de créer. Le goût de créer de l'art. Et surtout le goût de créer leurs existences et leurs identités. Je voudrais leur montrer comme ils sont libres, et leur donner envie de faire quelque chose de beau de toute cette liberté.

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