Chapitre IV

Quand j'arrive devant l'immeuble vitré dans lequel Harry travaille, le bouclé est déjà entrain de m'attendre, adossé à un muret juste à côté des portes automatiques. Je prend le temps de l'observer, au milieu de la foule ; ses boucles sont plus folles que ce matin (surement l'humidité), sa chemise n'est plus parfaitement rentrée dans son pantalon et, en parlant de sa chemise, il ne porte pas la même que ce matin : la nouvelle est bleue.

« Tu n'as pas attendu trop longtemps ? » Je balance mon sac à main sur le muret, sortant Harry de ses pensées. « Non, un collègue était avec moi il y a cinq minutes, je n'ai pas vu le temps passer. » Je lui souris et me remet à parler : « Bon, et bien, tu veux faire quoi maintenant ? » Le bouclé passe  une main dans ses cheveux longs et esquisse un sourire stupide : « Et bien, je pensais t'inviter à boire un verre chez moi. » Il se lève et me redonne mon sac au passage, « J'en serais ravie. » dis-je. Nous rentrons alors chez lui.

« Tu veux un thé ? Ou tu préfères de l'alcool ? A moins qu'il soit trop tôt... » Harry est dans sa cuisine, il ouvre et ferme les placards blancs de celle-ci, à la recherche de... de quelque chose j'imagine. « Je vais.. que prends-tu ? » Le bouclé lève son bras au bout duquel je peux voir une bouteille de bière, il a l'air fier et enfantin : « De la bière ! Parce que je suis alcoolique et qu'à 18h30, je prend l'apéro. » Je me met à rire doucement, il décapsule la bouteille et ramène un grand verre rempli de glaçons sur la table basse du salon. « Alors, je vais prendre comme toi. » Il retourne dans la cuisine pour attraper la même chose qu'il y a quelques secondes, puis il revient dans le salon et s'assoit à côté de moi sur le canapé.

J'avale une gorgée du liquide ambré pendant qu'Harry me questionne : « Tu fais quoi ce soir ? » Je plante mes yeux dans les siens et lâche : « Absolument rien, tu veux qu'on dîne ensemble ? Il y a des nouilles instantanées chez moi si tu veux. » Il me sourit et pioche dans le bol de chips à côté de nous : « Tu peux rester ici, j'avais prévu de me faire une tarte aux courgettes. » Mon visage s'illumine et je déclare d'une voix qui se veut patriote : « Avec plaisir, capitaine, on ne refuse pas une tarte aux légumes. »

Pendant plus d'une heure, le bouclé me parle de sa nouvelle vie dans la capitale, il me parle de la façon dont il est arrivé ici, il me parle du manque qu'il a pour sa ville natale (un peu comme moi), il me parle de l'amour qu'il a pour les meubles anciens (son appartement est moderne mais, il aime les restaurer dans sa cave), et il me parle aussi de ses passions : « La peinture. La peinture est définitivement ce que j'aime le plus au monde. Je peins le jour. Je peins la nuit. Parfois je m'enivre de l'odeur des tubes de gouache et je m'endors, la tête contre une toile. C'en est même flippant, je te jure, il boit une gorgée de sa troisième bière, et puis aussi, quand je ne peins pas, j'aime aller à l'observatoire, je regarde la lune, les étoiles, l'infiniment grand. J'aime bien ça aussi, l'astronomie. Et toi ? T'aimes bien l'astronomie Violette ? » « Pas vraiment. Ca m'effraie un peu, le fait qu'on soit minuscule à côté du monde, j'ai l'impression qu'à la moindre erreur de calcul, à la moindre faille dans l'atmosphère, on va tous crever. » « C'est exact Violette, au moindre problème, on meurt. Il faut vivre avec. Tu viens m'aider à préparer la tarte ? » Harry se lève d'un seul coup et m'entraîne dans la cuisine.

« Il nous faut cinq courgettes et deux oignons. Tu vas trouver ça dans le bac du bas du frigo, moi, je m'occupe de la pâte brisée. » Le brun enfile un tablier et m'en tend un... rose vif, je proteste : « Même pas en rêve ! » Il me regarde avec un brin de malice avant de s'approcher dangereusement de moi, la main remplie de farine « Ah oui ? Mais tu ne voudrais pas avoir de farine sur ce magnifique petit haut bleu, non ? » Cette fois, je peux à nouveau observer le grain de beauté sur son front. Il avance de plus en plus, collant son corps au mien et, d'un coup sec et précis, me tend le plastron de commis qui m'attend : « Enfile-le rapidement, je ne veux pas attendre, j'ai faim. » Son ton est détaché et je met à glousser, me débattant pour attacher correctement la ceinture argentée du tablier.

« Bon, tu épluches les courgettes, je m'occupe des oignons et de la pâte, je ne voudrais pas que tu te mettes à pleurer dans ma cuisine, les voisins penseraient quoi ? que je fais pleurer les filles ? » Harry me tend un économe alors que j'essaie de prendre mes marques. Il empoigne une planche à découper dans un tiroir et me la tend : « Installe toi sur un plan de travail. Tu mettra les épluchures dans le sac poubelle, il me montre du doigt un recoin de la cuisine, juste ici, et tu pourras couper les courgettes en rondelle. » « Tu as déjà été chef cuisinier ? » je lui demande alors que je commence à enlever la peau du pauvre légume entre mes paumes. « Non, pourquoi ? » « Tu es drôlement autoritaire et sûre de toi, c'est pour ça. » Harry acquiesce sagement et continue sa préparation d'oignons. Moi ? Moi j'essaye de peler ces fichues courgettes mais je n'utilise pas ce type d'économes habituellement alors j'ai un peu de mal (Comment ça je suis une pauvre fille ? Essayez, vous !).

« Tu as finis ? » demande Harry. Je lui montre ma planche à découper où séjournent trois courgettes à moitié épluchées et deux autres... complètement habillées, si je puis dire... « Bon Dieu, occupe toi de mettre les oignons dans la poêle qui est sur la plaque de cuisson, arrose les d'huile d'olive et met un peu de poivre ; je m'occupe des courgettes. » Le bouclé prend ma place alors que je me réfugie aux côtés de la casserole prête à accueillir ces pauvres petits oignons déjà charcutés.

Il s'occupe des courgettes tandis que je m'efforce de ne pas faire brûler les oignons (effectivement, je suis plus douée pour réchauffer des pizzas que pour les cuisiner). « Je vais faire cuire les courgettes avec les oignons maintenant, est-ce-que tu peux pétrir la pâte brisée ? Elle est sur le plan de travail, je l'ai déjà préparée. » dit Harry. « Je m'en occupe. »

Heureusement, je ne suis pas trop nulle pour pétrir la pâte et j'arrive à ne pas en mettre partout (hormis peut-être un peu de farine sur mon tablier...). Le brun met ensuite les légumes dans un plat à tarte et me fait recouvrir ce plat de la pâte : « Il n'y a plus qu'à mettre au four vingt minutes et nous pourrons déguster ce festin. Assis-toi sur une chaise, je vais mettre la table. » Harry essuie le reste de courgettes sur son front (ne me demandez pas comment il s'est mis des légumes à cet endroit) et commence à sortir la vaisselle, je rétorque : « Tu crois vraiment que je vais te laisser faire ça tout seul ? Je mime une mine colérique, passe moi les assiettes et les couverts avant que je m'énerve ! » Le bouclé rit et me tend ce que je lui demande. On met la table et s'assoit sur les chaises, face à face.

« La tarte est bientôt prête, je vais te débarrasser de ton tablier en attendant. » Il se lève et empoigne mon plastron rose vif avant de défaire le sien et de les poser sur un des fauteuils du salon (Harry n'est pas ce qu'on peut appeler de... maniaque). Il part ensuite dans la cuisine et en revient le plat à la main, un sourire fier collé aux lèvres : « TA-DA ! »

Harry coupe la tarte en deux et commence à me servir une moitié mais je l'en empêche : « T'es complètement cinglé ! Je ne vais jamais manger tout ça ! Un quart me suffit largement.. » Ma réaction ne semble même pas effleurer le bouclé puisqu'il m'ignore et me sert tout de même avant de se moquer de mon expression ahurie : « Je ne pensais pas que tu aurais peur d'une tarte ! Mange ce que tu veux Violette, il pointe l'assiette du doigt, mais sache que si tu manges tout, tu auras peut-être le droit à un soufflé à la framboise... » Je hausse un sourcil, dubitative : « Il faut du temps pour préparer ça, je ne veux pas de soufflé surgelé. » Harry prend alors ma main, créant, au passage, des étincelles à des endroits encore inconnus de mon corps : « Je ne me permettrais pas de te servir une merde pareille, mais je pourrais préparer le soufflé demain et te le livrer chez toi pour le soir, tu n'aurais plus qu'à le passer au four. Et puis, ce n'est pas si long à faire Violette. » Je ne sais pas si ce sont ses arguments ou son sourire mais je capitule : « Et bien je vais être obligée de tout manger alors. »

C'est ainsi que le lendemain, à 19h00 tapante, Harry est devant ma porte, de la pâte à soufflée dans une boite hermétique : « Bonjour jeune fille ! Je viens en paix, il me tend le tupperware, 15 minutes à 200°C et c'est plié ! Ou devrais-je dire, c'est gonflé ! » « Sérieusement Harry, arrête les blagues. C'est mieux comme ça. » Il regarde ses pieds, gêné, pendant que je rentre dans l'appartement et m'en vais allumer le four. « Tu ne viens pas ? Je ne vais pas manger ce soufflé toute seule tout de même. » Le bouclé est toujours sur le seuil de la porte et il me regarde, ses yeux se sont remplis d'une lueur brillante : « C'est gentil mais je ne voudrais pas m'imposer. » « Si tu me dérangeais Harry, je ne te l'aurais pas proposé. » « Tu reprends mes mots là, non ? » Je lui souris ironiquement et il vient me rejoindre dans la cuisine et s'installe.

Joshua entre alors dans la pièce et ne semble pas faire attention à l'homme autour de l'ilot, il est trop plongé dans le frigo pour le remarquer (pourtant Joshua est du genre à toujours repérer les mecs/nanas sexy, il a comme un radar pour ça). « Joshua, je dis, voici Harry, nous allons manger du soufflé à la framboise qu'il a cuisiné, tu veux te joindre à nous ? » Mon colocataire se retourne et examine Harry de la tête aux pieds (bon, je l'avoue, il a surtout regardé son visage), puis lâche : « De 1 : Qui mange le dessert avant le plat ? De 2 : Comment sais-tu, Harry, que Violette adore le soufflé à la framboise ? De 3 : Effectivement chérie, tu ne mentais pas quand tu disais qu'il était sexy, Joshua me fait un clin d'oeil, et de 4 : Bonjour à toi Harry. » Joshua lui tend la main et je peux voir la gêne d'Harry sur son visage (et sur le mien aussi, mon meilleur ami vient de révéler à un canon que...et bien que je le trouve canon justement).

« Bon, assis-toi Jo et tais-toi, c'est mieux pour tout le mon- » « De 1 : Je mange souvent le dessert avant le plat, c'est meilleur, de 2 : Je trouve qu'elle a une tête à aimer les soufflés à la framboise, de 3 : Euh...et bien merci, et enfin de 4 : Bonjour...euh Joshua. » me coupe Harry. J'ai à peine le temps de me demander pourquoi j'ai une tête à aimer les soufflés que l'horlogerie du four hurle déjà, m'indiquant que je dois sortir le gâteau.

Tandis que je m'acharne à couper en trois ce putain de soufflé, Joshua et Harry discutent et croyez moi, j'ai fortement l'impression que le bouclé est entrain de subir un interrogatoire de la part de mon colocataire « Tu fais quoi comme métier ? » « Tu es propriétaire de ton appartement ? » « Tu as un copain ou une copine ? » « Tu as fait de la prison ? » Comment ça j'exagère ?

Je sers le dessert et nous mangeons dans un silence total qu'Harry brise très rapidement : « Qui a fait ce soufflé ? mon colocataire se met à ricaner, il est délicieux ! Vraiment ! Vous devriez engager celui qui a fait ça dans un restaurant 3 étoiles ! » Joshua est littéralement à bout de souffle, il crachote les morceaux de gâteau et se tortille sur sa chaise comme un fou.. Il est bien le seul pour qui l'humour d'Harry est... amusant. « Sérieusement Harry, tu fais souvent des blagues ? » « Trop souvent. » Il attrape ma main et me regarde sérieusement, me détaille. Moi je ne peux pas bouger. Je ne peux même pas réaliser que, d'une seconde à l'autre, Harry est passé du gars drôle au mec bizarre qui vous fixe dans les bars. Non, je ne réalise pas. Je ne réalise pas parce que mon meilleur ami, juste derrière le bouclé, est entrain de rire à gorge déployée et a l'air d'une baleine.

J'ordonne au brun : « Arrête de me fixer. On dirait un psychopathe. » « Je me demandais juste, tu fais quoi dans la vie ? derrière, mon colocataire se remet peu à peu de la boutade d'Harry, à part travailler à la librairie ? Tu suis des études ? » Je finis ma bouchée de soufflé et lui répond : « Non, je ne fais que travailler à la librairie, j'ai prévu des études de droit l'année prochaine. Et toi ? Je ne te l'ai même pas demandé hier en t'accompagnant. » « Je suis directeur artistique..enfin, techniquement, pour l'instant je fais un stage de huit mois chez le magazine Valmo mais, j'espère qu'ils m'embaucheront, c'est pour ça que je suis venu à Paris. » J'ouvre ma bouche pour parler mais Joshua (qui semble enfin remis) m'interrompt : « Ca doit être super intéressant un stage dans les locaux d'un magazine. Moi j'ai été rédacteur en chef du journal du lycée il y a quelques années. Et, au cas où tu te poserais la question, je suis des cours par correspondance pour devenir photographe. » Harry avale une bouchée du soufflé et s'exclame : « Je pourrais te faire venir au magazine, tu pourrais faire des photos ! »

*

La soirée se passe bien et j'ai l'impression qu'Harry s'est très vite intégré dans le groupe très restreint que je forme avec Joshua. Harry rit des blagues de Joshua, Joshua rit des blagues d'Harry et moi, je me moque d'eux alors, Harry et Joshua rit de mes moqueries, et je le répète, la soirée se passe bien.

Le bouclé est sur le point de partir, sa veste déjà enfilée et la main sur la poignée de la porte d'entrée de l'appartement. « Merci beaucoup pour cette soirée. C'est agréable de voir que j'ai pu me faire des amis facilement en arrivant ici. Vous pourriez peut-être passer me voir demain à l'appartement ? On pourrait boire un cocktail et rire des voisins. » C'est mon colocataire qui répond en premier, un sourire niais et (très très très très) affectueux sur les lèvres : « Carrément ! Je peux ramener du champagne si tu veux. » Harry semble content mais je réplique : « Je suis désolée, je dois aller au cinéma avec Charles demain. » Mon meilleur ami semble tout d'un coup totalement dénué de l'amour inconditionnel qu'il portait à Charles puisqu'il tente de me convaincre : « Tu sais Violette, Charles n'est peut-être pas quelqu'un de bien, alors qu'en passant ta soirée avec Harry et moi, tu es sure de t'amuser chérie. » Je ricane : « Je ne poserais pas de lapin à Charles, mais vous pouvez passer la soirée ensemble, ne vous inquiétez pas pour moi. Quant à toi Harry, tu peux passer à l'appartement quand tu veux et puis, tu as mon numéro maintenant. » Je fais la bise au bouclé tandis que Joshua rumine dans sa barbe et salut le brun à la porte.


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Et bah putain, je me suis lâchée, plus de 2800 mots bordel.


Plein d'amour

Alggie

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