Amandine - Lundi 17 Juillet 2017

Mon petit cœur est tout brisé. Pourtant, je me sens quand même heureuse. Ma vie est jolie. Je suis dans cette colo merveilleuse. J'adore qui je suis et comment je me sens. Les enfants m'adorent. Ma vie est jolie. Mais mon petit cœur est tout brisé. Mon espoir s'est envolé. Il a explosé. Volé soudainement en éclats.

Et moi, j'ai dû faire semblant de rien. Armando était là en face de moi, en train de me dire qu'il avait une copine. Une copine bon sang ! Une copine avec qui il vivait ! Une relation sérieuse, quoi. Il était là en train de me dire ça. Et moi j'ai dû réagir comme si je n'en avais rien à faire. Comme si c'était l'information la plus banale du monde. Heureusement que je suis capable de penser à plusieurs choses à la fois. Il y avait une partie de mon cerveau en train de se morfondre de désespoir. Et l'autre en train de continuer la conversation l'air de rien. Pour ça, bien sûr, je suis douée. Pour masquer mes sentiments bien plus que pour les montrer. Pour les masquer, je suis douée. Je suis sûre qu'il ne s'est douté de rien. S'il se doute de quelque chose c'est à cause d'avant. Mais pas à cause de ce moment là. Je l'ai vraiment bien joué je crois. Ouais, l'indifférence je la joue bien. Probablement trop bien. Mais, dans ce cas là, tant mieux.

Parce que, étant donné qu'il a une copine, ça n'apporterait rien à personne qu'il sache ce que je ressens pour lui. Pas à moi. Pas à lui. Et certainement pas à elle. Alors tant mieux si je ne suis pas douée pour laisser soupçonner mes sentiments. Tant mieux pour tout le monde. Sauf que ça fait mal. Ça fait mal d'être toute seule à porter tout ça. Je ne vois même pas à qui je pourrais en parler si j'avais besoin d'en parler. Mais je ne suis pas sûre d'avoir besoin d'en parler. En fait, il est le seul à qui j'ai envie d'en parler. Sauf que je n'ai pas le droit de lui en parler. Ça le ferait juste culpabiliser. Puis je serais bien ridicule. Et il risquerait de penser que je dis ça en espérant qu'il quitte sa copine pour moi ou quoi. Alors que ce n'est pas le cas. Je ne veux pas qu'il fasse ça. Je ne veux rien. Je veux juste continuer d'être heureuse. Je veux juste continuer d'être heureuse malgré ça.

Je veux juste récupérer mon cœur. Récupérer mon cœur et trouver un jour quelqu'un d'autre à qui le donner. Le moment venu. Comme je l'ai dit à Lucille, rien ne presse. Rien ne presse même si je me sens sacrément seule. Même si j'en ai vraiment marre de me sentir seule ! Même si je voudrais que quelqu'un me serre fort dans ses bras. Je veux juste récupérer mon cœur. Et arrêter de penser à Armando tout le temps comme ça.

Parce que je n'ai pas envie d'être cette fille là. Je ne suis pas le genre de fille qui voudrait voler le copain de qui que ce soit. D'ailleurs, je ne veux pas. Promis, je ne veux pas lui piquer son copain à Éline. Mais ça ne m'empêche pas d'aimer Armando un peu trop, beaucoup trop. Ça ne m'empêche pas de ressentir une forte envie de me blottir dans ses bras chaque fois que je le vois. Je sais qu'il ne faut pas. Je sais que je ne peux pas. Je sais aussi que je ne le ferais pas. Je sais que ce n'est pas ce que je veux au fond. Je sais que ce n'est pas ce qu'il y aurait de mieux pour notre bonheur et tout. Je sais que ça n'apporterait rien de bon au final. Ou que ça apporterait plus de mauvais que de bon. Mais je sais aussi que je ressens quand même cette envie de me blottir dans ses bras.

Et je sais que je dois faire tout ce que je peux pour arrêter de ressentir cette envie. Et pour arrêter de ressentir tout ce que je ressens pour lui. Je peux faire quoi ? En fait, au fond, je sais. Il n'y a qu'une seule solution. Si je tombais amoureuse de quelqu'un d'autre, ce serait facile. Sauf que, voilà, je ne peux pas tomber amoureuse à la demande comme ça. Mais je me connais. Je sais qu'au fond de moi je suis consciente qu'avec Armando rien ne sera jamais possible. Je sais que si je rencontre quelqu'un d'autre demain, je pourrais tomber amoureuse de lui. Hier je n'aurais pas pu. Mais aujourd'hui je peux, vu qu'une part de mon esprit a libéré mon cœur. Sauf que ne je vais pas rencontrer quelqu'un d'autre aujourd'hui ou demain. Tellement tellement statistiquement improbable. C'est toujours hyper rare que je tombe sur quelqu'un envers qui je peux ressentir ça.

Je sais aussi que je n'avais jamais rencontré quelqu'un qui me semble aussi parfait pour moi qu'Armando. Même Marc il ne me semblait pas aussi parfait. Même quand je ne savais pas encore qu'il avait ce truc en lui hyper compétitif et qu'avec lui je ne pourrais pas être pleinement moi-même. Même quand je ne savais pas encore ça, il ne me semblait pas si parfait. Mais je sais que des gars parfaits pour moi il y en aura d'autres. Je ne peux juste pas forcer les rencontres.

Je ne peux pas supprimer mes sentiments pour Armando. Parce que mon petit cœur il n'aime pas le vide. Il en a marre du vide je crois. Et maintenant qu'il est tout plein, il ne va pas se vider si facilement que ça. Il ne va pas se vider s'il sait qu'il va rester vide. Tout ce que je peux faire c'est garder conscience que ça passera. Conscience qu'Armando n'est pas le seul au monde à être parfait pour moi. Conscience qu'un jour j'en aurais la certitude. Et que même s'il était le seul à être si parfait pour moi, ça ne changerait rien. Je peux juste continuer de me répéter que rien n'est possible. Et que rien ne sera possible. Mais je ne vois pas ce que je peux faire de plus.

Journée pourrie au paradis. Journée paradisiaque ternie par une remarque anodine. Dire que tout avait commencé par une remarque anodine d'Armando. Je crois que jamais j'aurais craqué pour lui si j'avais su dès le début qu'il avait une copine. Pourquoi il n'a pas écrit ça sur son papier, plutôt que son amour des amandes ? Pourquoi il n'a pas parlé d'elle plus tôt ? Peut-être qu'il l'a fait en fait. Le truc c'est qu'il a trop parlé de sa cousine. Sa cousine Élise. Parce que les autres moniteurs, ils aiment trop dire du mal de gens qu'ils connaissent. Et je crois qu'Élise, c'est la seule personne au monde dont Armando pense du mal : quant il était gosse, elle passait son temps à se moquer de lui. Et cet après-midi, Armando parlait de musique. Il disait que chez lui chaque matin au petit-déj' il avait le droit à de la musique inédite composée et jouée en direct au piano par Éline. Et moi j'ai pas capté. Élise et Éline, ça se ressemble trop aussi.

Je croyais qu'il parlait de sa cousine. Mais ça m'a semblé bizarre quand même. « Attends, j'ai demandé, t'es en coloc avec ta cousine ? Mais pourquoi t'es en coloc avec elle si tu ne la supportes pas ? » Quelle cruche Amandine ! Il m'a regardé avec des yeux étonnés et il m'a répondu : « Non. Éline. Pas Élise. Élise c'est ma cousine que je ne supporte pas. Éline c'est ma copine, avec qui je vis. » Et moi j'ai fais comme si c'était une info anodine. J'ai embrayé en demandant quand est-ce qu'elle mangeait si elle était de corvée musique à l'heure du petit-déjeuner. Elle ne prend pas de petit-déjeuner, il paraît qu'elle n'a pas faim le matin. J'ai fait dérailler la conversation sur l'importance du petit-déjeuner, les types de céréales préférés de chacun, et ça a fini en discussion sur l'aberration que sont les régimes et le culte de la minceur dans la société. On n'a plus parlé d'Éline. Heureusement. Mais moi je n'ai pas arrêté de penser à elle. Pendant tout ce temps. Et encore après.

Et je me suis retrouvée dans le dortoir à pleurer au lieu de dormir. Et à devoir pleurer silencieusement pour que personne ne m'entende et ne vienne me demander ce qu'il se passait.

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