Chapitre II

« Il faut que tu vois un psy Violette. » Joshua me regarde tendrement, remuant son thé avec une cuillère Bambi (je lui ai offert pour son anniversaire). Je viens de rentrer du bar, je me suis enfuie lorsque l'homme a continué de me parler et je me suis mise à pleurer dans la rue, sans vraiment savoir pourquoi. « Je sais que tu n'aimes pas ça mais... d'après ce que tu me racontes, ce qu'il s'est passé est vraiment bizarre...Je...je ne pense pas que tes rêves soient dus au hasard.. »

« Je sais. » Je murmure avant d'avaler une gorgée de tisane à la camomille. Joshua se met alors à parler d'une voix enjouée : « Bon, on va se changer les idées, hein ? j'acquiesce Et si tu me parlais du client de la librairie...Charles ? » Je sourie à Joshua et entame mon histoire : « Et bien il m'a donné son numéro et m'a dit de l'appeler si je ne sais pas quoi lire... ». Joshua s'assoit sur un des tabourets autour de l'ilot central et me regarde longuement, le poing de sa main droite sur son menton : « Il était comment ? Physiquement je veux dire.» « Plutôt...plutôt pas mal... grand, châtain, yeux bleus, oui...vraiment pas mal. Et en plus, il avait l'air intelligent et gentil. ». Joshua esquisse une moue moqueuse et se met à rire : « Tu ferais bien de l'appeler ! Je sens que ma Violette n'est plus célibataire pour longtemps ! » Je lui tape doucement l'épaule « Roh ! Arrête de rire Jo ! »

*

Lorsque j'arrive à la librairie avec 15 minutes de retard (mon bus a oublié de passer le seul jour où je devais le prendre), Charles est déjà devant la grande porte en bois qui affiche les horaires (oops). Je me dépêche d'ouvrir la boutique tandis que le châtain à côté de moi entame la conversation : « Alors...tu ne m'as pas appelé... » Je remet un peu d'ordre sur les étagères et sur le bureau alors qu'il me suit (j'entend le bruit de ses baskets sur le parquet) « Ouais...non... En fait j'ai pas vraiment eu le temps. » On s'est vus il y a deux jours, j'ai eu d'autres choses à faire mec. Charles continue d'une voix suave, toujours collé à moi : « Donc...hum...ça te dirait d'aller boire un café avec moi un de ces jours...tu sais pour...faire connaissance ? » Je me retourne brusquement vers lui, merde, il est vraiment mignon les cheveux en bataille. Il faudrait que je prenne une photo pour l'envoyer à Joshua. Je bafouille : « Oh ouais... Oui carrément. » Je lui souris et il a l'air plutôt fier de lui. « Alors, on peut se dire...il se gratte la tête, demain 18H00 devant le café là-bas ? » Il pointe du doigt le café juste en face de la librairie alors que j'acquiesce, un grand sourire plaqué aux lèvres. « Alors on se voit demain ? » Il demande, attrapant un vieux livre tout en haut d'une des nombreuses étagères de la boutique. « Oui, bien sûr. »

Il me pose ensuite des questions sur des livres qui viennent tout juste de sortir, je remarque que lorsqu'il parle, ses lèvres bougent tout doucement, c'est vraiment...vraiment beau, on dirait un ballet. Il reste plus d'une heure dans la boutique, heure durant laquelle il m'a aidé à nettoyer et ranger la librairie. Je suis donc maintenant seule dans la boutique et tout le travail est fait, je décide donc de m'installer dans un des fauteuils du coin lecture pour lire un peu (je suis dans une librairie, y'a rien de mal à ça, non ?).

« Hum...Bonjour ? » Je lève la tête, un jeune homme est devant moi, je ne l'ai pas entendu rentrer, merde j'étais vraiment à fond dans ce livre. Je me lève et prend le temps d'observer le cli...c'est l'homme du bar, celui qui m'a appelé Ilona. « Vous avez besoin d'un conseil ? » Je fais comme si je ne l'avais pas reconnu, après tout, il a juste pensé que j'étais quelqu'un d'autre, ça n'a rien à voir avec mes rêves. « Non. » Sa voix est si froide que je me gèle sur place (nda : avouez c'est drôle...) « Non, en fait, je...et bien... Vous ressemblez vraiment à la fille avec qui je vous ai confondu, vous savez...Ilona, il prononce ce prénom d'un ton détaché presque insensible, et...et vous avez la même voix...Vous êtes sure que...ce n'est pas vous ? » Un peu mon neveu ! Je sais qui je suis merci. « Vous m'avez suivie ? Comment savez-vous que je travaille ici ? » Il semble étonné de ma réaction et pince ses deux lèvres ensemble, putain de merde, lui aussi il est canon. « Je...non..enfin...c'est juste que ma..ma Ilona adorait lire et j'étais entrain de me balader quand j'ai vu cette librairie et... » Je le coupe : « Et j'étais dedans alors vous vous êtes dit : Et si j'allais voir cette fille qui est le sosie d'une autre. » « Ca semble bizarre mais c'est exact, je suis vraiment désolé du dérangement, c'est juste que votre visage est si...similaire à celui de...d'Ilona. » Il remet ses longs cheveux bruns en ordre alors que je prend une voix plus douce « Vous pourrez dire à cette fille que vous avez rencontré son sosie. J'imagine que ça la fera rire. » Il change soudainement d'attitude, ses yeux verts s'assombrissent, il fronce les sourcils et je sens que les muscles de ses bras se contractent sous sa chemise. Il semble tout à coup se reprendre et arbore de nouveau une expression neutre. « Je suis encore une fois vraiment désolé, je ne vous dérangerai plus mademoiselle. »

Il s'engage vers la sortie d'un pas déterminé, lorsqu'il atteint le seuil de la porte, je l'arrête : « Attendez ! » Le jeune homme se retourne et je peux voir qu'il sourie de toutes ses dents (je craque un peu à ce moment-là, c'est vrai) « Peut-être...peut-être qu'on pourrait parler de tout ça dans un endroit plus tranquille. » Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui propose ça, il n'y a rien à dire toute façon : Hey en fait je fais des rêves bizarres dans lesquels un mec bizarre m'appelle Ilona et apparement je ressemble bizarrement à une certaine Ilona. C'est vraiment bizarre, non ? Pourquoi t'es parti ? Apparement toi aussi tu connais une Ilona ! 

« Avec joie. » Il se rapproche et me donne son adresse ainsi que son numéro de portable « Passez me voir un de ces soirs. » Il me sourit et s'en va.

Et bien, j'ai décroché deux « rendez-vous » en une journée, que se passe-t-il ?

*

« J'aurais jamais pensé que tu travaillais dans une boutique bio. » J'avale à une vitesse folle le reste de mon jus d'orange pressé. Charles est devant moi, depuis le début de notre « rendez-vous » il n'arrête pas de me draguer. Je ne sais pas si c'est agaçant ou amusant. « C'est parce que j'ai pas le look bobo ? » Il a un ton rieur, ok ok, il est vraiment chou quand il rigole, on dirait un petit agneau. Je dis, un peu gênée : « Non,non, c'est juste que...je sais pas en fait. »

« Alors dis-moi Violette, qu'est-ce-que tu aimes dans la vie ? » Il hausse les sourcils et fait une bouche en cul de poule (je crois qu'il essaie d'imiter les comtesses lorsqu'elles discutent de la pluie et du beau temps) : je me met immédiatement à rire comme une vache. « Et bien...je glousse...et bien j'adore lire, boire du thé et... prendre des photos ? » Charles pose une main sur mon épaule en prenant une moue dramatique : « Pauvre fille...ne connaissez donc vous pas la technologie ? » Nous nous mettons à rire une fois de plus et je manque de lui cracher dessus les miettes du gâteau au miel que je suis entrain de manger. « Et toi ? » Je demande. « Oh gente dame...j'aime..il compte sur ses doigts, lire, le cinéma et les filles qui s'appellent Violette et, il pose une main sur son coeur et prend une voix aiguë, qui aiment lire, boire et du thé et...prendre des photos ? » Je le pousse amicalement avec ma main gauche : « Charles...t'as vraiment un problème ! » « Oh madame ! Ce sont vos beaux yeux qui m'empêchent de penser normalement ! » Il attrape sa tasse de café en levant le petit doigt comme une reine, c'est adorable. « Est-ce-que ça te dirait d'aller au cinéma vendredi prochain ? On pourrait aller au restaurant après. Et...comme je suis un mec sympa, je paierai ton repas...sauf si tu prends du homard et de l'entrecôte ! » Il dit ça d'un ton rieur alors qu'une fois de plus, je manque de m'étouffer avec mon deuxième jus d'orange, « Est-ce encore une technique pourrie pour m'inviter à un rendez-vous galant ? », cette fois Charles ne rie pas, il esquisse seulement un sourire enfantin « Encore ? Je ne fais la cour qu'une seule fois mademoiselle, personne ne me résiste. » « Mais c'est évident mon cher, que suis-je bête. » et on se remet à rire.

*

Le lendemain, après une journée de boulot relativement courte et agréable, je décide de passer chez...ouais bon, le mec qui m'a appelé Ilona (je ne sais toujours pas son prénom). Il est déjà tard et le vent glace mon corps tout entier, si bien que j'ai envie de me recouvrir d'une de ses grandes capes de fourrure qu'a Paris Hilton. Heureusement, l'appartement du bouclé (avais-je précisé que cet homme avait des bouclettes sur le crâne ?) n'est pas trop loin et je suis vite dans l'ascenseur d'un immeuble moderne à côté d'une vieille dame (et non, elle ne m'a pas parlé de ses petits-enfants, elle m'a plutôt snobée).

Ca y est, je suis devant l'appartement 9B, droite comme un i, hésitante à l'idée de sonner chez un inconnu, il va peut-être me faire du mal ? Peut-être qu'il ne connait pas d'Ilona et que c'est juste un moyen de m'amener chez lui ? C'est surement un psychopathe, il faut que je m'en aille. Non. Non j'ai envie de savoir qui est Ilona. Je ne sais même pas pourquoi d'ailleurs, ça ne me servirait à rien, l'Ilona du jeune homme n'est pas celle de mes rêves, c'est évident, alors je sonne (parfois je fais des choses un peu stupides).

Il m'ouvre. Il est en pyjama Cars et se lave les dents, c'est bizarre, on dirait qu'il va se coucher alors qu'il n'est que 19h00. Je crois qu'il est étonné de me voir parce qu'il enlève la brosse à dent de sa bouche d'un air : Oops, j'étais pas prêt pour ça. Il m'invite à entrer (sans parler : il finit de se brosser les dents) et me montre le canapé gris juste à gauche de la porte. Je m'installe alors qu'il va dans ce qu'il me semble être une salle de bain pour se rincer la bouche.

« Je ne pensais pas vous revoir aussi vite, ce qui explique ma...tenue. » Il désigne les voitures personnifiés sur son pantalon de coton avec un sourire idiot. « Vous voulez boire quelque chose ? J'ai du coca, de l'eau, du jus d'orange, du thé et de la bière. » Il s'approche de la cuisine, à l'opposé du canapé alors que je demande un earl grey. « Au fait, comment vous appelez-vous ? » Il me demande, le regard concentré sur la bouilloire qui siffle doucement. « Violette, et vous ? » Le bouclé s'assoit sur le canapé et pose deux tasses fumantes sur la table basse blanche, je me surprend à penser : ce n'est peut-être pas un earl grey, peut-être qu'il a mit du GHB dans de l'eau chaude.. « Harry » Harry Harry Harry, ça sonne bien, ça s'accorde bien à ses yeux verts et ses boucles chocolat, ouai, ça renforce carrément son côté bombe sexuelle. « On peut se tutoyer ? » Je hoche la tête positivement tout en amenant mon thé à ma bouche (si je dois me faire violer, autant que je sois inconsciente).

« Alors...tu...tu la connais d'où cette Ilona ? » C'est moi qui parle la première ; il semble surpris de ma question, j'ai dis une bêtise ? « Et toi ? Pourquoi tu as réagis aussi bizarrement quand je t'ai appelé...Ilona ? » « Est-ce-que ça te fait du mal de prononcer ce prénom ? » Je surenchérit alors qu'il se rapproche de moi, collant son genou au mien, il continue : « Vas-tu continuer à répondre à mes questions par des questions ? » Il est si près que je peux voir le minuscule grain de beauté qu'il a en haut du front « Le veux-tu ? » Ma voix est basse, je murmure presque. Personne ne craque. Il ne me dévoile pas qui est Ilona et je ne lui dis pas que je fais des rêves bizarres qui n'ont probablement rien à voir. J'imagine que c'est normal, Harry et moi nous connaissons depuis seulement 3 jours à cause d'un stupide prénom (et en plus je ne sais toujours pas si il a foutu du GHB dans mon thé).

« Ca fait longtemps que tu habites à Paris ? » Je brise le silence (qui n'était pas si silencieux que ça étant donné que le chat de la voisine n'arrêtait pas de miauler). « 2 mois. Je suis de Bordeaux. » « Oh ! Moi aussi ! » Je crie presque, je ne sais pas pourquoi mais rien que l'idée d'avoir peut-être déjà croisé Harry quand j'étais plus jeune m'excite. « Et toi ? Tu es arrivée ici il y a longtemps ? » Il me demande, ses yeux verts ancrés dans les miens « Ca fera quatre ans le 19 septembre. » Tac, boum, le bruit du verre qui se fracasse contre le sol, Harry qui se lève furtivement, Harry qui s'excuse, Harry qui pose se mains contre ses paupières, moi, qui ne sait pas ce qui se passe ou ce qu'il faut faire.

Plusieurs minutes se passent, il se tient debout devant moi et réfléchit, j'ai l'impression qu'il essaye de se retenir de pleurer : « Je...je suis désolé Violette, j'ai juste..repensé à un truc stupide et sans intérêt, j'espère que je ne t'ai pas fais mal lorsque la tasse a explosé.. » Il ramasse le verre sur le tapis et enlève le reste du thé noir à l'aide d'une feuille de sopalin tandis que je le regarde : je ne sais pas quoi dire. « Je...je vais partir, j'imagine que tu n'as pas envie que je sois là si ce que je dis te rappelle de mauvais souvenirs... » Je porte ma tasse vide jusqu'à la cuisine alors qu'Harry passe nerveusement la main dans ses cheveux « Bon sang Violette, le simple fait que tu ressembles à Ilona me rappelle de mauvais souvenirs, ce n'est pas pour autant que je veux que tu partes. » Je me racle la gorge, ce mec est pas bien. Je lui fais penser à des trucs qu'il (à mon avis) préfèrerait oublier et pourtant il veut que je passe du temps avec lui ? « Non..non, je pense que c'est mieux si je m'en vais.. » Le bouclé se rapproche dangereusement de moi, je peux sentir sa chaleur contre mon corps, il pose ses mains de part et d'autre de ma tête, contre le mur, merde, qu'est-ce-que je fais adossée contre ce mur ? Je crois qu'il se rend compte de notre proximité parce qu'il recule, le regard penaud, il enlève ses mains et nos visages sont maintenant à une distance normale. Une éternité se passe, il fixe mon cou, je fixe le sien, puis il lâche dans un souffle : « Pars aujourd'hui mais reviens demain. »

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