Chapitre III
« Tu seras toujours Ilona, Violette. »
Encore ce rêve. Il est 4H09 et je suis encore une fois entrain de boire une tisane à la camomille dans la cuisine. Joshua n'est pas là ( il dort chez Emilie) si bien que je me sens seule, ici, au milieu d'un appartement en bordel en plein milieu de Paris. C'est triste. J'hésite un moment à aller me bourrer la gueule dans le bar en bas de l'immeuble, mais je ne veux pas me réveiller avec une gueule de bois demain matin. Alors j'attend, j'allume la télévision, regarde un film, l'éteint, prend une douche, un bain, me fais des pâtes, les mange, retourne me coucher, me relève, décongèle une pizza et l'engloutit, et puis, après ce qui me semble quelques secondes, j'entend enfin la porte d'entrée se claquer. C'est Joshua.
« Violette tu ne le croiras jamais ! il entre dans la cuisine, un journal quotidien à la main, J'ai croisé Lau- mon dieu Violette ! As-tu dormi cette nuit ? » Il lâche son journal et se rapproche rapidement de moi, pose une main sur ma joue, l'autre dans mes cheveux « Ces cernes Violette ! Ces cernes ! C'est encore ton rêve qui t'a réveillé c'est ça ? Tu ne voulais plus dormir après ?! » Il jette un regard au comptoir sur lequel sont entreposés assiette de pâtes au fromage à moitié mangées, boites de pizza vides et paquets de gâteaux « Je n'ai même pas envie de savoir ce que toute cette malbouffe fait dans notre appartement chérie. » Il s'écarte maintenant de moi et me traîne jusque dans la salle de bain, je demande : « Qu'est-ce-que tu fais ? », Joshua me dit de me taire et ouvre un tiroir puis y attrape un tube rose. Il m'ordonne : « Ferme les yeux » Il met son index sur mon menton et, applique un peu de crème sous mes yeux. J'ai la sensation qu'on vient de me poser un glaçon sur les cernes et comprend vite pourquoi lorsque (enfin) Joshua m'autorise à réouvrir les yeux : crème anti-fatigue - sensation fraîcheur.
« Dis-moi Violette, chez qui étais-tu hier soir ? » Je repense soudainement à Harry alors que Joshua se lave les mains (c'est pratique d'avoir un lavabo dans une salle de bain (nda : Ne me demandez pas pourquoi c'est ici)). Je ne lui ai pas parlé d'Harry, je n'ai pas eu le temps à vrai dire, je suis rentrée tard hier. « Tu étais chez Charles ? Si oui, avez-vous fait des bébés ? » Je hoquète de surprise et frappe mon colocataire dans le dos « Jo ! » Il hausse les épaules et me prend la main avant de m'emmener dans ma chambre. Nous nous asseyons sur le lit défait, Joshua observe mes vêtements d'hier posés en tas sur le sol et je jette un coup d'oeil à l'horloge pendue au mur : 10h02, déjà ? Joshua continue : « Sérieusement, t'étais où ? Tu ne rentres pas si tard d'habitude. » Il m'observe longuement alors que je m'explique : « Et bien, j'étais chez le gars qui m'a appelé Ilona. », mon colocataire affiche une mine dubitative et se gratte le haut de la tête « Et qu'est-ce-que tu faisais chez lui ? » Oh on a bu un thé et puis je lui ai rappelé des mauvais souvenirs alors j'ai voulu partir et il m'a dit de rester mais en fait je suis partie mais je veux y retourner aujourd'hui parce que 1. Il me l'a demandé et 2. J'en ai juste envie. « Je voulais savoir qui était Ilona. Jo hausse un sourcil, je sais bien que je ne rêve pas de la même Ilona mais ça m'a juste... perturbée...En plus Harry est- » « C'est son prénom ? » « Oui, donc, euh...Harry...ah oui ! Harry est de Bordeaux, comme moi ! » Joshua prend un air faussement enjoué « Mais c'est merveilleux Violette ! il fait des grands gestes avec ses bras, ça veut dire que vous êtes fait pour être ensemble ! il prend un ton moqueur, ah mais attends, Charles habite à Paris ! Comme qui ? il pose son index sur mon ventre, comme toi ! Donc lui aussi est ton âme soeur ! » Je le pousse brutalement de mon lit, un peu déçue de sa réaction, je n'aime pas quand Joshua se moque de moi et il le sait alors quand je m'en vais dans le salon pour récupérer ma veste, il m'appelle et me demande de revenir.
Je l'entend pester derrière moi pendant que je prépare mes affaires (clés de l'appartement-un bouquin-mon portable-un billet de vingt) et me dirige vers la porte. Lorsque je tourne la poignée pour m'évader de la « maison familiale », je sens les bras relativement mous de Joshua envelopper ma taille, il pose sa tête dans mon cou déjà recouvert d'un foulard, et entame d'une petite voix mignonne : « Je suis désolé Violette. C'est juste que ne pas te voir hier, ça m'a inquiété et le fait qu'en plus tu sois chez un autre garçon que Charles, cette fois il rigole et moi aussi, m'a clairement dérangé ! » Je me retourne vers lui et lui offre un sourire amical, maintenant c'est à mon tour de lui présenter mes excuses : « Et moi je suis désolée d'avoir mal pris le fait que tu te, je fais des guillemets avec mes doigts, « moques » d'Harry. Je ne sais même pas pourquoi j'ai réagis comme ça, je l'ai rencontré il y a seulement quatre jours, ce n'est pas comme si on était amis. »
Joshua acquiesce et me regarde fermer les boutons de ma veste « Tu vas chez Harry ? » « Oui. » Je m'apprête à fermer la porte lorsque je lâche d'une voix moqueuse : « Je serai de retour avant minuit, papa. » Je suis certaine de l'avoir entendu jurer alors que je sortais de l'appartement.
*
Ca fait exactement 4 minutes et 38 (39 maintenant) secondes que je suis devant la porte de l'appartement d'Harry. Une belle porte grise, blindée, dotée d'un judas et d'une poignée en aluminium : oui, vous avez bien entendu, c'est une porte ! Bon, ok, je l'avoue, j'ai un peu peur de sonner chez lui parce que de 1. Je ne sais toujours pas si c'est un psychopathe, de 2. il n'est peut-être pas chez lui (Ce n'est pas une excuse valable, je sais) et de 3. merde, qu'est-ce-que je vais lui dire ?
Je continue à regarder fixement la porte de l'appartement lorsque celle ci s'ouvre brusquement, m'offrant la vue sur un Harry en chemise blanche (miam) prêt à me rentrer dedans tellement ses gestes sont rapides.
« Oh..salut Violette. » Ses cheveux sont mouillés et sa voix est plus rauque que d'habitude, je crois qu'il vient de se lever. « Je..je passais juste pour...en fait je ne sais pas mais tu m'as demandé de passer alors... » je jure contre moi-même, je dis vraiment des trucs stupides parfois. Harry ferme sa porte à clé, pose une de ses mains dans mon dos (oui oui) et m'entraîne dans l'ascenseur avant de commencer à parler : « Je dois aller au boulot actuellement mais tu peux m'accompagner sur le chemin, c'est juste à côté. On pourrait parler comme ça. » Il appuie fermement sur le bouton rez-de-chaussée, la grosse boîte de ferraille ferme alors ses portes. « Je ne veux pas te déranger Harry. » Je ne veux pas te déranger mais, pour une raison qui m'échappe, j'ai très envie de t'enlever ta chemise, là, maintenant. « Si tu me dérangeais Violette, je ne te l'aurais pas proposé, on sort de l'ascenseur, allez, dépêches-toi, je vais être en retard ! » Nous débutons notre marche, sa main toujours contre mon dos.
Dehors, il fait si froid que je suis obligée de frotter mes deux mains gelées entre elles en leur soufflant dessus, ce qui fait échapper un rire au brun à côté de moi : « Il ne fait pas si froid tu sais ! Il doit faire...il regarde le ciel et compte sur ses doigts, 10°C ! Il se tourne d'un coup vers moi, les yeux rieurs, tu sais qui était aussi frileuse que toi ? sa voix est tout à coup plus joviale, il paraît plus heureux, Ilona ! Ouais putain, elle sortait jamais sans des bottes fou-... » Son expression change tout à coup : il ne sourit plus, ses fossettes se sont effacées de ses joues, comme envolées, je crois que...je crois que cette Ilona lui manque. Je lui frotte le dos. Je ne sais pas ce qu'il s'est passé mais j'ai..l'impression que ça peut le réconforter, que c'est nécessaire. « Est-ce-que..est-ce-que ça va Harry ? » Il hoche doucement la tête, les yeux dans le vide. On reprend notre marche.
Harry brise le silence lorsque l'on arrive devant un grand immeuble de verre que j'imagine être l'entreprise dans laquelle il travaille : « Excuse-moi, j'ai cassé l'ambiance tout à l'heure. » Il se place devant moi et plante ses yeux verts dans les miens alors que j'enchaîne d'une voix qui se veut compréhensive : « C'est pas grave. Tu es sûre que tu veux continuer à me voir ? J'ai l'impression de toujours te rappeler de mauvais souvenirs. » Je remet soigneusement son col de chemise en place, j'ai comme l'impression qu'il faut que je le fasse, vraiment. « J'aime bien passer du temps avec toi Violette. » Je me met à sourire. Il rompt alors notre contact physique (mon bras était posé sur son épaule droite) et s'approche des portes automatiques, nos regards sont toujours scellés l'un dans l'autre. « Je finis à 18h00 aujourd'hui, attend moi ici. » Il pointe du doigt mon emplacement. Je lâche : « J'y serai. » Et il va enfin au boulot.
Heureusement que moi, je ne travaille pas aujourd'hui.
*
6 heures et 38 minutes : voila le temps exact qu'il me reste avant de devoir aller chercher Harry. De là où je suis (un bistrot dans le vingtième arrondissement), il me faut 18 minutes pour me rendre au boulot du bouclé (à pied et d'après le GPS de mon portable). Il me reste donc 6 heures et 20 minutes à combler, sans rentrer à l'appartement.
Bon, je commence par commander un thé au citron (absolument délicieux) et une part de crumble aux pommes (si bonne que j'en reprend une deuxième). Plus que 5 heures et 55 minutes, parfait ! J'ai le temps de voir deux films au cinéma du coin (ou, si j'avais été motivée, d'aller prendre rendez-vous avec un psychologue (évidemment, le fait de prendre rendez-vous ne m'aurait pas pris autant de temps mais j'aurais pu passer mes 5 heures restantes à feuilleter des magasines dans la salle d'attente)). Je décide donc d'aller voir : « Un, deux, toi, nous » & « Qui pioche l'empoche ». Effectivement, ce sont deux comédies romantiques aussi dégoulinantes d'amour qu'un golden retriever.
3 heures et 45 minutes plus tard, je sors de la salle sombre de cinéma le ventre plein à ras bord (j'ai peut-être un peu abusé sur le pop-corn...) et les yeux larmoyants (pourquoi a-t-elle choisi de tuer Nick ? Il l'avait juste trompé....!). Bref, une séance de cinéma relativement...normale. Plus que 2 heures et 10 minutes de temps libre.
Après un quart d'heure de marche dans Paris, j'arrive au beau milieu d'un parc et m'installe sur un des bancs de bois entreposé autour de ce qui me semble être un potager (il y a des arbres fruitiers). Je contemple le paysage : le ciel, les fleurs, les gens autour de moi... il y a d'ailleurs deux enfants qui retiennent mon attention : un garçon à peine plus haut que trois pommes avec des cheveux tout bouclés et une petite fille aux yeux et aux cheveux bruns. Ils jouent au ballon et rient ensembles, lorsqu'un des deux jeunes ne parvient pas à rattraper la balle qu'ils se lancent, l'autre rit aux éclats, les cheveux virevoltant dans le vent. Je les regarde avec tant d'intérêt que je peux remarquer que quand ils arrivent à agripper la balle de leurs petites mains, ils se servent dans un paquet de gâteau enfoncé dans le sac à dos violet du petit garçon.
Je crois qu'ils ont remarqué que je les observais car ils me jettent des coups d'oeil régulièrement. J'essaye donc de ne pas trop les fixer (je ne veux pas leur faire peur), mais c'est trop tentant, presque irrésistible, j'ai l'impression d'avoir moi-même vécu ces moments avec un autre petit garçon.
Mais c'est bien évidemment irréel, je le saurais.
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